La vraie grandeur, c’est de servir

lavement des pieds 2

Quand je serai grande, je veux être…

Qu’est-ce que ça veut dire d’être grand ? Il y a l’âge, l’expérience, la maturité… Mais au quotidien, être grand implique parfois aussi d’être parmi les grands, parmi les premiers, au-dessus des autres. Certaines écoles supérieures diront à leurs étudiants : vous êtes l’élite de ce pays ! Certaines entreprises diront : si vous voulez être parmi les grands, faites plus et mieux que les autres – et nous vous récompenserons avec toutes sortes de privilèges. Dès la cour d’école, on est tenté de se hisser vers le haut pour être apprécié : en soignant son apparence, en cultivant le bon réseau, voire en critiquant les moins populaires. Pour accéder au statut désiré, rabaisser les autres peut être une étape. On le voit aussi dans nos familles : les disputes entre frères et sœurs pour avoir la plus grosse part du gâteau, la place devant dans la voiture, ou plus tard la meilleure part de l’héritage. Que nous osions l’avouer ou pas, l’ambition d’être grand pousse bien souvent à vouloir être plus grand que les autres, à se comparer, à saisir des privilèges, pour nous sentir  à la hauteur – en tout cas en hauteur.

Cette ambition peut avoir plusieurs sources : le désir d’excellence, ou d’être honoré, ou d’être privilégié, ou d’être dans les petits papiers du chef, ou d’avoir du pouvoir/ de peser dans la balance. Plusieurs sources, plusieurs formes, mais l’ambition d’être plus grand ne vient pas que de notre société compétitive – déjà au temps de Jésus, le problème est bien présent.

Quelle grandeur?

Alors que Jésus chemine vers Jérusalem avec ses plus proches disciples, le sujet est abordé.

Lecture biblique Marc 10.35-45  

35 Alors, Jacques et Jean, les fils de Zébédée, vinrent auprès de Jésus. Ils lui dirent : « Maître, nous désirons que tu fasses pour nous ce que nous te demanderons. » — 
36 « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? » leur dit Jésus. 
37 Ils lui répondirent : « Quand tu seras dans ton règne glorieux, accorde-nous de siéger à côté de toi, l’un à ta droite, l’autre à ta gauche. » 
38 Mais Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe de douleur que je vais boire, ou recevoir le baptême de souffrance que je vais recevoir ? » 
39 Et ils lui répondirent : « Nous le pouvons. » Jésus leur dit : « Vous boirez en effet la coupe que je vais boire et vous recevrez le baptême que je vais recevoir. 40 Mais ce n’est pas à moi de décider qui siègera à ma droite ou à ma gauche ; ces places sont à ceux pour qui Dieu les a préparées. »
41 Quand les dix autres disciples entendirent cela, ils s’indignèrent contre Jacques et Jean.
42 Alors Jésus les appela tous et leur dit : « Vous le savez, ceux qu’on regarde comme les chefs des peuples les commandent en maîtres, et les grands personnages leur font sentir leur pouvoir. 43 Mais cela ne se passe pas ainsi parmi vous. Au contraire, si l’un de vous veut être grand, il doit être votre serviteur, 44 et si l’un de vous veut être le premier, il doit être l’esclave de tous. 45 Car le Fils de l’homme lui-même n’est pas venu pour se faire servir, mais il est venu pour servir et donner sa vie comme rançon pour libérer une multitude de gens. »

Jésus en parlera plusieurs fois avec ses disciples : pour lui, l’ambition est un enjeu essentiel. Revenons sur ce dialogue pour voir ce que Jésus nous invite à vivre.

35-37 Jésus marche devant. Jacques et Jean se détachent du peloton des disciples et se rapprochent de Jésus. « Promets que tu diras oui à notre demande ! » C’est toujours louche de commencer par ça !

Ils veulent partager le triomphe de Jésus.  Vous allez me dire, c’est déjà une confession de foi : ils ont compris que Jésus est le Roi éternel. Mais du coup ils calculent comment ça peut tourner à leur avantage. Ils veulent être les ministres, les proches, du Roi éternel.

Mais pourquoi cette demande ? Jésus vient de leur parler de ce qui l’attend à Jérusalem : Marc 10. 33 Il leur dit : « Écoutez, nous montons à Jérusalem, où le Fils de l’homme sera livré aux chefs des prêtres et aux maîtres de la loi. Ils le condamneront à mort et le livreront aux païens. 34 Ceux-ci se moqueront de lui, cracheront sur lui, le frapperont à coups de fouet et le mettront à mort. Et, après trois jours, il se relèvera de la mort. »

C’est la 3e fois que Jésus évoque sa mort et sa résurrection. Et sur quoi met-il l’accent ? sur la souffrance ! Le fils de l’homme (il parle de lui-même) sera : arrêté par les autorités juives, condamné à mort, emprisonné par les autorités romaines, insulté, humilité, torturé et mis à mort. Et après il reviendra à la vie.

Mais les disciples ont surtout retenu la fin – la partie souffrance, elle est vite oubliée.

38 Jésus, peiné par la question, les renvoie à ce qu’il vient de dire – « Vous voulez l’honneur et la victoire ? Et le chemin de douleur qui y mène ? Vous le voulez ? »

Jacques et Jean me font penser à des supporters sportifs qui iraient voir Usain Bolt (médaille d’or JO 2016 au sprint 100m) : « dis, dis, on peut monter sur le podium avec toi ? » Et Usain Bolt de répondre : « et vous, vous pouvez faire ce que je fais pour atteindre ce niveau d’excellence ? Est-ce que vous avez passé des heures, des mois, des années à vous entraîner pour y arriver ? Est-ce vous avez supporté le stress qui précédait cette course historique au point d’en être malade ? »

Jésus fait référence à sa souffrance avec deux images : la coupe de douleur et le baptême de souffrance. La coupe de douleur vient des prophètes juifs et évoque non seulement une épreuve à traverser, mais aussi le jugement de Dieu sur le mal et ceux qui le commettent. Jésus ne va pas seulement avoir mal, il va payer de sa vie le mal que nous commettons.

Le baptême, c’est un bain, une immersion, souvent en signe de repentance et de désir d’être purifié par Dieu. Mais la souffrance fatale de Jésus, elle va au-delà : elle compense nos fautes pour que nous puissions nous repentir devant Dieu, pour que nous puissions avoir un nouveau départ.

39a Ô douce naïveté : nous le pouvons ! En fait, ils n’avaient rien compris !

39b-40 Et Jésus se reprend : oui c’est vrai, ils vont avoir le même destin. Pas dans le sens du sacrifice : un seul pouvait donner sa vie pour tous, un seul – le seul juste et innocent – pouvait se charger de toute injustice pour nous en libérer. Mais les disciples, parce qu’ils ont décidé de suivre Jésus, vont eux aussi traverser beaucoup de difficultés : ils seront rejetés, persécutés, voire mis à mort.

Jacques & Jean demandaient l’honneur, Jésus leur parle de sacrifice et d’un engagement coûteux. Pour clore le débat, il leur dit même que ce n’est pas son problème : un autre que lui (Dieu le Père) s’occupera d’attribuer les honneurs éternels.

41 – 42a Devant l’indignation des autres disciples, sûrement jaloux, Jésus en profite pour donner une leçon générale – et il commence par parler de ceux qui ont les honneurs, le pouvoir, dans la société : les grands de ce monde, prompts à écraser leurs subordonnés pour se servir eux-mêmes – dans le commerce, l’entreprise ou la politique : là non plus, pas de changement ! C’est la loi du plus fort qui règne.

