Pardonner pour être pardonnés ?

Un des sujets qui revient régulièrement dans les groupes où l’on discute de foi et de Bible, dans les visites, dans la famille ou avec les amis, les collègues… c’est la question du pardon. Pas le pardon reçu en Christ, non, le pardon que Jésus nous invite à offrir à notre tour, comme une des actions bonnes que Dieu a préparées d’avance pour ceux qui rejoignent sa famille.

J’ai l’impression que pardonner à l’autre est toujours un défi, tout simplement parce que derrière l’offense, il y a une blessure, une trahison, une déception, une perte… et à chaque fois ! A chaque fois c’est nouveau ! Pardonner à votre collègue qui vous a humilié en réunion, ce n’est pas plus facile sous prétexte que vous avez pardonné à votre neveu d’avoir piqué dans votre porte-monnaie ! J’imagine (j’espère !) qu’avec la maturité spirituelle, on trouve le chemin du pardon plus facilement, mais d’après ce que j’entends, le pardon reste un défi quasi universel jusqu’à la fin.



Malheureusement, on ne peut pas éviter ce défi parce qu’il est au cœur du message de Jésus : le pardon de Dieu, d’abord, et cette invitation à aimer notre prochain, aimer malgré l’offense, donc pardonner.

Je vous invite à creuser cette question du pardon avec un passage de la prière du Notre Père, prière que Jésus enseigne à ses disciples, non pas pour qu’ils la répètent à la lettre, mais pour donner un exemple, une direction, un modèle. Ce modèle nous invite à nous centrer dans la prière d’abord sur Dieu et ses projets, et ensuite sur nos besoins. Dans ces besoins, le pain/les besoins matériels, le pardon, la protection face au mal extérieur et intérieur. Je ne sais pas pour vous, mais la partie sur le pardon m’a toujours un peu mise mal à l’aise :

Matthieu 6.12 Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.

(littéralement : 12 remets-nous nos dettes, comme nous aussi nous l’avons fait pour nos débiteurs – pour ceux qui ont suivi le cycle de prédications sur les sens de la mort de Jésus sur la croix, où j’ai parlé notamment du pardon de Dieu comme rachat de nos dettes pour nous conduire vers la liberté)

Le « comme » est terrible ! Jésus a l’air de dire qu’il y a une espèce de correspondance entre le pardon que nous donnons et le pardon que nous recevrons de Dieu. On aurait envie de remplacer par « pardonne-nous pour que nous pardonnions, ainsi nous pardonnerons… » pendant un temps, je remplaçais même par « et aide-nous à » ! Tout, mais pas « comme » !

En plus, Jésus en rajoute une couche :

14 Si vous pardonnez aux gens leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera, à vous aussi, 15 mais si vous ne pardonnez pas aux gens, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos fautes.

Au moins c’est clair ! Notez que c’est le seul point de la prière sur lequel Jésus fait un commentaire… Et là, c’est dans l’Evangile de Matthieu, mais dans l’Evangile de Luc qui propose une variante de ce modèle de prière, on retrouve aussi le « comme » et le petit commentaire.

C’est problématique, au moins pour deux raisons :

  • Notre pardon étant lent, très très progressif et partiel, j’espère bien que le pardon de Dieu est de meilleure qualité !
  • Et théologiquement, comment Jésus peut-il dire ça, alors même que tout son message met l’accent sur l’initiative de Dieu dans le pardon ? Sur l’amour que lui-même montre, de la part de Dieu, à tous ceux qui l’approchent ? Comment peut-il dire d’un côté : « venez à Dieu comme vous êtes, en toute simplicité ; même si vous perdus, errants, archi-nuls, même si vous avez tout raté, même si vous vous sentez indigents, revenez vers Dieu et il vous accueillera les bras ouverts parce qu’il vous aime » et d’un autre côté « Dieu vous pardonne comme vous pardonnez à votre prochain » donnant l’impression qu’il faut mériter le pardon que Dieu nous offre, qu’il faut montrer patte blanche ?

