La Croix comme lieu de rachat et de délivrance (Les sens de la Croix 3/4)

Il faut qu’on parle d’argent. Non je ne vais pas vous demander de sortir vos chéquiers ou vos CB ! Il faut qu’on parle d’argent, parce que l’argent c’est concret. Ca parle, et tout de suite ! Vous ne vous souvenez peut-être pas de l’époque où vous avez appris à compter, mais peut-être que vous avez en tête le moment où votre petit frère, vos enfants, vos neveux et nièces ont appris à compter. Les chiffres en eux-mêmes sont immatériels, abstraits… mais dès qu’on parle d’argent, ou de ce qu’on possède, ça devient concret ! 3 bonbons + 1 ou – 1, on fait très bien la différence !

Dans notre chemin vers Pâques, nous nous attardons ces dernières semaines sur les sens de la mort de Jésus sur la Croix, pour mieux saisir la profondeur et la richesse de l’amour de Dieu pour nous en Jésus.



En mars, nous avons vu la Croix comme Rituel (sacrifice, avec la notion que Jésus meurt à notre place, notion associée dans la Bible à une approche juridique : nous sommes coupables devant Dieu, mais Jésus purge notre peine à notre place pour nous offrir un nouveau départ) et comme lieu de Réconciliation (parce que Jésus assume notre culpabilité, tout obstacle entre Dieu et nous est surmonté et nous pouvons entrer dans une relation avec lui marquée par la paix, la joie, la plénitude de son amour).

Une autre image fréquente, c’est celle du rachat. C’est une image commerciale [faire geste argent]. Sur la Croix, Jésus paye pour nos péchés, c’est la rédemption (mot technique dans le vocabulaire religieux qui vient de la même racine en latin que le mot « rachat » – le rédempteur c’est celui qui rachète), et la rémission des péchés, c’est la remise ! tout simplement ! Jésus solde le compte de nos péchés ! Il règle notre ardoise.

Jésus d’ailleurs utilise lui-même cette image, par exemple dans le fameux « Notre Père » :

12 Remets-nous nos dettes, comme nous aussi nous le faisons pour nos débiteurs… (Matthieu 6.12)

4 pardonne-nous nos péchés, et nous aussi, nous remettons sa dette à quiconque nous doit quelque chose (Luc 11.4)

Dans une réponse au disciple Pierre qui pose des questions sur le pardon, Jésus revient à cette notion de dette en comparant l’incommensurable dette que Dieu efface à notre égard, et la dette relative que les autres ont envers nous – nous invitant ainsi à entrer dans la même logique de grâce que Dieu avec nous (Matthieu 18, la parabole du serviteur impitoyable).

Derrière ce réseau d’images qui nous parlent très directement (à l’époque de Jésus comme à notre époque, l’argent est partout !), il y a des sous-entendus que je vous invite à explorer avec un texte de l’apôtre Paul.

Lecture biblique : Lettre de Paul aux Colossiens 1.12-14

Avec joie, 12 rendez grâce au Père qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière.

13 Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et nous a transférés dans le royaume du Fils de son amour ; 

14 en lui nous sommes rachetés, nos péchés sont pardonnés (remis).

L’image du rachat et de la rançon

L’argent est évoqué, pour évoquer la remise de nos dettes par la mort de Jésus. Jésus rachète le crédit que nous ne pouvons pas payer, pour que nous retrouvions crédit aux yeux de Dieu. L’idée, c’est que lorsque nous commettons une faute (quelle qu’elle soit), cela a un coût – nous devrions réparer, mais nous ne pouvons pas payer. Nous avons ainsi une dette vis-à-vis de Dieu. Seul Jésus, muni de sa justice immense, est capable de payer pour les réparations.

