L’amour fou de Dieu (II): Une reconquête à tout prix

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Lecture biblique: Osée 2.4-25

Nous avons tous besoin d’être heureux, d’avoir une vie pleine de sens et d’espérance, une vie qui vaut la peine d’être vécue. Qu’est-ce qui nous rend heureux ? qu’est-ce qui nous donne ce sens, cette valeur, dont nous avons tant besoin ?

Le peuple d’Israël, bien avant la venue de Jésus-Christ, a reçu des bénédictions abondantes de la part de Dieu, et pourtant, il ne croyait pas que c’était Dieu qui donnait tout cela. Ou plutôt, il s’est laissé influencer par les peuples voisins qui pensaient que c’était telle ou telle divinité qui donnait l’abondance, notamment Baal, le dieu de la fertilité et de la pluie, extrêmement important dans une société 1) basée sur l’agriculture et l’élevage, 2) située dans une région chaude et entourée de déserts. Pour Israël, le manque de pluie égale une mauvaise récolte, égale la famine du peuple entier. Par crainte que Dieu peine à pourvoir à tous les besoins, par souci de doubler les garanties, par manque de confiance en Dieu, le peuple se laisse aller à rendre un culte aussi à Baal, ce faux dieu étranger incapable de faire quoi que ce soit pour eux. Nous ne sommes pas Israël, mais nous aussi, nous pouvons avoir du mal à nous mettre notre confiance en Dieu seul pour notre avenir, nos besoins, nos projets, et nous pouvons être tentés, non pas d’adorer Baal avec des sacrifices et des fêtes solennelles, mais de compter sur nos finances, notre sagesse, le réseau que nous pouvons faire jouer, la science, la technologie, la consommation… Qu’est-ce qui nous comble ? Ou plutôt, qui nous comble ?

La semaine dernière nous avons commencé le livre d’Osée, qui déclare l’amour de Dieu à son peuple, un amour bafoué par la trahison et la méfiance, le doute et l’infidélité de ce peuple. Dieu utilise l’image de l’adultère, de l’infidélité conjugale, pour montrer à quel point cette méfiance sape toute relation avec Dieu, combien le péché, auquel se livre Israël par manque de foi et par orgueil, rend le peuple affreux et immonde aux yeux de Dieu, qui finit par demander à Osée de mettre en scène une parabole vivante : il doit « épouser » une prostituée, symbolisant Israël infidèle, qui donne des enfants, images du peuple que Dieu renie – « Mal aimée » et « Pas mon peuple ». Dans le passage que nous allons lire maintenant, Dieu développe, à la fois les raisons de sa colère, et la promesse qu’il faisait de rester fidèle malgré l’infidélité de son peuple.

1)   Au désert pour retrouver la soif de Dieu  

Nous l’avons dit, le problème d’Israël, c’est d’attribuer sa richesse agricole, sa prospérité, son bonheur à un autre que Dieu – les « amants », les dieux étrangers qui ne sont rien d’autre que des statues incapables d’agir. C’est comme si votre enfant allait remercier un inconnu dans le bus pour tout ce que vous avez fait pour lui – la nourriture que vous donnez, le vêtement, la sécurité, le confort, les opportunités, les cadeaux, l’amour… il s’en irait au bras de cet inconnu – pour être encore plus exact, l’inconnu en question serait un composteur de billets. Il aurait une photo de ce composteur dans sa chambre, et remercierait le Grand Composteur pour chaque repas, chaque vêtement, chaque journée, chaque voyage, refusant de vous regarder, de vous écouter, de vous aimer. Dieu est dans cette situation-là, devant un peuple aveugle qui se trompe royalement de chemin, et en plus va commettre des horreurs pour plaire à ce dieu imposteur : adopter la prostitution religieuse, sacrifier des enfants, adorer les astres, et j’en passe.

La réponse de Dieu, c’est de prouver que Baal n’est pas à l’origine de toute cette abondance. Comment fait-il ? Il arrête de donner : plus de pluie, plus de récoltes, plus de richesse, plus de paix, plus de victoire sur les ennemis, plus de pays. Voilà ce que Dieu va faire : priver Israël de tous les biens qu’elle pense recevoir de Baal pour montrer que ce baal, ce faux dieu, qu’elle continuera à adorer quelque temps, n’y était pour rien. Dieu ôte à Israël ce qui pouvait faire illusion, il la dénude, la vide, plus rien ne reste de ce que « Baal » est censé avoir donné suite aux sacrifices et autres horreurs pratiquées.

Dieu agit sévèrement, avec dureté, il retranche autant qu’il avait donné à ce peuple qu’il a sorti de la misère et de l’esclavage en Egypte. Souvenez-vous, quand le peuple quitte l’Egypte, quelques siècles plus tôt, sous la conduite de Moïse, Dieu promet, après la traversée du désert, l’entrée dans un pays ruisselant de lait et de miel, un pays de paix et de justice dans la présence de Dieu. Puisque le peuple a mis Dieu dehors par ses doutes et son injustice, Dieu mettra Israël dehors, la renverra au désert – pas le désert littéral (quoique) mais l’exil, chez un peuple étranger, à nouveau en esclavage, sans rien. Pourquoi agit-il ainsi ? Pourquoi ferme-t-il les portes qu’il a ouvertes ? Dieu n’agit pas pour assouvir sa colère, mais il agit ainsi pour créer une soif, pour attirer l’attention d’un peuple qui s’est rendu sourd et aveugle à l’amour de Dieu. Il casse tout, pour montrer qu’Israël vit dans un château de cartes, fondé sur l’illusion et le mensonge.

Et nous, sur quoi fondons-nous notre vie ? qui nous comble ? à qui, à quoi, regardons-nous pour assurer notre vie ? Le texte nous interpelle avec cette image frappante : Dieu ferme parfois les portes, barre les chemins avec des épines, retire certaines bénédictions, non pas par haine ou par indifférence, mais pour nous rendre attentifs. Nous prions toujours pour que Dieu ouvre les portes, mais ce sont souvent des portes dont nous avons les clefs ! Trop souvent, nous demandons un coup de pouce à Dieu dans des projets qui ne viennent pas de lui mais qui sont fondés sur les valeurs de notre société, sur nos désirs personnels, sur nos peurs. Nos épreuves ne sont pas toujours des cas de discipline, mais elles sont toujours l’occasion d’en apprendre plus sur Dieu, d’apprendre à compter sur lui dans les déserts que nous traversons. Le désert n’est pas forcément une malédiction : c’est peut-être, comme Dieu l’espère pour Israël, l’occasion de voir Dieu sans aucune diversion, sans se laisser tenter ou troubler.

