La croix : lieu de reconquête sur le mal (les sens de la Croix 4/4)

Nous venons de chanter la victoire du Christ, victoire qui lui vaut la gloire, l’admiration et l’adoration pour toujours ! Le Christ, ressuscité, ouvre une espérance. C’est justement sur ce thème de la victoire que nous terminons notre série de prédications sur l’œuvre du Christ à la croix, avec les différents réseaux d’image que le Nouveau Testament pour parler de cet événement inédit.  



Nous avons vu ensemble que sur la Croix, Jésus se sacrifie pour que nous n’ayons pas à porter le poids de notre culpabilité devant Dieu. En prenant à notre place ce poids, cette honte, il détruit ce qui bloquait notre relation avec Dieu : nous sommes donc réconciliés, en paix, dans la plénitude de la joie de Dieu.

Avec une autre image : Jésus paye nos dettes. Ainsi, nous ne sommes plus débiteurs, nous ne sommes plus liés, sous l’emprise du mal commis – en rachetant nos dettes, Jésus nous libère et nous ouvre la possibilité d’une vie nouvelle. Le thème du Christ vainqueur (la reconquête) se rattache à cet angle, et je vous propose de le voir avec un passage de la lettre de Paul aux Colossiens.

Ne vous étonnez pas si vous ne voyez pas de suite le thème dans le texte : j’ai choisi de lire les versets clefs dans leur contexte, qui est très marqué par le contexte des Colossiens.

Cette église d’Asie mineure, en Turquie actuelle, est perturbée par des enseignants qui s’éloignent de l’Evangile et égarent l’assemblée. L’apôtre Paul écrit à l’église pour remettre les idées en place.

Lecture biblique : Colossiens 2.6-19

6 Ainsi, puisque vous avez reçu Jésus Christ le Seigneur, vivez unis à lui.

7 Soyez enracinés en lui et construisez toute votre vie sur lui. Soyez toujours plus fermes dans la foi, conformément à l’enseignement que vous avez reçu, et soyez pleins de reconnaissance.

8 Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie, par une philosophie aux arguments vides de sens ; elle se fonde sur des traditions humaines et sur les forces qui gouvernent ce monde, et non sur le Christ. 

9 Car tout ce qui est en Dieu a pris corps dans le Christ, et habite pleinement en lui ; 10 et c’est par lui que vous avez tout reçu pleinement. Il est le chef de toute autorité et de tout pouvoir.

11 Dans l’union avec lui, vous avez été circoncis, non pas de la circoncision faite par des mains humaines, mais de la circoncision qui vient du Christ et qui nous délivre de notre être pécheur. 12 En effet, quand vous avez été baptisés, vous avez été mis au tombeau avec le Christ, et vous êtes aussi ressuscités avec lui parce que vous avez cru en la puissance de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts. 

13 Autrefois, vous étiez comme morts à cause de vos fautes ; vous étiez des incirconcis, des païens. Mais maintenant, Dieu vous a fait revivre avec le Christ. Il nous a pardonné toutes nos fautes. 14 Il a annulé le document qui nous accusait et qui nous était contraire par ses dispositions légales. Il a supprimé ce document, il l’a cloué sur la croix. 15 C’est ainsi que Dieu a désarmé les autorités et les pouvoirs spirituels ; il les a donnés publiquement en spectacle, en les emmenant comme prisonniers dans le cortège triomphal de son Fils.

16 Ainsi, ne laissez personne vous juger à propos de ce que vous mangez ou de ce que vous buvez, ou pour une question de fête, de nouvelle lune ou de jours de sabbat. 17 Tout cela n’est que l’ombre des biens à venir ; mais la réalité, c’est le Christ. 

18 Ne vous laissez pas condamner par des gens qui prennent plaisir à des pratiques extérieures soi-disant humbles et au culte des anges, et qui attachent beaucoup d’importance à leurs visions. De tels êtres sont enflés d’un vain orgueil par leur façon toute humaine de penser ; 19 ils ne restent pas attachés au Christ, qui est la tête. C’est pourtant grâce au Christ que le corps entier est nourri et qu’il est bien uni par ses jointures et ses articulations ; ainsi il grandit comme Dieu le veut.

