Vous êtes le sel de la terre (5) Un sel qui donne soif

Deux femmes sont parties marcher en montagne. Elles discutent, évidemment, elles font des pauses, elles admirent le paysage, prennent des photos… Au bout de quelques heures, l’une d’entre elles commence à se sentir mal : elle a mal à la tête, commence à voir un peu trouble, elle avance avec moins de force, sa gorge la pique. En fait, elle a soif, et elle n’a plus d’eau dans sa gourde. Son amie qui est à côté d’elle a plusieurs possibilités : elle peut lui donner un Doliprane pour sa tête, ou l’aider à s’asseoir en attendant que les vertiges passent, ou lui donner une barre énergétique pour renouveler son énergie, ou encore lui prêter une écharpe qui protègera sa gorge… ou… poser un bon diagnostic et reconnaître dans ces symptômes simplement la soif. Mais même un bon diagnostic ne suffira pas pour aider son amie : elle peut alors lui dire qu’il y a une source où elle pourra remplir sa gourde, dans à peu près 3 km… ou bien elle peut sortir sa propre bouteille où il reste un peu d’eau, et en donner à son amie en attendant la source.

Tout le monde a soif ou besoin ou envie de quelque chose… Et ce n’est pas toujours explicite ! Mais au cœur de notre vie de couple, de famille, le travail, les relations sociales, les loisirs, le sport, l’usage de l’argent, la plupart de nos actions et de nos choix sont liés à un désir d’obtenir quelque chose qui puisse assouvir nos soifs profondes – soif de sécurité, de reconnaissance, de pouvoir, d’amour, de plaisir, de justice, de connaissance, de complicité, de sens, de bien-être, de paix…

Nous entamons notre dernière semaine de campagne sur le thème « Vous êtes le sel de la terre ». Etre le sel de la terre, c’est l’identité et la vocation que Jésus nous donne. Le sel donne du goût aux aliments & les conserve. Mais pour cela il faut qu’il se mélange – et Jésus nous envoie nous mélanger à notre entourage comme il s’est lui-même mélangé à nous. Il y aurait beaucoup d’autres usages du sel, que les plus scientifiques d’entre nous pourront explorer ! Mais pour lancer cette dernière semaine, j’aimerais insister sur un effet collatéral du sel : le sel donne soif. Il suffit de manger un repas très salé, pour avoir envie de boire, boire, boire tout l’après-midi… De l’eau bien sûr ! Le sel attise notre soif.

Et si, en tant que sel de la terre, nous étions de ceux qui attisent, en tout cas, révèlent, la soif de ceux qui nous entourent ? Et que nous leur donnions envie de boire à une source qui étanche nos soifs profondes ?

Avec un autre vocabulaire, Jésus aborde ce sujet avec ses disciples, juste avant de les quitter. Il est déjà ressuscité, et là il se prépare à retourner auprès de Dieu – c’est ce qu’on appelle l’Ascension. Dans ce dernier échange, Jésus évoque l’avenir à mots couverts, et les disciples reviennent à la préoccupation de leur temps : l’indépendance d’Israel comme signe du règne de Dieu sur terre, dans la lignée des siècles passés.

Lecture biblique : Actes 1.6-8

6 Ceux qui étaient réunis auprès de Jésus lui demandèrent : « Seigneur, est-ce en ce temps-ci que tu rétabliras le règne pour Israël ? » 

7 Jésus leur répondit : « Il ne vous appartient pas de savoir quand viendront les temps et les moments, car le Père les a fixés de sa seule autorité. 8 Mais vous recevrez une force quand l’Esprit saint descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout du monde. »

Avec ces paroles, Jésus fait passer ses disciples dans une autre dimension : le règne de Dieu n’est plus enfermé dans des frontières, mais Dieu va se révéler à tous les peuples – en commençant par pénétrer l’empire romain. Le livre des Actes retrace le chemin des apôtres, de Jérusalem jusqu’à Rome, et leur témoignage qui suscite des conversions : les églises naissent dans leur sillage. D’après Jésus, pour témoigner, on n’a pas besoin d’avoir réponse à tout, mais on a besoin de l’Esprit du Christ, qui donne la force et la sagesse de communiquer la foi.

Etre sel de la terre, c’est être témoin dans le monde. Un monde qui a soif, un monde dans lequel nous sommes envoyés avec l’Esprit de Dieu. Témoin, c’est le mot clef ! Mais comme beaucoup de mots-clefs dans la foi, c’est un mot un peu piégé – de par notre expérience, les images et même les fantasmes qu’il suscite. Le livre des Actes ne nous aide pas : si être témoin, c’est proclamer l’Evangile devant les foules comme Pierre ou Paul, peu d’entre nous se sentiront à la hauteur…

          Témoins, c’est-à-dire… ?

Dans la bouche de Jésus, le mot témoins a d’abord un sens juridique, comme témoigner lors d’un procès. Le témoin évoque les faits. Il y a une part de subjectivité : ce que le témoin a perçu, malgré les limites et les obstacles, la façon dont ça résonne dans son expérience, mais il y a aussi une part objective, un élément de la réalité dont il faut tenir compte. Dans un contexte religieux et politique de plus en plus tendu, les disciples de Jésus vont effectivement subir des procès, même des procès d’intention, et vont devoir justifier leur foi, verbalement. D’où les nombreux discours dans le livre des Actes… Etre un témoin qui donne soif, dans ce contexte, c’est affirmer sa foi quelles que soient les circonstances.

Mais l’histoire des premiers chrétiens souligne aussi une autre façon d’être témoin : c’est d’être un groupe-témoin. Un peu comme dans les études scientifiques, quand on compare un groupe qui prend le médicament et un groupe qui prend le placebo. Le groupe témoin incarne une réalité, un état de fait, auquel on va comparer le reste. Et les premières communautés chrétiennes, dans le livre des Actes toujours, témoignent d’une autre réalité : ce sont des communautés où les barrières raciales sont abolies, où hommes et femmes œuvrent ensemble, où il n’y a pas de hiérarchie sociale – des communautés où chacun a une place de valeur. A l’époque c’était complètement inédit ! Et aujourd’hui aussi? La vie en communauté fait partie du témoignage, parce qu’elle est le lieu où, en théorie, on expérimente ensemble les principes de la foi. Et bien des personnes dans l’antiquité comme aujourd’hui ont été interpellées par cette réalité différente. Etre des témoins qui donnent soif, c’est aussi montrer à quoi ressemble la vie avec Dieu, personnellement et en communauté.

Etre témoin… être témoin, ce n’est pas être juge. On dit, on montre ce qu’on connaît ; on montre la bouteille d’eau qu’on a dans son sac, mais on ne s’empare pas du sac de l’autre pour en faire un inventaire accusateur – tu aurais dû prendre plus d’eau, tu aurais dû moins te charger, tu aurais dû attendre avant de boire,… Etre témoin, ce n’est pas être juge.

Etre témoin, c’est non seulement reconnaître la soif, mais proposer l’eau qu’on a dans notre bouteille. Longtemps, j’ai attendu qu’on me pose explicitement des questions spirituelles pour dégainer ma bouteille – en attendant, je compatissais à la soif de l’autre. Depuis quelques années, j’apprends à sortir ma bouteille quand je vois la soif, même si on ne m’a pas fait la demande explicite. Par exemple, je réponds différemment aux questions : comment on devient pasteur OU c’est quoi la différence entre catholiques et protestants. Je commence désormais en évoquant la foi en Christ, en insistant sur ce que je trouve important.

          Témoins… de quoi ?

Le témoin témoigne, il affirme, il montre, mais quoi… Qu’est-ce qui est écrit sur notre bouteille d’eau ?

