Entrer par la porte étroite

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Lecture biblique : Luc 13.22-30

Il y a des paroles de Jésus qui sont tout de suite réconfortantes et qu’on aime entendre :

  • « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos »
  • « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre coeur ne se trouble pas… »
  • « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde »

Et il y a d’autres paroles, beaucoup moins agréables et qu’on aime peut-être moins entendre … Comme dans notre texte : « Faites des efforts pour entrer par la porte étroite. Oui, je vous le dis, beaucoup de gens essaieront d’entrer et ils ne pourront pas. »

 

Des questions

Qui est donc cet homme qui pose la question à Jésus : « Seigneur, est-ce que Dieu va sauver seulement un petit nombre de gens ? » L’Evangile ne nous en dit rien, il reste anonyme. S’exprime-t-il en son nom propre ou est-il le porte-parole d’un groupe ? Est-il proche des chefs religieux et persuadé d’être parmi les quelques élus ? Il voudrait alors être conforté dans sa fierté d’en faire partie. Est-ce un disciple, inquiet de voir si peu de monde faire partie du cercle des disciples ?

En tout cas, ce n’est pas à un homme seul et anonyme que Jésus répond, il s’adresse à tous. Celui qui pose la question n’est pas le seul concerné par la réponse !

Qu’y a-t-il donc derrière sa question ? Le contexte peut peut-être nous aider. En effet, juste avant dans l’Évangile selon Luc, Jésus raconte deux paraboles qui nous parlent du Royaume de Dieu. Il est comparé à une petite graine de moutarde qui devient un arbuste abritant les oiseaux qui y font leur nid, et à un petit peu de levain qui finit par faire lever toute la pâte.

Si l’homme qui pose la question était un disciple de Jésus, il avait déjà sa réponse dans ces deux paraboles. Oui, ça commence tout petit (une graine de moutarde, un peu de levure) mais le Royaume de Dieu deviendra grand. Donc, si c’est un disciple, il a mal écouté ce que Jésus a déjà dit…

Par ailleurs, juste avant ces deux paraboles, on trouve le récit de la guérison, le jour du sabbat, d’une femme malade. Et on y voit un contraste saisissant entre la joie des foules témoins du miracle et la colère des chefs religieux parce que Jésus a, soi-disant, enfreint la loi sur le sabbat.

Si cet homme parle donc au nom des chefs religieux Juif, Jésus veut peut-être les interpeller : on peut passer à côté de la beauté et la grandeur du Royaume de Dieu… comme on peut, finalement, passer à côté du festin du Royaume.

Dans tous les cas, la question de cet homme trahit une mauvaise compréhension de l’enseignement de Jésus jusqu’ici. Et c’est pourquoi Jésus va répondre de façon surprenante, pour éveiller les consciences.

Au premier abord, on peut même avoir l’impression qu’il ne répond pas à la question qui lui est posée. Il aurait pu répondre en faisant référence à ses paraboles du Royaume pour encourager les quelques-uns qui le suivaient (et dont l’homme faisait peut-être partie) : oui, le Royaume de Dieu commence petit mais il deviendra grand ! Il aurait pu aussi dire que seul Dieu sait combien de personnes seront sauvées.

Jésus choisit plutôt d’interpeller ses auditeurs par une métaphore : efforcez-vous d’entrer par la porte étroite parce que tous n’y arriveront pas. Et il poursuit avec une parabole dans laquelle des gens qui se croyaient invités à un grand festin se retrouvent devant une porte fermée, le maître de maison prétendant même ne pas les connaître. Et leurs regrets seront d’autant plus grand qu’ils verront Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes être rejoints à table par des gens venus des quatre coins du monde… alors qu’eux resteront dehors.

En bref, voici donc la réponse de Jésus : peu importe de savoir combien seront sauvés, la vraie question est : qu’en est-il de vous ? La question mérite d’être posée, parce qu’il pourrait bien y avoir des surprises. Des personnes qui pensent avoir leur place réservée seront exclues.

Retenons trois leçons à ces paroles de Jésus.

 

Prendre au sérieux l’avertissement

La première leçon, c’est que l’avertissement doit être pris au sérieux. Même si ça ne nous plaît pas trop, il y a une réelle possibilité d’être « jeté dehors », exclu du festin. Ce n’est pas la seule fois où Jésus l’évoque dans son enseignement. Il y a bien-sûr, ici comme ailleurs, la perspective d’une invitation large, universelle, faisant venir des invités des quatre coins du monde. Mais il y a aussi la porte fermée, il y a aussi les pleurs et les grincements de dents.