43a : Mais entre vous, que cela ne se passe pas ainsi… ah non pardon : cela ne se passe pas ainsi. Pas de ça chez vous !! Jésus n’exprime pas un souhait ou un ordre, mais une constatation : quand on vit avec Jésus, une autre règle s’applique. Quand on vit avec Jésus, notre rapport au pouvoir et aux honneurs change. Comment on se différencie de ceux qui ne connaissent pas Jésus ? Pour quoi les chrétiens, ou l’Eglise, sont-ils connus ? Est-ce que c’est parce qu’ils ont un autre rapport au pouvoir ?

La grandeur, le pouvoir, le statut, c’est vraiment un enjeu de poids – sur nos lieux de travail (quels gadgets/ quels voyages/ quelle voiture j’exhibe pour montrer mon statut social ?) ; dans les familles entre frères et sœurs (moi je suis le préféré – non c’est moi !) ; dans l’église aussi, avouons-le (moi j’ai des responsabilités… je suis pasteur ! missionnaire ! président ! ou tout simplement… dans l’église depuis tant d’années, j’ai tant fait pour l’église, je donne tant… donc : j’ai un certain rang).

43b-44 Chez vous, dit Jésus, la vraie grandeur c’est de servir. D’oeuvrer pour les intérêts de l’autre – quitte à vous abaisser, quitte à renoncer aux honneurs et aux privilèges, quitte à passer derrière ou à passer votre tour. Chez vous, la vraie grandeur c’est de servir.

C’est la troisième fois que Jésus en parle : la grandeur n’est pas un rang qu’on atteint en poussant les autres, mais elle passe par le service.

La vraie grandeur, c’est de servir. Et Jésus explique pourquoi. 45 Dieu, le très-haut, devient un fils d’homme, un homme faible et limité, il renonce à ses privilèges pour accomplir ce qu’aucun homme ne peut faire : le salut pour l’humanité. A Jérusalem, Jésus va tout donner, et tout perdre : sa réputation, ses amis, sa vie, sa justice – pas pour servir ses intérêts, mais pour servir ceux des autres.

Et cette attitude qui le mène à la croix, on la voit partout : quand il touche les lépreux pour les guérir, quand il accueille des gens de mauvaise réputation, quand lui, le Roi céleste, lave les pieds de ses disciples à la manière d’un simple serviteur, en leur disant : ce que je fais, faites-le vous aussi.

Servir, c’est la vraie grandeur parce que le plus grand que nous connaissions, Dieu lui-même, nous a servis en Jésus-Christ. Qu’est-ce qui peut être plus grand que de vivre comme Dieu lui-même ? En le suivant sur le chemin du service, nous laissons la mesquinerie des luttes de pouvoir ou d’honneur pour expérimenter la vraie noblesse, la grandeur de Dieu.

Dans notre vie

La vraie grandeur, c’est de servir. A quoi ça peut ressembler dans notre vie ?

Dans notre église, par exemple, ça peut être de participer aux tâches jugées parfois ingrates : venir faire le ménage en semaine de temps en temps, débarrasser et faire la vaisselle après un repas d’église, raccompagner quelqu’un après le culte. Mais il n’y a pas qu’à l’église qu’être disciple de Jésus nous pousse à servir : à la maison, quand on participe aux tâches quotidiennes ; au travail, quand on prend sur soi pour aider un collègue ; dans les transports ou les magasins, quand on cède sa place à quelqu’un. Au lycée, quand on va parler à celui que tous rejettent. C’est une attitude globale.

Mais certains diront : chacun sa tâche, moi je suis plutôt doué pour enseigner, parler, diriger la louange, animer un groupe d’étude… D’autres pourront le faire, j’ai des tâches plus importantes. Mais Jésus ne répartit pas les rôles : il enseigne, et il lave, et il nourrit, et il supporte. Si rien n’était trop indigne pour le fils de Dieu lui-même, qui sommes-nous pour nous penser exempts de servir ? Ou vous dites peut-être : je n’aime pas ça, je ne suis pas doué. Mais est-ce que Jésus aimait laver des pieds sales et puants ? Est-ce qu’il a aimé mourir sur la croix ?

La vraie grandeur c’est de servir. Jésus ne dit pas que la vraie grandeur c’est de s’abaisser, pour le plaisir de s’humilier ! Non, c’est de servir, servir quelqu’un. C’est ce qu’il a fait : il n’est pas mort pour montrer la puissance de sa vitalité lors de sa résurrection, mais il est mort pour nous ! Quand nous servons, au-delà de la tâche elle-même, c’est l’autre que nous servons.

Ceux qui font le ménage à l’église n’ont pas pour passion de nettoyer les WC, mais ils le font pour nous, pour qu’on vive le culte dans un cadre agréable. Comme un cadeau. D’autres s’engagent parce qu’ils voient un besoin – que ce soit dans un service d’église (comme avec les enfants) ou en dehors (renoncer à une sortie mensuelle pour pouvoir parrainer un enfant par le SEL, c’est aussi servir). C’est ça aussi, s’aimer les uns les autres !

J’ai rencontré il y a quelques années des gens très serviables mais qui utilisaient leur service pour se faire leur place dans l’église ou asseoir leur rang dans leur famille. Chez les chrétiens, le service devient parfois un lieu de compétition. Mais pour Jésus, servir c’est laisser de côté la compétition, arrêter de réfléchir à ce que nous allons y gagner ou comment les autres vont nous voir, pour nous concentrer sur ce qui fait du bien à l’autre.

Oui mais Jésus, c’est Jésus ! Il est parfait ! Certes, mais il nous remplit de son Esprit, il nous transforme de l’intérieur – pour bousculer nos priorités et nous apprendre à lui ressembler. Imaginez que tous les chrétiens soient connus pour leur humilité, pour leur attention envers les plus petits, pour leur simplicité. Imaginez l’impact dans nos réseaux professionnel ou scolaire, amical et familial, si nous exerçons nos responsabilités en donnant la même valeur à tous ceux que nous côtoyons, et en veillant à leurs intérêts ; si nous laissons de côté la question des privilèges ou de notre image de marque ; si nous sommes déterminés à ressembler au Christ de plus en plus.




Motivés par l’essentiel (3) Créés pour ressembler au Christ

Au cours des années, il m’est arrivé de rencontrer quelques personnes vraiment lumineuses. Des gens tout simples, d’apparence ordinaire (dans la rue je ne les aurais pas remarqués) mais quand ils commençaient à parler, c’était incroyable – ils irradiaient littéralement. Il y avait même quelque chose de l’ordre de la beauté, un peu comme un tableau d’art.

On a tous des gens qui nous ont marqués : souvent des personnes qui vous ont fait plaisir, ou qui vous ont donné de la joie, ou vous ont soutenus dans les difficultés… et puis il y a ces personnes qui vous ont montré qu’un autre chemin était possible : ils vous ont inspirés par leur sens de la justice, nourris par leur soif de vérité, fait du bien par leur attitude aimante et pacifique. Les rencontrer a marqué un tournant dans votre vie. Pour certains, c’est même des personnes qui ont marqué l’histoire et qui donnent le cap – comme un grand scientifique ou une personne qui s’est battue pour les autres. Ce sont des gens dans la meilleure version d’eux-mêmes, qui nous donnent envie de nous aussi devenir meilleurs.

Pourtant, si rencontrer ces gens nous inspire et nous remplit d’enthousiasme, il nous est bien difficile nous-mêmes de devenir comme eux, aussi lumineux. Et puis, nos « modèles » ont toujours leurs limites, leurs faiblesses – on le sait, ils sont humains comme nous, mais ça ne nous empêche pas d’être parfois profondément déçus quand la personne qui nous a fait si forte impression révèle son côté sombre.

Rechercher le meilleur modèle   

Un des disciples de Jésus, l’apôtre Paul, écrit aux chrétiens de Corinthe, en Grèce, justement sur ce sujet : qu’est-ce qui m’influence ? Qu’est-ce qui me tire vers le haut ? On peut s’inspirer de la vie de nombreuses personnes, mais pour lui, la plus grande source d’inspiration, celle qui ne nous décevra jamais et dont on ne peut pas atteindre les limites, c’est celui qui n’a pas de côté sombre : Dieu, celui qu’il appelle le Maître, le Seigneur. Selon la Bible, nous avons été créés pour ressembler à Dieu qui se révèle parfaitement à travers le Christ.