Un label courant : les valeurs chrétiennes. Fêter Noël le 25 décembre, se marier jeune, être honnête, avoir une certaine vision de la vie – surtout la vie de couple, ces derniers temps. En soi, ces valeurs ne sont pas mauvaises, bien au contraire ! Mais rappelons-nous qu’à l’époque de Jésus, les pharisiens respectaient beaucoup mieux les valeurs que ce prédicateur itinérant qui fréquentait n’importe qui et qui ne respectait même pas le sabbat. Les valeurs de Dieu rentrent rarement dans des pratiques sociétales précises, et défendre à tout prix ces pratiques culturelles risque de détourner de l’essentiel du message, qui dit que l’amour de Dieu ne dépend pas de nos valeurs, mais de notre confiance en lui.

Justement, le message : l’Evangile. Quel meilleur label ?… Ces derniers temps, tout est centré sur l’Evangile… le mariage, l’éducation, le travail, l’église, la prédication… C’est une démarche admirable ! Mais derrière la démarche, il faut se poser la question : qu’est-ce qu’on entend par « Evangile » ? Cette « bonne nouvelle », étymologiquement, n’est pas si simple à définir. Regardez les prédications de Jésus ou des apôtres, le résumé de la foi varie en fonction de la situation. Il n’y a pas de discours stéréotypé, prêt-à-prononcer, avec 3-4 points incontournables.

Jésus nous appelle à être ses témoins. Témoins de Jésus – c’est lui, l’Evangile, c’est-à-dire la « Bonne Nouvelle » ! C’est son caractère, son attitude, ses actes, ses paroles, sa vie, sa mort, sa résurrection, c’est tout ça, la Bonne Nouvelle ! C’est toutes les façons dont il nous connecte à Dieu, à la source qui étanche nos soifs… Nous sommes témoins du Crucifié /Ressuscité, d’un Roi / qui s’est fait Serviteur, d’un Sage / Consolateur… Je ne dis pas qu’il ne faut pas parler du péché et de  la croix dans notre témoignage ! Mais il n’y a pas que ça, et ce ne sont pas toujours les premiers mots à prononcer : Dieu est à l’œuvre dans notre vie de bien des manières, et nous pouvons parler de tant de choses !

Parfois le témoignage chrétien vient comme un cheveu dans la soupe : quel que soit le sujet, quel que soit le cheminement de l’autre, on ressort le même discours, avec les mêmes virgules et les mêmes points d’exclamation. Quand il rencontrait quelqu’un, Jésus souvent prenait le temps de l’écoute, de l’échange, pour trouver là où l’autre avait besoin de rencontrer Dieu. Une chose après l’autre : Jésus n’était pas pressé de tout dire tout de suite, mais de dire ou faire ce qui avait du sens à ce moment-là. Les apôtres, dans le livre des Actes, s’adaptent aux connaissances de leurs interlocuteurs. Quand nous manquons de clairvoyance,  nous pouvons demander à Dieu qu’il nous éclaire et qu’il nous aide à comprendre notre interlocuteur.

En Jésus, la source est si abondante ! de l’espérance d’un monde nouveau, de la vie après la mort, de l’amour que nous avons reçu, de son pardon exemplaire, de sa générosité, de son attention envers les plus fragiles, de son soutien et de sa protection… Quand vous parlez de votre conjoint, par exemple, vous ne parlez pas que du jour du mariage, ou du jour où vous êtes tombé amoureux ! Il y a les souvenirs de vacances, le quotidien, les difficultés et les défis, les surprises, les joies partagées, les projets, les services rendus, les cadeaux… Toute l’épaisseur d’une vie ensemble. Nous pouvons témoigner de tant de bénédictions, car Dieu est riche en bonté – et le Christ l’a prouvé de mille manières, et l’Esprit nous en remplit de mille manières.

Alors ça nous pose la question : qu’est-ce que je vis, qu’est-ce que vous vivez avec Dieu aujourd’hui ? de quoi pouvez-vous témoigner ? Comment sentez-vous la présence de son Esprit ? de quoi votre bouteille est-elle remplie ? Etre témoin suppose qu’on soit disciple, qu’on ait une relation vivante avec le Maître, avec le Christ…

C’est ce qui m’a d’ailleurs interpellée pendant cette campagne : à chaque fois qu’un texte évoquait notre rapport à l’autre, j’étais renvoyée à ma relation avec Dieu ! Qu’est-ce que je communique, qu’est-ce que je transmets, d’où vient mon sel ? Mais à chaque fois que je me recentrais sur ma vie avec Dieu, mon chemin avec lui, la recherche de la sainteté, j’étais renvoyée à l’envoi vers l’autre, comme si Dieu ne voulait pas que je m’enferme près de lui, mais que je l’emmène partout où je vais. Témoin, donc disciple ; disciple, donc témoin. Aller vers Dieu, aller vers l’autre, ce sont deux mouvements qui se nourrissent, et par lesquels le règen de Dieu avance en nous, et autour de nous.




Un sel qui conserve (Vous êtes le sel de la terre 3/5)

Dans notre campagne de rentrée (« Vous êtes le sel de la terre »), nous explorons ensemble les différents sens de cette affirmation de Jésus. Vincent évoquait la semaine dernière le sel qui donne du goût aux aliments. Nous voyons aujourd’hui une autre propriété du sel : préserver. Bien avant les conserves qui datent du 19e  ou l’arrivée des réfrigérateurs et congélateurs a conservation par le sel est une des premières techniques humaines pour conserver les aliments – pour la viande, le poisson, ou encore les légumes (en saumure, vous connaissez la choucroute). Et aujourd’hui, même s’il ne faut pas manger trop salé, parmi la multitude de conservateurs et additifs douteux qu’on trouve dans les produits, le sel reste un conservateur naturel de choix. Vous êtes le sel de la terre. Vous, église, êtes l’additif qui conserve, qui préserve, le monde. Vous êtes des conservateurs – au sens chimique du terme ! Le E 3.16 ? d’après le verset de Jean 3.16 qui parle de l’amour de Dieu pour le monde ?

On peut relever au moins deux éléments « conservateurs » qui empêchent le milieu de s’abîmer. D’abord, la recherche personnelle de la sainteté : en luttant contre notre corruption naturelle, nous limitons les dégâts que nous pouvons faire autour de nous. Par notre éthique familiale, professionnelle, personnelle, nous pouvons favoriser la vertu, qui bénéficie forcément à la société. En respectant le code de la route, par exemple, vous contribuez à une meilleure sécurité dans les transports. Une autre façon d’être conservateur, c’est d’être constructif avec nos proches : de les encourager sur une voie qui soit bonne pour eux, en recherchant leur bien et non notre propre intérêt. Soutenir un ami, écouter un collègue, aider un camarade de classe, soulager un inconnu en lui rendant service – c’est aussi travailler à leur bien, et donc favoriser l’équilibre dans notre milieu ambiant.

Mais ces deux éléments évoquent notre impact sur notre entourage direct. On passe de « la terre » à « mon quotidien ». Il faut bien reconnaître que la Bible, AT & NT confondus, évoquent assez peu l’impact que nous pouvons avoir sur « le monde » au sens général – et c’est sûrement par souci pragmatique : notre zone d’influence est finalement assez petite, mais suffisamment importante pour constituer un défi de taille. Notre sainteté et nos relations sont déjà un immense chantier. Pourtant, dans sa première lettre à son collègue Timothée, l’apôtre Paul nous invite à voir plus loin, plus large, sur la façon dont nous pouvons favoriser le bien de notre monde.

Lecture biblique : 1 Timothée 2.1-4  

1 En tout premier lieu, je recommande que l’on adresse à Dieu des demandes, des prières, des supplications et des remerciements pour tous les êtres humains. 

2 Prions pour les rois et pour toutes les personnes qui détiennent l’autorité, afin que nous puissions mener une vie tranquille, paisible, respectable, dans un parfait attachement à Dieu. 

