La louange, un ressourcement nécessaire

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Lecture biblique: Psaume 92

La semaine dernière, j’ai commencé une série de prédications sur le thème du repos. Nous avons médité sur le commandement de Dieu à prendre du repos régulièrement, et vu que ce repos est tout à la fois un temps pour reprendre son souffle, un temps pour prendre du recul et revenir à l’essentiel en se tournant vers Dieu. Dans le livre des psaumes, un psaume s’est retrouvé dédié au culte du sabbat, dédié à ces cultes du repos, et ce psaume, le 92, nous conduit à méditer sous un autre angle la question du repos avec Dieu.

Ce psaume ne parle pas du repos. Le psaume n’en est pas pour autant hors-sujet, car il prolonge ce que nous disions la semaine dernière : ce temps passé avec Dieu est l’occasion de voir notre vie autrement, c’est l’occasion d’être profondément renouvelé, et de s’enraciner dans l’essentiel. Et tout cela se vit dans la louange, qui domine le texte, ce qui je pense peut nous aider à méditer à la fois sur les bienfaits du temps passé avec Dieu et sur les bienfaits de la louange. Je voudrais prendre comme définition de la louange le fait de célébrer la bonté de Dieu, comme le dit le psaume, sans forcément réduire cette démarche à un type de chants ou de paroles, mais plutôt y voir l’attitude du croyant devant Dieu, mêlée de joie, de reconnaissance, d’admiration, et de confiance. Comment le fait de célébrer la bonté de Dieu nous aide-t-il à vivre le vrai repos ? Autrement dit, comment la louange nous permet-elle de nous ressourcer auprès de Dieu ?

1)   Pour dévoiler la place de Dieu dans notre vie

Tout d’abord, louer Dieu nous permet de nous extraire du flux quotidien de notre vie pour l’envisager sous une autre perspective. En fait, la louange nous encourage à voir Dieu à l’œuvre dans notre vie, et le psaume 92 nous le montre de trois manières différentes.

Premièrement, le psalmiste célèbre Dieu pour ce qu’il est, pour ce qu’il fait en général : il est bon de célébrer Dieu, car ses œuvres sont grandes et ses pensées sont profondes, Dieu est puissant, sage et bon. Parmi les sujets de prédilection des Juifs, il y avait la création et le souvenir d’avoir été sauvés de l’esclavage en Egypte. On peut ajouter la célébration de Jésus-Christ, incarné, mort et ressuscité pour le salut des hommes, ce moment historique dont l’impact n’est pas inférieur à celui de la création, puisqu’il nous offre une vie nouvelle. Quand on manque d’idées pour prier Dieu, ou même quand on en a d’ailleurs, c’est toujours bon de commencer en se rappelant qui est Dieu et ce qu’il a fait dans le passé pour son peuple, ça nous rappelle l’amour, la sagesse et la puissance de Dieu.

Deuxièmement, le psalmiste remercie Dieu pour des actions spécifiques dans sa vie (v.11-12) : tu as relevé mon front, mon œil repère ceux qui m’espionnent etc. Dieu a délivré le croyant des conflits et des dangers qui le menaçaient, il lui a permis de relever la tête, et il l’a rendu fort comme la corne du buffle. Pour cette délivrance particulière, ponctuelle, le croyant exprime sa reconnaissance. De même, nous sommes appelés, régulièrement, à chercher, à discerner dans le tissu de notre vie, les fils que Dieu a entremêlé aux nôtres, les motifs qu’il a dessinés, les raccords qu’il a cousus.

