Continuer la route

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Lecture biblique : Lettre aux Hébreux 12.1-13

Méditons un extrait de la lettre aux Hébreux, ainsi appelée car elle s’adresse à des chrétiens d’origine juive. Elle a été écrite pour encourager ces chrétiens tentés de revenir à leur pratique religieuse juive, soit par habitude, soit à cause de la persécution notamment par les Juifs qui considéraient les chrétiens comme des hérétiques. L’auteur veut encourager ces chrétiens à tenir ferme dans la foi, à persévérer avec le Christ, sur le chemin de salut qu’il a ouvert pour nous, malgré les difficultés. Avant notre passage, il rappelle l’œuvre unique et inégalable du Christ en notre faveur, ainsi que le témoignage des anciens dans la foi que sont Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, David etc.

Lettre aux chrétiens découragés… lettre aux chrétiens qui sont à terre, qui trébuchent, qui boitent, aux chrétiens essoufflés, désespérés, incapables de faire un pas de plus… Un peu comme ces enfants qui butent sur un énième caillou et peinent à se relever. La lettre aux Hébreux veut encourager les chrétiens tentés d’abandonner la foi face aux difficultés et les inviter à se relever et à continuer la route avec Dieu. Mais je crois qu’elle veut aussi encourager ceux qui marchent à bonne allure, encore tout frais au début du chemin, ou moins rapides mais installés dans un rythme de croisière.

Pour nous encourager, ce texte donne deux images, que je vais simplement reprendre : la vie chrétienne est une épreuve sportive, et une éducation.

1)   La vie chrétienne, une course tout-terrain

Dans la catégorie des épreuves sportives, la vie chrétienne n’est pas une balade le long du Canal du Midi… C’est plutôt un cross tout-terrain avec de beaux et faciles passages en clairière ensoleillée, mais aussi des côtes, des zones boueuses, des troncs qui nous barrent la route…

Un courant est un peu à la mode aujourd’hui, en France notamment, la théologie de la prospérité, ou théologie de l’abondance. Ce courant affirme que la vie avec Dieu est une balade sur le canal, parce que Dieu bénit le croyant, c’est-à-dire qu’il lui donne en abondance tout ce qui peut le rendre heureux : la santé – le chrétien n’est jamais malade ou toujours guéri, la réussite – les portes s’ouvrent devant l’enfant de Dieu ! il trouve du travail, il trouve l’âme sœur ! –, l’argent bien sûr – le vrai croyant est riche. On trouve cette façon de penser dans certaines églises, sur internet dans des prédications, ou de façon édulcorée, dans des petits slogans qui donnent l’impression que tout ira bien si on est chrétien, dans des livres d’encouragement, dans certains chants de louange. Tout ira bien si on est chrétien : le travail, la santé, le couple, la famille, la foi…

Comme tout ce qui est pernicieux, cette théologie a du vrai : elle s’appuie sur les promesses de l’A.T. qui rappellent que Dieu veut nous bénir complètement, dans toute notre personne, dans notre corps, notre âme, nos relations, notre travail… Elle s’appuie aussi sur la victoire de Pâques : Jésus est ressuscité, il a vaincu la mort, il a triomphé du péché, et par son Esprit il nous libère de cette mort et de ce péché, il nous offre une vie abondante en quantité et en qualité.

Le problème de cette façon de voir la vie chrétienne, c’est qu’elle occulte deux choses :

1) la victoire du Christ a été obtenue à la Croix, au terme d’un chemin d’humilité et de renoncement – Jésus est né dans une étable, a vécu simplement, est mort dans la honte, est ressuscité à l’abri des regards. Il n’a pas écrasé ses ennemis à la façon d’un Jules César. La victoire du Christ, elle commence à la croix. Même si son œuvre est unique, la manière dont Jésus a vécu nous donne un modèle à suivre : le Christ a marché sur un chemin étroit, escarpé, accidenté. Comment les disciples auraient-ils une vie différente de celle de leur maître ?

2) Nous sommes dans un entre-deux : le Christ est ressuscité, le mal a été vaincu officiellement, mais… il continue sur le terrain. A l’Ascension, Jésus est remonté victorieux auprès de Dieu le Père, il est retourné au QG, et à la Pentecôte il a envoyé l’Esprit qui nous aide sur le terrain, qui nous donne force et sagesse pour tous les jours. Mais le mal demeure, la souffrance demeure, le péché demeure (et d’abord en nous) ; nous n’avons pour l’instant qu’un acompte de la vie libre et bonne, du salut que Dieu nous offre en Jésus.

Que veut dire être enfant de Dieu ?   Être enfant de Dieu, c’est vivre à la lumière de Dieu, connaître son amour, son pardon, sa paix, mais c’est vivre tout cela dans l’obscurité aujourd’hui. Ce qui veut dire que, même si la lumière de Dieu l’éclaire, notre vie reste marquée par l’obscurité tant que le Christ n’est pas revenu.

Alors ne nous attendons pas à une vie en rose, à une vie facile, à une course à plat : nous marchons à la suite du Christ, sur un chemin étroit et difficile.

2)   La vie chrétienne, une discipline

Sur ce chemin étroit, le découragement nous guette. Les causes en sont nombreuses : l’opposition directe à notre foi, la pression d’un mode de vie incompatible avec les valeurs de Dieu et tente de dévier du chemin,    les coups durs de la vie (problèmes de santé, perte d’un emploi, deuil). En toile de fond, jamais très loin, le péché qui nous colle à la peau, qui nous colle à l’âme, les vieilles habitudes, les vieux réflexes, les priorités mal placées, les motivations pas claires, l’orgueil et le mépris, la peur et le doute… Tout ce qui nous encombre et nous empêche de suivre Dieu.

Le texte nous invite à considérer ces difficultés comme une discipline pour aller loin. Notre vie ici-bas est une éducation : Dieu nous forme et nous transforme pour nous rendre de plus en plus proches de lui, de plus en plus ressemblants au Christ. Le texte reprend l’image du parent qui élève son enfant : Dieu est notre Père, et il nous forme pour faire de nous de belles personnes, des êtres de justice et de paix, généreux de l’amour reçu de Dieu. Il nous apprend à grandir dans notre foi, notre confiance, notre sainteté.

Qui aime bien châtie bien. Aujourd’hui c’est plutôt mal vu, car on aime à privilégier dans l’éducation ce qui positif, force de proposition, constructif.

Toutefois, il me semble que toute éducation comporte deux pendants. Il y a ce que l’on donne à l’enfant, positivement, pour le faire grandir : la nourriture, les soins, la tendresse, l’attention, l’instruction, les récompenses etc. Il y a aussi un pendant moins agréable mais tout aussi nécessaire : les limites, les corrections, les punitions. Vous connaissez peut-être des enfants qui n’ont reçu que la première partie : en général on les fuit… Ce sont des enfants gâtés, pourris, souvent égoïstes et aveugles à autrui.