3 Voilà ce qui est beau et agréable à Dieu notre sauveur, 4 qui veut que tous les humains soient sauvés, et qu’ils parviennent à connaître la vérité.

  1. La prière, conservateur à large spectre

La façon dont nous pouvons favoriser l’équilibre de notre monde, sa non-corruption, ou en tout cas limiter sa corruption, c’est par la prière. Toutes sortes de prières, d’après Paul : de manière détaillée, variée, en fonction des situations ou des besoins. Par la prière, nous nous impliquons dans le projet de Dieu « anti-corruption ». Et ça c’est quelque chose qui nous dépasse : est-ce que Dieu attend vraiment que nous priions pour lancer ses projets ? Ca nous met un sacré poids sur les épaules, et puis ça voudrait dire que l’action de Dieu est aléatoire, qu’elle dépend de notre bon-vouloir de petits humains largement égocentriques. Ce ne serait pas très fiable !

Ca me paraîtrait dangereux d’imaginer que parce que je n’ai pas prié, telle chose n’arrivera pas, comme si c’était moi (ou vous) le déclencheur de l’action de Dieu. Et pourtant, les nombreuses invitations bibliques à la prière, pour soi et pour les autres, soulignent que Dieu a décidé d’intégrer nos prières dans sa stratégie.

Je ne sais pas comment ça marche exactement – c’est un mystère ! Dieu ne nous livre pas le dosage exact des ingrédients nécessaires pour élaborer son additif E 3.16… C’est une recette secrète ! Mais son action en fait partie, par son Esprit – et notre prière aussi : elle est indispensable. Par la prière, nous reconnaissons que Dieu peut agir ; par la prière, nous combattons spirituellement ; par la prière, nous nous alignons nous-mêmes sur Dieu et sur sa volonté. Nous adoptons peu à peu ses priorités, qui influenceront aussi nos façons d’agir.

  1. L’objectif : le salut de tous

Paul nous invite à prier pour tous. Oui, prier pour « tout le monde dans le monde », comme dirait Numérobis dans Astérix & Obélix mission Cléopâtre…  L’objectif de Dieu, c’est de sauver le monde – E 3.16 ! non pardon, Jean 3.16 : Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique afin que ceux qui croient en lui ne se détruisent pas mais vivent pour toujours. Tout s’abîme en ce bas monde, mais dans ce règne de corruption, le Christ ressuscité introduit la possibilité d’une conservation éternelle. Même mieux, d’une transformation qui surpasse ce que nous pouvons connaître ici : la plénitude de la vie avec Dieu, sans mal ni mort.

Par le Christ, Dieu veut atteindre le monde. Il veut que tous les humains soient sauvés. Certains s’appuient sur cette phrase pour imaginer que « nous irons tous au paradis »… Mais ce n’est pas tout à fait l’esprit biblique ! Dieu souhaite offrir à tous son amour et la joie d’une relation avec lui, la joie de connaître la vérité, le sens de notre vie, de notre monde. Mais ce n’est pas parce qu’il lance l’invitation à tous qu’il force tout le monde à entrer dans le moule : notre adhésion personnelle, notre accord, notre confiance, est une étape incontournable, comme une signature sur un contrat.

A mon avis, Paul ici ne parle pas vraiment de l’extension quantitative du nombre des sauvés, il nous rappelle plutôt l’ampleur du projet de Dieu. Nous ne savons pas qui va croire, qui recevra avec foi la bonne nouvelle de cette vie nouvelle que le Christ permet. Dans cette indétermination, par défaut, prions pour tous ! Puisque notre meilleur ami autant que le criminel le plus endurci peuvent tout à fait répondre à l’appel de Dieu, puisqu’un Français athée autant qu’un bouddhiste vietnamien peuvent se tourner vers lui, prions pour tous ! Parfois, nous sommes pris au piège de nos préjugés, et nous imaginons que certains plus que d’autres pourront rencontrer Dieu. L’exemple de l’apôtre Paul – persécuteur des chrétiens, puis apôtre parmi les plus zélés – devrait nous rappeler que toute personne est susceptible de se laisser bouleverser par Dieu.

L’objectif de Dieu, ce n’est pas l’église… c’est le monde ! Même si l’église est le lieu où Dieu agit de manière particulière, même si dans l’église nous apprenons ensemble à vivre avec lui, ne rétrécissons pas nos perspectives aux limites de notre communauté ou même du peuple actuel de Dieu. Laissons l’objectif de Dieu élargir notre perspective.

  1. La place des autorités

Enfin, Paul accorde une mention particulière aux grands de ce monde : autorités politiques, mais je pense qu’on peut y ajouter les grands acteurs économiques et technologiques de notre temps. Tous ceux qui ont une influence directe sur la marche du monde.

On pourrait se demander si c’est vraiment Paul qui a écrit cette lettre : inviter à prier pour que les autorités nous garantissent une vie tranquille, ça ne lui ressemble pas ! Lui qui a couru partout, et qui a tant été persécuté ! A travers ses souffrances et sa persévérance, il a encouragé de nombreuses personnes à se tourner vers le Christ – un exemple qui se retrouve dans les témoignages des chrétiens persécutés aujourd’hui : face à la difficulté, la foi ne peut pas s’endormir, et sa vigueur rayonne d’autant plus.

Une première piste, c’est de rappeler que si l’Eglise peut s’attendre à être persécutée (Jésus nous a prévenus maintes fois), elle ne souhaite pas la persécution. Tout comme le chrétien peut s’attendre à souffrir, à être tenté, attaqué, éprouvé, sans rechercher toutefois volontairement l’épreuve et la souffrance. Dieu ne nous invite pas au masochisme. Prier pour une vie tranquille, c’est prier pour des conditions favorables à l’exercice de notre foi : pouvoir nous rassembler en église, parler du Christ en toute liberté, témoigner, vivre notre piété.

Mais aussi dans l’éthique, pour pouvoir agir d’une façon cohérente avec notre foi. Si la société nous pousse à un mode de vie contraire à notre foi, nous serons sans cesse en dilemme, et vivre avec justice deviendra compliqué : j’ai entendu plusieurs confier leurs difficultés quand un chef demande par exemple de falsifier un rapport. Prier pour une vie tranquille, c’est aussi prier pour pouvoir vivre en accord avec la volonté de Dieu.

Mais je pense aussi à une deuxième piste : prier pour que dans le monde, les conditions favorisent le chemin de nos contemporains vers Dieu. A l’époque de Paul, le simple réseau routier (administré par les autorités romaines) a été un atout considérable : Paul a pu voyager relativement vite et dans une relative sécurité. A l’époque de Luther, (on le voyait hier avec le groupe Aventure Formation) le travail de Gutenberg dans l’imprimerie a permis la diffusion des traités de la Réforme et des Bibles enfin traduites en langues vernaculaires. Plus récemment, malgré la crise sanitaire, les moyens techniques permettent à des personnes en recherche d’accéder à davantage de contenu chrétien sur internet.

Nous pouvons aussi prier et œuvrer, pour que soient limités les facteurs de destruction du monde qui désagrègent nos sociétés et fragilisent nos contemporains. Parmi beaucoup d’exemples : se préoccuper du problème écologique aujourd’hui, de la biodiversité au réchauffement climatique, ce n’est pas pour préserver à tout prix la planète telle qu’elle est. Mais derrière ces changements se dessinent des sècheresses, des terres appauvries, des migrations économiques, des maladies, des conflits, etc. : Dieu peut parler dans ce contexte, mais on part en quelque sorte de plus loin, avec des personnes davantage blessées, malmenées, fragilisées, déracinées. Paul nous invite ainsi à prier pour que Dieu exerce sa grâce envers tous, une grâce minimale, qui permette de recevoir 5/5 le message de l’Evangile lorsqu’il leur parvient.

barque

Sur cette image, on peut voir une barque au milieu d’une tempête en mer. La barque pourrait être l’église, et la tempête l’état de notre monde. Nous pouvons prier pour que notre barque tienne le choc jusqu’au port. Un peu plus large : prier aussi pour rejoindre tous ceux qui sont à l’eau, avant qu’ils ne se noient. Plus large encore : prier pour que dans la tempête, les forces de ceux qui nagent soient renouvelées, que des bouées de sauvetage leur soient lancées en attendant le canot, que des phares s’allument, que les rafales se calment afin que les messages de secours ne se perdent pas dans le vent.