Si on regarde le contexte de cette prière, on peut trouver un élément de réponse : Jésus ne fait pas ici un discours sur le salut, sur le regard que Dieu porte sur le pécheur et sur l’invitation à nous tourner vers lui pour vivre une vie transformée. Il donne simplement à ses disciples un modèle de prière quotidienne (donne-nous notre pain de ce jour), une prière adaptée aux défis de la vie ordinaire : faire confiance à Dieu pour nos besoins matériels, vivre de son pardon face à nos échecs récurrents, et être protégé du mal sur le chemin qui nous attend. Ce n’est pas parce qu’un jour, on a compris que Dieu nous offrait son pardon et qu’il nous aimait qu’on n’a plus besoin de son pardon ! Dans le cadre de cette relation avec Dieu renouée grâce au Christ, il y a un pardon quotidien à recevoir pour nos défaillances quotidiennes.

Et c’est de ce pardon-là, pas du salut, mais de la grâce au quotidien, que Jésus parle, en le rendant inséparable du pardon que nous sommes prêts à accorder à ceux qui nous entourent. En insistant sur cette correspondance, Jésus nous montre que pardonner aux autres est incontournable si l’on veut vivre avec Dieu. Incontournable.

Pardonner aux autres, un incontournable de la vie chrétienne

Pourquoi le pardon que nous donnons est-il si important pour Dieu que notre relation privée avec lui en dépende ?

D’abord, comme nous, Dieu ne supporte pas l’hypocrisie. Compter sur la générosité de Dieu alors qu’on garde notre cœur fermé et amer, ce n’est pas cohérent. Demander à Dieu un bouquet alors que soi-même on n’est pas prêt à faire une fleur à l’autre, c’est un peu se moquer du monde, et de Dieu.

Il y a un autre passage où Jésus évoque le pardon, sous la forme de l’histoire du serviteur d’un roi (parabole du serviteur impitoyable, Matthieu 18). Le serviteur a une dette de plusieurs milliards, impossible à rembourser – il implore le roi, et le roi, ému de compassion (il représente Dieu dans l’histoire), efface la dette. Le serviteur repart libre, et il croise en chemin un de ses collègues qui lui doit l’équivalent de 3-4000 euros : il le saisit à la gorge, le menace… l’autre l’implore mais rien n’y fait. Le roi l’apprend, et s’emporte face au premier serviteur, dont l’incohérence montre qu’il n’a rien compris.

Parce que, être cohérent devant Dieu, ce n’est pas pour faire joli ou pour avoir bonne réputation ou pour prouver à Dieu qu’il a bien parié sur le bon cheval – ce n’est pas une question de performance, c’est une question de compréhension. Lorsque je reçois le pardon de Dieu, est-ce que j’en mesure le coût ?

Si je refuse à mon tour de pardonner, quel message j’envoie ? que l’offense de mon prochain envers moi est plus grave, plus injuste, plus impardonnable que la mienne envers Dieu ?

Certes, Dieu est parfait, mais le pardon qu’il nous offre n’est pas une évidence, je dirais même qu’il n’est pas facile – Dieu est scandalisé devant le mal, le mal décuplé et le mal en germe, il connaît nos mesquineries nauséabondes, et pourtant, et pourtant son amour surmonte la montagne de déchets que nous nous trimballons. Le pardon de Dieu n’est tellement pas facile qu’il a envoyé son Fils, qui est mort pour nous. Mort. Oui, pardonner à l’autre c’est faire un sacrifice, mais on ne meurt pas, nous ! Jésus, lui, est mort pour garantir notre salut.

Alors on comprend mieux pourquoi pardonner aux autres est si incontournable aux yeux de Dieu : c’est le signe qu’on a perçu un peu de l’immensité de sa démarche, et qu’on est prêt à l’imiter à notre petit niveau.

Le contour du pardon

Or, qu’est-ce que pardonner signifie, concrètement ? Parce que nos difficultés à pardonner viennent en partie de nos préjugés sur le pardon.

Jésus utilise régulièrement l’image de la dette qu’on remet, de l’ardoise qu’on efface. Remettre une dette, c’est renoncer à exiger le paiement, renoncer à exiger la réparation, renoncer à la vengeance. C’est renoncer au ressentiment qui ressasse la dette encore et encore comme un point de blocage dans la relation. Pardonner, c’est lâcher, en fait.