2 Corinthiens 3.18

18 Nous tous, le visage découvert, nous reflétons la gloire du Seigneur ; ainsi, nous sommes transformés pour être semblables au Seigneur et nous passons d’une gloire à une gloire plus grande encore. Voilà en effet ce que réalise le Seigneur, qui est l’Esprit.  

Je n’ai pas lu ce qu’il y avait avant, donc ça peut paraître bizarre. Paul parle de la spécificité de notre relation avec Dieu à travers Jésus, et il fait la comparaison avec la relation entre Dieu & Moïse (le grand prophète, le chef qui a conduit le peuple juif hors de l’Egypte, en passant par la mer rouge etc.). Moïse était très proche de Dieu – il y a notamment une période où il a passé de longues semaines seul en haut d’une montagne à noter par écrit le projet que Dieu avait pour son peuple. Ils étaient proches mais bien sûr Moïse ne le voyait pas directement. Quand il faisait des pauses et redescendait, il était si lumineux que le peuple avait presque peur ; alors Moïse mettait un voile pour atténuer son éclat. Imaginez que vous soyez si lumineux que vous en éblouissez les autres – et qu’ils doivent mettre des lunettes de soleil 😉 Nous avons chanté : ébloui, éblouis par Dieu – Moïse était ébloui par dieu, il était exposé à sa présence lumineuse au point d’en devenir éblouissant lui-même.

L’idée de Paul, c’est que Moïse n’a vécu cette expérience lumineuse que pendant une courte période – et voyez le résultat ! Mais le Christ révèle parfaitement qui est Dieu – c’est comme si Dieu était derrière nous et qu’il se laissait voir dans le reflet d’un miroir devant nous. L’image que nous voyons sur le reflet, c’est Jésus-Christ. Nous ne voyons pas encore Dieu complètement, mais nous avons déjà une image de lui très précise et très concrète, en Christ. Donc lorsque nous regardons Jésus par nos yeux ou à travers les récits de l’Evangile qui nous le décrivent, nous avons une représentation nette de la gloire, de l’être-même de Dieu (la gloire c’est le poids, la valeur, l’ampleur d’une personne). Lorsque nous regardons le Christ, il nous renvoie l’éclat de la lumière qui est en Dieu – et il n’est pas possible d’en sortir indemnes ! Quand vous allez au soleil, vous revenez avec de belles couleurs, imaginez le bien que nous fait la lumière de Dieu.

Mais la lumière nous transforme aussi à l’intérieur : comme le soleil vous fait secréter de la vitamine D qui est bonne pour vos os, votre humeur ou votre immunité, s’exposer à la lumière de Dieu fait naître en nous de bonnes choses. Dieu, quand nous nous tournons vers lui à travers Jésus, Dieu nous inspire, nous motive, nous guérit, nous corrige, nous allège – il nous transforme. Il répare ce qui est tordu, assainit ce qui moisit, fortifie ce qui est faible.

Alors, est-ce qu’on a vraiment besoin d’être réparés ? Est-ce que nos défauts ne font pas partie de notre charme ? Faut-il absolument de devenir meilleurs ? On l’entend souvent : si tout le monde était parfait, on s’ennuierait…

Est-ce que c’est si vrai, que sans nos défauts, la vie perdrait de son charme ?

Evidemment, si vous pensez à un artiste tellement dans les nuages qu’il en est un peu tête en l’air, ou à quelqu’un de si spontané qu’il met parfois les pieds dans le plat…

Mais nos défauts, en vrai, c’est pas ça ! c’est ce qui  nous attriste quand on se regarde dans la glace : nos mensonges, trahisons, échecs, colères, peurs, agressivité, tout ce qui est tordu voire pervers que nous ne voulons pas toujours avouer… ce qui peut vite nous faire basculer dans celui qu’on ne veut pas être, ce qui nous fait fuir chez l’autre. Je crois qu’on s’en passerait bien, de ça, non ? de ces poids, de ces fardeaux, de ces lourdeurs, de ces pilotages automatiques qui nous emmènent parfois droit au désastre…

Une chose que Paul et les ouvrages de développement personnel ont en commun : le processus est progressif ! Ca c’est sûr ! Mais la différence, c’est qu’est-ce qui me transforme. Combien de fois j’ai essayé d’être gentille, paisible, altruiste, courageuse – par moi-même c’est des sauts de puce et quand je m’améliore d’un côté, je relâche d’un autre. Mais la bonne nouvelle de l’Evangile (Evangile ça veut dire bonne nouvelle), c’est qu’en Jésus, Dieu lui-même porte nos défaillances – quand dieu me regarde à travers le miroir de la foi, il voit la justice la bonté et la paix de Jésus. Et quand je regarde Jésus, je reçois la vie de Dieu lui-même, qui par son saint esprit répare nos défaillances. Quand je me tourne vers Jésus, sa lumière agit en moi – et il met toute sa force pour me faire progresser.

De là où nous sommes, quel que soit notre parcours de vie, nous aspirons à un mieux, nous aspirons à devenir meilleurs, une meilleure version de nous, plus belle, plus généreuse, plus humble, plus courageuse ! A qui regarder ? Nous pouvons nous inspirer de milliers d’exemples, mais seul le Christ nous met en contact avec la source de toute justice, de toute joie, de toute vérité et de toute paix, d’un amour inégalé – et cette source nous transforme de l’intérieur.

S’exposer activement à la lumière du Christ  

Alors si c’est Dieu qui me transforme, je n’ai plus rien à faire ?! Si, bien sûr. Dieu ne me transforme pas malgré moi : c’est un processus où je suis impliqué ! Pour grandir, pour ressembler de plus en plus au Christ, je dois m’exposer activement à sa lumière. Et ça veut dire deux choses : 1/ renoncer à ce qui est sombre, 2/ rechercher tout ce qui est lumineux, tout ce qui vient de Dieu.

1/ Renoncer à ce qui est sombre. On ne peut pas suivre des influences contradictoires dans notre vie. Si nous voulons nous rapprocher de Dieu, nous devons renoncer à ce qui nous éloigne de lui. Si nous voulons plus de lumière, nous devons renoncer à ce qui tue la lumière en nous. Ca peut être renoncer à des penchants dégradants ou des habitudes destructrices, mais aussi à des fonctionnements stériles ou à des valeurs égoïstes. Peut-être aussi réfléchir à ce qui m’influence dans ma vie : ce que je regarde, ce que j’écoute, qui je fréquente (il n’y a pas que les ados qui ont de mauvaises fréquentations !). Qu’est-ce qui me fait grandir, et qu’est-ce qui me tire vers le bas ?

Pour vivre avec Dieu, il faut nous détourner de ce qui nous détourne de lui.

2/ Pour lui ressembler davantage, nous devons choisir ce qui nous rapproche de lui.

Ca demande d’abord de connaître Jésus, de toujours mieux le connaître, car on n’a jamais fait le tour de tout ce qu’il a à nous apprendre. Pour le connaître, le mieux c’est encore les évangiles : quatre biographies de Jésus qui présentent sa vie, ses actes, ses paroles, ses attitudes. Le reste de la Bible, avant et après, permet de comprendre les enjeux et la portée de la vie de Jésus. Donc lire les Evangiles, les méditer, s’en imprégner, c’est s’exposer à la lumière du Christ.