Mais Paul ne dit pas : en lui nos dettes sont rachetées ! Non, en lui, nous sommes rachetés. Pourquoi « nous » ? Un mot de contexte. Aujourd’hui en France, si vous êtes trop endetté, vous perdez le droit de gérer vos finances, et c’est quelqu’un d’autre qui gère à votre place. Dans l’Antiquité, il n’y a pas d’organisme qui gère cela : si vous deviez à quelqu’un quelque chose que vous ne pouviez pas payer, vous pouviez vous vendre à son service, devenir son esclave. C’est la version costaud de « ah vous ne payez pas l’addition, faites donc la vaisselle ! » Pour rembourser une dette trop grande, on mettait donc sa vie en gage, et on devenait serviteur à temps plein d’un autre – 24/24, 7/7 : esclave.

Nos dettes nous rendent esclaves. L’image est très juste, au niveau spirituel et psychologique : nos fautes, nos transgressions, nous prennent tout entier. On ne peut pas se mettre à distance : si j’ai commis une faute, je suis fautif, dans mon être, dans mon identité !

Puisqu’on parle d’esclavage, de qui/ de quoi sommes-nous esclaves ? d’abord de nous-mêmes ! Lorsqu’on goûte au péché, c’est comme avec certaines drogues, l’addiction se met en place, nous rentrons dans un engrenage qui nous pousse à recommencer. Parfois parce que nous y avons pris du plaisir, parfois parce qu’on ne se sent pas en danger (« je maîtrise la situation, j’arrête quand je veux ! » – sauf qu’on n’arrête pas), parfois parce que l’effet est immédiat et on ne peut plus se décoller de ce comportement, comme si on tombait dans un tourbillon, une spirale qui nous entraîne vers le bas.

Nous sommes aussi esclaves de l’adversaire de Dieu, le prince des ténèbres, Satan et toute sa clique. Comment ça marche ? changeons d’image : en péchant, en sortant de la lumière de la vie avec Dieu pour mettre un orteil dans les ténèbres, nous tombons dans le panneau. Comme un filet, un piège, dans lequel on marche et qui se referme sur nous tout entiers. Tout notre être se retrouve pris, prisonnier, incapable de revenir en arrière – otage. Otage des ténèbres, qui nous tiennent. Lorsque nous péchons contre Dieu, nous laissons entrer un cheval de Troie dans notre vie, et nous sommes incapables de nous en libérer. Nous sommes dépassés par notre culpabilité.

La notion d’otage ou d’esclave dit bien que le mal, on ne le maîtrise jamais : si on lui cède un doigt, il nous dépasse, nous coince et nous tient. Nous sommes ainsi coupables et victimes de notre propre culpabilité.

          Jésus revient à cette notion d’otage en évoquant sa mort ainsi :

(Matthieu 20.28) le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude.

L’image de la rançon, du rachat des personnes, revient souvent dans les écrits des apôtres, avec une insistance sur le coût de ce rachat, le prix payé : Jésus donne sa vie, son innocence, sa perfection, pour nous arracher à l’esclavage du mal.

Nous arracher ! Pas nous détacher délicatement – nous arracher : cela dit bien le danger de tomber dans l’engrenage du mal, sous la coupe de celui qui ne fait que détruire et pervertir.

          Ainsi Jésus donne sa vie pour payer notre rançon d’otages, payer la dette qui nous rend esclaves – l’image s’arrête là dans le texte biblique, elle a rempli son rôle, n’allons pas spéculer sur une rançon payée à Satan : là on étirerait l’image au-delà de ce que la Bible veut transmettre.

Qui dit fin d’esclavage, dit retour à la liberté. Comment être libérés ? Par la foi en Christ qui paye pour nous ! La foi, qui passe par une phase de lucidité : nous reconnaissons que nous sommes incapables de nous libérer nous-mêmes, incapables de payer nos dettes. Incapables même de stopper notre addiction au mal et de rester dans le vert. Cette lucidité mêlée de tristesse, la Bible l’appelle repentance : je veux changer ! Je ne peux pas me sortir de ma situation, mais je crois que Jésus peut me libérer – alors je saisis sa main.

Avant de voir les conséquences de cette libération, je vous propose de nous approprier cette vérité du Christ qui nous rachète pour la liberté, en chantant En toi je sais qui je suis

Une libération        

  Dans la réflexion de Paul, on passe d’un royaume à un autre. On sort de pour entrer dans. Pour le formuler autrement : on est sauvés de (du péché, du mal, de la mort) pour (vivre dans la justice, la liberté, l’amour…. La vie avec Dieu !). Sauvés de… sauvés pour.