On peut avoir une réaction allergique, épidermique, à l’idée que Dieu, notre Père, nous châtie, souvent à cause d’une éducation abusive. D’abord, toute éducation comporte des dons et des corrections ; si le texte ici se concentre sur les corrections, c’est qu’on se décourage rarement face aux dons ! N’oublions pas que le but du texte est d’encourager ceux qui flanchent. Dieu s’il nous châtie, nous donne aussi, et souvent bien plus qu’il ne punit. Une éducation basée uniquement sur les réprimandes, sans encouragement positif, n’est absolument pas le modèle que Dieu suit avec nous !

Ensuite, Dieu corrige, mais toujours pour notre bien absolu – à la différence des parents humains qui, malgré de bonnes intentions, peuvent se tromper : la lettre dit bien « nos parents nous corrigeaient selon leurs idées à eux » (v.10). Dieu n’imite pas nos parents ! C’est le père, la mère qui ressemblent, imparfaitement et de loin, à Dieu, le Père parfait, plein d’amour, parfaitement juste et bon.

Nos épreuves, nos difficultés, sont non seulement le signe que nous vivons dans un monde abîmé – nous sommes nous-mêmes bien boiteux – mais peuvent également témoigner de l’attention de Dieu envers nous. En effet, nos épreuves ne signifient pas que Dieu nous a abandonnés, ni que Dieu nous en veut. Si Dieu tolère ce qui nous arrive, c’est qu’il pense que ça peut être pour nous l’occasion de grandir. Je pense là au fameux « Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (Romains 8.28) : certains le comprennent comme « tout est facile aux enfants de Dieu » – ce qui me paraît difficile à tenir quand on voit la vie des chrétiens ici comme ailleurs. J’en suis personnellement venue à le comprendre comme « Tout peut être occasion pour l’enfant de Dieu de grandir en amour et en vérité, en justice et en paix ».

Tout ce qui arrive n’a pas forcément un sens en soi, déjà tout prêt, qu’il faudrait découvrir. Un cancer, un viol, la perte d’un enfant : ce ne sont pas des leçons que le Seigneur nous fait apprendre de force. Le plus souvent, le mal n’a pas de sens, notamment le mal subi. Ce que je crois, c’est qu’au cœur de ces sables mouvants, Dieu nous tend la main et nous relève. On y grandira en foi, en confiance, en renoncement, en douceur, humilité, gratuité, compassion… Avec Dieu, on peut apprendre de tout ce que nous vivons : il n’y a pas de fatalité qui nous laisserait pour mort, car il nous donne de pouvoir avancer malgré tout, il nous relève et il nous redonne un sens, une direction, un chemin. Toute chute est l’occasion de se relever, en saisissant la main de Dieu.

Enfin, l’implication de Dieu est inégale dans ce que nous vivons. La Bible affirme, et c’est logique, que Dieu déteste le mal – Dieu ne prend donc pas plaisir à nous éprouver, il n’est pas vicieux ou cruel ! Dieu œuvre activement à notre bien, mais il tolère le mal que nous supportons. Pour prendre un exemple imparfait : imaginez que votre enfant rentre de l’école en boitant. Il s’est battu, il est tombé et son genou est écorché. Est-ce que vous allez déclencher le branle-bas de combat pour faire exclure l’enfant qui a démarré la bagarre ? Pour différentes raisons, votre réaction face à la souffrance de votre enfant ne sera pas forcément ce que lui voudrait.

Conclusion 

Tout ce qui nous arrive n’est pas programmé dans un but précis, nos difficultés comme nos facilités pourraient nous détourner de l’objectif : vivre avec Dieu. Même si nous ne pouvons pas changer ce qui nous arrive, nous pouvons apprendre à le vivre avec Dieu, à voir comment lui nous aide à traverser les clairières et les marécages. Nous pouvons saisir chaque occasion pour laisser Dieu nous enseigner à devenir de meilleurs porteurs de l’image de Dieu, de plus en plus fidèles, de plus en plus précis, de plus en plus rayonnants. A devenir des ouvriers de paix, des artisans de miséricorde, des passeurs d’espoir, des témoins de foi. Avec un impact éternel. (diapo)

Quand nous sommes, ou que nous serons, empêtrés et découragés, regardons au Christ, qui nous précède sur ce chemin étroit. Regardons au Christ qui nous a réservé une place éternelle aux côtés de Dieu. Regardons au Père qui nous relève et nous remet en route. Et reprenons courage pour persévérer, avec la foule de tous les croyants.




Nouveau départ avec le Ressuscité

Lecture biblique: Jean 21.15-19

Il y a quelques semaines, Pierre reniait Jésus.

Pierre, le fougueux, disciple de la première heure ; Pierre, le croyant, qui proclame devant Jésus : « Tu as les paroles qui donnent la vie ! » ou encore « toi, tu es le Messie, l‘Envoyé de Dieu ! » ; Pierre, le témoin, qui a vu les miracles, les malades guéris, les pains multipliés, qui a lui-même marché sur l’eau à la rencontre de Jésus ; Pierre… Pierre a renié Jésus.

Oh Jésus le lui avait annoncé, quelques heures avant d’être arrêté : « Tu veux me suivre ? Tu dis que tu ferais tout pour moi, même donner ta vie ? Tu vas me renier, trois fois, ce soir même ». Et le soir même, alors que Jésus était conduit à son procès, Pierre a renié Jésus.

Et Jésus est mort.

Et puis est venue la nouvelle : la tombe est vide – les femmes l’ont vu, Pierre l’a vu, et d’autres encore. Et Jésus s’est montré, aux femmes, à des proches de Jésus, aux disciples. Jésus se montre encore, au lac de Tibériade, où Pierre et d’autres disciples cherchent à pêcher du poisson. La pêche est infructueuse, mais quand Jésus arrive, miracle, le filet se remplit à craquer. Revenus sur la berge, les disciples rejoignent Jésus qui leur offre à manger. Après le repas, Jésus prend Pierre à part – ce que je vous invite à lire à la fin de l’évangile de Jean 21.15-23.

1)   Le pardon total de Dieu

Ce qui saute aux yeux, dans ce dialogue entre Jésus et Pierre, c’est la répétition. Trois fois, Jésus demande si Pierre l’aime. Trois fois, comme les trois fois où, dans la cour de la maison où Jésus était détenu, Pierre a nié connaître Jésus, trahissant son Maître. Trois vagues successives qui viennent effacer, question après question, l’empreinte cuisante de la trahison de Pierre.

Pierre le sait bien, lui qui répond à Jésus avec humilité : « Pierre, est-ce que tu m’aimes ? » « Toi, tu sais que je t’aime ». On est loin des grandes déclarations passionnées, emportées, absolues (si tous t’abandonnaient, moi je resterais) ! « Pierre, m’aimes-tu plus que les autres ? », « Hum… toi tu sais », comme si Pierre ne pouvait plus s’appuyer sur sa fougue et son ressenti, face à ce Jésus qui sait toutes choses, qui avait annoncé sa mort, sa résurrection, le reniement de Pierre…

Deuxième fois : Jésus confirme. Troisième fois : Pierre est triste. Est-ce qu’il se demande si Jésus met en doute son amour pour lui ? Est-ce qu’il est honteux devant la référence à sa triple trahison ? « Toi tu sais toutes choses : tu connais l’amour que je te porte, tu en connais aussi les limites et les failles ; tu connais ma foi, comme tu connais mon incrédulité ! » Devant le regard perçant du Christ, Pierre reste disciple, mais il a conscience de son indignité fondamentale.