Je vais l’illustrer avec des sujets difficiles : l’absence d’enfants, l’absence de travail, la maladie. Dans ces épreuves, dans ces déserts, qu’est-ce qui donne du sens à ma vie ?  qu’est-ce qui me donne de la valeur, en tant que femme, en tant qu’homme ? Tout n’est pas forcément lié à la discipline de Dieu, mais dans ces déserts-là, je peux apprendre, je peux réentendre, redécouvrir que c’est qui me donne de la valeur, parce qu’il m’a voulue, parce qu’il m’a créée, parce qu’il m’a appelée. Que je me sente féconde ou stérile, utile ou inutile, perdante ou gagnante, forte ou faible, Dieu m’aime, Dieu me donne de la valeur, Dieu donne un sens à ma vie, et une espérance, un avenir, une promesse, Dieu comble mes besoins physiques, émotionnels et spirituels, et non mon couple/ mes enfants/ mon travail/ ma réputation/ mes accomplissements.

2)   Retrouver Dieu pour retrouver du sens

Dieu conduit donc son peuple au désert pour attirer son attention, pour forcer son attention, et lui montrer à nouveau qui l’aime, qui est son Dieu, qui l’a béni depuis le départ. Cette impasse est un nouveau départ, à nouveau dans le désert, comme au temps de Moïse, lieu où Dieu – l’image est osée – va faire la cour à son peuple. Il emmène son peuple loin des imposteurs, loin des trahisons commises, pour recommencer à zéro. Dieu se met dans la peau d’un mari trahi ô combien de fois, qui emmènerait sa femme infidèle sur une île déserte, pour lui rappeler leur premier amour, pour renouveler les vœux de mariage, comme au temps des fiançailles, en mettant de côté le souvenir douloureux des infidélités et des amants. Dieu n’envoie pas Israël au désert pour la punir, pour prouver qu’il est fort et qu’il en coûte de le mépriser – même si c’est vrai – mais pour la reconquérir, pour reprendre à zéro leur histoire, par amour et par fidélité.

Quand le peuple aura retrouvé ses esprits, et comprendra que Dieu seul est à l’origine des dons et bénédictions qu’il a reçus avec abondance, alors, quand Dieu sera sûr qu’Israël a compris, Dieu recommencera à bénir : il donnera le signal au ciel, qui pleuvra sur la terre, qui nourrira les vignes, les oliviers, les champs de lin, et Israël recevra alors les cadeaux de Dieu, l’abondance à nouveau. Après le châtiment, viendra la restauration, après la déchirure, la réconciliation. Israël les recevra avec confiance, fidélité et justice, amour et tendresse. Elle les recevra d’un Dieu de qui elle est proche, qu’elle connaît intimement, qui est comme un mari fidèle, un père aimant, un Dieu bienveillant.

Après avoir compris qu’hors de Dieu il n’y a pas de salut, pas d’espoir, pas de vie, après s’être engagé envers Dieu pour ne chercher lui le salut, l’espoir et la vie, le peuple pourra recevoir à nouveau l’amour que Dieu donne, en recevant tous ses dons comme des preuves d’amour de Dieu, sans se tromper de sens.

Tous, à notre manière, nous sommes ou nous étions comme Israël se trompant de Dieu, cherchant, comme dit le prophète Jérémie, dans des vases crevassés et moisis la source de notre vie ! Pourtant, Dieu est venu nous chercher dans nos déserts, il est venu donner à notre place ce que nous n’arrivions pas à lui donner, la dot que nous n’arrivions à donner à notre fiancé : l’amour, la justice, la fidélité, la compassion. Ce que Dieu attendait de nous, et que nous étions devenus incapables de donner, il l’a fourni pour nous, en Jésus-Christ. Jésus est le lien qui nous unit à Dieu pour toujours : solidaire de l’humanité, il donne pour nous à Dieu satisfaction, et ça passe par l’expiation de nos infidélités, qu’il subit à notre place, en sa mort, afin que nous puissions repartir à zéro avec Dieu. Solidaire de Dieu, il nous donne l’amour que nous cherchons sans fin.

Conclusion

Pourquoi Dieu se donne-t-il tant de mal avec l’humanité infidèle ? pourquoi cherche-t-il à reconquérir l’homme rebelle qui s’est détourné de lui ? pourquoi tant de détermination dans son amour ? parce que Dieu nous a créés pour être en relation avec lui, pour que nous soyons ses enfants, son peuple, son épouse – pour que nous ayons envers lui une confiance plus grande qu’un enfant envers son père, une intimité plus grande qu’une épouse avec son mari, une reconnaissance et une loyauté plus grande qu’un peuple envers son roi, parce qu’il est notre Dieu, le Père tout-puissant, l’Epoux plein d’amour, le Roi protecteur. Le but de notre vie, de notre existence sur la terre, c’est de recevoir l’amour de Dieu, de l’aimer à notre tour et de partager cet amour ceux qui nous entourent.

Alors que Dieu vienne nous chercher, là où nous sommes, et qu’il ouvre nos yeux, par tous les moyens, sur son amour, pour que nous puissions trouver, en lui, la vie et l’espérance.

 




L’amour fou de Dieu (I): Quand Dieu est à bout

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Lecture biblique: Osée 1 – 2.3

Pour ce mois de juillet, comme c’est un peu la tradition, je vous propose une série de prédications sur un livre biblique. J’ai choisi le livre du prophète Osée, avec 4 morceaux choisis qui conduiront nos méditations de l’été. Le prophète Osée est un « petit » prophète juif, petit par rapport aux grands prophètes que sont Esaïe, Jérémie & Ezechiel. Il a vécu au 8e siècle avant Jésus-Christ, en Israël, et comme beaucoup de prophètes, a eu un message difficile à annoncer.

