La paix dans le monde ? Et pourquoi pas !
Lecture biblique : Esaie 2.1-5
A la première lecture, ça semble trop beau pour être vrai… L’amour, la paix universelle ! Ça ressemble presque à un discours d’élection de Miss France qui souhaite « la paix dans le monde » !
En réalité ce texte est bien plus profond que cela. Certes, il parle de paix. Mais en quels termes ? Et de quelle paix parle-t-il ?
Il faut bien-sûr se replacer dans le contexte d’Esaïe : la région est à feu et à sang, la menace assyrienne, puissance redoutable à la soif d’expansion intarissable est aux portes du pays. Que faire pour se protéger ? Trouver une alliance ? Attendre les bras croisés, résignés ?
La guerre semble inéluctable. Le peuple s’apprête à vivre des jours sombres…
De plus, le contexte social et spirituel du peuple n’est pas au beau fixe non plus. La majeure partie du discours du prophète, dans les premiers chapitres, est de dénoncer l’idolâtrie et l’injustice qui règnent dans le peuple.
Et là, après un premier chapitre sévère mais réaliste sur l’état spirituel du peuple, et avant un nouveau long discours dénonçant les mêmes travers, interviennent ces quelques versets. Comme un havre de paix au milieu de la tourmente. Une promesse qui concerne l’avenir, sans savoir précisément quand : « Un jour, dans l’avenir… » (« Dans la suite des temps… » – NBS). L’espérance que grâce à l’intervention du Seigneur, la paix sera instaurée sur toute la terre.
Mais c’est le verset 4 qui a retenu particulièrement mon attention dans ce chapitre, notamment avec ses métaphores étonnantes de la paix. Un verset d’une grande profondeur qui nous aide à comprendre ce que doit être la paix, et pas seulement pour les peuples d’Israël et de Juda au temps d’Esaïe !
Pas de paix sans un Dieu de paix
Une idée au coeur de ce texte est qu’il ne peut pas y avoir de véritable paix sans l’intervention de Dieu. C’est évidemment la vision d’un croyant, celle d’un prophète du Seigneur… Mais pour nous, c’est incontournable. Et même, pour utiliser le langage du Nouveau Testament, il ne peut pas y avoir de paix sans l’établissement du règne de Dieu. Jamais l’humanité, livrée à elle-même, ne parviendra à établir la paix sur terre.
Il y a certes une pointe polémique dans les premiers versets du chapitre où la montagne du temple du Seigneur s’élève au-dessus des autres montagnes. C’est une affirmation de la suprématie du Seigneur par rapport aux autres dieux, dont les sanctuaires étaient traditionnellement établis sur des collines et des montagnes. Ces dieux des peuples environnants, y compris les Assyriens, ces dieux que le peuple d’Israël avait laissé pénétré dans leur pratique idolâtre.
La montage du temple du Seigneur plus haute que les autres montagnes, c’est l’établissement du règne de Dieu, qui se traduit aussi par la reconnaissance universelle de son autorité : tous les peuples se rendent auprès de lui pour entendre son enseignement et recevoir sa justice.
Mais dans notre fameux verset 4, lorsque la justice de Dieu est évoquée, ce n’est pas du tout une justice terrible et punitive, une vengeance face aux ennemis. C’est une justice pacifiée et pacificatrice. Le Seigneur n’y apparaît pas comme un justicier mais comme un arbitre !
N’est-on pas ici dans la lignée de la justice de Dieu telle qu’elle nous sera pleinement révélée dans le Nouveau Testament, à travers la personne et l’œuvre de Jésus-Christ ? Non pas une justice selon la loi du talion (oeil pour oeil, dent pour dent) mais selon la loi de l’amour. Non pas une justice implacable et froide, mais une justice pleine de grâce. Le but de la justice de Dieu, ce n’est pas la punition mais la restauration ! Une justice qui apporte la paix.
Le temps de l’Avent qui commence aujourd’hui nous conduira jusqu’à Noël, la naissance de Jésus-Christ. Une naissance annoncée par les anges comme une source de paix pour tous les hommes : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix à ceux que Dieu aime ! » (Luc 2.14)
La paix n’est pas seulement l’absence de conflit
Venons-en maintenant à ce que les métaphores du verset 4 nous apprennent sur la paix que Dieu veut apporter.
Avec leurs épées,
ils fabriqueront des socs de charrue,
avec leurs lances,
ils feront des faucilles.
Un pays n’attaquera plus un autre pays,
les hommes ne s’entraîneront plus pour la guerre.
Les métaphores évoquent le fait que les soldats redeviennent cultivateurs. Plus besoin d’épées ou de lances, il faut maintenant des charrues et des faucilles. Les projets de guerre n’existent même plus. Non seulement, on n’a plus besoin d’épée et de lance, mais on ne s’entraîne plus pour la guerre. Plus d’arme, plus d’armée, plus de service militaire…
Il n’y a plus ni animosité ni peur entre les peuples ! On ne parle plus de force de dissuasion, plus personne ne dit « si tu veux la paix, prépare la guerre », on n’a même plus besoin d’envisager la légitime défense. Chacun y trouve son compte, paisiblement, Dieu étant devenu l’arbitre entre les peuples.
Vous aurez remarqué d’ailleurs que dans les paroles d’Esaïe, la perspective de paix qu’il décrit n’est pas celle issue d’une victoire sur ses ennemis mais d’une réconciliation de tous les peuples convergeant vers le Seigneur.
La perspective ultime d’amitié entre les peuples qui transparaît dans de nombreux écrits bibliques devrait nous mettre en garde de façon absolue contre toute tentation de racisme ou de communautarisme !
Mais remarquez un détail qui a son importance : dans les paroles d’Esaïe, il ne s’agit pas seulement de détruire les armes mais de les recycler en instruments agricoles. La paix n’est pas seulement l’absence de guerre, c’est aussi un travail pacifique, un travail de reconstruction. Il ne suffit pas de faire la paix, il faut la cultiver !
Et cela est vrai aussi dans nos relations : la paix ce n’est pas seulement l’absence de conflit ! Faire la paix, se réconcilier avec quelqu’un, ce n’est pas seulement enterrer la hache de guerre. C’est transformer cette hache en outil pour reconstruire une relation, un projet commun.
Et ici, la belle expression utilisée parfois, « artisan de paix », prend toute sa dimension. La paix, y compris dans nos relations, se construit, se façonne et se cultive.
Comment, dans nos relations, dans notre famille, dans l’Église, cultivons-nous la paix ? Est-ce que nous nous contentons d’éviter le conflit ? Est-ce que nous nous suffisons d’enterrer la hache de guerre, tout en gardant de la rancune voire de la haine ? Ou nous efforçons-nous d’être de véritable artisans de paix ?
Conclusion
Loin d’être une utopie doucereuse, cette prophétie d’Esaïe est une promesse qui continue à nous être adressée. Nous ne sommes plus dans le contexte des contemporains d’Esaïe, mais n’aspirons-nous pas aussi à la paix ?
Le projet ambitieux de Dieu pour une paix s’étendant à tous les peuples doit avoir un écho et des conséquences concrètes dans nos vies. Si le règne de Dieu apportera la paix universelle, comment nous qui prétendons être citoyens du Royaume de Dieu pourrions-nous ne pas être artisans de paix dans notre quotidien ?