Par trois fois Jésus réagit à la réponse de Pierre : « prends soin de mes agneaux, conduis mes brebis » – autrement dit, « je te confie mon troupeau, la foule de ceux qui croient en moi ». L’attitude de Jésus est frappante, voire un peu illogique. Mettez-vous à sa place : un de vos proches collaborateurs, que vous avez sorti de son trou paumé, que vous avez côtoyé, formé, aimé pendant trois ans, cet ami a retourné sa veste quand il a cru que vous étiez un homme fini. Peut-être, dans votre grandeur d’âme, êtes-vous prêt à lui pardonner cette trahison… Mais lui confier votre entreprise ? Votre famille ? A ce lâche, ce traître ? Qu’est-ce qu’on pourrait tirer de bon de cet homme ?

Aujourd’hui on parle beaucoup de pardon dans notre société, de lâcher-prise : il ne faut pas garder nos rancunes, nos aigreurs, sous peine de risquer un ulcère ! Porter les lourdes valises de la colère ou du ressentiment n’apporte rien de bon, au contraire, on en a vite plein le dos : il faut tourner la page. Vivons légers, pardonnons ! Allons de l’avant ! Oublions le négatif et fixons nos regards sur l’horizon azur de la joie et de la sérénité !

C’est dans les magazines, dans les citations sur les réseaux sociaux, dans les livres – mais pas dans la Bible. En tout cas, pas comme ça. Jésus ressuscité s’approche de son élève défaillant et efface son ardoise, il efface le doute, la trahison, l’incrédulité. Cependant, Jésus ne se contente pas d’équilibrer les comptes et de faire table rase : il reconstruit quelque chose, il appelle à nouveau Pierre à le suivre (on prend le même et on recommence). En plus, il lui confie bien au-delà de ce que Pierre avait à gérer jusqu’à présent : prends soin de la foule des croyants, prends soin de ma famille.

Jésus nous montre comment Dieu pardonne : totalement. Jésus nous montre à qui Dieu donne son pardon : aux traîtres. Pas juste aux ignorants, aux faibles, aux pécheurs qui ont des circonstances atténuantes, non, aux traîtres. Aux fautifs, à ceux qui savaient et qui ont quand même échoué, à ceux qui n’ont pas d’excuse : à tous ceux-là, il tend la main, et il demande « m’aimes-tu ? » Non pas que notre amour pour Jésus compense les fautes passées, les chutes, notre infidélité ou nos doutes ! mais Jésus vient vers nous, nous relève et nous réinstalle dans notre relation avec lui, pour peu que nous saisissions sa main.

C’est à un homme brisé, peu fiable, étonnant mélange de fougue et de prétentions, de doutes et d’insécurité, que Jésus donne son pardon, que Jésus confie une mission de la plus haute importance : prends soin de ma famille. C’est typique de Dieu : devant notre incompétence, notre ignorance ou nos fautes même graves, il redonne des nouvelles chances – il l’a fait avec Moïse (un meurtrier), avec David (un adultère et un meurtrier), il le fait avec Pierre, avec Paul (un persécuteur, un terroriste), et il le fait avec nous. Nous ne sommes pas à la hauteur, mais Dieu, dans son amour que nous ne méritons pas, nous offre sans cesse de nouvelles chances, de nouvelles opportunités, son pardon et sa confiance. C’est ça la grâce : le pardon total de Dieu qui nous lave, vague après vague.

2)   Notre priorité : la relation avec Jésus

Jésus nous pardonne et nous libère de… nos péchés, nos fautes, nos trahisons. Mais il pardonne aussi pour… la vie avec lui, une vie différente, dont il faut tout apprendre. Dans cette vie nouvelle, la priorité, c’est la relation que nous avons avec Jésus. C’est l’amour que nous lui portons, qui nous attache à lui et nous permet de le suivre, de marcher dans ses pas, c’est ça qui fait la différence. La vie avec Dieu va nous conduire sur des pistes différentes : nous ne sommes pas tous Pierre, enseignant et évangéliste de l’Antiquité, nous ne sommes pas tous missionnaires, mais peu importe, nous sommes tous appelés à vivre avec Dieu, à recevoir les responsabilités qu’il nous confie et à les assumer d’une manière qui plaise à Dieu. Pour cela, les paroles spécifiques que Jésus adresse à Pierre nous donnent deux principes que nous pouvons nous approprier.

Prends soin de mon troupeau. Premièrement, nous suivons Jésus le Berger. Quelles que soient les responsabilités que Dieu nous confie, quels que soient les chemins où il nous conduit, c’est lui le maître, c’est lui le chef, et c’est ses projets que nous sommes appelés à mettre en œuvre et non pas le contraire. J’ai lu une fois cette réflexion qui a fait mouche : trop souvent, on demande à Dieu de bénir nos projets, alors qu’il faudrait nous demander comment nous pouvons servir Dieu, comment nous pouvons participer à son œuvre. Non pas s’engager sur un chemin et demander à Dieu de nous y suivre pour nous donner un coup de main (ou assurer le dépannage quand la panne arrive) mais veiller, par la prière, la méditation de la Bible qui nous imprègne de la mentalité de Dieu, par les discussions avec les autres, veiller à suivre Jésus en toutes circonstances.

Quand tu seras vieux, tu iras là où tu ne veux pas… Jésus annonçait par quelle mort Pierre allait glorifier Dieu. Deuxièmement, suivre Jésus le Crucifié. Jésus assortit son ordre de mission d’une remarque : c’est dans la faiblesse, la dépendance, voire le martyre, que Pierre va glorifier Dieu. Parole difficile à entendre, surtout pour Pierre, chez qui on devine, dans les premiers temps, une vision très précise de la réussite. Pendant une discussion avec Jésus, il reconnaît Jésus comme Messie, mais il refuse d’admettre qu’il doive mourir ! Quand Jésus se fait arrêter au jardin des Oliviers, Pierre dégaine et coupe l’oreille du soldat. Pourtant, après cette rencontre décisive avec Jésus, et des années de foi, de service, de méditation, Pierre écrit aux églises – les lettres que nous avons dans le NT, après celles de Paul – et leur rappelle que réussir sa vie avec Dieu ressemble parfois à un échec, quand les autres se moquent, nous calomnient, nous persécutent même !