Voyons un peu plus ce « pour » : pour quoi sommes-nous sauvés ? Pour l’héritage : ne pensez pas à un compte en banque, mais à un endroit qu’on hérite, comme on hériterait d’une maison – on entre dans l’héritage, dans ce que Dieu promet à ceux qui lui appartiennent, à sa famille (Dieu ne meurt pas, mais il nous fait jouir de ses biens comme d’un héritage, comme si c’était à nous). Cet héritage, ce lieu de vie dont nous héritons, c’est notre place dans le royaume de Dieu. Notre place dans son équipe, dans sa famille.

Remarque : nous chantons souvent la mort du Christ (et je valide !). Et souvent, nous laissons de côté la résurrection de Jésus. Que nous dit le fait qu’il soit revenu à la vie ? Il est entré dans la pire des captivités, la plus extrême des prisons – la mort. Et il en est sorti. Cela signifie qu’il a tout payé, que la peine a été entièrement purgée : nous avons ainsi l’assurance qu’il a rempli sa mission, car il revient pour nous le proclamer. S’il n’était pas revenu à la vie, nous serions dans le doute : est-ce qu’il manque quelque chose ? Non, c’est bon, le compte est bon, c’est dans le vert, parce que Jésus a tout assumé. Plus encore : ressuscité, Jésus ouvre le chemin vers la maison du Père, la maison de Dieu. En le suivant, nous avons accès à la vie avec Dieu, notre nom sur la liste des invités au banquet, notre place dans son cercle bien-aimé, aux côtés de Jésus, le Fils de son amour.

          Il y a donc transfert. Des ténèbres à la lumière. De l’esclavage à la vie avec Dieu, dans la bonté, la liberté, la joie. Ce transfert est effectif, valable immédiatement, nous en signons le contrat en croyant. Pour autant, le transfert est progressif : c’est notre chemin de sanctification, où nous apprenons à être saints, c’est-à-dire membres de la famille de Dieu. Si on prend l’image du foot : imaginez un très bon joueur qui joue pour le FC Barcelone – il est racheté par le Real Madrid. Il intègre donc cette équipe. Ne faudra-t-il pas un moment pour qu’il apprenne à s’adapter ? qu’il découvre le style de la nouvelle équipe ? le slogan, la mascotte, les habitudes, les stratégies, les réflexes de l’un ou l’autre joueur ?…

Par contre, il ne peut pas jouer pour Madrid avec le maillot de Barcelone ! Même s’il a besoin d’un temps d’adaptation pendant les premiers matchs, il faut que le transfert soit clair. Que sa nouvelle allégeance soit évidente. Il faut que ce joueur transféré soit bien au clair sur son camp, et sur le but qu’il veut atteindre !

          Ainsi Paul, sans connaître encore le football, est très binaire : il y a le royaume des ténèbres et le royaume de Dieu, dans la lumière. Il n’y a pas d’entre-deux sur le terrain. Même si le changement est progressif, nous devons être au clair sur l’identité de notre chef d’équipe ! sur le but que nous voulons atteindre ! Même si notre adaptation est progressive, elle se fait à sens unique, on ne revient pas en arrière… elle est déterminée : nous avons pris position, nous avons pris notre place, par la foi, dans l’équipe de Jésus. Est-ce que, se faire baptiser, finalement, ce n’est pas mettre le maillot de l’équipe ? assumer notre appartenance à l’équipe de Jésus ? Notre désir de suivre sa stratégie, de marquer des points dans le but qu’il vise ?

Ce côté binaire, tranché, nous impressionne peut-être, mais il renferme une bonne nouvelle : même si en devenant chrétiens, nous mettons du temps à acquérir les réflexes du royaume de Dieu, la bonne nouvelle / c’est que nous ne sommes plus sous l’autorité des ténèbres. Notre chef a changé, même si nous mettons du temps à lui obéir complètement : nous ne sommes plus sous l’autorité des ténèbres. L’Autre peut nous tacler (et il ne se gêne pas) mais il n’a plus d’emprise sur nous. Nous sommes dans l’équipe du Dieu d’amour, avec Jésus !