Je le disais tout à l’heure, Paul veut corriger les hérésies propagées par certains enseignants. Comment ces enseignants égarent-ils l’assemblée ? Nous n’avons pas la description exacte de ce qui se passait, aucun de leur discours n’est resté (heureusement peut-être ?), mais on peut trouver quelques indices :

  • (v.8) La place des spéculations, des systèmes philosophiques humains (derrière « philosophie », Paul évoque aussi la théologie, tout ce qui est réflexion sur ce qu’on vit) : Dieu n’interdit pas de réfléchir !! La philo, c’est bien ! mais quand on fait face à des questions profondes sur lesquelles Dieu ne nous donne pas de réponse, attention avec nos petits arguments, nos petites connaissances, notre logique assez limitée. La logique de Dieu surpasse nos raisonnements.
  • (v.18) La place des visions, avec des prophètes, des apôtres, qui viennent imposer des façons de faire parce que Dieu leur a dit que – en complet décalage avec Jésus : c’est ainsi que naissent les meilleures sectes ! Là, Paul parle d’un culte des anges (dont on ne trouve aucune trace dans la spiritualité biblique), mais ça pourrait être autre chose.
  • (v.16) l’imposition de règles sur ce qu’on mange, ce qu’on boit, ce qu’on fait et quand, et avec qui, et comment… on revient sur des règles formelles, stéréotypées, religieuses, en ratant le fond : la vie avec Dieu, la relation avec lui. C’est très pharisien, de se concentrer sur l’observance en oubliant à quoi elles sont censées servir.

Pourquoi Paul prend-il le temps de corriger ? Est-ce qu’on ne peut pas penser ce qu’on veut ? Parce que ces « traditions humaines », ces spéculations mettent la pression sur les croyants et les font en quelque sorte retomber sous emprise. Le Christ a tout fait pour nous libérer, il a tout préparé pour qu’on puisse entrer dans une relation avec Dieu qui est simple, directe, joyeuse, libre avec de la place, de l’espace – une relation vivante et authentique, où chacun, humain et Dieu, est respecté et aimé. Mais non, ces faux enseignants veulent compliquer les choses, re-donner des règles très objectives, très visibles, sûrement rassurantes pour mesurer notre sainteté – mais ils remettent (sur eux-mêmes et surtout les autres) un poids que Dieu ne demande pas.

Face à ces déviances, Paul revient au Christ et à son enseignement, et c’est là qu’il développe le thème du Christ victorieux pour balayer ces abus doctrinaux et autres que les faux enseignants développent. J’arrive au thème de la victoire, mais je souligne cette insistance de Paul sur l’enseignement et sur le discernement à avoir : les écrits du NT ont été rédigés par des gens qui ont connu personnellement Jésus (même Paul, qui a connu Jésus après coup) et c’est pour ça que nous leur faisons confiance. C’est cette connexion à Jésus qui fait la force du texte biblique et il est essentiel d’y revenir sans cesse, pour ne pas croire tout et n’importe quoi – dans la bouche du pasteur, ou d’un frère de l’église, ou encore sur internet (où on trouve de tout) : il faut revenir sans cesse au texte biblique, chercher, et retenir ce qui est bon. C’est la qualité de notre relation avec Dieu qui est en jeu !

          Alors, cette victoire du Christ !

Une victoire en forme de croix

Spontanément, on associe la victoire à la résurrection, au moment où Jésus revient à la vie et met la mort KO ! Et pourtant, dans ce texte, Paul n’évoque quasiment pas la résurrection du Christ : c’est sur la croix que Jésus est vainqueur. Ce qui était lieu d’humiliation, de souffrance, de défaite, devient pour Jésus le lieu où il renverse la défaite en victoire. Sur la croix où on le cloue, c’est lui qui cloue les papiers qui nous accusent, la liste de nos dettes et de nos transgressions (v.13b-14). En mourant, il emporte avec lui, il fait donc mourir, tout ce qui nous accable devant Dieu.

Et sa résurrection, c’est la preuve qu’il a effectivement vaincu le mal qui abîme le projet vivifiant de Dieu. C’est parce que Jésus a remporté la victoire sur la croix qu’il remporte la victoire sur les conséquences du mal – à savoir la mort, qui nous séparait définitivement de Dieu.