Jésus l’avait dit avant de mourir : l’élève n’est pas plus grand que le maître. Celui qui suit Jésus passe par la même route, les mêmes portes. Certes, la mission de Jésus était unique, son identité aussi : lui seul a pu nous sauver, lui, le juste qui s’est livré pour les injustes, lui dont l’innocence a été offerte pour recouvrir notre culpabilité. Mais la manière dont il nous a obtenu le salut, les moyens qu’il a utilisés pour atteindre son but, le comportement qu’il a choisi, c’est le chemin qui nous attend aussi ! Ainsi, Pierre a souffert et est mort en martyr, subissant la violence et annonçant la paix. Si tous ne sont pas confrontés à de telles difficultés, cette prophétie de Jésus à Pierre nous rappelle que l’obéissance a un prix : suivre Jésus le Crucifié, c’est suivre le modèle d’amour de celui qui a triomphé dans la douceur et la faiblesse, de celui pour qui la paix est si importante qu’il a été prêt à subir toute violence, de celui qui a tout risqué, qui a donné sa vie, pour sauver ceux qu’il aime. Cette fidélité à Dieu, cette générosité, cet amour persistant, quoi qu’il en coûte, voilà ce que nous apprendrons auprès du Christ.

Conclusion

Alors ce texte nous fait entrer dans l’intimité de la relation entre Jésus et son disciple Pierre, mais il nous fait surtout voir le cœur de Dieu. Le Dieu que Jésus-Christ révèle est un Dieu qui pardonne, et qui pardonne jusqu’au bout, sans réserves, sans clauses secrètes. Il pardonne, il guérit, il relève – et il remet en route. Sur cette route, peu importe à part : suivre Jésus. Le suivre de toute notre attitude, dans toutes nos paroles et nos pensées, dans tous nos gestes ; le suivre avec humilité, avec reconnaissance, avec obéissance ; le suivre du fond du cœur, dans la foi et l’amour. Jour après jour, défaillants, fougueux ou pleins de doutes, jour après jour le Christ nous appelle, nous renouvelle sa grâce et son pardon. Là, nous apprendrons à lui ressembler, nous apprendrons à pardonner comme nous avons été pardonnés, à aimer comme nous avons été aimés… Osons le suivre ! Osons faire confiance à celui qui a vaincu la mort et le mal, au Ressuscité débordant de puissance et d’amour !




La souffrance: au coeur de la mission du Christ

Lecture biblique : Esaïe 52.13-52.12

Un enfant naît. Une étoile paraît. Adulte, il se met à parcourir son pays. On dit qu’il fait des miracles, qu’il est plein de sagesse, on dit qu’il parle à tous – il est mis à mort, condamné par les responsables religieux, condamné par les autorités politiques. Quelques jours plus tard, ses proches disent qu’ils l’ont vu, vivant à nouveau.  Cet homme, c’est Jésus : comment le comprendre, comprendre sa vie, son œuvre ? Jésus lui-même a souvent été énigmatique pour se décrire, et ses proches ont souvent été perdus, que ce soit sa famille ou ses disciples.

Un élément nous aide en particulier : Juif, Jésus fait référence aux textes sacrés de son peuple, aux prophéties anciennes, pour donner un éclairage sur sa vie et sa mission. Parmi ces textes, il y a les poèmes sur le Serviteur, écrits par le prophète Esaïe, 700 ans av. J.C. Ils annoncent la venue d’un homme, envoyé de Dieu, choisi par Dieu, pour établir la justice et la paix dans le monde – c’est ce que nous avons vu la semaine dernière. Aujourd’hui nous en lirons un autre, quelques chapitres plus loin, qui décrit comment ce Serviteur de Dieu va agir, comment il va établir la justice et la paix.

Ce qui frappe à première lecture, c’est la place de la souffrance – au point que ce poème est souvent désigné comme celui du « Serviteur souffrant ».

1)   Une souffrance totale

Quelle souffrance dans ce texte ! Esaïe la décrit en utilisant différentes images : le Serviteur est frappé, écrasé, blessé ; il est jugé, accusé, condamné ; il est malade, défiguré, agonisant ; il est seul, abandonné, méprisé ; il est même puni par Dieu. Que lui restera-t-il ? Il est privé de relations, privé de santé, privé de respect et de sécurité. Personne ne prend sa défense, personne n’a même compassion de lui – au contraire, il souffre dans le mépris et l’indifférence.

Au bout du compte, c’est vers la mort qu’il avance, une mort où là encore l’infamie est au rendez-vous : il est enterré avec les gens mauvais, avec les riches. Ici comme souvent dans la prophétie biblique, le « riche » ce n’est pas celui que Dieu a béni dans ses récoltes ou ses affaires, mais celui qui s’enrichit injustement, le corrompu, le requin prêt à tout pour l’argent et le pouvoir, qui écrase les autres et transgresse les lois.

La situation est d’autant plus terrible qu’elle est parfaitement injuste. Cet homme est rejeté, sans être coupable de quoi que ce soit : il n’a jamais rien fait de mal ni trompé personne (qui de nous pourrait l’affirmer ?). Il est pur comme un agneau, blanc comme neige – il ne proteste même pas devant ce qui lui arrive. A la violence, il répond par la paix.

Quand on lit le récit de la vie de Jésus, cette dimension de la souffrance à la fois physique, morale, relationnelle, spirituelle est très forte. Jésus, dès le début de ses enseignements, est rejeté par les autorités, incompris – même par les foules qui accourent à lui, même par ses plus proches. Ce qu’on appelle la Passion du Christ, c’est-à-dire sa souffrance des derniers jours conduisant à sa mort, montre bien la solitude grandissante, la cruauté des soldats, la haine des foules versatiles – et l’injustice : les juges se refilent le cas, sans avoir de preuve formelle pour le condamner à mort (mais ils finissent par en trouver une). Jésus lui, refuse de se débattre (il guérit même l’oreille du soldat qui l’arrête), il ne se défend pas, il garde le silence devant le gouverneur romain Pilate – comme un agneau qu’on mène à l’abattoir, comme une brebis silencieuse.

2)    Sacrifié pour nous

S’il est innocent, pourquoi souffre-t-il autant ? Il n’y a pas de fumée sans feu : pourquoi s’acharner sur cet homme sans raison ? Parce qu’il paye – certes, pas pour ses fautes, mais il paye. Il subit la punition que mérite son peuple – il se substitue à eux pour prendre leur châtiment : le texte est on ne peut plus clair ! « Ce sont nos maladies qu’il portait » (v.4), « il a été blessé à cause de nos fautes, il était écrasé à cause de nos péchés, la punition qui nous donne la paix est tombée sur lui, et c’est par ses blessures que nous sommes guéris » (v.5). Le Serviteur n’est pas seulement solidaire de la souffrance de son peuple – il prend sur lui la punition douloureuse que mérite le peuple !

Deux images s’opposent ici : le troupeau de moutons perdus qu’est devenu Israël, et l’agneau allant à l’abattoir. Les moutons sont perdus, non parce que Dieu leur berger les aurait abandonnés dans un endroit inconnu au milieu de la nuit, non, ils sont perdus parce qu’ils se sont perdus, ils ont refusé d’écouter la voix du berger, choisi d’autres chemins, des routes de perdition sur lesquelles ils se sont entêtés. Rebelle, orgueilleux, sourd et aveugle, fermé au bien et prompts à l’injustice – voilà ce qu’était devenu le peuple que Dieu avait appelé, sorti de l’esclavage, installé dans un joli pays, aimé et béni. Ce peuple est une parfaite image de la noirceur de notre cœur à tous, de l’indécrottable corruption de l’humanité, car même dans les meilleures conditions, avec privilèges et avantages extraordinaires, même là, l’homme est rebelle à Dieu, obstiné dans ce chemin de perdition emprunté à l’aube de l’humanité.