Pour le comprendre, il faut remonter dans le temps. Depuis deux siècles, le peuple a beaucoup changé. David, grand roi d’Israël, roi conquérant, roi pieux, a laissé la place à son fils Salomon, roi pacifique, renommé pour sa sagesse et son succès. Le fils de Salomon, pour des raisons politiques, se met à dos une grande partie de la population, c.-à-d. 10 tribus sur les 12 qui composent le peuple. Ces dix tribus choisissent de se séparer du roi, et constituent le royaume du nord, avec pour capitale Samarie, tandis que les tribus de Juda et benjamin restent autour de Jérusalem. A partir de là, on a deux fils parallèles, deux peuples au lieu d’un. De chaque côté, intrigues politiques, injustice, corruption, syncrétisme avec d’autres croyances, des croyances en des dieux étrangers. Mais… le royaume du Nord est dans un état bien pire que celui du sud, au niveau moral, spirituel, social… C’est la catastrophe. Dieu n’est plus au centre, mais on se demande même si le peuple se souvient encore de son Dieu.

Quand Osée intervient, le royaume du nord vit une période de prospérité, d’abondance, de paix apparente… Seulement, les dirigeants en profitent pour se livrer à l’injustice, à l’égoïsme, à l’orgueil, à toutes les pratiques possibles et imaginables, pensant que rien ne peut leur arriver. Osée intervient pour leur rappeler que Dieu n’en a pas fini avec eux et qu’il les tient responsables de leurs actes et de leur immoralité.

Osée, c’est le livre de la passion de Dieu, le livre qui raconte son amour fou, passionné, pour son peuple, un amour qui l’engage dans tout ce qu’il est. Dans ce livre, Dieu crie la trahison de son peuple, sa déception, sa colère, et son amour, encore et toujours son amour, certes bafoué, certes blessé, mais toujours vivant. Pour parler de l’amour passionné de Dieu, Osée a recours à deux images : le mariage, cet amour qui unit un homme et une femme responsables dans une alliance mutuelle marquée par l’intimité et la fidélité, et la relation entre un père et ses enfants. Dans notre passage, on retrouve un peu les deux, mélangées. Le peuple a trahi de Dieu, comme une épouse trahit son mari en allant à droite et à gauche. Il a renié Dieu, comme un enfant renie l’autorité de son père et change de nom. On est blessé par ceux qu’on aime le plus : nos enfants, nos conjoints, nos proches… Dieu aime tellement son peuple que la trahison le frappe et le fait hurler – par la voix des prophètes.

Certains pensent qu’Osée a vraiment dû épouser une prostituée, mais il est plus probable qu’Osée ait plutôt fait un mime prophétique. Il a mimé ce que Dieu lui a demandé. Il est allé chercher une prostituée, et devant le peuple, a fait comme s’il l’épousait. Il a pris des enfants et a fait comme si ces enfants venaient de lui, pour en faire des paraboles vivantes, aux noms évocateurs : Mal-Aimée, Pas-mon-peuple…

1)   Le point de rupture

On a du mal à imaginer Dieu à bout… Et pourtant ce texte nous le montre sous un jour nouveau, dur à accepter. Dieu n’en peut plus de ce peuple qui ne cesse de lui tourner le dos pour s’enfuir dans des paradis artificiels, des illusions, des mensonges… Dieu n’en peut plus, et il le dit haut et fort : vous, peuple corrompu, injuste, immoral, je vais arrêter d’avoir compassion de vous, Je ne vais plus vous soutenir dans vos luttes, vos projets,  vous ne serez plus mon peuple et je ne serai plus votre Dieu. Je vais vous faire payer !

Dieu va loin ! il rebrousse chemin jusqu’à Moïse, à qui il s’était révélé en disant : « Mon nom, c’est « je suis » ! Je suis le Dieu de tes ancêtres, je suis le Dieu qui sauve, le Dieu de grâce et de vérité ». Mais maintenant, Dieu ne « sera » plus pour son peuple, il coupe les ponts, ferme les portes, tire un trait : vous n’êtes plus mon peuple. Vous êtes comme les autres peuples, ceux qui ne me connaissent pas, pour moi, vous êtes des étrangers, des inconnus, des païens.

C’est dur, mais malheureusement pour Israël, on ne peut pas dire que ce soit injuste. Quand on lit l’histoire de ce peuple, on voit la trahison s’enraciner dès le début – dès l’idolâtrie du culte au veau d’or alors que Dieu vient juste de se montrer au peuple, jusqu’au massacre de Jizréel où le changement de dynastie s’est fat dans le sang et la cruauté. Le peuple a fait tout ce que Dieu déteste, et Dieu lui demande des comptes.

Mais quand on lit l’histoire de ce peuple, on lit aussi notre histoire, de manière indirecte. On lit la noirceur de notre cœur, l’ambiguïté de nos promesses, la faiblesse et la lâcheté, la convoitise et la corruption. On y lit notre malheur, et le malheur de nos peuples, de nos sociétés, laissant Dieu à l’écart pour succomber aux fausses promesses, aux mensonges et aux illusions.

A la place de Dieu, devant de tels affronts, on tirerait un trait, on recommencerait à zéro peut-être, mais avec d’autres. C’est d’ailleurs souvent ce que l’on fait, entre nous. Combien de familles sont déchirées par le souvenir d’une trahison ? Combien d’amitiés se sont dissoutes ? Combien de couples sont brisés ? Et combien d’églises se déchirent encore, lorsque les uns et les autres invoquent l’affront subi pour couper les ponts ? Il y a toujours de bonnes raisons, des affronts à notre honneur, des confiances trahies, des blessures indélébiles…

Dans le texte, Dieu est arrivé à ce point de rupture, que nous connaissons bien. Certes, comme Dieu est lent à la colère, il a attendu plusieurs siècles avant de l’atteindre, mais il y est, à cet endroit où tout espoir semble perdu, où toute la relation est entachée par l’affront… il est tentant de couper les ponts.