Ainsi la victoire que nous acclamons avec joie, c’est une victoire en forme de croix, la victoire dans l’humilité d’un Sauveur qui avait la puissance de s’imposer mais qui choisit d’encaisser de plein fouet le choc du mal.

Le thème du Christ vainqueur

          Cette victoire du Christ, Paul la décrit avec une image culturelle de son époque : lorsqu’un général de la puissante armée romaine remportait une victoire décisive, il défilait dans Rome avec ses ennemis humiliés devant et sa troupe derrière son char, en cortège. Jésus a remporté la victoire, pas seulement face à nos échecs et nos fautes, mais sur tout ce qui nous contraint à l’échec, sur les forces extérieures et intérieures qui nous poussent vers la destruction (v.15) : il leur a mis la honte ! il les a dépouillés, ils ne peuvent plus rien faire.

          Il paraît qu’hier le Stade Toulousain a remporté la victoire contre les Sharks 54 à 20. C’est un beau score ! Une belle victoire, bien nette !

Imaginez un résultat Jésus – le Mal à 777 000 – 666. C’est encore plus net ! Jésus a marqué tous ces points d’un coup, en jetant non pas des ballons, mais lui-même, sa vie entière.

Le hic, c’est que nous sommes encore sur le terrain, il reste 5 minutes avant la fin (des minutes de Dieu 😉) : mais même en 5 minutes, le score ne va pas changer. Le camp adverse a beau être déchaîné, essayer encore de marquer quelques points ou de blesser quelques joueurs, notre capitaine d’équipe a déjà assuré la victoire ! Même si le match n’est pas terminé en ressenti, objectivement, tout est joué !

La victoire du Christ n’est pas encore visible de tous au grand jour : nous attendons son retour ! Nous attendons la fin du match, pour vivre cette troisième mi-temps éternelle et faire la fête avec le vainqueur ! Même si l’équipe adverse nous attaque, nous insulte, nous blesse, en regardant sur le tableau des scores, nous relevons la tête. La joie de Pâques nous relève la tête, en dépit des circonstances, en dépit des apparences, parce que nous savons que tout est joué : le Christ a remporté la victoire !

Se saisir non de la victoire mais du Christ

          Comme dans toutes ses lettres, Paul insiste sur la centralité du Christ : c’est en lui que Dieu réside pleinement. C’est en lui que nous trouvons Dieu pleinement, que nous sommes connectés à Dieu. Pas besoin d’en rajouter… Le Christ est le chemin qui nous conduit à Dieu. Il est la tête de son corps, le chef de son peuple, le capitaine de son équipe – parce que nous sommes connectés à lui, nous avons accès à tout ce qu’il vit (v.6-7)

C’est lui et lui seul la clef. Ce n’est pas de la victoire que nous nous saisissons, ni de la plénitude, ni de la vérité, ni de la joie ou de la liberté (ce que nous recherchons ! et que les mouvements de développement personnel essaient de proposer avec des méthodes) – comme si c’était des choses qu’on pouvait contenir, posséder. Non, Dieu nous invite à nous unir, nous entremêler au Christ lui-même, qui nous fait entrer dans une relation d’amour avec Dieu qui déborde, qui déborde ce que nous pouvons imaginer ou tenir dans nos mains : c’est tellement plus grand ! Nous voulons allumer des bougies alors que Dieu nous invite à vivre en plein soleil !

          Alors saisissons-nous, dès aujourd’hui par la foi, de la vie en Christ – que le Christ vivant, victorieux par sa mort et sa résurrection, nous remplisse de son Esprit et nous fasse déjà goûter à la joie de la vie avec Dieu.




La Croix comme lieu de rachat et de délivrance (Les sens de la Croix 3/4)

Il faut qu’on parle d’argent. Non je ne vais pas vous demander de sortir vos chéquiers ou vos CB ! Il faut qu’on parle d’argent, parce que l’argent c’est concret. Ca parle, et tout de suite ! Vous ne vous souvenez peut-être pas de l’époque où vous avez appris à compter, mais peut-être que vous avez en tête le moment où votre petit frère, vos enfants, vos neveux et nièces ont appris à compter. Les chiffres en eux-mêmes sont immatériels, abstraits… mais dès qu’on parle d’argent, ou de ce qu’on possède, ça devient concret ! 3 bonbons + 1 ou – 1, on fait très bien la différence !