Il ne suffit pas de connaître Jésus. Si vous voulez vous mettre à la course, et que vous avez lu un manuel sur la meilleure méthode pour la course à pied et acheté de bonnes chaussures, mais c’est tout, vous n’irez pas loin ! Il faut vous y mettre, vous entraîner ! C’est pareil pour ressembler à Jésus : il faut s’entraîner concrètement à vivre comme lui. Il ne s’agit pas de fréquenter seulement des gens ou des lieux chrétiens ! D’ailleurs, Jésus n’était pas comme ça : il allait partout et fréquentait des gens de tous bords.

Vivre comme Jésus demande de changer de filtre par rapport à notre vie : au lieu d’agir par automatisme, demandons-nous comment Jésus réagirait, comment lui il aborderait la situation. Dans tout ce que nous vivons, facile ou difficile, nous pouvons grandir en choisissant de laisser Jésus nous inspirer.

Parfois/ souvent, nous nous tromperons – comme à la course, vous vous ferez des claquages ou vous tomberez – mais ce n’est pas grave : nous nous entraînons ! Peu à peu, les muscles se forment, le chemin se fait, la ressemblance au Christ grandit.

Tout cela, nous ne pouvons le vivre que dans la prière, car si nous avons notre part à faire, c’est surtout Dieu qui agit et nous le savons.

« Dieu, que veux-tu transformer en moi en ce moment ? »

ou « Conduis-moi dans ces circonstances confuses, car je ne sais pas où aller : montre-moi le chemin, donne-moi un signe ! » et le Dieu qui a créé la terre trouvera bien le moyen de vous guider !

ou, quand nous savons où aller mais que nous nous sentons faibles : « Donne-moi la force et la volonté de choisir le meilleur ! »

Conclusion

Est-ce que si nous ressemblons tous à Jésus nous serons tous pareils ? Non, car nous lui ressemblerons à notre manière. Imaginez que nous soyons tous des lampes avec des abat-jours de formes et de couleurs différentes. De très belles lampes ! mais éteintes. En nous approchant de Dieu par Jésus, le courant se branche à nouveau, et la lumière arrive dans l’ampoule (à faible consommation d’énergie) qui gagne progressivement en luminosité.

En marchant avec Jésus, la vie ne sera pas forcément plus simple ou plus facile, mais elle sera plus légère : avec le temps, certaines questions ne se posent plus, certaines tentations disparaissent, des évidences se forment – Dieu porte notre vie avec nous. Avec lui, nous vivrons plus de joie, car il agit en nous et autour de nous pour le meilleur. Et la paix ! La paix de se savoir toujours avec lui, dans sa lumière, une lumière que rien ni personne ne peut éteindre. Oui, laissant derrière nous la confusion et les tiraillements, nous recevrons la paix – car nous marchons dans la lumière de Dieu, vers le meilleur.




Motivés par l’essentiel (2) Façonnés pour la famille de Dieu

https://soundcloud.com/eel-toulouse/une-eglise-en-famille

« En famille » à l’église

Si je vous dis qu’hier soir, j’ai passé une soirée où je me suis sentie « en famille », vous ne me demanderez pas forcément qui de ma famille est venu me voir mais vous comprendrez que je me suis sentie bien, à l’aise, que j’étais moi-même, dans un environnement de confiance et chaleureux. C’est ça, le sens de l’expression « en famille » : quand on se sent à sa place, reconnu, accueilli tel qu’on est, avec tout ce qu’on est. Ca arrive en famille justement, dans ces relations où on sait qu’on n’a rien à prouver, qu’on est aimé et valorisé sans avoir mérité quoi que ce soit. On a notre place.

Malheureusement, nos familles ne sont pas toujours ces lieux où nous nous sentons complètement accueillis ou en confiance… Combien de tensions avec nos parents, nos frères et sœurs, notre belle-famille ?… Pour certains, les réunions de famille relèvent plus du cauchemar auquel on se prépare 3 mois à l’avance que d’un havre de paix et d’amour ! Vous me direz, il n’y a pas qu’en famille qu’on se sent en famille ! Nous retrouvons avec certains amis proches cette liberté, cette aisance, cette simplicité dans les relations. Même là, les questions de temps, de mobilité, de loyauté, font que les liens d’amitié, même s’ils sont très forts pendant une période, peuvent se disloquer, à notre grand regret.

Tous, que nous soyons plutôt solitaires ou sociables, nous avons au fond de nous cette soif de relations profondes et authentiques où nous nous savons acceptés et aimés quoi qu’il arrive. Et même si au quotidien nous avons du mal à étancher cette soif, il n’en demeure pas moins que nous avons été créés, câblés, façonnés pour vivre des relations « en famille », des relations authentiques et pleines d’amour donné et reçu. Dans notre série « Motivés par l’essentiel » (livret), c’est le 2e essentiel de notre vie sur terre : le premier, c’est que nous avons été conçus pour le plaisir de Dieu, pour trouver notre joie en sa présence. Mais le 2e essentiel, c’est que nous avons été façonnés pour aimer.

Lecture biblique: Ephésiens 1.3-6

3 Louange à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ ! En effet, il nous a bénis dans le Christ en nous communiquant les dons de son Esprit qui viennent du ciel. 
4 Avant la création du monde, Dieu nous a choisis dans le Christ pour que nous soyons saints et sans défaut devant ses yeux. Dieu nous aime 5 et, depuis toujours, il a voulu que nous devenions ses fils par Jésus-Christ. Il a voulu cela dans sa bonté.
6 Alors chantons la gloire de Dieu pour la grandeur de ses bienfaits ! Il nous les donne généreusement par son Fils très aimé.

Dieu veut une famille nombreuse

De toute éternité, Dieu aime. Dieu est amour, on le dit souvent. Mais est-ce qu’on saisit à quel point Dieu est amour ? Est-ce qu’on saisit que l’une des caractéristiques éternelles de Dieu, bien avant la création de notre monde, c’est les relations d’amour qui existent entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint ? C’est ce qu’on dit quand on parle de « trinité » : d’autres religions croient que le dieu ou la divinité est puissant, juste, créateur, vrai… certains vont même dire que ce dieu est bon ou plein de compassion envers nous – ça rejoint l’une des affirmations centrales de la Bible. Mais comment Dieu pourrait-il être aimant de toute éternité s’il n’avait jamais connu de relation avant nous ? Dire que Dieu est amour, ça veut dire que Dieu expérimente cet amour – et si ça fait partie de son essence, alors c’est des relations éternelles. L’image que donne la Bible, notamment ici, c’est l’image de la famille : de toute éternité, Dieu est « en famille », Dieu est une famille.

Mais il a voulu une famille nombreuse. (diapo) Non que le Fils divin ne lui suffise pas, non que l’Esprit saint le déçoive, mais l’amour de Dieu est vaste, et large, et immense, et Dieu voulait… toujours plus ! Il voulait aimer, et voir aimer ! Il nous aime, lui, mais il désire aussi pour nous des relations aimantes et bienfaisantes avec d’autres – comme en reflet de ce que lui a toujours vécu.

Et lorsque le mal s’est mis en travers, lorsqu’il a déformé notre relation avec Dieu, avec les autres, avec nous-mêmes, Dieu n’a pas supporté de nous perdre. Le Fils a tout donné, il s’est donné lui-même pour que nous puissions retrouver notre place auprès de Dieu, comme des enfants adoptés, retrouvés, près de lui, pour toujours. Grâce à ce don du Christ, Dieu nous remplit à nouveau de son Esprit, pour combler notre vie de sa présence.