Oui, le Serviteur paye les fautes de son peuple. Et même des autres – les nations, les nombreux, les rois étrangers sont rendus justes parce que leur culpabilité est assumée par le Messie. Comment un homme pourrait-il expier les fautes de tous ? Parce qu’il nous représente : comme le premier homme a péché et entraîné l’humanité entière dans le mal, de même cet homme innocent et juste peut entraîner dans la justice ceux qui s’attachent à lui par la foi.

Petite remarque : injuste, accablante, totale, la souffrance du Serviteur n’en est pas moins choisie. Il accepte librement de mourir, il n’essaie pas de s’échapper ou de se défendre : c’est son rôle, le cœur de sa mission, c’est le moyen par lequel il apporte la délivrance que Dieu promet à l’homme esclave du mal.

Il prend sur lui volontairement ce que nous méritons – le jugement de Dieu sur nos fautes, qui sont loin d’être aussi mignonnes qu’on se plaît à le penser, mais qui nous pourrissent – pour nous offrir ce que nous ne méritons pas, comme l’a dit Didier la semaine dernière : la guérison de notre cœur, la chance d’une vie nouvelle, la paix avec Dieu. Il se charge de ce qui empêche le Dieu juste et aimant de nous aimer : notre noirceur. Une fois justice faite, Dieu peut donner libre cours à son amour pour nous. En choisissant de mourir à notre place la mort que nous méritons, il permet à Dieu d’exercer la justice tout en justifiant, en pardonnant les coupables que nous sommes – le mal est si terrible qu’il ne peut pas rester en suspens, mais il doit être expié, couvert, effacé.

Sans la souffrance du Christ, pas de salut… Ce n’est pas son message ou ses miracles, sa sagesse ou son exemple qui nous sauvent en nous inspirant : c’est le don qu’il fait de lui-même pour subir la colère de Dieu et nous permettre une vie nouvelle. C’est par sa mort que nous recevons la vie.

3)    Le chemin étroit du salut        

Ce texte ne brille pas par sa légèreté ou son triomphalisme ! Et pourtant. On y trouve des indices de victoire : le serviteur réussira, il verra la lumière, il sera rempli de bonheur, haut placé, exalté, il partagera ses richesses avec ceux qui l’ont rejoint. Le mal n’a pas le dernier mot. Au bout du chemin de la vallée de l’ombre de la mort, au bout du tunnel, il sort victorieux. La prophétie n’en dit pas plus, mais ce qu’elle évoque de loin, c’est la résurrection du Christ. Mort sur la Croix, Jésus le serviteur a été accepté par Dieu comme un sacrifice valable et suffisant, assez juste pour compenser toutes nos fautes, toutes ! passées, présentes, futures ! toutes ! Son retour à la vie, son élévation au ciel, son retour auprès de Dieu, le partage de ses richesses avec ceux qui croient, aujourd’hui par l’Esprit demain physiquement, marquent le triomphe de l’amour, de la justice et de la puissance de Dieu.

Avant de conclure, juste un mot : celui qu’on considérait comme un loser, un nul, est en fait le puissant qui sauve de la mort. Toutefois, Dieu n’a pas choisi, pour effacer le mal, le chemin du triomphalisme – il aurait pu faire un 2e Big Bang ! Loin de là, choisissant lui-même, en la personne divine du Fils, de devenir homme, de passer par nos tunnels et nos chemins, il a donné la paix sans commettre de violence – il l’a même subie à notre place. Parfois, dans nos milieux, on voit la résurrection, la victoire, la gloire, et on oublie l’étroitesse du chemin que le Christ a suivi : sa souffrance, son humiliation, sa patience. Lui qui aurait pu nous mettre au pas s’est fait serviteur, il s’est abaissé pour nous pousser vers le haut. Nous ne sommes pas appelés à nous sacrifier pour sauver les autres – c’est fait ! En Christ ! Cela dit, en donnant le salut dans l’humilité et l’amour, le Christ donne un exemple de ce qu’est la mentalité de Dieu, de la manière dont il fonctionne et vit – si nous voulons vivre avec lui, c’est dans l’humilité et l’amour, comme le Christ.




Jésus, envoyé pour la justice et la paix

Lecture biblique : Esaïe 42.1-9

Cet oracle du prophète Esaïe est bien ancien : il date de plusieurs siècles av. J.-C. A cette époque, Esaïe s’adresse, de la part de Dieu, au peuple d’Israël. Le peuple à qui Dieu s’est révélé de manière privilégiée n’a pas été à la hauteur : tout au long de son histoire, on trouve inconstance, incrédulité, idolâtrie… Tout au long de son histoire, Dieu inspire des prophètes, pour encourager le peuple à revenir à son bon sens et à marcher dans le droit chemin. Pour cela, les prophètes confrontent le peuple à la gravité de ses actes, informent sur la condamnation que ces actes méritent, et rappellent que Dieu est fidèle, malgré leur infidélité, et qu’il donnera une deuxième chance.

Esaïe a décrit avec force l’hypocrisie abominable du peuple – qui rend de beaux cultes à Dieu mais qui se comporte avec injustice au quotidien – et annoncé ce que cette hypocrisie mérite : la perte des privilèges d’Israël. Israël est donc confronté à la menace de l’exil s’il ne change pas d’orientation – mais il faudra attendre quelques siècles pour que Dieu mette finalement sa menace à exécution devant l’orgueil et l’obstination du peuple. Esaïe annonce donc la punition – mais tout de suite, et longuement, pendant plus d’un tiers du livre, il annonce la deuxième chance que Dieu va donner, grâce à un Serviteur appelé à une mission particulière.

Esaïe annonce à court terme un libérateur qui mettra fin à l’exil – c’est le roi perse Cyrus, qui effectivement a permis aux Juifs de revenir chez eux. Mais Esaïe décrit aussi, dans certains passages comme celui que nous avons lu, un Serviteur qui accomplit une libération plus profonde, plus durable, plus universelle : le Messie. Dans le N.T., Jésus et ses disciples font le lien entre ces prophéties et sa propre mission : c’est lui qui accomplit cette libération profonde, durable, universelle. Ces prophéties nous montrent Jésus sous un angle particulier, nous aident à mieux le comprendre et surtout à mieux le suivre.

1)   Choisi et soutenu par le Dieu créateur

Le Serviteur, le Libérateur de son peuple et des nations, du monde, Dieu le présente comme l’Élu, celui qu’il a choisi et qu’il soutient à 100 %.