Dans notre chemin vers Pâques, nous nous attardons ces dernières semaines sur les sens de la mort de Jésus sur la Croix, pour mieux saisir la profondeur et la richesse de l’amour de Dieu pour nous en Jésus.



En mars, nous avons vu la Croix comme Rituel (sacrifice, avec la notion que Jésus meurt à notre place, notion associée dans la Bible à une approche juridique : nous sommes coupables devant Dieu, mais Jésus purge notre peine à notre place pour nous offrir un nouveau départ) et comme lieu de Réconciliation (parce que Jésus assume notre culpabilité, tout obstacle entre Dieu et nous est surmonté et nous pouvons entrer dans une relation avec lui marquée par la paix, la joie, la plénitude de son amour).

Une autre image fréquente, c’est celle du rachat. C’est une image commerciale [faire geste argent]. Sur la Croix, Jésus paye pour nos péchés, c’est la rédemption (mot technique dans le vocabulaire religieux qui vient de la même racine en latin que le mot « rachat » – le rédempteur c’est celui qui rachète), et la rémission des péchés, c’est la remise ! tout simplement ! Jésus solde le compte de nos péchés ! Il règle notre ardoise.

Jésus d’ailleurs utilise lui-même cette image, par exemple dans le fameux « Notre Père » :

12 Remets-nous nos dettes, comme nous aussi nous le faisons pour nos débiteurs… (Matthieu 6.12)

4 pardonne-nous nos péchés, et nous aussi, nous remettons sa dette à quiconque nous doit quelque chose (Luc 11.4)

Dans une réponse au disciple Pierre qui pose des questions sur le pardon, Jésus revient à cette notion de dette en comparant l’incommensurable dette que Dieu efface à notre égard, et la dette relative que les autres ont envers nous – nous invitant ainsi à entrer dans la même logique de grâce que Dieu avec nous (Matthieu 18, la parabole du serviteur impitoyable).

Derrière ce réseau d’images qui nous parlent très directement (à l’époque de Jésus comme à notre époque, l’argent est partout !), il y a des sous-entendus que je vous invite à explorer avec un texte de l’apôtre Paul.

Lecture biblique : Lettre de Paul aux Colossiens 1.12-14

Avec joie, 12 rendez grâce au Père qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière.

13 Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et nous a transférés dans le royaume du Fils de son amour ; 

14 en lui nous sommes rachetés, nos péchés sont pardonnés (remis).

L’image du rachat et de la rançon

L’argent est évoqué, pour évoquer la remise de nos dettes par la mort de Jésus. Jésus rachète le crédit que nous ne pouvons pas payer, pour que nous retrouvions crédit aux yeux de Dieu. L’idée, c’est que lorsque nous commettons une faute (quelle qu’elle soit), cela a un coût – nous devrions réparer, mais nous ne pouvons pas payer. Nous avons ainsi une dette vis-à-vis de Dieu. Seul Jésus, muni de sa justice immense, est capable de payer pour les réparations.

Mais Paul ne dit pas : en lui nos dettes sont rachetées ! Non, en lui, nous sommes rachetés. Pourquoi « nous » ? Un mot de contexte. Aujourd’hui en France, si vous êtes trop endetté, vous perdez le droit de gérer vos finances, et c’est quelqu’un d’autre qui gère à votre place. Dans l’Antiquité, il n’y a pas d’organisme qui gère cela : si vous deviez à quelqu’un quelque chose que vous ne pouviez pas payer, vous pouviez vous vendre à son service, devenir son esclave. C’est la version costaud de « ah vous ne payez pas l’addition, faites donc la vaisselle ! » Pour rembourser une dette trop grande, on mettait donc sa vie en gage, et on devenait serviteur à temps plein d’un autre – 24/24, 7/7 : esclave.

Nos dettes nous rendent esclaves. L’image est très juste, au niveau spirituel et psychologique : nos fautes, nos transgressions, nous prennent tout entier. On ne peut pas se mettre à distance : si j’ai commis une faute, je suis fautif, dans mon être, dans mon identité !