Il y a de quoi chanter la grandeur de l’amour de Dieu ! Il y a de quoi célébrer le Christ ! Il y a de quoi nous réjouir de la présence du Saint Esprit ! Mais nous pouvons aussi nous réjouir de la famille que Dieu nous donne. Car oui, en devenant ses fils et ses filles bien-aimés, nous recevons des frères et sœurs dans la foi. De fait, tous ceux qui croient en Jésus-Christ et qui appellent Dieu « Père », tous ceux-là sont frères et sœurs… pour l’éternité ! Vous qui avez des frères et sœurs, comment auriez-vous pu ignorer votre fratrie à la maison ? Quand vous êtes nés, ils étaient là ! A table, ils étaient là ! Dans la voiture, en vacances, aux réunions de famille, aux anniversaires… ils étaient là ! Et tout parent vous le dira : l’amour entre les enfants compte presque autant que la relation avec les parents…

De toute éternité, Dieu désire et se prépare une famille nombreuse, avec des enfants de tous âges, et de tous styles, qui se réjouissent ensemble, se soutiennent dans les difficultés, s’entraident aux différentes étapes de la vie : tout simplement une fratrie qui s’aime, comme le Père aime ses enfants !

Vivre l’église « en famille »

L’Eglise, dans l’histoire et dans le monde, est le rassemblement visible des enfants de Dieu, disons que c’est la grande famille de Dieu. Et toutes les communautés locales, temporaires, que nous formons sont les branches de cette famille – vous savez, comme les branches que l’on trouve dans les arbres généalogiques.

A partir du moment où l’on dit que l’église est un morceau de la famille de Dieu, notre attente, légitime, c’est qu’elle soit « familiale ». Surtout dans nos églises évangéliques, où nous sommes très attachés à cette notion de fraternité, d’accueil, de chaleur fraternelle. Mais qu’entend-on par une église « familiale » ? Il y a parfois des soupirs de regrets : ah, l’église a grandi, on ne connaît plus tout le monde, c’est anonyme… Et nous ne sommes que 200 ! Imaginez les églises qui comptent plusieurs milliers de membres ! Il y a derrière ces regrets la nostalgie d’une vie d’église intense, riche, avec des relations fortes. Mais le côté « familial » ne dépend pas du nombre de membres. Vous trouverez des petites familles froides et indifférentes, avec des repas de Noël à 5 pleins de tension et de malaise, alors qu’il y a de grandes familles chaleureuses et aimantes ! Vivre l’église comme une famille ne dépend pas du nombre de membres, mais de la qualité des relations que nous avons entre nous. C’est la fraternité entre nous qui détermine à quel point notre église est « familiale ».

Si nous voulons, si vous voulez, vivre pleinement votre vie chrétienne, vous ne pouvez pas faire l’impasse sur vos frères et vos sœurs. Ils font partie intégrante de votre relation avec Dieu. Et vivre l’église en famille demande que chacun de nous investisse dans des relations fraternelles. Pas avec tout le monde, c’est impossible ! Mais si chacun d’entre nous décide de s’investir dans une relation familiale avec mettons 2 personnes (l’objectif est modéré ! c’est pour commencer…), notre église, notre vie !, ne sera plus la même.

Investir dans des relations fraternelles, c’est y passer du temps  : eh oui ! vous investissez avec vos précieuses ressources – à la banque c’est l’argent, en famille c’est le temps ! si vous n’appelez jamais vos frères et sœurs ou vos parents, si vous ne passez jamais de temps ensemble, si vous ne faites rien ensemble… comment sera votre relation ? Une relation familiale demande du temps ! Du temps en petit comité, du temps pour se connaître, pour s’apprivoiser, pour s’épauler… Les activités que nous avons dans l’église ce sont des retrouvailles de famille, mais nous développons notre fraternité dans les petits groupes (de partage ou de service, organisés par l’église ou spontanés). Par exemple en invitant à manger ou proposant un café à un autre membre de l’église, en donnant de vraies nouvelles quand on vous dira à la fin du culte « ça va ? ». En rejoignant un groupe. En proposant à quelqu’un de prier avec lui, ou de lire la Bible ensemble. Réfléchissez à comment vous pourriez vivre des relations un peu plus fraternelles, juste un pas supplémentaire.

J’insiste sur le fait de vraiment se connaître les uns les autres, pour vivre une vraie fraternité. Une relation familiale, c’est une relation authentique, où chacun est lui-même, sans faux-semblants, sans chercher à se cacher ou à en imposer, avec ses points forts, ses limites, ses défauts. Et nous chrétiens, étrangement, nous avons du mal avec l’authenticité. Nous qui croyons en un Dieu de grâce qui nous prend tels que nous sommes et nous lave, nous purifie, nous transforme avec patience, quelque soit l’état de dégradation dans lequel nous étions. Nous qui affirmons et chantons que le salut par grâce est un salut immérité, que nous avons simplement à croire, en laissant Jésus porter (et emporter) notre honte et notre culpabilité. Nous qui disons avec les réformateurs Luther et Calvin que nous sommes toujours des pécheurs pardonnés, fautifs et imparfaits mais couverts par le sang du Christ – en lui nous avons l’assurance d’être aimés de Dieu.

Nous qui croyons tout cela, pourquoi avons-nous tant de mal à vivre dans l’église des relations authentiques ? Sûrement que quelque part, il y a le désir de bien faire – Dieu m’a sauvée et lavée pour que j’apprenne à mener une vie sainte, juste et belle : quand j’échoue, j’ai honte. Et puis je veux montrer aux autres mes bons côtés, mes réussites, c’est normal ! Il y a peut-être aussi la peur – la peur d’être la seule à n’avoir rien compris (le diable s’évertue toujours à nous couvrir d’accusations et c’est ainsi qu’il nous isole – de Dieu et des autres), la peur de décevoir, d’être jugée, d’être rejetée… Chacun se demande : qu’est-ce qu’ils penseraient de moi s’ils me connaissaient vraiment ? Nous avons tant d’exemples où nous avons fait confiance, en famille, en amitié, en amour, et la porte s’est refermée.

Le problème, c’est que nous n’avons pas le choix ! Soit nous aimons de vraies personnes, soit nous aimons des mirages – mais je doute que ça marche pour Dieu. Pour aimer, nous devons avoir le courage de l’authenticité, au moins avec quelques uns. Le courage d’être nous-mêmes, de confier nos joies, nos projets, nos rêves, nos doutes, nos peurs, nos échecs. Le courage de demander conseil, et la prière. Le courage de chercher Dieu ensemble.

Mais aussi le courage de regarder l’autre en frère, en sœur, même quand il me déplaît ou que je ne comprends pas. Le courage d’écouter sans rétorquer au quart de tour, en choisissant la grâce, comme Dieu l’a fait avec nous, le courage du pardon et de l’accompagnement. Le courage aussi de parler, en disant à l’autre ce qu’il n’a pas forcément envie d’entendre, mais pour le faire grandir pas pour l’écraser, sans remettre en question sa place auprès de Dieu ou parmi nous.

Vivre l’éternité aujourd’hui

Comment vivre cette véritable fraternité en église si déjà c’est difficile avec nos proches ?  Je crois que si Dieu a mis tant d’énergie à se façonner une famille, depuis la création jusqu’à la croix, la résurrection, le don de l’Esprit, il va nous éduquer ! ou nous rééduquer ! Ayons confiance : Dieu donne à chacun de ses enfants le saint Esprit qui agit dans nos cœurs, qui guérit les blessures, qui arrondit les angles, qui ouvre de nouvelles possibilités. Il nous donne le Christ pour compagnon et pour modèle.

Mais ne nous leurrons pas : la fraternité dans l’église reste un défi ambitieux à relever. Nous devons faire le choix du partage, voire du pardon. Mais est-ce vraiment un choix ? Pouvons-nous ignorer les autres enfants de Dieu qui habitent la même maison que nous ? Pouvons-nous rester dans notre coin ? Pouvons-nous décréter que l’amour dans la famille du Dieu d’amour est une option ?

De toute éternité, Dieu nous a préparé une place dans sa famille. Et je ne sais pas trop à quoi ressemblera la vie dans l’éternité de Dieu, mais une chose est sûre, nous y serons ensemble ! Aujourd’hui, nous avons un avant-goût de l’éternité au sein d’une branche de la famille. Aujourd’hui, nous pouvons déjà expérimenter, goûter, tester à quoi ressemble l’amour tel que Dieu l’imagine. Aujourd’hui, nous pouvons laisser cet avant-goût de l’éternité transformer nos relations, nous éduquer à la fraternité – et peut-être même qu’ayant appris à aimer comme Dieu ici, nous pourrons mieux aimer ailleurs.