2)    Le triomphe du pardon

Mais voilà que Dieu, alors qu’il vient de commencer son réquisitoire contre Israël, Dieu annonce déjà le pardon ! « Un jour, les gens d’Israël seront aussi nombreux que les grains de sable au bord de la mer. On ne pourra pas les compter. Dieu ne leur dira plus : « Vous n’êtes pas mon peuple. » Au contraire, il les appellera « Fils du Dieu vivant ». 3Dites à vos frères « Mon Peuple », et à vos sœurs « Bien Aimée ». Rebroussant encore chemin, remontant avant Moïse, il arrive à Abraham, à ses promesses : ta descendance sera comme le sable de la mer, comme les étoiles du ciel. Et là Dieu ne se dédie pas, car cette promesse, qui remonte à plus de mille ans, cette promesse il ne peut pas, lui, la trahir.

Alors, du fond de sa rage, du fond de sa colère et de son indignation, remonte la promesse, remontent sa fidélité et sa compassion : « Oui je vais vous punir, mais ensuite, je vous guérirai, je vous remontrerai le chemin, je vous remontrerai combien je vous aime, je vous donnerai un salut encore plus grand, je vous rapprocherai de moi, et vous serez mes fils, mes filles, unis à moi pour toujours, réunis ensemble pour toujours ! » Le pardon de Dieu triomphe de sa juste colère, et Dieu annonce déjà la réconciliation, avec lui et dans le peuple, entre le royaume du sud d’Israël et le royaume du nord, mais même au-delà, entre tous les peuples, entre tous les hommes. D’ailleurs les apôtres Pierre et Paul utilisent ce texte pour parler des chrétiens d’origine non-juive : nous n’étions pas le peuple de Dieu, nous étions des étrangers, mais Dieu nous a aimés, et il a fait de nous ses filles et ses fils.

Dieu a-t-il une personnalité double ? Comment peut-il dire « vous n’êtes plus mon peuple » et l’instant d’après « vous êtes mes fils » ? On touche là au cœur de la prophétie : ce n’est pas une prévision mais un avertissement, avec un message implicite : « ressaisissez-vous ! revenez à Dieu ! il n’est pas trop tard ! même quand vous avez plongé dans le mal et que vous avez touché le fond, vous pouvez crier à Dieu et revenir à lui ! » Dieu s’adresse à des criminels, des impies, des gens sans foi ni loi, et c’est à eux qu’il tend la main en rappelant ses promesses : « Revenez, et vous serez mes fils ! » C’est d’ailleurs pour ça que Dieu sauvera, à court terme, le royaume de Juda, le royaume du sud : malgré leur déchéance spirituelle et morale, à plusieurs reprises les rois se sont tournés vers Dieu, ont cherché à éliminer ce qui le déshonorait et à favoriser une vie juste, avec Dieu. Malgré leurs imperfections et leurs dérapages, ils montrent de la bonne volonté, et cela suffit pour que Dieu les sauve.

Alors certes, quelques décennies plus tard, juda suivra malheureusement le même chemin que le royaume du nord, et subira le même destin que le royaume du nord avant lui : une terre envahie, un peuple déporté, un royaume dévasté. Mais pour les deux royaumes, Dieu enverra, pendant toute cette période, grands et petits prophètes pour annoncer ce qui les attend s’ils persévèrent loin de Dieu – le jugement, mais aussi pour rappeler son amour malgré tout, et sa fidélité, malgré tout. En Jésus, les promesses faites au peuple, promesse de réconciliation avec Dieu, promesse de réconciliation avec les autres, promesse de lumière tout au fond de nos ténèbres, en Jésus toutes ces promesses se réalisent, et celui qui tend la main vers Dieu, malgré son indignité, celui-là est assuré de son salut, il est fils du Dieu vivant, enfant chéri et bien-aimé, membre du peuple de Dieu.

Conclusion

Ce texte nous invite à saisir la folie de l’amour de Dieu pour nous, cet amour pour des hommes et des femmes injustes, sales, coupables, cet amour qui surpasse tout, qui espère tout, qui promet tout, si seulement on ose saisir la main de Dieu. Osée nous encourage encore aujourd’hui à recevoir cet amour fou de Dieu pour nous, à le laisser transformer nos vies, et à l’imiter. A imiter ce pardon « injuste », dans nos familles, nos couples, nos amitiés, notre église, parce que Dieu nous a  pardonnés. Quand nous sommes à bout, à bout de patience, regardons à Dieu et puisons en lui cet amour fou, qui espère tout et qui surpasse tout, qui guérit tout, qui cherche un chemin pour rejoindre l’autre, à cause de Dieu, avec l’aide de Dieu, et en hommage à sa compassion qui nous sauve et nous repêche sans cesse.




Jésus, je te suivrai !

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Lecture biblique: Luc 9.57-62

Jésus je te suivrai ! C’est la définition même de la vie chrétienne, de la foi, c’est le sens du baptême, et je vous propose de nous arrêter ce matin sur un passage de la Bible où Jésus clarifie ce que cela veut dire.

Jésus m’étonnera toujours… Franchement, il est un peu dur là ! Un homme s’approche de lui, candide, ouvert, bien intentionné, prêt à tout, et Jésus le reçoit avec une remarque sévère : « les renards et les oiseaux ont des lieux de repos, de confort, des lieux rassurants, mais pas moi. Tu veux me suivre ? partout ? mais moi je marche sur un chemin difficile, étroit, abrupt et rocailleux… Es-tu prêt à me suivre avec tout ce que cela implique ? »

Croisant un autre homme, Jésus prend l’initiative : « suis-moi ». Cet homme endeuillé, se préparant à enterrer son père, accepte mais demande un délai. Quoi de plus normal ? C’est son père ! Et dans la culture juive, ce serait un déshonneur terrible que de ne pas assister aux obsèques de son père, du chef de famille ! Pas que dans la culture juive d’ailleurs… Jésus fait fi de cette demande : « laisse tout, ce qui compte, c’est de me suivre. »

Un troisième homme arrive, un peu entre les deux : comme le premier, il est volontaire, comme le deuxième il demande un délai – pour une raison moins dramatique mais légitime : saluer ses parents. Ces trois hommes sont enthousiastes, ils veulent suivre Jésus, et Jésus leur répond à tous les trois d’un ton dur, sévère, réprobateur. Ont-ils été découragés par les remarques de Jésus ou ont-ils choisi de suivre Jésus malgré tout ? On n’en sait rien, et finalement ce qui ressort du texte, ce n’est pas le destin de ces trois hommes anonymes, mais l’exigence que Jésus fixe à celui ou celle qui veut le suivre. Ce sont les paroles de Jésus qui résonnent de manière intemporelle à nos oreilles : tu veux me suivre ? Alors voilà ce que ça implique.