          J’aimerais terminer avec le début du texte : « Avec joie, rendez grâce au Père… » Face à ce don extraordinaire, à ce cadeau de la grâce qui vient combler nos dettes, bien plus, qui vient nous libérer pour la vie avec Dieu, dès aujourd’hui et pour toujours, nous ne pouvons que nous réjouir et dire notre reconnaissance. La louange, c’est la réaction normale ! Et cette louange, cette gratitude, n’est pas qu’une réponse à Dieu : c’est aussi un lieu où Dieu nous oriente, nous réoriente, nous façonne. Lorsque nous prenons conscience du transfert, du chemin parcouru, de l’héritage dans lequel nous sommes entrés, alors… alors il est peut-être plus facile de suivre notre chef d’équipe ! en nous rappelant qu’il est du genre à tout donner pour nous, à se sacrifier pour nous, nous pouvons nous confier à lui avec confiance, le suivre les yeux fermés… parce que même si nous ne comprenons pas toute sa stratégie, nous savons que son projet, c’est notre liberté.




Enfants de Dieu, irrévocablement

Regarder le culte ici.

Nous sommes encore dans la lumière de Noël, même si nous nous préparons à de nouvelles étapes en ce début 2023. Dans la Bible, la naissance de Jésus est remplie d’espérance : Dieu lui-même vient nous visiter, Dieu se fait proche de nous, quelle que soit notre condition. Merveilleuse nouvelle !

Pourtant, il arrive, même en ayant la foi, que notre expérience soit en décalage avec ce que nous proclamons et croyons : il y a ces moments où l’on ne « sent » pas la présence de Dieu dans notre vie – on croit, oui, mais on ne ressent pas cette proximité, au point où l’on se demande si on n’a pas raté un virage. D’autres fois, on a l’impression de s’être carrément éloigné de Dieu, parce qu’on ne le comprend pas, parce qu’on a été choqué par un événement ou par des chrétiens qui le représentent un peu, parce qu’on veut explorer notre propre chemin, ou qu’on s’est laissé entraîner peu à peu au loin : quand on s’est éloigné, comment revenir ?

L’apôtre Paul, disciple de Jésus, écrit aux chrétiens de Galatie pour les encourager dans leur vie de foi. Et il revient sur le sens de la naissance de Jésus, son incarnation (sa venue en tant qu’être humain, de même chair que nous), pour aborder cette question de notre proximité avec Dieu.

Lecture biblique : Lettre aux Galates 4.4-7

Lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et sous la loi, 5 afin de racheter ceux qui étaient sous la loi, pour que nous recevions l’adoption filiale. 

6 Et parce que vous êtes des fils, Dieu a envoyé dans notre cœur l’Esprit de son Fils, qui crie : « Abba ! Père ! » 

7 Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils ; et si tu es fils, tu es aussi héritier, du fait de Dieu.

 L’objectif de Dieu : notre adoption

Derrière ces courts versets, Paul a en tête toute la vie et l’œuvre de Jésus : sa naissance dans l’humanité, en tant que « petit d’homme » pour paraphraser le Livre de la Jungle, en tant qu’être humain à part entière ; sa vie menée en toute justice, en accord avec la volonté de Dieu ; sa mort imméritée ; sa résurrection et son retour auprès de Dieu ; son « départ » visible qui est compensé par l’envoi de son Esprit à tous ceux qui croient. La naissance de Jésus lance tout un plan, qui se déroule étape après étape, avec un objectif clair : que nous soyons enfants, fils et filles, de Dieu. Si Jésus est né et qu’il est allé jusqu’à la mort sur la croix, c’est pour que nous soyons enfants de Dieu. Si l’Esprit est envoyé, c’est pour que nous vivions, que nous expérimentions, cette proximité avec Dieu jour après jour.