Oui, le champ de prière est immense, c’est d’ailleurs une des choses qui nous découragent de prier pour la paix, pour le monde, etc. Nous n’en portons pas personnellement l’entière responsabilité, mais si chacun d’entre nous prie pour un domaine ou l’autre, après les infos du soir par exemple ou en traversant la ville, avec une vision large, pour les peuples, les autorités, les situations, afin que la paix de Dieu rejoigne nos contemporains, alors notre monde aura un bon additif.




Vous êtes le sel de la terre ! (1/5)

Hier soir, avec les jeunes, on a fait un petit jeu : chacun devait écrire anonymement 3 qualités et 1 défaut, ensuite, je rassemblais les informations, et on devait retrouver qui se cachait derrière la description. Evidemment, les défauts nous ont fait rire ! Mais c’est top secret ! En tout cas, une des choses que cet exercice a révélées (et je l’ai fait, je confirme !), c’est que c’est très dur de répondre. C’est comme en entretien d’embauche : c’est difficile de décrire soi-même ses propres points forts & points faibles. La modestie ou l’orgueil déforment notre perception de nous-mêmes, et puis il y a toutes ces choses auxquelles on ne pense pas, parce qu’il y a un décalage entre ce qu’on perçoit de soi-même, à l’intérieur, et ce que l’autre voit, qui est souvent très partiel et en même temps, assez révélateur.

Difficile de se définir, difficile de définir l’autre… Un seul peut vraiment nous dire qui nous sommes, et c’est celui qui connaît toutes choses, en interne et en externe. Il n’est pas seulement omniscient, il est aussi celui qui nous a façonnés – et c’est comme une œuvre d’art : qui mieux que l’artiste peut expliquer le sens de son œuvre ?

La Bible nous dévoile ainsi le regard que Dieu pose sur nous. Ce matin, j’aimerais en voir un exemple avec vous, une affirmation que Jésus pose sur ses disciples de la part de Dieu.

Lecture biblique : Matthieu 5.13  

C’est vous qui êtes le sel du monde.

Mais si le sel perd son goût, comment le rendre de nouveau salé ?

Il n’est plus bon à rien ; on le jette dehors, et les gens le piétinent.

          Cette affirmation de Jésus à ses disciples, à ses plus proches, sonne comme une vocation, proclamée avec confiance : vous êtes le sel du monde. C’est vous qui donnez du goût !

Remarquez que ce n’est pas une question, ni même une invitation : Jésus pose un constat – Vous êtes le sel de la terre. C’est vous qui donnez du goût au monde.

En cuisine, beaucoup de choses donnent du goût… Mais vous avez déjà goûté la nourriture sans sel ?… Pour certains aliments, ça passe, mais le pain sans sel, c’est vraiment pas bon ! Alors si même le sel perd son goûtplan B : on remplace par des épices ? Mais l’avertissement reste là : si les épices s’éventent, elles ne servent plus à rien… L’avertissement de Jésus souligne une grande responsabilité : rester un sel goûteux, qui assaisonne son milieu.

C’est cette affirmation qui va nous guider en cette rentrée : elle est la base du livret de méditations que nous vous proposons de suivre pendant 5 semaines, seul et en église (au culte, en petits groupes, à deux…). Alors pendant 5 semaines, on va explorer cette vocation ensemble – la méditer, la discuter, l’imaginer, la prier… Qu’est-ce que ça veut dire, pour l’église, pour chacun, être sel de la terre ?

Alors en ce début de campagne, je n’ai pas les réponses au quoi ni au comment, mais j’aimerais qu’on s’attarde sur le « pourquoi ». Pourquoi, aux yeux de Dieu, sommes-nous sel de la terre ?

          Parce que le monde en a besoin

Réponse presque automatique : parce que la terre en a besoin. L’avertissement de Jésus (un sel sans goût sera jeté) peut nous effrayer, mais il est surtout là pour nous montrer à quel point ce qu’il dit est sérieux. Cette vocation est incontournable – parce que le monde en a besoin. Être salé n’est pas facultatif pour le sel… parce que le pain en a besoin ! L’enjeu dépasse notre nombril ou nos envies… C’est un besoin mondial.

De quoi le monde a-t-il besoin ? LA question ! Paix, amour, justice,… Notre monde en dérive, secoué par des crises diverses : la crise sanitaire est peut-être la plus médiatisée, mais le moindre bulletin d’informations nous suggère tellement de souffrances & de dysfonctionnements – sur le plan économique, social, sociétal, psychologique, écologique, politique, physiologique, (pause – inspirer) et caetera… Nous le voyons à grande échelle, et sur le plan individuel aussi : nos contemporains sont malheureux – épuisés, dans un système où il faut toujours plus, être efficace, aller vite, ne faire aucune erreur (jamais), et être toujours le meilleur de soi.

Derrière ces dynamiques, le besoin de prouver notre valeur ou de trouver notre place, de savoir où on va et pourquoi. Ces questions sont légitimes, et on se les pose tous plus ou moins – mais qu’est-ce que c’est dur quand on n’a même pas un début de réponse. Quand on se raccroche à des substituts articifiels et vains… comme l’argent ou le nombre de voyages effectués, la quantité de muscles ou le tour de taille, le nombre de like sur notre réseau préféré… Il existe d’autres substituts, moins superficiels : trouver le sens de sa vie dans son activité professionnelle, dans sa famille, dans son engagement (amical, associatif ou même à l’église !) – ce sont des préoccupations légitimes mais qui se déforment quand on mise tout dessus : quand toute notre identité s’appuie sur notre performance scolaire ou sportive, sur nos amis, sur le rapport aux enfants, sur la place au travail…

Nos contemporains ont besoin d’amour, quelque soit la forme de leur recherche – nous avons besoin d’amour et de reconnaissance. D’espérance et de sens. Des soifs que seul Dieu peut étancher : lui qui aime sans limite, qui invente des nouveaux chemins, qui est infatigablement fidèle.

          Pourquoi nous ? Un sel AOC

Bon, que Dieu donne du goût au monde, ça se tient ! Que son amour soit l’ingrédient qui manque pour que le plat soit parfaitement assaisonné, ça se tient ! Mais quel rapport avec nous, les disciples de Jésus, les chrétiens ? Nous qui nous trouvons souvent dans les mêmes travers ! Etre chrétien donnerait-il la solution à tout ?

Il y a eu de ces réponses arrogantes : « nous les chrétiens nous savons, les autres se perdent. Allons les sauver par notre bonne parole. » Des siècles d’histoire de l’église ou dix minutes d’introspection nous rattrapent : non, nous ne sommes pas meilleurs ! Et Dieu le sait très bien !

Alors pourquoi Jésus dit-il que nous sommes le sel du monde, alors que c’est très clairement à travers lui que Dieu donne le salut dont nous avons tant soif ?