1)   Suivre Jésus avec détermination

Jésus exige qu’on le suive totalement, avec une détermination sans failles. Jésus était un prédicateur ambulant, à la vie pour le moins précaire : rien n’était assuré, et à chaque village, il fallait une bonne âme pour héberger et nourrir Jésus et tous ceux qui s’attachaient à lui, ce qui faisait une bonne petite troupe. Même les bêtes sauvages avaient plus de confort et de garanties que Jésus !

Celui qui suit Jésus doit s’attendre à emprunter des chemins inconnus, à délaisser le confort, la facilité, aujourd’hui encore. Aujourd’hui encore, si on veut suivre ses valeurs, ses priorités, vivre comme lui, avec Dieu, alors on s’engage en terre inconnue, dans un voyage qui ne ressemble pas à ce qu’on aurait prévu ou imaginé. Suivre Jésus, c’est abandonner les plans sur 10 ou 30 ans, abandonner les garanties qui nous rassurent. Certes, pour tout le monde, rien n’est jamais certain, c’est vrai. Mais Jésus demande à ce qu’on se prépare à abandonner toute certitude pour trouver notre seule assurance, notre seule garantie, notre seule stabilité en lui, et pas ailleurs. Pas dans une maison, pas dans notre travail, ou dans notre santé, ou, pour l’église, dans notre histoire, nos murs ou notre fonctionnement. Notre stabilité, c’est Jésus, notre garantie, notre repos, notre home sweet home, c’est Jésus. Et Jésus marche, Jésus avance, Jésus nous emmène à sa suite, dans la précarité, nous obligeant à nous reposer sur lui seul.

Mais dans cette remarque de Jésus sur la précarité de sa vie, face à l’enthousiasme de ce premier homme, on trouve plus que les difficultés d’une vie nomade. Ces dialogues ont lieu alors que Jésus s’est mis en route pour Jérusalem : c’est son dernier voyage. En effet, depuis qu’il s’est mis à parcourir le pays, Jésus a suscité l’opposition, notamment des chefs religieux, à cause de la liberté dont il fait preuve. Jésus ne rentre pas dans les cases, il parle avec une passion percutante, ses paroles ont la justesse de la vérité, sans oublier les miracles, les guérisons, qui attestent que Dieu le soutient, que Dieu est avec lui. Mais… Jésus bouscule trop l’ordre établi, il remet en cause par sa simple présence l’autorité des bons vieux chefs religieux et du système qui existait alors. Dès le début, Jésus a suscité l’opposition, qui a grandi avec les années, mais nous arrivons là à un stade où ses opposants vont tout faire pour le piéger, pour l’arrêter, à tout prix. Jésus sait cela, mais il est déterminé à remplir sa mission jusqu’au bout.

Celui qui suit Jésus peut rencontrer de l’opposition, du rejet, de l’incompréhension, parce qu’il a d’autres priorités, parce qu’il adopte d’autres valeurs, un autre style de vie, parce qu’il vit à contre-courant. Face au rejet, qu’en est-il ? Celui qui regarde en arrière ne pourra pas tenir, celui qui est nostalgique de la vie d’avant, celui qui cherche des arrangements pour inventer un équilibre impossible : celui-là ne peut pas être disciple et avancer avec Jésus. Essayez de conduire en regardant en arrière ! Vous risquez fort de ne pas arriver au bon endroit, et même d’avoir un grave accident.

Suivre Jésus exige que nous soyons déterminés, à 100%. On ne suit pas Jésus à moitié, sur certains points, ou à certains moments, ou avec certaines personnes. Les disciples, ceux qui suivaient Jésus physiquement, s’engageaient totalement à le suivre, et Jésus attend la même chose de nous : une détermination absolue, concentrée, inflexible.

2)   Choisir la vie

Faire de Jésus notre priorité, notre seul appui, notre but ultime, c’est une sacrée demande ! Pourquoi Jésus en demande-t-il autant ? Parce qu’en Jésus se trouve la vie ! Auprès de Jésus se trouve la vie !

Lorsque Jésus retient l’homme endeuillé qui devait enterrer son père, il le fait au nom de la vie ! « Laisse les morts enterrer les morts, et toi, va annoncer le royaume de Dieu ! » Annoncer le royaume de Dieu, c’est annoncer aux autres que Dieu nous aime et veut nous sauver, c’est relayer la bonne nouvelle que Jésus annonce : Dieu fait revivre celui qui vient à lui, quel qu’il soit. Dieu fait revivre.

De manière provocante, Jésus invite à laisser le passé, ce qui est mort, ce qui nous empêche d’avancer, derrière, pour se concentrer avec détermination sur la vie que Dieu donne, sur cette offre de salut que Dieu nous appelle à saisir et à partager avec ceux qui nous entourent. Non pas qu’il faille boycotter toutes les cérémonies d’obsèques ! mais dans le cas de ce jeune homme, il n’était pas possible de faire les deux : suivre Jésus tout en restant quelques jours pour organiser l’enterrement de son père. Dans ce dilemme, Jésus invite à choisir la priorité ultime : la vie, la vie à saisir, la vie à partager.

Pour nous ça peut être un autre renoncement – lié aux convenances sociales, au style de vie, aux passions… Ces choses sont bonnes, mais si elles se tiennent entre la vie et moi, si elles deviennent une diversion, une déviation, alors Jésus invite à choisir la vie !