L’Eglise, une identité et une vocation

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[Culte de consécration dans le Parcours Vitalité]

Pour nous inspirer dans le défi que nous avons à relever en tant qu’église, je vous invite à lire un extrait de la première lettre de l’apôtre Pierre.

Lecture biblique: 1 Pierre 2.9-10

9 Mais vous, vous êtes la race choisie, la communauté des prêtres du Roi, la nation sainte. Vous êtes le peuple que Dieu a choisi pour annoncer les grandes choses qu’il a faites. Il vous a appelés à sortir de la nuit, pour vous conduire vers sa lumière magnifique. 

10 Autrefois, vous n’étiez pas le peuple de Dieu, mais maintenant, vous êtes son peuple. Autrefois, Dieu n’avait pas pitié de vous, mais maintenant, il a pitié de vous.

Sur votre carte d’identité, qu’est-ce qu’on trouve ? Votre nom, prénom, votre date & lieu de naissance, votre taille, la couleur de vos yeux et de vos cheveux… Parfois une vieille photo qui fait ricaner vos proches, mais finalement cette carte ne dit pas grand-chose de la personne que vous êtes. De vos goûts, de vos valeurs, de vos motivations – tout ce qui détermine votre vie, vos choix, vos actions, vos façons de faire.

On n’a pas de papiers spirituels, mais spontanément, si vous deviez vous définir, vous diriez peut-être que vous êtes chrétiens, protestants, que vous êtes enfant de Dieu, sauvé, en chemin…

Quand l’apôtre Pierre décrit notre identité,  il ne parle pas de taille, de couleur ou d’âge, il reprend les mots que Dieu avait utilisés pour le peuple d’Israël à la sortie d’Egypte (Ex 19.6) : vous êtes mon peuple, la nation que j’ai choisie, les prêtres qui m’entourent. Tous les Juifs ne sont pas prêtres ! Mais Dieu parle ainsi de la proximité avec lui : comme des prêtres, vous avez accès à ma présence sainte et pure. Pierre applique les mêmes caractéristiques à l’église : notre identité c’est d’appartenir à Dieu et d’être proches de lui. Qu’est-ce que ça signifie, pour nous, aujourd’hui, au moment où nous voulons entrer dans une nouvelle dynamique d’église ?

  • Une identité à vivre ensemble

En parlant d’identité, Pierre s’attache à ce que nous sommes ensemble : un peuple, une communauté, une nation. Il ne s’arrête pas à ce que nous sommes individuellement (justifiés, pardonnés, déclarés enfants de Dieu et cohéritiers du Christ) mais il va plus loin : il regarde à ce que nous sommes, ensemble.

Peut-être qu’en Occident, nous sommes un peu défavorisés pour comprendre ce que Pierre veut dire, parce que nous sommes très attentifs à la réussite personnelle, à l’épanouissement de l’individu, à nos projets privés, plus que dans d’autres pays. Et c’est vrai que pour Dieu, qui agit en chacun de nous, qui connaît chaque recoin de notre âme et chacune de nos cellules, l’individu est précieux. Dans la Bible, Dieu met d’ailleurs l’accent sur notre relation personnelle avec lui, notre authenticité, notre intimité. Pour Dieu, l’individu est précieux, oui, mais son projet est global, universel, cosmique. Son projet, c’est d’établir la justice et l’amour sur notre terre, de restaurer notre monde et d’y faire vivre, en communion avec lui, une humanité nouvelle, marquée par la paix et la fraternité.

Le projet de Dieu va plus loin que notre sort individuel : Dieu fait de nous un peuple, le germe de cette humanité nouvelle, unie par son Esprit. Le salut en Jésus donne une autre dimension à notre identité, il l’élargit : je suis plus que moi – je suis membre de l’Eglise, muscle du corps du Christ, pierre vivante du temple de Dieu, sœur dans une immense fratrie. Notre identité, notre vocation, notre projet de vie, en Christ, est plus grand que ce que nous accomplissons personnellement – ça englobe aussi ce que nous sommes en église.  Et cette identité, Dieu nous appelle à l’explorer, à la déployer, à la vivre ensemble : c’est ensemble que nous pouvons découvrir différentes facettes de que Dieu est et de ce que Dieu veut, ensemble que nous pouvons nous encourager pour rester près de lui, ensemble encore que nous nous entraînons à la fraternité, à l’amour, à la vérité, au pardon (du coup), au service.

  • Une identité dynamique

Vous avez sûrement déjà vu des photos avant/après pour montrer l’efficacité d’un régime alimentaire, d’une opération ou d’un exercice physique : le changement est si frappant que parfois je me demande si c’est bien la même personne. Ce changement marque notre identité d’église. Au cœur de notre identité, personnelle et commune, il y a l’action de Dieu : son intervention, qui a changé radicalement notre vie. Pierre dit que nous sommes passés des ténèbres à la lumière, un changement radical – qu’on retrouve dans certains témoignages spectaculaires de conversion au Christ. Mais même si nous n’avons pas expérimenté de changement brutal, et que nous avons progressivement cru en Dieu, le processus est le même : grâce au Christ, nous avons échappé à nos ténèbres, à la fatalité du mal en nous, à l’engrenage de notre péché. Le Christ a porté dans sa mort le péché, le mal, les ténèbres qui nous étouffent – et dans sa résurrection il a fait jaillir la vie de Dieu, éclatante et lumineuse, et cette vie il nous l’offre si nous nous attachons à lui.

Au cœur de notre identité, il y a Dieu qui agit – et c’est notre point commun.

Dieu qui agit par amour, par compassion, par pitié – par grâce, c’est-à-dire motivé par son amour pour nous et non par nos mérites : par Jésus, Dieu a pardonné à des coupables, il a lavé des gens sales, il a guéri des gens malades. Dieu a pris l’initiative de nous ramener à lui.

Dieu qui agit en créateur : tout comme à l’aube du monde il a fait jaillir la lumière et l’harmonie au milieu des ténèbres et du chaos, tout comme dans la mort de Jésus il a fait jaillir la résurrection, en nous, au cœur de nos faiblesses et de nos fautes, il fait jaillir une vie nouvelle par son Esprit qui œuvre en nous. Dieu crée en nous un homme neuf, une femme neuve. Dieu fait naître une espérance : aucune fatalité ne peut triompher de lui.

Notre identité, c’est d’être les nouvelles créations de Dieu, nées de son amour et de sa fidélité, porteuses d’espérance.

  • Une vocation de témoins

Avant j’étais…, je croyais…, je faisais…, mais maintenant, inspirée par Dieu, ma vie est différente. Comme une guérison miraculeuse : j’étais aveugle et je vois, sourde, et j’entends, paralysée, et je marche. Mais ce serait faux de croire que le projet de Dieu s’arrête là ! Dieu est continuellement à l’œuvre autour de nous, dans notre monde, dans notre entourage : il fait avancer son règne, il attire et fait revivre sans cesse de nouvelles personnes – et nous ? Nous ne sommes pas spectateurs, nous ne sommes pas des cas classés dans un dossier au fond d’un tiroir : il fait de nous ses ambassadeurs, ses témoins. Nous étions paralysés, mais maintenant que nous marchons, Dieu nous envoie par équipes arpenter le monde avec lui. Il nous envoie proclamer ce qu’il a fait, en paroles et en actes.