Cela étant, pardonner, ce n’est pas : autoriser ce qui s’est passé, comme si on le validait ou qu’on le cautionnait (à aucun moment, Dieu qui nous pardonne ne cautionne nos horreurs) ; ce n’est pas minimiser, relativiser (oh ce n’est pas si grave… si Dieu pardonne au meurtrier, vous croyez qu’il considère que la mort de la victime n’a pas de poids ?) ; ce n’est pas non plus se plonger dans un déni naïf et imprudent pour repartir tête baissée dans la gueule du loup ! (Dieu qui nous pardonne nous invite à changer de vie, pas à répéter sans cesse le même schéma destructeur !)

Ainsi, le pardon a pour objectif la réconciliation. On efface l’obstacle de la relation pour faire la paix et se retrouver dans une relation à nouveau fluide. Dieu nous invite à des relations avec autrui riches et paisibles, saines et constructives.

Ca c’est l’objectif du pardon, mais ce n’est pas toujours possible, et il est essentiel d’être réaliste quand on parle de pardon. Jésus nous commande de pardonner, il ne nous commande pas de nous réconcilier là où ce n’est pas possible. La réconciliation, c’est un but, mais ce n’est pas automatique. Parfois il faut du temps pour redonner sa confiance. Parfois la relation a définitivement changé et on continue mais autrement, sans revenir « comme avant ». Et parfois, pour se protéger et pour protéger l’autre de lui-même, il vaut mieux rester à distance. Exemple : vous avez un collègue qui vous a piqué des sous dans votre portefeuille, peut-être que vous évitez de laisser votre sac sans surveillance devant lui… Vous êtes en couple avec quelqu’un de violent qui vous met en danger, vous et vos enfants (homme ou femme, les deux situations existent) : même si vous pardonnez, il faut vous protéger ! tant que l’autre n’est pas capable de se maîtriser, il faut prendre de la distance ! Ca peut être un supérieur qui vous harcèle, ou un voisin qui prend toujours mal ce que vous dites : même si vous choisissez de pardonner, vous pouvez prendre de la distance tant qu’une relation saine et paisible n’est pas possible.

En chemin vers le pardon

Quelques remarques avant de conclure.

Le pardon, c’est à la fois une décision à prendre, un choix à faire, et en même temps c’est un processus qui prend du temps pour s’accomplir pleinement. Ce n’est pas parce qu’on a décidé de pardonner que d’un coup, on ne ressent plus rien de négatif quand on voit l’offenseur ou quand on repense à l’offense. Le pardon c’est un cap qu’on se donne et auquel on choisit de se tenir. C’est là que Jésus nous met la pression : quel cap on veut donner à notre vie ? Le cap de la grâce ou le cap du ressentiment ?

Et puis, Jésus n’empêche pas de demander de l’aide à Dieu ! Son modèle de prière est court, il ne couvre pas tout : bien sûr que Dieu est prêt à nous donner les ressources pour vivre comme lui ! il faut lui demander… mais lui demander, c’est déjà avoir fait le choix d’aller vers le pardon.

Cette vie marquée par le pardon nous conduit vers la grâce et la liberté. Oui, la liberté. Recevoir régulièrement le pardon de Dieu ôte de nos épaules le poids de la culpabilité, de la honte, de toutes nos valises… pardonner à l’autre nous conduit aussi vers la liberté : la liberté de ne plus nous définir d’abord comme victime, de ne plus voir en nous seulement la blessure qu’on porte, qu’on gratte et qu’on infecte parfois à force de rancœur et de revendication. C’est important de reconnaître l’ampleur des blessures… mais le but c’est d’en guérir, pas de s’y emprisonner !

 Dieu nous appelle à la liberté, la liberté dans la vérité et l’amour. C’est un chemin, un processus, l’apprentissage de toute une vie, et pour avancer sur ce chemin jour après jour, nous avons tellement besoin de Dieu, expert en pardon, expert en grâce, pour nous apprendre à aimer comme lui, jour après jour.




La Croix comme lieu de rachat et de délivrance (Les sens de la Croix 3/4)

Il faut qu’on parle d’argent. Non je ne vais pas vous demander de sortir vos chéquiers ou vos CB ! Il faut qu’on parle d’argent, parce que l’argent c’est concret. Ca parle, et tout de suite ! Vous ne vous souvenez peut-être pas de l’époque où vous avez appris à compter, mais peut-être que vous avez en tête le moment où votre petit frère, vos enfants, vos neveux et nièces ont appris à compter. Les chiffres en eux-mêmes sont immatériels, abstraits… mais dès qu’on parle d’argent, ou de ce qu’on possède, ça devient concret ! 3 bonbons + 1 ou – 1, on fait très bien la différence !