Puisqu’on parle d’esclavage, de qui/ de quoi sommes-nous esclaves ? d’abord de nous-mêmes ! Lorsqu’on goûte au péché, c’est comme avec certaines drogues, l’addiction se met en place, nous rentrons dans un engrenage qui nous pousse à recommencer. Parfois parce que nous y avons pris du plaisir, parfois parce qu’on ne se sent pas en danger (« je maîtrise la situation, j’arrête quand je veux ! » – sauf qu’on n’arrête pas), parfois parce que l’effet est immédiat et on ne peut plus se décoller de ce comportement, comme si on tombait dans un tourbillon, une spirale qui nous entraîne vers le bas.

Nous sommes aussi esclaves de l’adversaire de Dieu, le prince des ténèbres, Satan et toute sa clique. Comment ça marche ? changeons d’image : en péchant, en sortant de la lumière de la vie avec Dieu pour mettre un orteil dans les ténèbres, nous tombons dans le panneau. Comme un filet, un piège, dans lequel on marche et qui se referme sur nous tout entiers. Tout notre être se retrouve pris, prisonnier, incapable de revenir en arrière – otage. Otage des ténèbres, qui nous tiennent. Lorsque nous péchons contre Dieu, nous laissons entrer un cheval de Troie dans notre vie, et nous sommes incapables de nous en libérer. Nous sommes dépassés par notre culpabilité.

La notion d’otage ou d’esclave dit bien que le mal, on ne le maîtrise jamais : si on lui cède un doigt, il nous dépasse, nous coince et nous tient. Nous sommes ainsi coupables et victimes de notre propre culpabilité.

          Jésus revient à cette notion d’otage en évoquant sa mort ainsi :

(Matthieu 20.28) le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude.

L’image de la rançon, du rachat des personnes, revient souvent dans les écrits des apôtres, avec une insistance sur le coût de ce rachat, le prix payé : Jésus donne sa vie, son innocence, sa perfection, pour nous arracher à l’esclavage du mal.

Nous arracher ! Pas nous détacher délicatement – nous arracher : cela dit bien le danger de tomber dans l’engrenage du mal, sous la coupe de celui qui ne fait que détruire et pervertir.

          Ainsi Jésus donne sa vie pour payer notre rançon d’otages, payer la dette qui nous rend esclaves – l’image s’arrête là dans le texte biblique, elle a rempli son rôle, n’allons pas spéculer sur une rançon payée à Satan : là on étirerait l’image au-delà de ce que la Bible veut transmettre.

Qui dit fin d’esclavage, dit retour à la liberté. Comment être libérés ? Par la foi en Christ qui paye pour nous ! La foi, qui passe par une phase de lucidité : nous reconnaissons que nous sommes incapables de nous libérer nous-mêmes, incapables de payer nos dettes. Incapables même de stopper notre addiction au mal et de rester dans le vert. Cette lucidité mêlée de tristesse, la Bible l’appelle repentance : je veux changer ! Je ne peux pas me sortir de ma situation, mais je crois que Jésus peut me libérer – alors je saisis sa main.

Avant de voir les conséquences de cette libération, je vous propose de nous approprier cette vérité du Christ qui nous rachète pour la liberté, en chantant En toi je sais qui je suis

Une libération        

  Dans la réflexion de Paul, on passe d’un royaume à un autre. On sort de pour entrer dans. Pour le formuler autrement : on est sauvés de (du péché, du mal, de la mort) pour (vivre dans la justice, la liberté, l’amour…. La vie avec Dieu !). Sauvés de… sauvés pour.

Voyons un peu plus ce « pour » : pour quoi sommes-nous sauvés ? Pour l’héritage : ne pensez pas à un compte en banque, mais à un endroit qu’on hérite, comme on hériterait d’une maison – on entre dans l’héritage, dans ce que Dieu promet à ceux qui lui appartiennent, à sa famille (Dieu ne meurt pas, mais il nous fait jouir de ses biens comme d’un héritage, comme si c’était à nous). Cet héritage, ce lieu de vie dont nous héritons, c’est notre place dans le royaume de Dieu. Notre place dans son équipe, dans sa famille.