Ce serviteur de Dieu ressemble aux autres hommes que Dieu a choisis pour conduire son peuple, des croyants qui trônent dans le panthéon juif, des figures emblématiques du peuple. Abraham, Moïse, David, Salomon, prophètes et rois, étaient considérés comme les serviteurs privilégiés de Dieu, soutenus de manière unique pour une mission unique, un peu comme des petits messies, qui transmettent la connaissance de Dieu, veillent au respect de la justice de Dieu, conduisent le peuple selon la volonté de Dieu. Eux aussi, Dieu les a choisis et soutenus. Le grand Messie continue dans cette lignée : il établit le droit et la justice, est l’intermédiaire entre le peuple & Dieu, et les peuples éloignés, jusqu’aux îles lointaines, attendent avec impatience que le Messie leur parle de Dieu ! Il fait comme Abraham, comme Moïse, comme David, mais en mieux, de manière durable et universelle.

Qu’est-ce qui permet de croire aux lendemains qui chantent ? Qu’est-ce qui permet de croire à cet oracle qui annonce la venue d’un Roi parfait et sage ? A l’époque comme aujourd’hui, le constat est plutôt du côté : « tous pourris »… Qu’est-ce qui donne du corps à cette promesse et permet d’attendre avec foi son accomplissement ? Esaïe, à plusieurs reprises, rappelle que Dieu est d’abord le Créateur. Dans notre texte, on retrouve même des évocations du récit de la création dans le livre de la Genèse : il a créé le ciel, étendu la terre, donné le souffle aux créatures (v.5). Dieu est le Créateur.

Cela nous encourage à espérer pour deux raisons : 1) Dieu est puissant ! il peut faire tout ce qu’il veut ! C’est un argument qui m’a toujours touchée : si je crois que Dieu existe et qu’il a créé le monde, alors je crois qu’il peut tout faire, même parfois des entorses aux règles qu’il a lui-même imaginées – les miracles. Si je crois que Dieu a créé le monde et tout ce qui s’y trouve, alors je crois aussi qu’il peut changer les choses de manière profonde, comme une re-création, s’il le décide. C’est le sens du dernier verset : Les 1ers événements sont déjà arrivés – maintenant, à l’avance, Dieu en annonce de nouveaux, et on peut lui faire confiance.

2) Dieu veut notre bien. Dieu a voulu peupler sa vie d’hommes et de femmes à aimer, à bénir, à inspirer. Il nous a désirés et imaginés et tissés bien plus qu’une mère attend un enfant ! Sa promesse de justice, de paix, de liberté, est fiable, puisqu’elle est faite par le Dieu qui nous a créés et qui nous aime !

2)   Pour faire œuvre de justice

Soutenu, inspiré, mandaté par le Dieu créateur, le Messie reçoit pour mission de faire œuvre de justice. Par trois fois, Esaïe insiste : le Serviteur de Dieu vient pour faire connaître le droit à tous les peuples (v.1), le faire connaître réellement (v.3) et surtout l’établir sur toute la terre (v.4). Le droit, c’est la juste manière de vivre avec Dieu et dans le monde, en participant aux projets de Dieu, en contribuant au développement sain de la création. Cela concerne notre relation avec Dieu, avec le monde, avec les autres, avec nous-mêmes : c’est simplement le fait d’honorer le Créateur et de respecter la dignité de ce qu’il a créé.

A ceux qui ne vivent pas cette relation harmonieuse et juste avec le Créateur et ses créatures – càd nous tous – le Messie doit faire connaître la vérité de Dieu, souffle de liberté qui vient réorienter les regards, les valeurs, et les comportements. Faire voir les aveugles, amener à la lumière du jour les prisonniers accroupis dans le noir, c’est, de manière imagée, amener la vérité dans un monde de mensonge, d’illusion, de tromperie. Là est l’œuvre première du Messie : faire connaître les pensées de Dieu et ses projets, souffler la vérité pour dissiper le mensonge… Et le but de découvrir la vérité, c’est de la vivre ensuite ! Il ne s’agit pas de garder ces informations dans un coin de notre tête, mais de mettre en pratique ce que nous savons être juste.

Le Messie a pour mission d’annoncer cette vérité au-delà du peuple élu, au monde entier, à tous les peuples et toutes les nations. Jésus, le Messie, comprend cette vocation universelle : je suis la lumière du monde, dit-il. Bien sûr, il n’y a pas différentes vérités pour éclairer les hommes ! Différentes manières de la présenter, oui, mais une seule et même vérité, venue de Dieu – je suis le chemin, la vérité, la vie, dit Jésus.

Lorsque Jésus enseignait, il disait : le Royaume de Dieu s’est approché. Le royaume de Dieu, où dominent justice et vérité, s’est approché, il a commencé à se révéler lorsque Jésus proclamait les projets d’amour de Dieu – il le proclamait en paroles par ses enseignements, mais aussi en actes par ses miracles. A combien d’aveugles a-t-il rendu la vue ? Combien de possédés a-t-il délivrés ? Combien d’hommes et de femmes obtus, obstinés, perdus, a-t-il éclairés de sa lumière ?

3)  Avec puissance mais dans la paix 

Le droit, la vérité, la justice, voilà ce que répand le Messie dans le monde, voilà ce que Jésus proclame et partage. Sa mission ne peut que réussir : Dieu le créateur l’inspire, le soutient, le fortifie. Ainsi, il ne se décourage pas, il n’abandonne pas, avant d’atteindre le but que Dieu lui a fixé. Il est fort de la force de Dieu lui-même ! Ce n’est pas par ses propres moyens qu’il tient, ce n’est pas de son propre fait qu’il avance, mais c’est Dieu, créateur tout-puissant, qui l’envoie et le rend fort.

Pourtant, la puissance de cet envoyé de Dieu ne ressemble pas aux puissances humaines, ni aux démonstrations de force brute, ni aux manipulations éloquentes, à la différence de bien des dirigeants qui prétendent établir la justice à coups de déportation… Le Messie établit la justice avec puissance et force, mais dans la paix. Pas question pour lui de se montrer injuste pour établir la justice ! Sans cris ni tapages, il annonce la liberté. Avec respect et douceur, il relève ceux qui sont courbés, apaise ceux qui sont usés, rallume la flamme de ceux qui vacillent.

Quel paradoxe que cette victoire sans violence ! Quel mystère que cette présence du Tout-Puissant auprès des faibles et des petits ! Le Messie fait patiemment triompher le bien et la justice, sans commettre aucun mal, sans tolérer aucune injustice. Comment cela est-il possible ? Un autre poème d’Esaïe, la semaine prochaine, nous aidera à comprendre cette victoire non violente.

Conclusion

Esaïe annonce le Libérateur, celui qui délivrera non de telle ou telle injustice, mais de toutes. Ce serviteur proche de Dieu, soutenu par Dieu, c’est Jésus, qui puise dans les trésors de son intimité avec Dieu pour les partager avec nous. Ce Messie qui annonce à tous les peuples la bonne nouvelle que le règne de Dieu, règne de justice et de paix, ce Messie, nous sommes appelés à le reconnaître et à le suivre. Jésus nous ouvre la porte du royaume de Dieu : si nous répondons à son appel, si nous saisissons la main qu’il nous tend, si nous marchons à sa suite, alors la vérité de Dieu devient notre bien le plus précieux. Un bien qui gagne à être partagé, non par force, violence, ou contraintes, mais dans la paix et la douceur, en suivant le modèle du Christ.