Parce que notre connexion à lui nous donne du goût : c’est dans la mesure où nous nous attachons à lui, où nous nous enracinons en Dieu par Jésus dans l’Esprit, que nous trouvons amour, sens et espérance. Et ce goût se partage ! mais pour qu’il soit goûteux, il faut qu’il soit AOC, d’appellation origine contrôlée. C’est l’origine qui garantit le goût ! C’est dans la mesure où nous sommes connectés à Dieu, nourris et abreuvés par lui, que nous pouvons transmettre autour de nous. Le sel ce n’est pas nous, soyons humbles : c’est ce que Dieu fait en nous et à travers nous. Son œuvre, ses transformations, sa sagesse, sa vertu, son courage, sa générosité – concrétisés dans notre vie – voilà qui peut interpeller le monde !

Alors le monde, c’est grand ! mais ce n’est pas à moi, individuellement, de saler le monde – l’Eglise dans le monde entier relève ce défi. Mais c’est un défi grandiose qui passe forcément par chacun, là où il est, à sa mesure, dans son contexte. L’Eglise mondiale est sel de la terre, l’église locale est sel de sa ville, je suis / vous êtes sel de votre réseau.

Créés pour participer

Vous êtes le sel de la terre… Jésus affirme à la fois une identité et une mission. Une identité missionnaire.

Est-ce qu’on a le choix ? est-ce qu’on peut dissocier les deux, l’identité et la mission ? oui et non. Oui, on peut être sauvé sans rayonner beaucoup. On peut en rester à une foi privée qui nous réconforte, nous encourage, nous aide à avancer. Je crois que dans sa grâce, Dieu nous sauve à travers l’œuvre de Jésus, qui vaut pour nous quand nous croyons – nos manques ne nous sépareront pas de l’amour de Dieu.

Mais c’est tellement dommage ! Parce que Dieu a un projet bien plus ambitieux ! Et ce depuis le début, avant même la chute, bien avant les dysfonctionnements et les travers de notre humanité. Dès le départ, dès la conception du projet « Terre », Dieu a décidé que l’humanité serait sel de la terre. C’est l’ingrédient secret dans sa recette cosmique. L’humanité donnerait du goût au monde – en veillant à son harmonie, à son équilibre, en partageant ce qu’elle recevrait de Dieu, en cultivant et en créant à son tour.

Dès la première minute de l’humanité, l’identité que Dieu donne s’assortit d’une mission. Adam & Eve doivent cultiver & garder le jardin. Après la chute, plan B pour rejoindre l’humanité – par le biais d’Abraham & de ses descendants, le peuple d’Israel : appelés à recevoir la bénédiction de Dieu et à être bénédiction pour les nations. Jésus est celui qui nous révèle Dieu, mais le salut qu’il nous offre ne se trouve pas seulement dans la joie de contempler Dieu : c’est par ses actions qu’il nous a bénis. Et l’Eglise, à sa suite, elle adore et sert Dieu, mais cet amour envers Dieu conduit naturellement à servir l’autre, avec générosité et compassion. Si vous ne me croyez pas, relisez les Evangiles.

Nous avons été créés pour avoir du goût et en donner. Loin de Dieu, la vie devient fade ou déséquilibrée. Lorsqu’il nous rejoint à travers Jésus, Dieu restaure cette identité missionnaire qui est la nôtre depuis toujours, indissociable : recevoir son amour et l’offrir à notre tour.

          Saler, en toutes circonstances

Un mot sur le contexte qui est le nôtre. La crise que nous traversons nous secoue, secoue nos certitudes et nos habitudes. Nous sommes perdus. Alors beaucoup ont décidé de revenir à l’essentiel, de lâcher le superflu pour se recentrer sur les fondements, le solide, sur ce qui est stable en ces temps d’incertitude. Et c’est très bien !

Mais en tant que chrétiens, si on se centre sur l’essentiel – et je prie pour qu’on se centre sur l’essentiel ! – ce ne sera pas stable. Parce que notre Dieu est un Dieu en mouvement, un Dieu qui agit, et un Dieu qui nous envoie. Qui nous fait participer à ses projets – qu’il pleuve ou qu’il vente ! La façon de faire, il faudra l’adapter. Mais le cœur de notre vocation : il reste vrai – nous sommes sel de la terre. En ces temps d’incertitude, notre vocation n’est pas incertaine : nous sommes sel de la terre.

Alors deux encouragements.

Quand Jésus ressuscité demande aux disciples de partager l’espérance qu’on trouve en Dieu, les temps ne sont pas meilleurs qu’aujourd’hui. Persécution, famine, incompréhensions… Si les disciples avaient attendu que ça se calme avant de témoigner, personne ne connaîtrait Jésus aujourd’hui.

Et comment ont-ils réussi ? Ils ont tâtonné, mais ils y sont allés. Alors comment ? Avec l’aide du Saint Esprit. Mais nous aussi, nous avons le Saint Esprit ! L’Esprit de Dieu, souverain, maître de tout, que rien ne déstabilise – c’est lui qui nous envoie et nous accompagne. Alors par nos propres forces, nous ne pouvons rien faire – en temps de covid comme en temps normal. C’est avec Dieu, enracinés en lui, nourris et inspirés par lui, que nous trouvons notre espérance, notre force, et que nous pouvons en témoigner.

L’objet de cette campagne, c’est de revenir à Dieu, ensemble. Peut-être que vous ne vous sentez pas très salés, ou que vous avez glissé loin de Dieu. Peut-être que vous vous sentez bloqués par une difficulté ou un manque. Ou peut-être que vous êtes démunis devant l’avenir. Profitons de ces quelques semaines pour nous recentrer sur Dieu et sur ce qu’il nous appelle à vivre. Laissons-nous questionner, interpeller, bousculer, inspirer, pour mieux le retrouver et mieux le suivre. Car c’est lui, notre créateur, notre sauveur, notre père, c’est lui qui nous garantit amour, espérance et joie, quoi qu’il arrive.

EEL Toulouse – Campagne de rentrée 2020




Communiquer la grâce

Récemment, dans un établissement de santé, je suis tombée sur une charte de bonnes pratiques comme on en voit en milieu médical, scolaire, commercial ou au travail. A la lecture de ces chartes qui prônent respect et bienveillance, on s’imagine vivre dans une société idéale où chacun peut parler et être écouté de façon bénéfique. Un archéologue du futur qui retrouverait ces documents se dirait que notre société se préoccupe beaucoup de soutenir les relations par une communication juste et positive.

D’ailleurs, il n’aurait qu’à fouiller dans les débris du rayon « Développement personnel » d’une librairie pour retrouver un nombre incalculable de ces titres à succès, manuels de communication et de relations, qui semblent fleurir depuis quelques années.

Cela dit, nous avons une donnée supplémentaire par rapport à cet archéologue du futur : l’expérience réelle des relations… Cet été encore, j’ai été choquée de voir les réactions des uns et des autres, ne serait-ce que dans la rue ! Les insultes qui fusent entre conducteurs, à l’égard d’un vélo ou d’un commerçant qui demande à porter le masque, quand ça ne va pas plus loin malheureusement.

Les mots malheureux viennent aussi, et surtout, fragiliser nos relations importantes : un adulte qui doute de lui parce qu’à l’école, un prof a émis un jugement catégorique (« tu n’arriveras jamais à rien » ?), une vexation dans l’amitié, au travail, ou dans la famille. Et même dans l’église : même sans grossièreté, il y a des paroles cassantes, violentes, ou simplement d’une insouciance absurde, qui laissent des cicatrices. On peut être très blessant juste en citant un verset biblique… Et j’ai malheureusement bien des exemples de personnes qui ont été blessées, parfois au point de ne plus voir l’intérêt de venir en communauté. D’autres viennent, mais avec une distance de protection. Vous voyez l’importance de l’enjeu !

Est-ce nous qui sommes trop sensibles ? Je ne crois pas, car la question des paroles et de la communication revient très souvent dans la Bible, et j’aimerais lire avec vous un extrait de la lettre de Paul aux Ephésiens, où il exhorte à une communication saine. Je lirai aussi les versets avant et après, car ils donnent le ton de la réflexion.