Il ne s’agit pas de nous substituer à Dieu : nous ne sauvons personne. Mais, un peu comme des maisons témoin, nous pouvons montrer ce qui est possible avec Dieu. Pas montrer à quel point nous sommes devenus des gens bien (même si je n’en doute pas), mais ouvrir notre vie aux autres pour montrer comment Dieu agit. Par nos paroles, en décrivant nos expériences, ou par nos actes, en montrant le résultat de ce que Dieu fait en nous – lorsque nous nous abstenons d’une pratique futile ou destructrice, d’une parole mauvaise, ou quand nous choisissons ce qui est juste et bienfaisant pour l’autre.

Assommés par le quotidien, nous oublions parfois que Dieu est à l’œuvre aujourd’hui. Autour de nous, il y a des personnes qui cherchent –  sans forcément mettre des mots dessus, mais qui cherchent le pardon, la paix, l’espoir… Dieu ! Et Dieu les cherche, elles aussi, il les appelle et les invite à croire. Et nous ? nous pouvons être des ponts, des passerelles, des indices, pas parce que nous avons tout compris ou tout réussi, mais parce que nous pouvons témoigner que oui, ce pardon, cette paix, cet espoir sont à portée de main en Christ. Dieu nous envoie dans le monde participer à son œuvre de créateur, de sauveur : avec lui, avec d’autres, nous proclamons qu’une autre vie est possible, dans sa lumière.

Conclusion

Vous, vous êtes la race choisie, la communauté des prêtres du Roi, la nation sainte. Vous êtes le peuple que Dieu a choisi pour annoncer les grandes choses qu’il a faites. Il vous a appelés à sortir de la nuit, pour vous conduire vers sa lumière magnifique.

L’identité que nous recevons en Christ est pleine de possibilités. Tout est possible au Dieu qui nous a sauvés, et tout est possible à ceux qui le suivent par la foi. Cette identité, commune, dynamique, ouverte sur l’autre, elle est large, riche, magnifique ! Car elle découle de l’œuvre d’un Dieu large, riche et magnifique, le Dieu que révèle Jésus-Christ.

Et le parcours Vitalité alors ? Il ne change pas notre identité. Nous sommes le peuple de Dieu. Il ne change pas notre vocation : nous sommes appelés à témoigner. Mais il nous le rappelle de manière pressante : être sain(t), c’est être proche de Dieu. Être missionnaire, c’est répondre à son appel et œuvrer avec lui dans le monde qui nous entoure. Vitalité nous met au défi, aujourd’hui, de prendre au sérieux notre identité et notre appel : Dieu nous sauve et nous envoie, son Eglise, nous ! – comment répondrons-nous ?




Quand le Christ transforme le mariage

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Pour la prédication, j’ai choisi un des textes du jour, tiré de la lettre de Paul à l’église d’Ephèse. Après avoir décrit tout ce que Dieu a fait pour nous en Christ, Paul encourage les chrétiens à mener une vie digne de cette œuvre. Purifiés par le Christ, remplis de l’Esprit de Dieu, les chrétiens sont appelés à imiter Dieu dans tous les domaines de leur vie – dans la communauté de l’église, mais aussi dans leur mariage, leur famille, leur travail. Le texte sur le mariage montre comment le Christ transforme notre façon de vivre le couple. Mais si vous n’êtes pas en couple, ne partez pas ! Même quand Paul parle du mariage, il parle aussi aux autres et donne des pistes pour une vie qui honore Dieu.

Lecture (Bible en français courant)

21 [Dans l’église] Soumettez-vous les uns aux autres à cause du respect que vous avez pour le Christ.

22 Femmes, soyez soumises à votre mari, comme vous l’êtes au Seigneur. 23 Car le mari est le chef de sa femme, comme le Christ est le chef de l’Église. Le Christ est en effet le Sauveur de l’Église qui est son corps. 24 Les femmes doivent donc se soumettre en tout à leur mari, tout comme l’Église se soumet au Christ.

25 Maris, aimez votre femme tout comme le Christ a aimé l’Église jusqu’à donner sa vie pour elle. 26 Il a voulu ainsi rendre l’Église digne d’être à Dieu, après l’avoir purifiée par l’eau et par la parole ; 27 il a voulu se présenter à lui-même l’Église dans toute sa beauté, pure et sans défaut, sans tache ni ride ni aucune autre imperfection.

28 Les maris doivent donc aimer leur femme comme ils aiment leur propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime lui-même. 29 En effet, personne n’a jamais haï son propre corps ; au contraire, on le nourrit et on en prend soin, comme le Christ le fait pour l’Église, 30 son corps, dont nous faisons tous partie. 31 Comme il est écrit : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux deviendront un seul être. » 32 Il y a une grande vérité cachée dans ce passage. Je dis, moi, qu’il se rapporte au Christ et à l’Église.

33 Mais il s’applique aussi à vous : il faut que chaque mari aime sa femme comme lui-même, et que chaque femme respecte son mari.

Voilà un texte magistral, mais difficile à entendre. Ne serait-ce que pour l’expression « femme soumise », bien peu audible aujourd’hui. C’est typiquement le genre de texte qu’on ne lit pas de façon neutre : on y met nos présupposés, notre expérience, nos mauvais souvenirs, nos peurs aussi… Mais disons-le d’emblée : Paul n’encourage pas la tyrannie masculine, ni un modèle de femme transparente, effacée, sans voix ni volonté. Paul ne cherche pas non plus à flatter la société patriarcale de l’époque. En fait, à l’époque de Paul (1er s.) et en Asie mineure (Ephèse & environ), le contexte social est marqué par la diversité. Un bon nombre de foyers vivent sous l’autorité de l’homme qui est seul maître, seul agent moral, seul citoyen. Mais depuis quelque temps, certaines femmes, en particulier dans les milieux aisés : elles s’instruisent, elles travaillent, elles enseignent, on trouve même des femmes directrices d’établissement scolaire ou occupant un poste dans la municipalité. Et des mouvements religieux récents valorisent la place de la femme, parfois avec excès.

Dans son discours sur le mariage, Paul s’adresse à tous ces courants, qui ressemblent à ceux de notre société, où le machisme ordinaire côtoie le féminisme le plus exacerbé. Le texte de Paul choque son auditoire, à l’époque comme aujourd’hui, parce qu’il nous met au défi de vivre le mariage, non pas comme nos ancêtres l’ont vécu, non pas comme les têtes d’affiche le vivent, mais en imitant le Christ – et franchement, aucune culture, à aucune époque, n’a vécu cette réalité sans effort. Comme tout ce qui est saint et parfait, c’est inédit pour nous et nous avons besoin de laisser Dieu nous apprendre à quoi peut bien ressembler le mariage tel que lui le désire.

Paul s’appuie sur le parallèle biblique entre le mariage et l’alliance de Dieu avec son peuple, qui devient l’alliance du Christ avec l’Eglise, au point que Paul voit même dans la création du mariage (Gn 2) une annonce voilée de cette extraordinaire relation entre Jésus et l’Eglise : une relation d’intimité, d’unité, qui ressemble au lien entre la tête et le corps.

Aujourd’hui comme à l’époque, chaque couple a sa propre dynamique, certains plus comme ci, d’autres plus comme ça : Paul ne propose pas un carcan dans lequel tous doivent entrer, mais des principes larges qui nous interpellent tous, et même célibataires.

1) Deux je pour un nous – s’engager pour l’autre

Ce qui est frappant, c’est que Paul s’adresse à chacun en leur rappelant leur devoir à eux. Paul ne dit pas : « mari soumets ta femme, fais-toi servir ; femme, fais-toi honorer ». Mais il en appelle à ce que chacun peut faire, à son positionnement propre : ce n’est pas le mari qui soumet sa femme (avec les dérives qu’on peut imaginer) mais la femme qui se soumet, elle-même, volontairement. Ce n’est pas la femme qui manipule l’homme pour avoir ce qu’elle veut, mais l’homme qui de lui-même la chérit et prend soin d’elle. En fait, Paul invite chacun à s’engager lui-même dans le mariage, et non à engager l’autre à son service, comme un contrat où je le vire s’il ne correspond pas aux critères attendus. Chacun est appelé à se positionner devant l’autre, indépendamment de ce que l’autre mérite, parce qu’il veut manifester l’amour qui vient de Dieu.