Une organisation qui porte du fruit

Critère de Vitalité n°10

Lecture biblique: Exode 18.13-26

Qui d’entre vous s’est déjà trouvé dans cette situation ? On arrive dans la salle d’attente, les guichets occupés, toutes les chaises sont prises, et une petite angoisse monte. Pris dans une file qui n’en finit pas, l’œil gauche rivé sur la grosse horloge et l’œil droit sur les numéros de tickets, le pied tremblant, on ronge son frein, on use sa patience, on appelle pour annuler des rdv ou se faire remplacer, ou alors on finit par partir, excédés d’avoir perdu du temps et de devoir tout recommencer à zéro un autre jour.

C’était déjà le cas pour le peuple d’Israël à ses débuts. Le peuple vient d’être libéré d’Egypte, où il était esclave, sous la direction de Moïse, chef appelé par Dieu pour conduire le peuple, géographiquement, socialement, et spirituellement – ce qui se traduit notamment par l’exercice de la justice. Avant même la révélation de la Loi au mont Sinaï, qui aura lieu peu de temps après, Moïse doit gérer et conduire ce peuple, à l’aide des directives que Dieu lui donne. En soi c’est très bien, mais il y a trop de gens – des centaines de milliers ! Du coup, l’attente s’éternise, les gens s’épuisent, Moïse lui-même se perd dans cette tâche et ne peut plus remplir ses autres missions.

Voici qu’arrive le beau-père de Moïse, Jethro, venu de Madian, une région voisine. Il écoute Moïse lui raconter les exploits de Dieu, la fuite d’Egypte, la mer rouge, les miracles… Et il se convertit. Le lendemain, témoin des difficultés de Moïse, en habitué des responsabilités, il lui donne des conseils pour faciliter le travail et alléger l’organisation, conseils que Moïse applique de suite.

Par rapport aux autres critères de Vitalité, la question de l’organisation de l’église paraît plus secondaire. D’un côté, nous avons tendance à considérer les choses pratiques comme non spirituelles, donc moins importantes. De l’autre, il n’y a pas d’exhortation biblique claire pour s’organiser de telle ou telle manière, ce qui donne l’impression qu’on peut s’organiser comme on veut. En réalité, si la Bible ne donne pas un modèle à reproduire mais invite à trouver le bon fonctionnement selon la culture, les personnes, et les circonstances, elle n’en donne pas moins des principes que nous retrouvons dans différents exemples et qu’il nous appartient de mettre en œuvre à notre manière. Ces principes, nous allons les voir en suivant les personnes qui apparaissent dans le récit.

1)   Comme Jethro : dire la vérité avec amour

Commençons par Jethro qui amorce le changement de situation. Devant une organisation manifestement lourde, inefficace et épuisante, il décide d’intervenir, en faisant ses critiques à Moïse.

Bien souvent, en église, on croit que la critique est mauvaise, destructrice, incompatible avec la foi. Pourtant, l’apôtre Paul, des siècles plus tard, considère même qu’une des vocations de l’église, c’est d’apprendre à dire la vérité dans l’amour. Sans amour nous nous blessons. Mais si nous supportons la réalité sans jamais dire ce qui ne va pas, nous nous exposons soit à l’épuisement, soit à la médisance dans l’ombre. Dire la vérité dans l’amour : voilà ce que fait Jethro pour améliorer la situation existante, et nous allons décortiquer un peu son intervention pour en prendre de la graine.

D’abord, Jethro va voir Moïse directement. Combien d’entre nous, dans sa position, seraient plutôt allés voir l’épouse de Moïse, notre fille, dans l’espoir qu’elle retransmette le message ? Jethro ne prend pas le risque des intermédiaires, et il parle à Moïse directement. Premier principe : s’adresser directement aux gens.

Ensuite, c’est intéressant de voir qu’il commence par demander pourquoi Moïse fonctionne ainsi. Souvent, même les dysfonctionnements ont une raison : une bonne solution devenue obsolète, un moindre mal, ou encore des bénéfices cachés à la situation – c’est vrai pour les individus comme pour les communautés. Comprendre les raisons de la situation permet, comme va le faire Jethro, de faire des suggestions adaptées. Deuxième principe : écouter avant de conseiller.

Enfin, Jethro propose des pistes concrètes d’amélioration en gardant ce qui est valable – ici, le rôle unique de Moïse, responsable et porte-parole – et en aménageant ce qui est secondaire. Loin des récriminations à la française, une critique constructive s’appesantira toujours sur les actions possibles, sur les opportunités, sur les défis, plutôt que sur les manques ou les erreurs. Même si ces idées ne sont pas retenues, elles ont au moins le mérite de stimuler la réflexion. Troisième principe : faire des propositions positives.

Un quatrième principe ressort du comportement de Jethro : pourquoi fait-il ces remarques ? Par souci pour Moïse, par souci pour le peuple. Il souligne le risque d’épuisement de Moïse, et le risque de lassitude du peuple, avec toutes les tensions que cela engendrerait. Jethro cherche pas à obtenir quelque chose ou se mettre en avant, mais il se soucie de Moïse et du peuple. Ca aussi, c’est intéressant pour nous : apprendre à faire les critiques non par énervement, non parce qu’on a d’autres habitudes, mais pour le bénéfice des autres. Finalement, la motivation de Jethro, qui doit être la nôtre, c’est l’amour, le souci des autres.

Qui oserait croire que nous sommes parfaits ? Pas moi ! De ce simple constat devrait naître un encouragement à la critique constructive, pour voir régulièrement où nous pouvons progresser. Il ne s’agit pas d’accuser ou de râler, mais de contribuer, activement, qui que nous soyons, à l’amélioration. Parfois ce sera parce qu’on a des compétences particulières, parfois simplement parce qu’on a un autre point de vue. Pour donner un exemple, si certains voulaient m’aider à améliorer ma prédication, l’avis de prédicateurs avertis serait pertinent, mais aussi celui de ceux qui ont la patience de m’écouter dimanche après dimanche, même s’ils n’ont jamais prêché et ne le feront jamais. Et c’est pareil dans tous les domaines.

Donner des conseils, ce n’est pas donner des leçons, se prendre pour…, mais s’impliquer activement pour que les autres progressent et que la situation s’améliore, parce que notre but, c’est de devenir meilleurs, pour le Seigneur.

2)   Comme Moïse : viser mieux et plus loin  

Justement, Moise nous montre la voie pour recevoir des critiques. Lui qui est le grand chef que Dieu a appelé, aurait pu se vexer ! Jethro est étranger, d’une autre culture, d’une autre génération, c’est un nouveau converti (de la veille) : là où certains auraient rejeté celui qui « ne peut pas savoir », Moïse accueille de bonne grâce le point de vue neuf qu’apporte Jethro, et l’opportunité de faire mieux, dans la durée.

La vérité n’est pas toujours agréable à dire – et à entendre ! Lorsque que quelqu’un donne son opinion, il ne révèle pas toute la vérité, c’est vrai, mais il donne comme un éclat de vérité qui nous aide à réajuster notre compréhension de la situation. Dans ce genre de situation, on est facilement tenté de refuser la remise en question – en fuyant, en contre-attaquant, en se justifiant… mais Moïse écoute, pèse ce qui est pertinent dans la remarque de son beau-père, et le fait. Il ne discute, ne se défend pas, n’invoque aucun statut, aucune excuse… Cette humilité est vraiment la marque d’un grand homme !