Remarque : nous chantons souvent la mort du Christ (et je valide !). Et souvent, nous laissons de côté la résurrection de Jésus. Que nous dit le fait qu’il soit revenu à la vie ? Il est entré dans la pire des captivités, la plus extrême des prisons – la mort. Et il en est sorti. Cela signifie qu’il a tout payé, que la peine a été entièrement purgée : nous avons ainsi l’assurance qu’il a rempli sa mission, car il revient pour nous le proclamer. S’il n’était pas revenu à la vie, nous serions dans le doute : est-ce qu’il manque quelque chose ? Non, c’est bon, le compte est bon, c’est dans le vert, parce que Jésus a tout assumé. Plus encore : ressuscité, Jésus ouvre le chemin vers la maison du Père, la maison de Dieu. En le suivant, nous avons accès à la vie avec Dieu, notre nom sur la liste des invités au banquet, notre place dans son cercle bien-aimé, aux côtés de Jésus, le Fils de son amour.

          Il y a donc transfert. Des ténèbres à la lumière. De l’esclavage à la vie avec Dieu, dans la bonté, la liberté, la joie. Ce transfert est effectif, valable immédiatement, nous en signons le contrat en croyant. Pour autant, le transfert est progressif : c’est notre chemin de sanctification, où nous apprenons à être saints, c’est-à-dire membres de la famille de Dieu. Si on prend l’image du foot : imaginez un très bon joueur qui joue pour le FC Barcelone – il est racheté par le Real Madrid. Il intègre donc cette équipe. Ne faudra-t-il pas un moment pour qu’il apprenne à s’adapter ? qu’il découvre le style de la nouvelle équipe ? le slogan, la mascotte, les habitudes, les stratégies, les réflexes de l’un ou l’autre joueur ?…

Par contre, il ne peut pas jouer pour Madrid avec le maillot de Barcelone ! Même s’il a besoin d’un temps d’adaptation pendant les premiers matchs, il faut que le transfert soit clair. Que sa nouvelle allégeance soit évidente. Il faut que ce joueur transféré soit bien au clair sur son camp, et sur le but qu’il veut atteindre !

          Ainsi Paul, sans connaître encore le football, est très binaire : il y a le royaume des ténèbres et le royaume de Dieu, dans la lumière. Il n’y a pas d’entre-deux sur le terrain. Même si le changement est progressif, nous devons être au clair sur l’identité de notre chef d’équipe ! sur le but que nous voulons atteindre ! Même si notre adaptation est progressive, elle se fait à sens unique, on ne revient pas en arrière… elle est déterminée : nous avons pris position, nous avons pris notre place, par la foi, dans l’équipe de Jésus. Est-ce que, se faire baptiser, finalement, ce n’est pas mettre le maillot de l’équipe ? assumer notre appartenance à l’équipe de Jésus ? Notre désir de suivre sa stratégie, de marquer des points dans le but qu’il vise ?

Ce côté binaire, tranché, nous impressionne peut-être, mais il renferme une bonne nouvelle : même si en devenant chrétiens, nous mettons du temps à acquérir les réflexes du royaume de Dieu, la bonne nouvelle / c’est que nous ne sommes plus sous l’autorité des ténèbres. Notre chef a changé, même si nous mettons du temps à lui obéir complètement : nous ne sommes plus sous l’autorité des ténèbres. L’Autre peut nous tacler (et il ne se gêne pas) mais il n’a plus d’emprise sur nous. Nous sommes dans l’équipe du Dieu d’amour, avec Jésus !

          J’aimerais terminer avec le début du texte : « Avec joie, rendez grâce au Père… » Face à ce don extraordinaire, à ce cadeau de la grâce qui vient combler nos dettes, bien plus, qui vient nous libérer pour la vie avec Dieu, dès aujourd’hui et pour toujours, nous ne pouvons que nous réjouir et dire notre reconnaissance. La louange, c’est la réaction normale ! Et cette louange, cette gratitude, n’est pas qu’une réponse à Dieu : c’est aussi un lieu où Dieu nous oriente, nous réoriente, nous façonne. Lorsque nous prenons conscience du transfert, du chemin parcouru, de l’héritage dans lequel nous sommes entrés, alors… alors il est peut-être plus facile de suivre notre chef d’équipe ! en nous rappelant qu’il est du genre à tout donner pour nous, à se sacrifier pour nous, nous pouvons nous confier à lui avec confiance, le suivre les yeux fermés… parce que même si nous ne comprenons pas toute sa stratégie, nous savons que son projet, c’est notre liberté.