Cet amour, c’est un amour qui se décentre pour se focaliser sur le bien de l’autre, un amour qui n’a pas peur de s’abaisser pour élever l’autre – c’est l’amour du Christ (Paul le décrit en Philippiens 2), c’est l’amour que nous sommes tous appelés à vivre, avec tous (dans des contextes adaptés). Le texte qu’on a lu dérive de ce principe général : soumettez-vous les uns aux autres. Tout amour soutient l’autre, le valorise, œuvre pour lui, est loyal, prend l’initiative de la réconciliation… Cette réciprocité vaut dans le couple : chacun œuvre pour l’autre, élève l’autre, en se mettant à son service, dans une dynamique féconde qui bénit et l’un et l’autre.

Cela dit, ce principe général n’exclut pas certaines spécificités, sinon on se serait arrêté au v. 21.

2) Les devoirs propres à chacun 

Paul décrit les devoirs propres à chacun ainsi, littéralement : la femme est invitée spécifiquement à se soumettre, càd à respecter son mari (v.33). Le mari est appelé spécifiquement à honorer sa femme, càd à l’aimer (v.33).

a. se soumettre / respecter

Commençons par ce que ce n’est pas : obéir [autre verbe], tout accepter, se laisser dégrader/ humilier, faciliter le péché de l’autre [ex : acheter alcool ou drogue pour addict]. Pourquoi Paul dit-il alors que la femme doit se soumettre « en tout » ? Paul insiste ici sur l’attitude générale, par défaut, de la femme. Parfois nous nous focalisons tellement sur les exceptions, légitimes, que nous en négligeons le principe. Enfin, la femme ne doit pas se soumettre à son mari comme à un dieu (ce serait idolâtre !) mais le respecter par égard pour Dieu.

Au minimum, je crois que ce texte nous interpelle, épouses, sur l’attitude que nous avons dans notre couple. Est-ce que j’ai l’impression de respecter mon mari ? (est-ce que lui se sent respecté ?) Est-ce que parfois je m’autorise à le dénigrer ou le rabaisser, est-ce que je passe mon temps à le critiquer, est-ce que je le brime ? Dans mes paroles, est-ce que je pique là où ça fait mal ? Quel regard je porte sur ce qu’il fait, sur son travail ou ses efforts ? Nous connaissons tant d’hommes tyrans, violents et dominateurs, que nous oublions parfois que les femmes aussi peuvent blesser, écraser, humilier leur époux. On ne répond pas à une dérive par une dérive inverse. Cultiver le respect, c’est chercher d’abord ce qui est beau chez notre époux, pour valoriser et soutenir ses dons, ses qualités, ses initiatives. De quoi peut-il être fier (et moi avec) ?

b. honorer / aimer

Et maintenant, le mari : la recommandation est trois fois plus longue :s Non pas que l’homme soit moins doué pour l’amour, mais Paul insiste ici car ce qu’il va dire, personne à son époque ne l’a dit – aujourd’hui il mettrait peut-être l’accent autre part.

L’épouse est semblable à l’église, qui suit de bon cœur le Christ. Le mari est semblable au Christ, la tête, le maître, le roi… le serviteur ! Celui qui exprime son autorité en s’abaissant pour laver les pieds de ses disciples, celui qui renonce à tous ses privilèges pour faire du bien à ceux qu’il aime.

Ca va sans dire : l’analogie avec le Christ ne touche pas le salut ! Vous n’êtes pas le sauveur ni l’espérance de votre femme, mais le mari doit imiter le Christ dans son attitude.

Paul prend l’image de la tête qui agit en communion avec son corps, càd pour le bien du corps et le sien : la relation est interactive. L’époux, la tête, le Christ ont pour points communs de protéger, soigner, nourrir, donner ce dont l’autre a besoin.

Et puisque le Christ s’est sacrifié par amour pour nous, l’époux est appelé à la même posture. Alors on pense aux situations dramatiques de vie ou de mort, où l’homme chevaleresque protège sa femme jusqu’à en mourir. Certes, mais c’est peu fréquent. L’interpellation retentit pour le quotidien : chers maris, comment honorez-vous votre épouse ? Comment vous mettez-vous à son écoute ? Que faites-vous pour elle ? Comment l’associez-vous à vos projets ? Est-ce que vous êtes submergés par les difficultés du quotidien, la pression au travail et le besoin de décompresser au point de devenir sourds à ses besoins à elle ? Honorer, aimer, ça peut être simplement de faire de votre épouse une priorité explicite dans votre quotidien, dégager du temps à passer avec elle – pour l’écouter, faire une activité commune, ou lui rendre service en la déchargeant d’une corvée (et lui montrer ainsi que vous êtes solidaires). Des sacrifices ordinaires qui n’en sont pas moins réels, puisque vous donnez de votre personne pour la faire passer devant.

3) Un mariage marqué par la grâce

Au-delà des indications spécifiques, Paul décrit surtout un mariage marqué par la grâce. Un mariage où on abandonne les luttes de pouvoir : il ne s’agit plus d’obtenir ou d’exiger, mais d’offrir, de s’offrir. Inspiré par l’amour du Christ, le mariage devient l’alliance de deux individus affirmés qui existent sainement par eux-mêmes, qui ne cherchent pas à s’opposer mais qui s’unissent l’un à l’autre sans réserves. Un mariage où l’un et l’autre œuvrent pour grandir ensemble, pour apprendre ensemble. Même si les mots sont différents, homme et femme sont appelés à veiller aux intérêts de l’autre, à entrer dans le service joyeux qui élève leur conjoint, quitte à renoncer à leur intérêt propre.

La perspective change : on passe des droits aux devoirs – et ça aujourd’hui c’est difficile à entendre, dans une époque où tout est dû, où nous exigeons beaucoup, où nous sommes très concentrés sur nos droits, et beaucoup moins sur nos responsabilités. Paul demande à chacun de devenir adulte : de sortir de l’attente où l’autre doit satisfaire tous mes désirs, pour prendre l’initiative d’aimer gratuitement mon conjoint.

Le mariage tel qu’il est décrit ici demande de laisser Dieu renouveler et transformer notre façon de voir les choses, nos réflexes, notre culture, nos attentes – pour le laisser modeler notre attitude, et faire de nous des personnes qui aiment, servent, élèvent leur prochain. Cette perspective-là, de responsabilité, d’initiative, de grâce, de service, que vous soyez mariés ou non, elle vous concerne ! Dans le couple, mais aussi en famille, avec les collègues, les amis, les voisins, en voiture, le Christ nous appelle chacun à l’imiter en toutes circonstances – c’est ainsi que nous pourrons vraiment faire l’expérience de son amour.

Prions : Ô Dieu, nous avons tellement besoin de ton Esprit saint. Viens transformer les couples que nous formons, apprends-nous à aimer et respecter comme toi, à valoriser notre moitié et à la servir de bon cœur. C’est notre prière pour chacun, couple ou célibataire : délivre-nous de l’égocentrisme, de l’orgueil, de l’appétit de pouvoir, et apprends-nous à encourager plutôt qu’écraser. Que nous soyons de ceux qui élèvent l’autre, et qui portent haut le flambeau de ton amour.

 

 

Pour aller plus loin :

Dr Emerson Eggerichs, L’amour et le respect, éd. Ministère Multilingue International, 2013 (sur la dynamique d’Ephésiens 5).

Gary Thomas, Vous avez dit oui à quoi ? et si Dieu avait imaginé le mariage pour vous rendre saint, éd. BLF, 2012 (sur le mariage comme lieu d’apprentissage de l’amour du Christ).