Jésus est venu, dit Paul, pour racheter ceux qui sont sous la loi (la loi des Ecritures juives ici). Pourquoi ? La « loi » en elle-même n’est pas mauvaise ! C’est la loi de Dieu, juste et bonne… où chacun occupe sa place en respectant l’autre comme soi-même. Mais cette loi nous pèse car elle nous met constamment en échec, en nous confrontant à notre incapacité à faire le bien, à aimer vraiment. Elle met en lumière, de façon implacable, nos failles et nos faillites – à nos yeux, parfois, aux yeux de Dieu, toujours. Et donc la « loi », cet idéal, révèle notre esclavage au mal, notre addiction au péché, sans pouvoir nous donner d’autre secours que de nous asséner des « il faut, il ne faut pas ». Devant la loi, nous sommes faibles, en échec, esclaves du mal.

En devenant un homme comme nous, Jésus se rend solidaire de notre condition : lui qui est Dieu renonce à sa gloire et à sa paix pour entrer dans notre quotidien. Sauf que lui résiste aux tentations, aux addictions, à l’esclavage du mal – et lorsqu’il meurt sur la Croix, après un procès injuste, c’est plus qu’un témoignage d’innocence, un martyre : c’est un paiement. Tout son capital innocence, toute sa perfection, il est prêt à les échanger avec les dettes morales que nous avons accumulées. Dans sa mort volontaire, il assume nos dettes, pour que notre ardoise soit effacée, que notre historique honteux disparaisse du dossier de Dieu.

Paul pense sûrement ici à une pratique antique : le rachat des esclaves. Dans l’Antiquité gréco-romaine, presque 1/3 de la population est esclave. L’esclavage antique n’est pas forcément synonyme de souffrance, mais c’est le fait d’appartenir à quelqu’un d’autre. On ne s’appartient plus, on est la propriété d’un autre, qui peut nous employer à ce qu’il veut, 100% de notre temps et de notre vie. Sur le plan spirituel, on peut dire que nous sommes esclaves du péché puisque nous sommes incapables de vivre dans la pure innocence. Et la loi souligne notre état d’esclavage en révélant toutes nos dettes morales.

Or dans l’antiquité, un esclave pouvait s’affranchir, retrouver la liberté, en payant un certain montant (élevé). Le Christ, en donnant sa vie qui n’a pas de prix, paie le montant faramineux de nos dettes morales et nous rachète de notre esclavage : aux yeux de Dieu, la loi ne peut plus servir à nous accuser, car le Christ a subi la peine que nous méritions – nous sommes libres ! Comme le rachat d’un esclave se fait en deux temps : le rachat officiel, puis « l’apprentissage » d’une vie nouvelle, nous sommes rachetés face à la loi, puis nous apprenons à vivre sans l’emprise du péché.

Nous sommes donc rachetés, libérés, par la mort du Christ qui se substitue à nous, pour nous offrir un nouveau départ. Et trop souvent, on s’arrête là. Mais le plan de Dieu va beaucoup plus loin : il veut faire de nous ses fils, ses filles, ses héritiers ! Il nous rachète pour que nous soyons libres, afin que nous puissions recevoir son offre de nous adopter dans sa famille.

Là aussi, l’éclairage antique est important : dans l’Antiquité, on n’adopte pas pour rendre service à des enfants orphelins ou abandonnés, on adopte pour transmettre un héritage, en général parce qu’on n’a pas de descendance. On adopte pour transmettre un héritage – et il n’est pas rare que les Anciens adoptent des adultes, du coup, pour transmettre une charge ou des biens. Il paraît que ça se fait aussi au Japon aujourd’hui, d’ailleurs. La formule de l’époque, pour conclure une adoption, c’était : « je t’adopte comme fils, et tout ce que je possède, considère-le comme tien ». On adopte pour transmettre ce qu’on a de meilleur.

Dieu nous adopte, il nous choisit, pour nous offrir ce qu’il a de meilleur, pour partager avec nous le trésor de sa joie, de sa paix, de sa vie que rien n’entrave, de son amour, de sa pureté.

Oui, le Christ efface notre ardoise, remet les compteurs à zéro, ouvre une nouvelle page, blanche, devant nous. Mais son objectif, c’est de couvrir cette page nouvelle de promesses et de bénédictions. Notre feuille est recouverte, recto verso, d’écritures qui proclament l’amour de Dieu pour nous et ses projets glorieux avec nous.