Jésus lui-même a choisi la vie, ou plutôt, notre vie. Il a tout abandonné, tout sacrifié, tout trié dans ses priorités pour se concentrer uniquement sur ce qui allait nous faire vivre, sur sa mission. Sans cesse, il a annoncé l’amour de Dieu, montré l’amour de Dieu par ses paroles et ses actes, même quand il était fatigué, même quand il était pressé, même quand il avait prévu autre chose. La vie des autres a toujours été prioritaire. Il est allé jusqu’à donner sa propre vie pour que nous puissions recevoir le pardon de Dieu qui fait vivre. Il est mort pour que nous puissions vivre. Notre vie à ses yeux n’a pas de prix, il a tout donné pour nous : voilà pourquoi il nous exhorte avec autant de force à choisir la vie. La vie auprès de celui qui fait vivre : Dieu.

Conclusion

Jésus nous a ouvert un chemin de vie, avec Dieu. Pour cela il a fait preuve d’une détermination à toute épreuve, pour nous. Le suivre dans la foi demande aussi de la détermination : accepter de le suivre là où c’est difficile, choisir de lui faire confiance quand nos autres garanties s’effacent, renoncer à ce qui nous retient dans notre marche avec lui. Mais le jeu en vaut la chandelle, car sur ce chemin étroit, nous trouvons Dieu, nous trouvons celui qui fait vivre, nous recevons sa joie, sa paix, sa grâce !

 




Témoin dans un monde incrédule

Lecture biblique: 1 Rois 17.17-24

Arrêtons-nous ce matin dans le premier livre des Rois, dans l’A.T., sur un épisode de la vie du prophète Elie. Quelques mots de contexte avant tout. Nous sommes aux environs de 900 avant Jésus-Christ. Le peuple d’Israël s’est divisé et ses rois, surtout au nord, se sont éloignés de Dieu. Au temps du roi Achab, très influencé par son épouse païenne Jézabel, survient le prophète Elie, qui entre en conflit ouvert avec le roi pour l’interpeller et lui rappeler qui est le vrai Dieu. Une sécheresse arrive, et c’est la famine. Elie doit se cacher et survivre, et Dieu le conduit chez une veuve à Sarepta, une ville phénicienne, en territoire païen. Cette veuve, qui doit prendre soin d’Elie, est elle-même dans une situation extrême : quand Elie arrive, elle vide son dernier pot d’huile & de farine et s’apprête à mourir de faim avec son fils. Elie lui promet la protection de Dieu si elle accepte de le prendre chez elle, ce qu’elle fait – et le miracle se réalise, la promesse de Dieu s’accomplit : le pot d’huile ne se tarit pas, le pot de farine ne désemplit pas. Je vous invite à lire ce qui arrive quelque temps plus tard, chez cette même veuve.                                         Lecture

Elie est prophète de Dieu dans un monde incrédule : en Israël, on se livre à des cultes païens, on élève des poteaux en l’honneur de divinités étrangères, on sacrifie à des statues. Une poignée de Juifs continue de croire en Dieu et de le respecter. Hors d’Israël, Dieu n’est pas connu. Une situation d’errance spirituelle, désertique et sèche, qui ne vaut pas mieux que notre époque ! Dans ce contexte, Elie se dresse comme un témoin, témoin du vrai Dieu, du Dieu vivant et source de vie, au cœur de ce monde incrédule.

1)   Témoin face au doute

Cette femme étrangère nous interpelle, par son mélange de foi et de doute. Depuis l’arrivée d’Elie, elle est au bénéfice des miracles de Dieu – en période de famine et de pénurie, ses ressources se renouvellent miraculeusement, et elle qui devait mourir de faim avec son fils peut vivre, et avec un hôte, de surcroît ! Et si ce miracle est arrivé, c’est parce qu’elle a pris le risque de suivre la procédure que proposait Elie, et qui mettait en jeu tout ce qu’elle avait. Cette femme a cru en la promesse de Dieu, et elle s’est accomplie.

Oui mais voilà, son fils tombe malade, son fils unique, ce qu’elle a de plus précieux. Et là, elle se retourne contre le prophète et l’accuse : « pourquoi tu m’as fait ça ? Est-ce que tu es venu pour faire mon malheur ? pour me condamner ? » Tout est remis en cause, les miracles, les croyances, car son fils est en danger.

Elle n’agit pas comme on l’attendrait, en bonne croyante, pleine de foi en ce Dieu qu’elle ne connaissait pas mais qui lui a donné l’abondance. Mais cette veuve n’est pas un personnage de conte de fées, lisse et prédictible : c’est un être humain, qui réagit, qui doute alors qu’elle a des signes de la présence et de l’action de Dieu, qui se débat quand la souffrance est insurmontable, qui se révolte devant l’injustice de sa vie.

Elie entend, derrière la révolte, le cri de souffrance et de détresse de cette mère qui perd son fils : pas de discours moralisateur, pas de verset prêt à l’emploi, pas d’explication toute faite ou de recette. Il écoute.

Face aux doutes de la foi naissante, face aux questions parfois agressives que nous rencontrons dans l’église et en dehors : « il est où ton Dieu – dans ma maladie, dans cette guerre, dans ce malheur ? », quelle est notre attitude ? Est-ce que nous sautons sur la première réponse venue, facile et polyvalente, ou est-ce que nous nous mettons à l’écoute de la soif, de la détresse, du besoin qui sont parfois sous-jacents ?

2)   Témoin dans la prière

Elie va plus loin encore que l’écoute : il se met au service de cette veuve, avec ce qu’il a. Malgré l’agressivité et l’incrédulité de cette femme désespérée, il se met à son service.

Il prend son fils, va dans une chambre à l’écart, et dans cette chambre il prie. Il en appelle à Dieu, il argumente (est-ce que vraiment tu vas faire du mal à cette femme qui m’a fait du bien ?), il plaide (c’est une veuve, elle perdrait tout !), il demande grâce (je t’en supplie, rends la vie à cet enfant !).

Il prie deux fois, au début et à la fin, car sans la prière rien n’est possible. Non pas que la prière soit magique et qu’il faille dire les bonnes formules au bon moment, et deux fois pour être sûr ! Non, la prière est essentielle car elle nous ouvre à l’intervention de Dieu, elle dégage l’espace où Dieu va agir. Prier c’est laisser Dieu passer devant.