Lecture biblique : Ephésiens 4.1-3, 21-5.2  

1 Je vous le demande donc avec insistance, moi qui suis prisonnier parce que je sers le Seigneur : vous que Dieu a appelés, conduisez-vous d’une façon digne de cet appel. 2 Soyez toujours humbles, doux et patients. Supportez-vous les uns les autres avec amour. 3 Efforcez-vous de maintenir l’unité que donne l’Esprit saint par la paix qui vous lie les uns aux autres. 

[suit une réflexion sur l’unité de l’église et une exhortation à se laisser façonner par la réalité du salut] selon la vérité qui est en Jésus, 22 renoncez à votre conduite passée, débarrassez-vous de l’être humain que vous étiez auparavant car ses désirs trompeurs mènent à la ruine. 23 Laissez-vous renouveler par l’Esprit qui agit sur votre intelligence. 24 Revêtez l’être nouveau, créé à la ressemblance de Dieu et qui se manifeste dans une vie conforme à sa volonté et digne de lui qui est inspiré par la vérité.

25 Rejetez donc le mensonge ! Que chacun dise la vérité à son prochain, car nous sommes tous membres d’un même corps. 

26 Mettez-vous en colère, mais ne péchez pas ; que votre colère s’apaise avant le coucher du soleil. 

27Ne donnez pas au diable l’occasion de vous dominer.           

28 Que la personne qui volait cesse de voler ; qu’elle se mette plutôt à travailler et qu’elle fasse le bien de ses propres mains pour avoir ainsi de quoi aider celui qui en a besoin. 

29 Qu’aucune parole mauvaise ne sorte de votre bouche ; dites seulement des paroles bienveillantes, qui répondent à un besoin et qui sont constructives, pour faire du bien à ceux qui vous entendent. 

30 N’attristez pas l’Esprit saint de Dieu ; il est pour vous la marque personnelle attestant que le jour viendra où Dieu vous délivrera complètement du mal. 

31 Chassez loin de vous tout sentiment amer, toute irritation, toute colère, ainsi que les cris et les insultes. Abstenez-vous de toute forme de méchanceté. 

32 Soyez bons et pleins d’affection les uns pour les autres ; pardonnez-vous réciproquement, comme Dieu vous a pardonné par le Christ.

5. 1 Puisque vous êtes les enfants que Dieu aime, efforcez-vous d’être comme lui. 2 Que votre façon de vivre soit inspirée par l’amour, comme le Christ aussi nous a aimés et a donné sa vie pour nous, comme une offrande et un sacrifice dont l’agréable odeur plaît à Dieu.

          Bien communiquer… ou communiquer le bien ?  

Paul parle ici plus que de communication : il nous exhorte à devenir de nouvelles personnes. Ou plutôt, à nous mettre en cohérence avec la nouveauté de vie que Dieu rend possible en Christ, par son Esprit qui nous conduit désormais. Comme il est en train de parler de l’église, il glisse vers des exhortations relationnelles, très pratiques (du style : ne vous couchez pas sur votre colère !). Il parlera plus tard de questions plus personnelles, mais pour Paul, et dans la Bible, la sainteté est autant dans nos choix de vie que dans notre façon de gérer les relations. La pureté spirituelle, c’est aussi des relations saines.

Honnêtement, les conseils de Paul ne sont pas très originaux. Il s’inspire beaucoup de l’Ancien Testament, mais même au-delà : dans la sagesse de l’époque, on trouve le même genre de conseils. Par exemple dans la communauté de Qumrân, ou, dans le monde grec, chez les stoïciens, les pythagoriciens, etc. Il faut réfléchir avant de parler, ne pas mentir, ne pas laisser les situations s’envenimer… C’est du bon sens ! pas toujours respecté, mais pertinent et efficace. D’ailleurs, si vous parcourez des livres de communication aujourd’hui, comme un manuel de communication non violente (Les mots sont des fenêtres, de M. Rosenberg) ou les Accords Toltèques, ils sont, pour la partie communication, tout à fait en phase avec les conseils de Paul.

La grande originalité biblique – et c’est là que Paul se démarque des sagesses antiques & modernes – c’est que le cadre est différent. Le chrétien ne travaille pas sa façon de communiquer par souci pragmatique – dans le cadre social, pour éviter les conflits qui fragilent les relations et la société, ou pour sa santé, pour éviter un ulcère ! Non, le chrétien change de communication parce qu’il a changé. Voyez plutôt combien Paul justifie ses exhortations de manière spirituelle.

(v.2) vous que Dieu a appelés, conduisez-vous d’une façon digne de cet appel

(23) Laissez-vous renouveler par l’Esprit qui agit sur votre intelligence

(25) nous sommes tous membres d’un même corps

(27) Ne donnez pas au diable l’occasion de vous dominer

(32) comme Dieu vous a pardonné par le Christ.

(5.1) Puisque vous êtes les enfants que Dieu aime

(2) comme le Christ aussi nous a aimés et a donné sa vie pour nous

Au début du confinement, j’ai lu un bon article de Raphaël Charrier [https://raphaelcharrier.toutpoursagloire.com/bannir-lexpression-le-plus-important-dans-couple-communication/] qui évoquait la communication dans le couple. Il rappelle que, bibliquement, l’objectif n’est pas de bien communiquer, mais de communiquer le bien. Si vous exprimez avec justesse et précision toutes vos pensées, même les plus ambivalentes et parfois destructrices, ce n’est pas un geste d’amour ni un geste constructif. S’exprimer, c’est bien, mais qu’est-ce qu’on exprime ? et comment ?

D’après Paul, le Christ est mort pour que nous soyons réconciliés avec Dieu, notre Père qui demeure en nous par son Esprit : il nous façonne et nous change, pour le bien. Il renouvelle notre identité, comme s’il l’assainissait, afin qu’il découle de nous une eau pure et rafraîchissante, et non de l’eau frelatée et nauséabonde.

          Communiquer la vérité avec amour

Paul nous livre en même temps des exhortations très précises et très générales, sur la colère, les paroles, la posture, la gestion de nos émotions,… Globalement, on peut résumer ses conseils (que je vous invite à appliquer !) par cette formule qui intervient plus tôt dans le chapitre 4 : communiquer la vérité avec amour (4.15).

Communiquer la vérité – dans notre société avide d’authenticité, ça sonne bien ! Il y a un souci d’honnêteté, de simplicité – qui s’oppose à l’hypocrisie et à la duplicité. On dit les choses comme elles sont, sans manipulation ni fausseté, pour établir des relations de confiance. Outre le fait qu’une parole fausse peut vite se retourner contre nous si la vérité éclate, ou qu’elle peut nous troubler de l’intérieur, comment se faire confiance si personne ne dit la vérité ? c’est la base de toute relation ! Au-delà, nous appartenons au Dieu de la vérité et de la justice, en qui rien n’est double ou faux. Dieu est franc, et il attend la même chose de nous.

Mais cette franchise ne dispense pas d’aimer, de parler avec douceur et bienveillance, d’être attentif à l’autre pour éviter de blesser. J’ai entendu maintes fois « Moi, je suis franche, je dis ce que je pense » façon bazooka parfois ! Leur focus est surtout sur eux et ce qu’ils pensent.

Paul invite les francs à se mettre du côté des auditeurs et à tester la douceur : ça fait quoi d’entendre ça ? Un peu de douceur n’éteindra pas la vérité. Paul et Jésus n’étaient pas des mous, pourtant ils parlaient souvent avec délicatesse et respect.

Le fléau inverse, c’est ceux qui ne disent rien pour ne pas faire de mal. En général, ils rongent leur frein jusqu’à ce qu’ils explosent ou qu’ils partent. Ce n’est pas mieux ! Car souvent, on en vient à tolérer des situations de compromis, des incohérences, des choses qui ne fonctionnent pas… et l’ensemble finit par se frelater. Pour garder des relations saines, Paul invite les doux à dire ce qu’ils pensent et à tester la vérité. A ne pas se focaliser que sur la réaction de l’autre.