Dans notre chemin vers Pâques, nous nous attardons ces dernières semaines sur les sens de la mort de Jésus sur la Croix, pour mieux saisir la profondeur et la richesse de l’amour de Dieu pour nous en Jésus.



En mars, nous avons vu la Croix comme Rituel (sacrifice, avec la notion que Jésus meurt à notre place, notion associée dans la Bible à une approche juridique : nous sommes coupables devant Dieu, mais Jésus purge notre peine à notre place pour nous offrir un nouveau départ) et comme lieu de Réconciliation (parce que Jésus assume notre culpabilité, tout obstacle entre Dieu et nous est surmonté et nous pouvons entrer dans une relation avec lui marquée par la paix, la joie, la plénitude de son amour).

Une autre image fréquente, c’est celle du rachat. C’est une image commerciale [faire geste argent]. Sur la Croix, Jésus paye pour nos péchés, c’est la rédemption (mot technique dans le vocabulaire religieux qui vient de la même racine en latin que le mot « rachat » – le rédempteur c’est celui qui rachète), et la rémission des péchés, c’est la remise ! tout simplement ! Jésus solde le compte de nos péchés ! Il règle notre ardoise.

Jésus d’ailleurs utilise lui-même cette image, par exemple dans le fameux « Notre Père » :

12 Remets-nous nos dettes, comme nous aussi nous le faisons pour nos débiteurs… (Matthieu 6.12)

4 pardonne-nous nos péchés, et nous aussi, nous remettons sa dette à quiconque nous doit quelque chose (Luc 11.4)

Dans une réponse au disciple Pierre qui pose des questions sur le pardon, Jésus revient à cette notion de dette en comparant l’incommensurable dette que Dieu efface à notre égard, et la dette relative que les autres ont envers nous – nous invitant ainsi à entrer dans la même logique de grâce que Dieu avec nous (Matthieu 18, la parabole du serviteur impitoyable).

Derrière ce réseau d’images qui nous parlent très directement (à l’époque de Jésus comme à notre époque, l’argent est partout !), il y a des sous-entendus que je vous invite à explorer avec un texte de l’apôtre Paul.

Lecture biblique : Lettre de Paul aux Colossiens 1.12-14

Avec joie, 12 rendez grâce au Père qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière.

13 Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et nous a transférés dans le royaume du Fils de son amour ; 

14 en lui nous sommes rachetés, nos péchés sont pardonnés (remis).

L’image du rachat et de la rançon

L’argent est évoqué, pour évoquer la remise de nos dettes par la mort de Jésus. Jésus rachète le crédit que nous ne pouvons pas payer, pour que nous retrouvions crédit aux yeux de Dieu. L’idée, c’est que lorsque nous commettons une faute (quelle qu’elle soit), cela a un coût – nous devrions réparer, mais nous ne pouvons pas payer. Nous avons ainsi une dette vis-à-vis de Dieu. Seul Jésus, muni de sa justice immense, est capable de payer pour les réparations.

Mais Paul ne dit pas : en lui nos dettes sont rachetées ! Non, en lui, nous sommes rachetés. Pourquoi « nous » ? Un mot de contexte. Aujourd’hui en France, si vous êtes trop endetté, vous perdez le droit de gérer vos finances, et c’est quelqu’un d’autre qui gère à votre place. Dans l’Antiquité, il n’y a pas d’organisme qui gère cela : si vous deviez à quelqu’un quelque chose que vous ne pouviez pas payer, vous pouviez vous vendre à son service, devenir son esclave. C’est la version costaud de « ah vous ne payez pas l’addition, faites donc la vaisselle ! » Pour rembourser une dette trop grande, on mettait donc sa vie en gage, et on devenait serviteur à temps plein d’un autre – 24/24, 7/7 : esclave.

Nos dettes nous rendent esclaves. L’image est très juste, au niveau spirituel et psychologique : nos fautes, nos transgressions, nous prennent tout entier. On ne peut pas se mettre à distance : si j’ai commis une faute, je suis fautif, dans mon être, dans mon identité !