Troisième motif de louange : le destin funeste des méchants. Je vous avoue que j’ai mis un peu de temps à saisir pourquoi ce passage sur les méchants qui sont comme l’herbe et qui vont disparaître. Ca fait un peu mesquin, se réjouir du malheur des autres… En fait, j’ai l’impression que le psalmiste mentionne les méchants, les malfaisants qui prospèrent, qui ont du succès, qui poussent, comme l’herbe des champs, pour tous les cas où Dieu n’a pas délivré. Il y a des situations où le croyant ne sort pas vainqueur de la difficulté, il y en a même beaucoup, et devant ces difficultés, ces souffrances, ces injustices, on serait facilement tenté de renoncer à la louange, de désespérer, de douter de la bonté de Dieu. Le psalmiste nous invite franchement, dans ce genre de situations, à changer de perspective et à prendre du recul. C’est vrai, les injustices grouillent dans notre monde, mais Dieu reste Dieu, Dieu est juste, et sa justice sera un jour manifestée. Un jour, il n’y aura plus ces mensonges, ces abus, ces pièges, ces vices, ces actes cruels, il n’y aura plus la loi du plus fort, la tromperie, la cupidité, l’égoïsme, car Dieu est Dieu, il règne pour toujours, et même s’il tolère pour un peu de temps ces situations affreuses, un jour il y mettra un terme, et c’est dans cette perspective qu’on peut louer même dans l’épreuve. Dieu déteste le mal, et un jour le mal sera éradiqué complètement.

La louange est bonne pour tous, elle nous dévoile les bontés de Dieu : ses qualités, ses œuvres passées, actuelles, et futures. Elle nous permet de voir notre vie autrement, en y décelant l’amour et l’intervention de Dieu. Elle nourrit aussi notre attente : un Dieu bon, juste et tout-puissant ne peut pas se satisfaire du monde tel qu’il est aujourd’hui, et nous non plus. Se concentrer sur Dieu, c’est aussi attendre avec foi et espérance le jour où Dieu établira complètement la justice et la paix.

2)   Pour renouveler et rafraîchir

En conséquence, louer Dieu nous renouvelle, nous rafraîchit, nous ressource. C’est ce qu’expriment les images de la fin du psaume : je baigne dans une huile fraîche, dit le psalmiste. L’huile permettait de soigner les blessures, donc elle exprime parfois le soulagement, mais elle était aussi utilisée pour les célébrations, surtout quand elle était parfumée. C’est le signe de la joie, de l’abondance. De même, les croyants, les justes, ceux qui aiment Dieu, sont comparés à des arbres luxuriants, verts et feuillus, à des palmiers chargés de grappes de dattes, à des cèdres bien hauts et bien solides. Célébrer les bontés de Dieu est même un secret de jouvence : les vieux restent jeunes, ils portent encore du fruit, ils ne se flétrissent pas avec l’âge, mais ils s’épanouissent et continuent de rayonner, proclamant avec toutes les générations que Dieu est bon.

Ceux qui aiment Dieu sont comme plantés dans son temple – c’est-à-dire, sa présence, dont le temple était le lieu symbolique. En s’enracinant profondément dans notre relation avec Dieu, on se ressource, on reçoit de quoi pousser bien haut, de quoi être forts, de quoi porter du fruit à notre tour. Jésus a approfondi cette image en se comparant au cep de la vigne, en qui, nous petits sarments, nous sommes appelés à demeurer, à qui nous devons nous attacher, pour recevoir la vie de Dieu. C’est par Jésus, qui révèle Dieu aux hommes, que nous pouvons recevoir les bienfaits de la « terre », la vie de Dieu, pour grandir et porter du fruit, encore et encore.

Une des impressions qui ressort du psaume, c’est la joie qu’a le croyant à célébrer Dieu. La joie se manifeste entre autres par le plaisir qu’on a à louer Dieu, à proclamer sa bonté. En début de culte, le psaume 34 nous exhortait à goûter combien le Seigneur est bon. Il me semble que souvent on est peu réducteur de ce côté-là, en envisagent seulement les chants du culte. En réalité, la louange c’est une attitude de cœur qui s’exprime de multiples manières, en fonction des moments, des caractères. Nous sommes différents : certains n’aiment pas chanter ou rester en prière pendant des heures ! Pour eux, ce n’est pas la musique qui conduira à célébrer Dieu, mais une balade en pleine nature, ou la contemplation intérieure, en silence, ou pour d’autres, la réflexion intellectuelle sur ce que Dieu fait, est, veut, projette etc. Pour d’autres encore, ce sera des gestes – allumer une bougie, se mettre à genoux… Pour d’autres, s’engager dans une association et œuvrer à la justice au nom de la justice de Dieu. Il y a mille manières de louer Dieu, car il nous a créés divers et variés. Au-delà du culte où nous choisissons une forme parmi d’autres, chacun est appelé à trouver les situations, les formes, les contextes, où il pourra au mieux saisir la bonté de Dieu, la célébrer et s’en nourrir.