Dans une relation saine, à l’église, en famille, au travail, partout, dans une relation saine, il y a de la place pour l’autre et pour moi. Le dosage peut varier selon les circonstances, mais les deux sont essentiels.

Communiquer la vérité avec amour : on est tous plutôt d’un côté ou de l’autre, mais Dieu est un Dieu de vérité et d’amour. Et depuis la création et notre re-création, notre vocation, notre projet, notre identité, c’est de devenir comme lui, à l’exemple du Christ, inspirés par l’Esprit saint !

          Un effort

Relevez l’intrus dans les exhortations de Paul… Au milieu de toutes ces exhortations de communication, pourquoi Paul vient-il nous parler du vol ? Peut-être qu’après avoir parlé du mensonge, emporté par ses souvenirs des dix commandements, il aborde le vol, et puis il revient à son premier thème : la communication. Mais je vois une autre possibilité : le voleur c’est celui qui ne participe pas. Il prend, il profite de la situation, aux dépens des autres, mais il ne donne rien en échange. Il est centré sur son intérêt, sur son nombril. Paul invite le voleur à une attitude responsable (se prendre en charge) et généreuse (venir en aide aux autres). Cette attitude est en fait très cohérente avec les questions de communication : dans la relation, nous sommes appelés à nous impliquer, nous-mêmes, tels que nous sommes, quitte à nous rendre un peu vulnérables. Et à l’implication s’ajoute la générosité, car je ne cherche pas seulement mon bien, mais aussi celui de l’autre.

La vie en communauté, les relations réelles (et je ne parle pas des réseaux sociaux qui simplifient/simplistifient beaucoup les interactions) demandent un engagement de notre part. Paul est clair là-dessus : il faut faire des efforts… Nos relations ne seront saines que si nous y mettons du nôtre – et ce n’est pas toujours agréable.

Dans une église où nous sommes si différents, les cultures, les habitudes, les tempéraments s’entrechoquent. Sans parler du fait que nous ne sommes pas toujours très agréables… Mais Dieu nous appelle à nous supporter les uns les autres – dans les deux sens ! Nous soutenir, mais aussi nous supporter, être patients, voire… nous pardonner. Pardonner les paroles malheureuses, les silences, les réactions bizarres, les incompréhensions : l’effort est dans notre cœur. Lutter inlassablement contre l’amertume, le soupçon, la rancœur… Et laisser le bénéfice du doute, être patient, plein de grâce… A choisir de regarder l’autre d’abord comme un frère dans la foi, et pas comme un ennemi.

Car Dieu nous a fait grâce en Christ, et il nous appelle à vivre ensemble pour l’éternité.

Mais même au-delà de l’église : à l’ère où la communication est si centrale dans notre société, quel témoignage si nous sommes de ceux qui communiquent la grâce, qui disent la vérité avec amour, qui sont authentiques et attentifs aux autres… Jésus, franc et doux, attirait les foules… que nous puissions lui ressembler, en public et en privé, dans l’église et en dehors, en présentiel et en virtuel, afin que la grâce de Dieu soit communiquée au plus grand nombre !




Rafraîchis… et rafraîchissants! (Dieu, source de notre vitalité 4/4)

Pour terminer ma série de prédications estivales autour de l’eau comme signe de la vitalité de Dieu dans notre vie, j’aimerais reprendre avec vous cette parole de Jésus qui invite ceux qui ont soif à venir à lui pour boire.

Lecture biblique : Jean 7.37-39 (traduction Nouvelle Bible Segond)

37 Le dernier jour, le grand jour de la fête, Jésus, debout, s’écria : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive ! 

38 Celui qui met sa foi en moi, — comme dit l’Ecriture — des fleuves d’eau vive couleront de son sein. 

39 Il dit cela au sujet de l’Esprit qu’allaient recevoir ceux qui mettraient leur foi en lui ; car il n’y avait pas encore d’Esprit, puisque Jésus n’avait pas encore été glorifié.

 

1/ « Je suis la source »

L’invitation de Jésus est claire : c’est en lui, auprès de lui, que nous pouvons étancher nos soifs profondes. Jésus se définit comme la source qui vient nous combler, dans la lignée d’autres affirmations que Jean se plaît à souligner dans son Evangile : je suis le pain de vie (Jn 6), je suis la lumière du monde (Jn 8), je suis le chemin, la vérité et la vie (Jn 14), je suis le cep (qui connecte les sarments à Dieu) (Jn 15), je suis la résurrection et la vie (Jn 11).

Les « je suis » de Jésus ne sont pas dogmatiques : il ne suit pas un programme déterminé pour révéler progressivement des indices sur son identité… En fait, on se rend compte que bien souvent Jésus réagit au contexte de la situation pour révéler un peu mieux qui il est. Par exemple, il déclare « je suis le pain de vie » après avoir multiplié pains et poissons pour nourrir la foule, et il faut comprendre : le pain fait de céréale nourrit notre corps, mais c’est par Jésus que notre âme se nourrit et trouve satiété.

Ici, c’est pareil : Jésus lance cette parole d’invitation au dernier jour de la fête des Tabernacles/ des Huttes/ des Tentes. C’était la troisième fête des moissons dans l’année juive : célébrée vers septembre-octobre, elle évoquait les moissons d’automne et les vendanges. Pour protéger les récoltes, on construisait des petites cabanes/ huttes au-dessus des plantes, qui rappelaient du coup la période du désert, à l’époque de Moïse, entre la sortie d’Egypte et l’entrée en Terre Promise, où les Juifs avaient dû vivre sous tente, en nomades. A partir des petites huttes, le peuple était invité à méditer sur la façon Dieu l’avait conduit dans le désert.

Quel rapport avec l’eau ? A la fin de l’été, la sécheresse était importante, et cette fête était associée à des prières pour qu’il pleuve et que la récolte soit abondante. A l’époque, une grande partie de l’économie juive repose sur l’agriculture, donc prier pour avoir de l’eau, c’est prier pour avoir de quoi vivre ! Mais du coup, comme il y avait aussi cette méditation sur la traversée du désert, l’accent était porté sur la soif dans le désert, et sur la façon dont, par deux fois, en l’absence d’un point d’eau, Moïse avait fait surgir de l’eau à partir d’un simple rocher – clairement des miracles de Dieu pour prendre soin de son peuple.

Pendant la fête des Huttes, il y avait donc prières & rituels pour demander de l’eau pour les récoltes, mais aussi, pour demander à Dieu d’étancher les soifs spirituelles – une prière pour le présent qui touche aussi pour l’avenir, avec l’attente d’un renouveau profond (cf. Ezechiel 47 avec l’image du fleuve d’eau vive qui vivifie le pays).

Jésus promet paix et rafraîchissement à ceux qui viennent à lui, peu importe qui ils sont, du moment qu’ils reconnaissent leur besoin de Dieu. Par rapport à tout ce contexte, Jésus se positionne donc en disant que c’est lui, la vraie source, celle qui vient directement de Dieu. C’est lui la source tant attendue, celle qui vient étancher les soifs. Par lui, Dieu se donne lui-même en Esprit (même s’il faut attendre que Jésus soit mort, ressuscité, et auprès de Dieu pour recevoir cet Esprit divin – ce sera l’événement de la Pentecôte, qui se reproduit quand nous nous tournons vers Jésus avec foi).

2/ Nos soifs étanchées en Christ

Comment Dieu vient-il étancher notre soif ? Par Jésus, il nous accueille, nous relève, nous réconforte, nous soulage, nous pardonne, nous libère de la honte et de la culpabilité, il nous donne sa paix, il donne une direction et un sens, et quoi que nous traversions, il nous assure de sa présence.