Puisqu’on parle d’esclavage, de qui/ de quoi sommes-nous esclaves ? d’abord de nous-mêmes ! Lorsqu’on goûte au péché, c’est comme avec certaines drogues, l’addiction se met en place, nous rentrons dans un engrenage qui nous pousse à recommencer. Parfois parce que nous y avons pris du plaisir, parfois parce qu’on ne se sent pas en danger (« je maîtrise la situation, j’arrête quand je veux ! » – sauf qu’on n’arrête pas), parfois parce que l’effet est immédiat et on ne peut plus se décoller de ce comportement, comme si on tombait dans un tourbillon, une spirale qui nous entraîne vers le bas.

Nous sommes aussi esclaves de l’adversaire de Dieu, le prince des ténèbres, Satan et toute sa clique. Comment ça marche ? changeons d’image : en péchant, en sortant de la lumière de la vie avec Dieu pour mettre un orteil dans les ténèbres, nous tombons dans le panneau. Comme un filet, un piège, dans lequel on marche et qui se referme sur nous tout entiers. Tout notre être se retrouve pris, prisonnier, incapable de revenir en arrière – otage. Otage des ténèbres, qui nous tiennent. Lorsque nous péchons contre Dieu, nous laissons entrer un cheval de Troie dans notre vie, et nous sommes incapables de nous en libérer. Nous sommes dépassés par notre culpabilité.

La notion d’otage ou d’esclave dit bien que le mal, on ne le maîtrise jamais : si on lui cède un doigt, il nous dépasse, nous coince et nous tient. Nous sommes ainsi coupables et victimes de notre propre culpabilité.

          Jésus revient à cette notion d’otage en évoquant sa mort ainsi :

(Matthieu 20.28) le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude.

L’image de la rançon, du rachat des personnes, revient souvent dans les écrits des apôtres, avec une insistance sur le coût de ce rachat, le prix payé : Jésus donne sa vie, son innocence, sa perfection, pour nous arracher à l’esclavage du mal.

Nous arracher ! Pas nous détacher délicatement – nous arracher : cela dit bien le danger de tomber dans l’engrenage du mal, sous la coupe de celui qui ne fait que détruire et pervertir.

          Ainsi Jésus donne sa vie pour payer notre rançon d’otages, payer la dette qui nous rend esclaves – l’image s’arrête là dans le texte biblique, elle a rempli son rôle, n’allons pas spéculer sur une rançon payée à Satan : là on étirerait l’image au-delà de ce que la Bible veut transmettre.

Qui dit fin d’esclavage, dit retour à la liberté. Comment être libérés ? Par la foi en Christ qui paye pour nous ! La foi, qui passe par une phase de lucidité : nous reconnaissons que nous sommes incapables de nous libérer nous-mêmes, incapables de payer nos dettes. Incapables même de stopper notre addiction au mal et de rester dans le vert. Cette lucidité mêlée de tristesse, la Bible l’appelle repentance : je veux changer ! Je ne peux pas me sortir de ma situation, mais je crois que Jésus peut me libérer – alors je saisis sa main.

Avant de voir les conséquences de cette libération, je vous propose de nous approprier cette vérité du Christ qui nous rachète pour la liberté, en chantant En toi je sais qui je suis

Une libération        

  Dans la réflexion de Paul, on passe d’un royaume à un autre. On sort de pour entrer dans. Pour le formuler autrement : on est sauvés de (du péché, du mal, de la mort) pour (vivre dans la justice, la liberté, l’amour…. La vie avec Dieu !). Sauvés de… sauvés pour.

Voyons un peu plus ce « pour » : pour quoi sommes-nous sauvés ? Pour l’héritage : ne pensez pas à un compte en banque, mais à un endroit qu’on hérite, comme on hériterait d’une maison – on entre dans l’héritage, dans ce que Dieu promet à ceux qui lui appartiennent, à sa famille (Dieu ne meurt pas, mais il nous fait jouir de ses biens comme d’un héritage, comme si c’était à nous). Cet héritage, ce lieu de vie dont nous héritons, c’est notre place dans le royaume de Dieu. Notre place dans son équipe, dans sa famille.