Il y a donc deux facettes au salut : le rachat, la justification, la libération de ce qui nous écrase et nous aliène, ET l’adoption, l’entrée dans la plénitude de la vie avec Dieu, dès aujourd’hui et pour toujours.

Une adoption irrévocable, scellée par l’Esprit

Petite précision : dans l’antiquité, on pouvait déshériter ses enfants naturels s’il y avait un problème, mais c’était impossible de déshériter un enfant adoptif. Une fois qu’on l’avait adopté, c’était irrévocable. Irrévocable ! Impossible de revenir en arrière ! Donc si nous recevons avec foi le cadeau, la grâce, que le Christ nous fait, nous recevons à la fois le pardon et l’adoption, de manière irrévocable.

Le signe que nous sommes pardonnés et adoptés, c’est la présence de l’Esprit de Dieu dans notre vie, qui vient sceller notre lien avec Dieu.

Et quelle est la manifestation de sa présence ? Rien de bien extravagant ou spectaculaire… Simplement la possibilité d’appeler Dieu, « père », papa (abba en araméen). C’est le privilège du fils ou de la fille, cette intimité, cet accès prioritaire : Dieu n’est pas seulement notre Créateur, notre Roi – il est notre Père, celui que nous appelons pour raconter notre vie, pour demander conseil ou soutien, le modèle qui nous inspire. Celui qui est là, avec nous, et qui nous aime.

L’Esprit est dans notre cœur, c’est-à-dire en nous. C’est-à-dire que partout où nous allons, il est là. Pas seulement avec nous, mais en nous, indissociable de nous. Comme un tatouage intérieur, indélébile, qui nous accompagne chaque instant. Dieu par son Esprit est connecté à nous de manière irrévocable, peu importe là où nous allons – il n’est pas présent qu’à l’église, il est en nous, sur nos routes, dans notre cuisine, dans une file d’attente, ou quand nous sommes devant un écran.

Dieu a envoyé son Fils pour que nos dettes soient payées et que nous soyons libres d’entrer dans la vie avec Dieu. Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils, mais qui est aussi le sien, pour que nous ayons l’expérience de cette vie dans la présence de Dieu. Dieu le Père, le Fils et l’Esprit sont impliqués à 100%, non, à 300%, pour que nous soyons pleinement enfants de Dieu.

Vivre comme des enfants et non des esclaves

A la différence de nos parents humains, qui peuvent parfois être loin, physiquement ou émotionnellement, avec leurs propres failles, Dieu notre Père n’est jamais loin de nous : il est en nous son Esprit. Si vous vous sentez loin, que vous vous êtes éloigné de Dieu, et que vous voulez revenir : le chemin n’est pas long, car il vous a suivis… Il y a juste à tourner vos yeux vers lui, reprendre conscience de son amour pour vous en Christ, de son désir profond de vous transmettre le meilleur de sa vie. Certes, ce retour peut sembler long, mais c’est nous qui sommes lents : Dieu, lui, est déjà là. Peut-être triste de ce qui s’est passé, mais il est là, à portée de main, sa propre main tendue. Si vous avez eu du mal à prier récemment, ne vous mettez pas la pression pour créer une prière qui montera jusqu’au ciel : Dieu est déjà là, avec vous, par son Esprit, à vos côtés, toujours.

Et même si nous ne ressentons pas de distance avec Dieu en ce moment précis, cette vérité demeure : Dieu est déjà là. Par l’œuvre du Christ, par le lien de son Esprit, il est déjà là, avec nous, de notre côté, partout où nous allons, quoi que nous fassions, quoi que nous traversions.

En ce début d’année, nous n’avons aucune idée de ce qui nous attend, en bien ou en difficile, à titre personnel ou collectif. Pourtant, nous avons cette certitude : Dieu est là, avec nous, de notre côté. Quoi que nous ayons à traverser, il est déjà là, avec nous, prêt à nous donner le meilleur de ce qu’il possède, car il nous a choisis pour être ses enfants, de manière irrévocable.