La croix comme lieu de réconciliation (Les sens de la Croix 2/4)

Jésus vient annoncer la venue du royaume de Dieu – il est lui-même le Roi qui s’approche de nous dans notre humanité. Dans notre foi chrétienne, nous croyons que son chemin pour nous rejoindre passe par sa mort sur la croix, comme en un point nécessaire. Comment sa mort sur la croix permet-elle que nous soyons connectés, re-connectés, à Dieu ?

La semaine dernière, nous avons commencé une série sur les sens principaux de la mort de Jésus sur la croix, en commençant par la notion de sacrifice : Jésus se charge de notre culpabilité, à notre place, afin que nous soyons déchargés, déclarés innocents, justifiés – et le NT entremêle l’image du sacrifice et l’image du procès où Jésus se laisse condamner à notre place pour que notre casier judiciaire devant Dieu redevienne vierge. Aujourd’hui, nous nous penchons plutôt sur l’aspect de Réconciliation qu’accomplit Jésus sur la croix.



Lecture biblique : lettre aux Romains 5.1-11

1 Ainsi, nous avons été reconnus justes par la foi et nous sommes maintenant en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ. 

2 Par Jésus nous avons, par la foi, eu accès à la grâce de Dieu en laquelle nous demeurons fermement. Et nous mettons notre fierté dans l’espoir d’avoir part à la gloire de Dieu. 

3 Bien plus, nous mettons notre fierté même dans nos détresses, car nous savons que la détresse produit la persévérance, 4 que la persévérance produit le courage dans l’épreuve et que le courage produit l’espérance. 5 Cette espérance ne nous déçoit pas, car Dieu a répandu son amour dans nos cœurs par l’Esprit saint qu’il nous a donné.

6 En effet, quand nous étions encore sans force, le Christ est mort pour les pécheurs au moment favorable. 7 Déjà qu’on accepterait difficilement de mourir pour quelqu’un de droit ! Quelqu’un aurait peut-être le courage de mourir pour une personne de bien. 8 Mais Dieu nous a prouvé à quel point il nous aime : le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. 

9 Par le don de sa vie, nous sommes maintenant reconnus justes ; à plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère de Dieu. 10 Nous étions les ennemis de Dieu, mais il nous a réconciliés avec lui par la mort de son Fils. À plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés avec lui, serons-nous sauvés par la vie de son Fils. 

11 Il y a plus encore : nous mettons notre fierté en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, grâce auquel nous sommes maintenant réconciliés avec Dieu.

La paix avec Dieu

[v.1,11] Qu’est-ce que vous mettez derrière la notion de « paix » ? Peut-être un repos intérieur, l’absence de sollicitations/sur-sollicitations, le moment où enfin on souffle, l’absence d’inquiétude, le fait d’être certain (j’ai pris cette décision et je suis en paix), l’absence de conflits ou la résolution d’un conflit… Nous sommes en paix avec Dieu. Comment le comprendre ? dans l’Antiquité, la paix, c’est d’abord l’absence de conflits, de tensions.

Grâce au Christ, et à sa mort sur la Croix, nous sommes maintenant en paix avec Dieu, réconciliés (v.11). Sous-entendu, nous étions en conflit avec lui ! Le conflit peut prendre différentes formes, mais d’après la Bible, il vient de ce que nous avons tourné le dos à Dieu. Être « ennemis » de Dieu, c’est un grand mot ! Cela semble agressif, comme si on essayait de l’attaquer. Vous ne vous reconnaissez peut-être pas dans cette image !

Mais pensez à votre vie courante : un collègue qui vous ignore au quotidien, qui ne répond pas à votre « bonjour », qui signe à votre place les courriers recommandés pour vous, qui repasse derrière vous pour réécrire vos rapports – vous vous sentez insultés, non ? Même s’il ne vous dit rien ! Même s’il ne vous touche pas !

Sans même parler d’aller à l’encontre de ce que Dieu désire (et on l’a tous fait !), la simple indifférence au Dieu créateur (il est plus qu’un collègue !…) est une insulte. Donc oui, par action et par omission, l’humanité est de fait ennemie de Dieu. Et elle suscite sa colère, comme ce collègue qui nous met en rogne.