Ca ne signifie pas que nous n’ayons aucune autre soif ! Humainement, nous avons besoin d’un minimum de sécurité, d’être en santé, de relations familiales et amicales bienfaisantes, de contribuer à la société, etc. La fameuse pyramide de Maslow liste ces besoins et même les organise : si vous avez un travail génial et épanouissant (en haut) mais qu’il ne vous permet pas de manger à votre faim, ou que vous êtes par ailleurs dans une relation de couple qui met votre vie en danger, votre vie sera bancale…

maslow

Mais cette pyramide ne prend pas en compte les besoins spirituels. Où les placer ? Tout en haut, comme la cerise sur le gâteau de la vie : quand on a tout, on peut se poser la question de Dieu ? OU tout en bas, au fondement : mais quand on est épuisé de fatigue ou de faim, il est peut-être difficile de penser à Dieu. OU complètement à côté, comme un truc facultatif dont on peut très bien se passer ?

Je pense que pour Jésus, notre soif spirituelle se situe en fait à tous les niveaux, comme en toile de fond, qui n’efface pas les autres besoins mais qui nous fait vivre autrement. Vous pouvez manquer de beaucoup de choses, être en très mauvaise santé par exemple, ou traverser une tragédie, et pour autant, en même temps, expérimenter la chaleur de la présence de Dieu. A l’inverse, vous pouvez tout avoir, et pourtant vous demander à quoi sert la vie… Etre entouré d’amis, avoir une famille soudée et bienveillante, tout en vous demandant encore si vous en valez la peine.

Jésus ne promet pas de régler aujourd’hui tous nos problèmes d’un coup de baguette magique. Mais à travers lui, Dieu promet de répondre à nos soifs intérieures, de nous soutenir, et nous conduire même à travers les pires tempêtes. Et il promet de nous aimer, dans le meilleur et dans le pire, aujourd’hui et toujours.

3/ Être rafraîchis… pour devenir rafraîchissants !

Mais quand on a dit tout ça, on n’a évoqué que la moitié de ce que Jésus dit, une moitié tellement apaisante qu’elle nous suffit ! Jésus est la source qui vient de Dieu, de lui coulent avec abondance amour et liberté, paix et espérance. Pourtant, il reste le verset 38… « Celui qui met sa foi en moi, — comme dit l’Ecriture — des fleuves d’eau vive couleront de son sein. »

Et c’est un verset vraiment problématique. Déjà parce qu’aucun texte de l’Ancien Testament ne dit cela exactement – il faut penser que Jésus fait plutôt ici un résumé, basé sur les lectures bibliques de la fête du Tabernacle. Ensuite, parce que, de qui coulent ces fleuves d’eau vive ? De Jésus, bien sûr ! Il vient de dire qu’il est la source ! Pourtant, ce n’est pas comme ça que la phrase est formulée… Quand on lit naturellement, on comprend que les fleuves coulent plutôt du croyant ! Quand Jésus se décrit, bien souvent il invite à venir à lui, et ensuite, il décrit les conséquences pour celui qui a foi en lui, ce qui correspond bien à nos versets.

           a/ une vocation pour nous aussi 

Celui qui vient à Jésus avec la soif sera non seulement désaltéré, mais il recevra aussi une abondance torrentielle : quand Dieu donne à boire, ce n’est pas avec parcimonie ! Et la quantité n’efface pas la qualité : c’est de l’eau vive et vivifiante qui coule…

Mais a-t-on épuisé tout ce que Jésus veut dire ici ? Par définition, un fleuve s’écoule vers un endroit (la mer) : ce n’est pas une fontaine ou un geyser. Non, un fleuve, avec une direction, un environnement, des rives etc. La semaine dernière, nous évoquions ensemble la vision du prophète Ezechiel, ch.47, qui voit le fleuve de Dieu renouveler le désert et même vivifier la Mer Morte.

Serait-il possible que Jésus nous dise qu’en allant à lui, non seulement nous serons désaltérés, que nous pourrons plonger dans le fleuve de Dieu, être immergés dans sa vie et son amour… mais qu’en plus, nous pourrons devenir nous-mêmes des mini-fleuves et irriguer autour de nous ?

Précision : nous ne serons jamais LE fleuve, LA source de vie – nous ne sommes pas des petits dieux… Mais l’impact désaltérant de Dieu se limite-t-il à notre âme ? Ou Dieu voudrait-il faire de nous des bénéficiaires ET des acteurs de son œuvre revitalisante ?

Alors je vous propose l’image suivante : connectés à la source vivante qu’est Dieu, nous pouvons devenir des pics d’arrosage… Participer nous-mêmes, activement, tels que nous sommes et où nous sommes, à l’œuvre de Dieu dans ce monde.

garden sprinkler on the green lawn

Est-ce vraiment si étonnant ? A plusieurs reprises, Jésus évoque notre participation à l’œuvre de Dieu, à partir de ce que nous vivons avec lui. 2 exemples :

Je suis la lumière du monde (Jn 8.12) -> Vous êtes la lumière du monde (Mt 5.14)

Je suis le cep (Jn 15.5) -> vous êtes les sarments (Jn 15.5) – ceux qui portent du fruit ! Jésus porte du fruit sur nos branches !

Nous pourrions considérer que c’est de l’arrogance, que c’est se mettre à la place de Dieu… Et pourtant, dès la création, Dieu donne un statut particulier à l’humanité : nous ne sommes pas seulement ses enfants qu’il aime, nous sommes aussi ses collaborateurs, appelés à cultiver et garder le monde qu’il a créé. L’arrogance, ce serait de croire qu’on peut le faire sans lui, qu’on peut gérer le monde sans se préoccuper de son propriétaire ! Mais ne tombons pas dans le tout ou rien… Même si Dieu est LA source de vie, c’est sa joie de nous faire participer… De nous voir aimer l’autre en puisant à son amour, de nous voir créer, imaginer, travailler, éduquer, soigner, organiser, développer, clarifier, servir, nourrir, construire… Il pourrait le faire tout seul, mais il choisit de le faire avec nous et par nous, pour sa joie !

b/ rafraîchis et rafraîchissants

Dieu veut nous rafraîchir, et nous rendre, nous-mêmes, de plus en plus rafraîchissants ! C’est un objectif & un processus, bien sûr!

A quoi ressemblerait, pour vous, quelqu’un de rafraîchissant ?

Une définition possible, pour moi : quelqu’un de libre et de libérateur, de sincère et honnête, de joyeux et constructif, de reconnaissant et généreux, de paisible et réconfortant, d’équilibré et sage… En fait, quelqu’un qui va bien et qui permet aux autres d’aller bien. Evidemment c’est un idéal !

Comment arroser autour de nous ? Comment rafraîchir notre carré de terrain ? Je vous propose juste 3 pistes pour mieux arroser :

  • Mieux être présent, à l’écoute, patient, fidèle, bienveillant… accueillir comme Dieu accueille
  • Nous mettre au service de ceux qui nous entourent : sans nous noyer, mais intégrer par exemple les besoins de l’autre dans nos projets, dans notre temps…
  • Oser dire notre espérance (je ne parle pas exclusivement de notre témoignage de conversion en 3 points ou d’un traité biblique, mais simplement d’évoquer un peu plus librement la réalité de notre vie de foi, de notre espérance, de la vie que nous avons en compagnie de Dieu…)

Et bien sûr, la prière… la prière pour recevoir de Dieu, et pour nous rendre disponibles devant lui. Seigneur, à quoi m’appelles-tu aujourd’hui ? Comment puis-je irriguer, en ton nom, la terre que je vais fouler ? Rafraîchis-moi, et permets-moi de participer à ton œuvre de rafraîchissement, même avec une simple goutte d’eau.