L’Evangile est la bonne nouvelle du salut offert à tous. Mais c’est aussi le jugement de ceux qui refusent de croire. On est obligé de retirer de notre Bible un nombre non négligeable de versets pour le nier… Le message de l’Évangile, ce n’est pas « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » et le bon Dieu finira bien par sauver tout le monde. Le message de l’Évangile, c’est au contraire « personne il est beau, personne il est gentil » ! Nous sommes tous pécheurs, loin de Dieu et nous avons tous besoin de sa grâce. Il nous offre gratuitement le salut grâce à l’oeuvre accomplie par Jésus-Christ. Mais si nous le savons et que nous le rejetons, alors il pourrait bien y avoir des conséquences…

Bien-sûr, tout cela garde un mystère qui nous est inaccessible. Pour prolonger la parabole, seul le maître de maison sait qui il accueillera à sa table et nous devons nous garder de nous mettre à sa place. Et si Dieu décide au dernier jour de sauver tout le monde nous n’aurons rien à redire ! Mais il nous faut garder au moins la possibilité d’être exclu du festin si nous nous obstinons contre Dieu. Ça fait aussi partie du message de l’Évangile.

 

Se positionner personnellement

Cet avertissement, aussi sérieux soit-il, ne doit pas pour autant nous faire peur. Il ne doit pas nous faire douter de la bonté de Dieu et de son accueil, largement proclamé dans les Evangiles. Mais il doit nous faire prendre au sérieux le message de l’Évangile. Avec l’Évangile, il est bien question de vie et de mort. Ce n’est pas une simple question de croyance ou de religion, c’est une question de salut et d’éternité.

L’Evangile est certes une bonne nouvelle qui nous donne une espérance éternelle, mais ce n’est pas une bonne nouvelle au rabais. Elle a coûté le prix fort à Dieu, par la mort de son Fils Jésus-Christ. Elle attend de nous une réponse. Quand on comprend cela, on ne peut pas rester indifférent. La vie éternelle m’est offerte mais qu’est-ce que je fais de cette nouvelle ? Comment je me positionne personnellement ?

Ce n’est pas notre affaire de savoir qui sera sauvé, s’il y en aura peu ou beaucoup. Notre affaire, c’est de savoir où nous nous situons personnellement. L’Evangile est aussi, fondamentalement, un appel qui attend une réponse. C’est une bonne nouvelle qui vous concerne, chacun, personnellement. Une bonne nouvelle qui appelle une réponse personnelle. Sinon, elle restera sans effet pour nous…

 

Laisser l’Évangile nous bousculer

Derrière la question posée à Jésus, quel que soit celui qui l’a posée, il y a le piège d’un certain orgueil spirituel, celui de se croire hors d’atteinte, à l’abri, pour telle ou telle raison. Et la réponse de Jésus souligne que l’Évangile ne veut pas nous laisser nous reposer sur nos lauriers. Vous avez sans doute déjà vu cette vidéo qu’on voit régulièrement dans les bêtisiers où un cycliste, persuadé d’avoir gagné, lève les bras quelques mètres avant la ligne. Mais parce qu’il se croit déjà arrivé, il tombe… laissant la victoire à son poursuivant qui passe la ligne n’en croyant pas ses yeux.

« Que celui qui pense être debout prenne garde de tomber » (1 Corinthiens 10.12) N’est-ce pas, un peu, ce que Jésus dit ici ? Certains voudront entrer par la porte mais ne pourront pas. Certains croiront avoir une place réservée au festin mais resteront dehors. Des premiers seront les derniers, et des derniers seront les premiers.

Nous pouvons avoir une espérance certaine. Elle repose sur la grâce de Dieu et ses promesses. Mais si notre assurance repose sur d’autres bases, quelles qu’elles soient, notre piété, notre éducation, notre expérience… alors attention danger !

C’est pourquoi l’Évangile contient aussi des paroles d’avertissement. Il ne cesse de nous déstabiliser et de nous interpeller. Si l’Évangile ne nous bouscule plus, après 10 ans, 20 ans ou plus de vie chrétienne, nous pouvons nous inquiéter… Nous devons sans doute nous être endormis. Et là, la chute est assurée…

 

Conclusion

Il y a des paroles de Jésus qui sont moins agréables à entendre que d’autres… Il nous faut des paroles qui apaisent et encouragent. Mais il nous faut aussi des paroles qui réveillent et bousculent. C’est bien parce que si l’Évangile nous offre un salut gratuit et une espérance éternelle, il nous appelle aussi à un engagement personnel en retour.

La porte est étroite et le passage est long. C’est pourquoi nous devons persévérer dans nos efforts. Mais nous savons que, finalement, c’est la main de Dieu, dans sa grâce, qui nous saisira et nous fera entrer dans la salle du festin !