Entre ces deux prières, Elie a un comportement étrange : il se couche trois fois sur l’enfant… Ce geste mystérieux, difficile à interpréter, est un geste de solidarité. J’y vois l’implication d’Elie, son implication personnelle au cœur de sa prière. Il ne reste pas détaché de la situation, mais il s’y colle, il s’engage, il joint un petit geste à une grande prière. Ce n’est pas la quantité ou l’efficacité du geste qui a compté, mais l’implication d’Elie qui ne prie pas de loin, mais qui prend à cœur, et à corps !, la détresse de cette femme pour la confier à Dieu.

Certes, des miracles aussi spectaculaires, on n’en voit pas tous les jours. Mais Dieu agit tous les jours, il intervient tous les jours, il est vivant et puissant et attentif tous les jours. Comment l’invitons-nous dans notre réalité ? quelle place lui laissons-nous ? Quand nous prions, pour nous ou pour les autres, est-ce du bout des lèvres, sans grande conviction, ou est-ce de tout notre cœur, avec la conviction que Dieu peut agir, même si ça nous dépasse ? Demander la résurrection d’un enfant, c’est aussi fou que de prier pour l’ouverture de la Corée du Nord, pour la paix au milieu des conflits, ou pour des conversions massives dans notre pays ! Il ne s’agit pas de donner des ordres à Dieu, mais de l’inviter dans notre réalité pour qu’il vienne nous transformer et nous faire vivre.

3)   Témoin du Dieu vivant

Ce jour-là, Dieu agit de manière spectaculaire : il fait revivre l’enfant. Non seulement l’enfant ressuscite, mais sa mère aussi reçoit de quoi vivre avec Dieu. Elle voit à nouveau qu’Elie est un vrai prophète, mais surtout que la parole de Dieu est vraie, que Dieu accomplit ses promesses, que Dieu est le vrai Dieu. Elie, assidu dans la prière malgré les doutes de cette mère, a tenu bon pour témoigner de Dieu, du Dieu vivant – sans avoir de garantie d’ailleurs sur le succès de sa prière.

Il peut paraître présomptueux de parler de Dieu aux autres, de proclamer que ce Dieu en qui nous croyons est le vrai Dieu, le seul et unique, celui qui fait vivre et revivre. Mais quel est ce Dieu dont nous parlons ? C’est le Dieu qui nous fait vivre, qui guérit les malades (c’est moins rare qu’on ne le pense), qui renouvelle les cœurs, qui entrelace constamment son action dans le tissu du quotidien – le Dieu de notre souffle et du printemps, du soleil et de la pluie, de l’enfant qui naît, de l’artiste qui nous percute, de l’athlète au sommet de ses capacités. C’est le Dieu créateur qui n’en finit pas de recréer, de renouveler, de raviver.

C’est le Dieu de Jésus-Christ, le Dieu qui s’est collé à nous pour nous faire revivre, qui est devenu homme, qui a pris chair et os comme nous, pour nous offrir la vie. Jésus-Christ, vainqueur de la mort et du mal, ressuscité, promesse de vie pour tous ceux qui croient. Jésus-Christ vivant aujourd’hui et pour toujours, intercédant avec nous, pour nous, collé encore à nous pour nous offrir la vie du Créateur.

Conclusion

Dans un monde incrédule, nous ne pouvons pas grand-chose, mais nous pouvons beaucoup. Nous pouvons être là, attentifs, à l’écoute de notre entourage, sans discours moralisateur ni fausse promesse. Nous pouvons servir, dans une prière qui nous engage dans notre cœur et nos actes. Nous pouvons être témoins, poteaux indicateurs, du Dieu vivant, parce que le Dieu qui nous a sauvés sauve encore aujourd’hui, et que le Dieu qui nous fait vivre veut relever ceux qui vacillent autour de nous.




Que tous soient un

Lecture biblique: Jean 17.20-26

A quoi pense Jésus alors qu’il avance vers la mort ? Avant d’être arrêté par les soldats pour être condamné, Jésus se prépare à l’épreuve qu’il va vivre en allant prier au jardin de Gethsémané. Jésus, après avoir exprimé à Dieu son angoisse devant la mort à venir, se remet à la volonté de son Père céleste dans la prière. Dans cette prière apaisée, Jésus prie pour lui, afin que sa mort serve à honorer Dieu, il prie pour ses disciples, pour qu’ils soient gardés dans les temps troublés qui les guettent, et il finit par prier pour les croyants futurs, la partie que nous allons méditer. Là, il se projette au-delà de sa mort, de sa résurrection 3 jours après, mais aussi au-delà de son retour auprès de Dieu (l’ascension) et de l’envoi de l’Esprit (la Pentecôte, quelques jours plus tard).

Cette prière nous révèle ce qui occupe les pensées du Christ au moment de marcher vers la croix : l’église. La foule d’hommes et de femmes à qui il offre le salut, d’avance. Cette prière a la force des dernières volontés, d’un testament, de ces derniers mots qui n’expriment pas tout mais qui concentrent l’essentiel.

Jésus porte un regard sur son œuvre accomplie auprès des disciples, l’enseignement qu’il a donné, et que les disciples sont appelés à transmettre, et il confie à Dieu l’aboutissement de son œuvre : ce que l’Eglise est appelée à vivre pour profiter pleinement de ce que Jésus a accompli. Et j’aimerais m’arrêter sur deux aspects de ces dernières volontés, de cette prière de Jésus pour l’Eglise.

1)   Se centrer sur Jésus

Premièrement, ce qui ressort de cette prière, c’est que la vocation de l’Eglise est de se centrer sur Jésus. Jésus est au centre, de cette prière comme de notre foi, et l’église n’a d’autre fondement que le Christ, le Christ seul. Jésus est le chemin unique qui nous conduit à Dieu, pour la simple raison qu’il est Dieu devenu homme. C’est la spécificité de l’Evangile, de la foi chrétienne : notre conviction que ce n’est pas l’homme qui trouve Dieu, mais que c’est Dieu qui rejoint l’homme, en se faisant homme lui-même en Jésus-Christ. Jésus nous permet d’aller à Dieu car il est Dieu qui vient à nous.