3)   Pour faire grandir le croyant

J’aimerais envisager un troisième bienfait de la louange, il en reste d’autres, bien sûr, c’est celui de faire grandir le croyant. Le psaume nous laisse cette image du « juste », le croyant en réalité, qui est tourné vers Dieu et qui s’efforce de le suivre : c’est un arbre, haut, solide, verdoyant et fertile. Il porte du fruit. Le juste, ce n’est pas celui qui est parfait, mais celui qui s’enracine en Dieu et qui puise en lui ses valeurs, ses orientations, ses motivations. C’est celui qui se nourrit profondément de la relation avec Dieu – et ça se voit ! Le juste croit en Dieu, il le reconnaît comme Dieu, à la différence du malfaiteur qui méprise Dieu, il l’aime et il lui obéit. La louange renouvelle notre relation avec Dieu en nous rappelant qui il est, ce qu’il fait, ce qu’il veut, et comment il nous voit. Cette louange, cette célébration, n’a pas seulement pour but d’être une balise régulière dans notre vie, mais elle nous fait grandir, comme l’arbre qui pousse de plus en plus haut.

Un des bienfaits de la louange, c’est de nous faire progresser, parce qu’on a pris le temps de voir comment Dieu se comporte, ses habitudes et ses valeurs. Elle nous permet d’adopter son point de vue, elle nous dépeint ses qualités, sa bonté et sa justice, sa sagesse et sa fidélité. Contempler Dieu et le célébrer nous rappelle quel est notre modèle, qui est celui dont nous sommes l’image, quelle est notre vocation d’êtres humains créés à la ressemblance de Dieu.

La louange doit avoir un impact sur notre avenir : ce que nous vivons avec Dieu dans ces temps de proximité doit nous recentrer sur l’essentiel, nous éduquer, nous fortifier, nous motiver, pour la vie de tous les jours. Elle doit nous permettre de persévérer dans la foi, l’espérance, l’amour, elle doit nous renouveler profondément pour notre marche avec Dieu. Cela se traduit par des fruits, par une vie peu à peu transformée, par un caractère influencé par celui de Dieu, par un état d’esprit semblable, par des œuvres concrètes qui traduisent notre attachement à Dieu : l’honnêteté, la patience, la bienveillance, la justice, l’amour, etc. Le premier critère de distinction entre le juste et le malfaiteur – qui loin d’être un cèdre pousse l’herbe stérile et éphémère – c’est le comportement ! Les actes, les gestes, les paroles de la vie quotidienne, qui vont rendre visibles ce que nous vivons avec Dieu.

Conclusion

La louange est une caractéristique essentielle de notre temps avec Dieu, et donc du repos. Elle nous permet de nous baigner dans sa présence, de nous ressourcer en nous rappelant combien il est juste et bon. Elle ravive notre amour, notre confiance en Dieu et notre espérance, elle nous permet de dire « oui, Dieu est mon rocher, il est mon salut ». Pourtant, la louange n’est pas juste un bon moment passé avec le Seigneur, qui nous fait du bien et nous permet de continuer la route, c’est aussi un temps qui nous forme et nous nourrit, au plus profond de nous-mêmes, pour nous transformer et nous rendre à notre tour débordants d’amour et de sagesse, de justice et de fidélité, témoins de Dieu dans ce monde.