Lorsqu’on se vexe et qu’on refuse de se remettre en question, c’est souvent parce qu’on le prend personnellement, comme si tout notre être, toute notre valeur, était en jeu dans le problème relevé. La Bible répond à cette peur, à la honte que nous ressentons au premier abord : Dieu nous aime, Dieu nous sauve, en Jésus-Christ, il nous donne une nouvelle identité – nous sommes ses enfants pour l’éternité. S’enraciner dans l’amour de Dieu, qui lui nous connaît parfaitement dans toutes nos limites et nos médiocrités, se savoir aimé du Créateur, plein de valeur et précieux à ses yeux : voilà qui relativise la critique ponctuelle, difficile à entendre certes, mais qui ne menace pas notre identité en Christ.

En plus, le chemin que Dieu nous invite à emprunter avec lui est un chemin de croissance, d’amélioration, de progrès, en vue d’une plus grande justice, d’une plus grande sainteté, d’un plus grand amour. Si nous voulons progresser, nous devons nous remettre en question – c’est un des rôles de la Bible, Parole de Dieu qui dévoile la vérité de notre cœur pour nous montrer comment avancer ; c’est aussi l’un des buts de la vie communautaire : bénéficier du point de vue des autres pour progresser.

3)   Comme les nouveaux responsables : se disposer au service

Du coup, Moïse entreprend de choisir et former des responsables pour déléguer son activité. Qui sont-ils ? Des hommes valables, croyants, justes, droits. Ces hommes, même s’ils n’avaient jusque là aucune responsabilité particulière, sont prêts – pas en terme de compétences (ce qui s’apprend : la preuve, Moïse va les former) mais en terme de maturité (diapo). Le critère sur lequel Moïse les choisit, c’est leur maturité spirituelle et morale.

Qu’est-ce que ça veut dire pour nous ? Ce texte insiste sur le fait d’avoir un travail d’équipe pour mieux répondre aux besoins de la communauté. La première condition pour ce travail d’équipe, c’est que chaque membre de la communauté se prépare au service : non pas à tel service particulier, mais à servir en général. Pour cela, chacun doit veiller à progresser dans sa foi et dans son caractère, pour un jour pouvoir prendre sa place dans le grand corps qu’est l’église (rappelez-vous la prédication sur la vie chrétienne, vie généreuse caractérisée par le don de soi et le service). Progresser dans la foi et le caractère chrétien, c’est la caractéristique de notre cheminement chrétien. Si nous prenons au sérieux notre cheminement chrétien, alors nous nous préparons en même temps à servir les autres, comme ils nous servent. Développer son caractère pour devenir apte à être formé et à prendre des responsabilités. Les GBU ont un petit slogan pour résumer les qualités d’un responsable  EDF, Enseignable, Disponible, Fiable. On n’est pas loin du texte d’Exode ! Enseignable (rappelez-vous l’importance de la remise en question), Disponible, Fiable.

J’aimerais encore souligner l’attitude de Moïse, son audace pour tenter un nouveau système, mais surtout la confiance qu’il manifeste aux nouveaux responsables. Ce rapport de confiance est essentiel pour pouvoir fonctionner ensemble. Ca veut dire que les nouveaux font confiance à leur formateur, que le formateur fait confiance aux nouveaux – et même s’il les forme, il les laisse faire leurs découvertes et trouver les ajustements nécessaires. Cela veut dire aussi que les uns et les autres se montrent fiables : Moïse est disponible pour les cas graves, les nouveaux remplissent leur mission de leur mieux, avec sérieux, sans hésiter à prendre conseil auprès de leurs responsables. Faire confiance et être fiable soi-même : voilà une des clefs d’une organisation qui fonctionne et qui porte du fruit.

Conclusion

Pourquoi réfléchir à améliorer notre manière de fonctionner ? Pourquoi se remettre en question et tenter de nouvelles formes ? Pour être plus efficaces, tout simplement. Pour honorer Dieu et les autres. Pour honorer les autres, les aimer et les servir au mieux, sans charger la vie communautaire d’obstacles et de lourdeurs inutiles, pour faciliter l’implication de chacun dans notre œuvre commune. Pour honorer Dieu, en évitant de s’épuiser soi-même, de se dégoûter du service ou de la vie communautaire même, parce qu’on en a fait trop, trop longtemps, trop seul. Partager nos charges est essentiel pour tenir dans la durée et continuer de remplir le rôle que Dieu nous offre. Qu’est-ce qui honore Dieu le plus ? Quelqu’un impliqué dans 5-6 services qui finit par craquer au bout de 10 ans, dégoûté, amer, usé ? Ou quelqu’un qui s’implique dans une ou deux activités, variables, toute sa vie, explorant ses dons, se mettant fidèlement et joyeusement au service de l’Eglise ? Pour cela, il faut que le plus grand nombre prenne sa part.

Une organisation qui porte du fruit, c’est une organisation où chacun prend sa place, au service des autres, à sa mesure. C’est aussi un lieu où le dialogue, l’échange et la critique ont bonne place, pour réévaluer nos habitudes, adapter ce qui est bon, modifier ce qui ne convient pas. C’est un lieu où l’individu ne défend pas sa vision des choses, ne cherche pas à imposer son point de vue ou à avoir raison, mais où ensemble, tous, nous cherchons à mieux honorer Dieu, en veillant sur nous-mêmes et sur les autres.

Prière Vitalité

O notre Père,

Merci pour le cadeau qu’est l’église. Tu l’as créée pour t’honorer, pour faire du bien à ton peuple, et pour rejoindre ceux qui te cherchent. Parfois nous oublions combien l’église est précieuse à tes yeux, et importante : renouvelle notre regard sur ton peuple, sur sa mission, sur sa valeur.

Membres de ton église par la foi, aide-nous Seigneur à progresser dans notre foi et dans notre caractère, afin de devenir capables de mettre en œuvre les talents que tu nous donnes pour t’honorer et servir les autres. Donne-nous de progresser ensemble dans notre fonctionnement, pour que nous nous aimions de mieux en mieux, et que nous témoignions de mieux en mieux, pour ta gloire et la salut des autres.

Oui Seigneur renouvelle notre regard sur l’église, sur sa mission, sur sa valeur. Et que sur les sujets de tension – inévitables dans cette organisation humaine – nous puissions regarder à toi, chercher ta volonté et non la nôtre, nous soumettre à toi et les uns aux autres avec humilité et foi. Que ces conflits nous permettent d’apprendre, d’avancer, de nous rapprocher, afin que ton église devienne de plus en plus belle, de plus en plus saine, de plus en plus rayonnante.

Au nom de Jésus, le Ressuscité qui triomphe de tout mal, et par l’Esprit, qui œuvre en nous et peut bien plus que ce nous imaginons, pour ta gloire, ô Dieu merveilleux. amen