Jésus nous montre Dieu : il nous dévoile ses pensées dans ses enseignements, il manifeste sa puissance dans ses miracles, il témoigne de l’amour et de la justice sans failles de Dieu lors de ses rencontres. Il ne se contente pas de rendre visible le Dieu invisible de loin, mais il nous met en relation avec Dieu. Il nous met en contact avec Dieu. C’est la différence entre voir un film biographique sur un génie de la musique et rencontrer ce génie, passer du temps avec lui, devenir son ami. En lui, nous rencontrons Dieu.

Par lui et par lui seul, nous avons accès à l’amour mystérieux de Dieu, cet amour que nous décrivons par la Trinité : Dieu en trois personnes, Dieu père, fils, Saint Esprit, un seul Dieu mais relationnel, éternellement rempli d’amour. Jésus se rend solidaire de nous dans son humanité, pour nous rendre accessible cet amour qui caractérise la vie de Dieu, pour nous associer à cet amour riche & débordant. Quand nous nous attachons à Jésus, Dieu nous aime comme il l’aime! Lorsque nous nous attachons à ce que Dieu a de plus précieux, Jésus, nous devenons ce que Dieu a de plus précieux.

Tout ce que nous vivons, notamment en église, passe au crible de ce critère-là : est-ce que Jésus est au centre ? Dans nos cultes, dans nos prières, dans nos activités, mais aussi dans notre foi : l’apôtre Paul dit aux Corinthiens qu’il ne prêche que le Christ – or Paul évoque énormément de sujets. Toutefois, dans cette diversité, il se réfère constamment au Christ, pas à d’autres penseurs, pas à d’autres sagesses : si le Christ révèle Dieu, parce qu’il est Dieu devenu homme, alors il n’y a aucun autre chemin pour comprendre ce que Dieu désire pour notre vie. C’est par le Christ que Dieu nous aime, nous sauve et nous conduit.

2)   Grandir dans l’unité

Être unis à Jésus, vivre en lui, par la foi, c’est être unis à Dieu, c’est recevoir de la richesse d’amour de Dieu qui déborde jusqu’à nous, par Jésus. Mais cette union à Dieu dépasse notre foi privée et intérieure : elle nous relie aux autres croyants attachés à Jésus. C’est la dominante de cette prière : que tous soient un, comme Dieu et Jésus sont un, parce que tous sont un avec Jésus. Que tous soient un. L’unité est au cœur des dernières volontés de Jésus, l’unité entre les croyants qui atteste que c’est bien à Dieu qu’ils sont reliés par Jésus, que c’est bien cette harmonie divine qu’ils reçoivent en Jésus, que c’est bien à cette source d’eau vive qu’ils étanchent leur soif.

Jésus donne deux commandements : aimez-vous comme je vous ai aimés, et allez dans le monde annoncer le salut de Dieu que je viens vous offrir. L’amour entre nous, l’unité qui nous rassemble, est au cœur de la mission et de la prière de Jésus. Ce n’est pas facultatif : être proche de Dieu, c’est être proche de ses proches. Etre chrétien, c’est être membre du peuple de Dieu, membre de l’église, ce que montre concrètement le baptême.

Cela dit, l’unité que Jésus appelle de sa prière n’est pas une unité de façade, un accord superficiel basé sur le plus petit dénominateur commun. L’amour n’est pas notre Dieu : Dieu est notre Dieu. Dieu est aimant, mais il est aussi la vérité, et notre unité entre croyants ne peut avoir du sens que si elle a un fondement et un but communs. Être unis entre nous, c’est d’abord être unis au Christ qui nous unit : il ne s’agit pas de tout relativiser, tout accepter, tout considérer comme équivalent, en disant que l’essentiel c’est l’amour. Non ! L’essentiel c’est Dieu ! un Dieu d’amour et de vérité !

Cette unité nous est donnée dans la foi commune à Jésus, mais elle se travaille, elle doit se parfaire – et c’est ce que Jésus demande à Dieu pour l’Eglise : parfaire l’unité qui rassemble les croyants. Et cette unité grandit lorsque nous nous centrons sur l’essentiel ensemble. Lorsque nous lisons la Bible ensemble et que nous cherchons ce qui prime pour Dieu. Lorsque nous prions ensemble et que nous demandons ce que Dieu désire pour nous. Lorsque nous nous approprions ensemble les priorités de Dieu et que nous cherchons ensemble comment réaliser la mission qu’il nous donne. L’église n’est pas seulement un lieu de ressourcement personnel – même si j’espère qu’elle l’est aussi. C’est l’endroit où nous expérimentons l’unité avec Dieu, à notre niveau, au culte qui nous rassemble, mais aussi hors du culte, dans des rencontres spécifiques qui nourrissent nos convictions communes et donnent un fondement ferme à notre amour fraternel. Plus nous nous centrons ensemble sur Jésus, plus nous serons proches les uns des autres. Plus nous sommes convaincus que Jésus prime, son œuvre, son salut, la mission qu’il nous confie, plus nous sommes prêts à mettre de côté les inévitables divergences qui pourraient nous séparer. Avant de conclure, j’aimerais juste rappeler la devise reprise par notre union d’églises évangéliques libres : « Dans les choses essentielles, fidélité. Dans les choses secondaires, liberté (droit à ne pas être d’accord, à faire les choses différemment). En toutes choses, charité. »

Conclusion            

Je crois que le monde a soif de sens, soif d’un amour que nul être humain ne peut donner, soif d’une espérance que nul projet ne peut offrir. Jésus nous ouvre les portes de la vie avec Dieu, une vie nourrie par la vérité et la justice de Dieu, abreuvée par son amour, illuminée par sa présence. Lorsque nous nous centrons sur Jésus, quitte à renoncer à ce qui est périphérique, lorsque nous nous centrons sur l’essentiel et que nous cherchons à le vivre pleinement, nous donnons un témoignage de ce sens, de cet amour, de cette espérance que l’on trouve en Dieu grâce à Jésus-Christ. Nous devenons, comme c’est la vocation de chaque communauté, un lieu de vie et de rencontre avec Dieu, la preuve qu’il est possible de rencontrer Dieu et de vivre avec lui. Que Dieu nous aide à devenir parfaitement unis au Christ et les uns aux autres, afin que son amour et sa justice soient visibles et accessibles à tous les assoiffés de notre temps.