Remarque : nous chantons souvent la mort du Christ (et je valide !). Et souvent, nous laissons de côté la résurrection de Jésus. Que nous dit le fait qu’il soit revenu à la vie ? Il est entré dans la pire des captivités, la plus extrême des prisons – la mort. Et il en est sorti. Cela signifie qu’il a tout payé, que la peine a été entièrement purgée : nous avons ainsi l’assurance qu’il a rempli sa mission, car il revient pour nous le proclamer. S’il n’était pas revenu à la vie, nous serions dans le doute : est-ce qu’il manque quelque chose ? Non, c’est bon, le compte est bon, c’est dans le vert, parce que Jésus a tout assumé. Plus encore : ressuscité, Jésus ouvre le chemin vers la maison du Père, la maison de Dieu. En le suivant, nous avons accès à la vie avec Dieu, notre nom sur la liste des invités au banquet, notre place dans son cercle bien-aimé, aux côtés de Jésus, le Fils de son amour.

          Il y a donc transfert. Des ténèbres à la lumière. De l’esclavage à la vie avec Dieu, dans la bonté, la liberté, la joie. Ce transfert est effectif, valable immédiatement, nous en signons le contrat en croyant. Pour autant, le transfert est progressif : c’est notre chemin de sanctification, où nous apprenons à être saints, c’est-à-dire membres de la famille de Dieu. Si on prend l’image du foot : imaginez un très bon joueur qui joue pour le FC Barcelone – il est racheté par le Real Madrid. Il intègre donc cette équipe. Ne faudra-t-il pas un moment pour qu’il apprenne à s’adapter ? qu’il découvre le style de la nouvelle équipe ? le slogan, la mascotte, les habitudes, les stratégies, les réflexes de l’un ou l’autre joueur ?…

Par contre, il ne peut pas jouer pour Madrid avec le maillot de Barcelone ! Même s’il a besoin d’un temps d’adaptation pendant les premiers matchs, il faut que le transfert soit clair. Que sa nouvelle allégeance soit évidente. Il faut que ce joueur transféré soit bien au clair sur son camp, et sur le but qu’il veut atteindre !

          Ainsi Paul, sans connaître encore le football, est très binaire : il y a le royaume des ténèbres et le royaume de Dieu, dans la lumière. Il n’y a pas d’entre-deux sur le terrain. Même si le changement est progressif, nous devons être au clair sur l’identité de notre chef d’équipe ! sur le but que nous voulons atteindre ! Même si notre adaptation est progressive, elle se fait à sens unique, on ne revient pas en arrière… elle est déterminée : nous avons pris position, nous avons pris notre place, par la foi, dans l’équipe de Jésus. Est-ce que, se faire baptiser, finalement, ce n’est pas mettre le maillot de l’équipe ? assumer notre appartenance à l’équipe de Jésus ? Notre désir de suivre sa stratégie, de marquer des points dans le but qu’il vise ?

Ce côté binaire, tranché, nous impressionne peut-être, mais il renferme une bonne nouvelle : même si en devenant chrétiens, nous mettons du temps à acquérir les réflexes du royaume de Dieu, la bonne nouvelle / c’est que nous ne sommes plus sous l’autorité des ténèbres. Notre chef a changé, même si nous mettons du temps à lui obéir complètement : nous ne sommes plus sous l’autorité des ténèbres. L’Autre peut nous tacler (et il ne se gêne pas) mais il n’a plus d’emprise sur nous. Nous sommes dans l’équipe du Dieu d’amour, avec Jésus !

          J’aimerais terminer avec le début du texte : « Avec joie, rendez grâce au Père… » Face à ce don extraordinaire, à ce cadeau de la grâce qui vient combler nos dettes, bien plus, qui vient nous libérer pour la vie avec Dieu, dès aujourd’hui et pour toujours, nous ne pouvons que nous réjouir et dire notre reconnaissance. La louange, c’est la réaction normale ! Et cette louange, cette gratitude, n’est pas qu’une réponse à Dieu : c’est aussi un lieu où Dieu nous oriente, nous réoriente, nous façonne. Lorsque nous prenons conscience du transfert, du chemin parcouru, de l’héritage dans lequel nous sommes entrés, alors… alors il est peut-être plus facile de suivre notre chef d’équipe ! en nous rappelant qu’il est du genre à tout donner pour nous, à se sacrifier pour nous, nous pouvons nous confier à lui avec confiance, le suivre les yeux fermés… parce que même si nous ne comprenons pas toute sa stratégie, nous savons que son projet, c’est notre liberté.