La semaine passée, avec l’image du sacrifice ou du procès, on parlait plutôt de notre culpabilité, de nos taches à effacer – quand on évoque la réconciliation, on prend en compte la réaction de Dieu à notre culpabilité, sa colère devant l’injustice. L’injustice sous toutes ses formes, pas seulement mépriser Dieu, mais aussi nos dysfonctionnements dans notre rapport à l’autre, dans notre société, dans notre rapport à d’autres peuples, dans notre rapport à la nature. Comme Dieu est le Créateur, le Souverain sur tout ce qui existe, ce que nous faisons à l’un ou à l’autre, voire à nous-mêmes, cela touche Dieu – et tous nos dysfonctionnements, toutes nos injustices le choquent !

Mais Dieu ne reste pas dans sa colère : il choisit de faire la paix avec nous, littéralement. C’est lui qui vient, en tant qu’homme, en la personne de Jésus et il meurt, alors que c’est nous qui méritions de disparaître. Ainsi, puisque les injustices sont payées (même si la réparation est en cours), la colère de Dieu s’apaise, le conflit s’éteint. Et c’est à partir de là que la connexion avec Dieu peut se rétablir, que nous pouvons entrer dans une paix positive, une relation paisible.

Dans les spiritualités contemporaines, spiritualités New Age plus ou moins diluées, on mise sur cette connexion à un Être transcendant, à une « énergie » qui nous dépasse. C’est une préoccupation tout à fait valable : le désir d’être connecté aux autres et à l’Autre. D’après ce que je comprends, dans les représentations courantes de ces spiritualités (je ne suis pas une spécialiste), certains se connectent par la méditation, la gratitude, les gestes etc. Mais il manque une étape ! Cette « énergie » n’est-elle pas perturbée par nos dysfonctionnements internes et externes ? Comment notre connexion peut-elle ne pas être brouillée ? Imaginer que dans notre état et dans l’état de notre monde, il suffit d’appuyer sur un bouton pour être connecté à cette énergie positive, c’est au mieux illusoire, au pire hypocrite. Alors dans certains courants, il faut s’astreindre, se purifier : mais si je fais partie du problème, du brouillage, comment pourrais-je arriver moi-même à une solution ? C’est illusoire ! Vu nos déconnexions, pour se reconnecter, il faut bien une intervention spéciale, qui ne vient pas de nous ! La Bible affirme que c’est l’Autre, Dieu, qui prend en charge cette intervention en allant sur la Croix en la personne de Jésus, pour payer le coût des injustices et de leurs réparations – par lui, la paix peut être rétablie.

Une relation riche

Et quelle paix ! Paul détaille les privilèges de notre relation restaurée avec Dieu : nous avons accès à lui (nous avons nos entrées ! nous sommes VIP !), nous sommes fermement établis dans sa grâce (nous y sommes campés, installés, nous y avons fait notre résidence principale, la grâce de Dieu c’est notre adresse !), nous avons reçu son amour dans notre cœur (« répandu » : ce n’est pas un goutte-à-goutte, c’est un torrent qui se répand, c’est l’Esprit de Dieu lui-même qui assure la connexion très haut débit avec Dieu). Nous sommes « à l’aise » avec Dieu, nous sommes ses proches, ses intimes, ses amis.

En hébreu, le mot « paix » se dit « shalom » et derrière ce mot shalom, il y a l’absence de conflit, mais aussi la prospérité, l’épanouissement, la croissance, la joie… Quand Paul, d’arrière-plan juif, dit « nous sommes en paix avec Dieu », il pense à la fois à la réconciliation nécessaire, et à toute la richesse de la relation que Dieu veut vivre avec nous, nous qu’il appelle son peuple, ses enfants, ses héritiers.

Une relation à toute épreuve

Alors si nous sommes les enfants que Dieu aime, que penser de nos difficultés de vie ? [v.3-4] Paul n’est pas naïf : il sait que, une fois réconciliés avec Dieu, nos difficultés ne disparaissent pas pour autant. Mais c’est un problème spirituellement : pourquoi ceux que Dieu aime souffrent-ils ? Quand ce sont des difficultés parce que d’autres rejettent notre foi, on peut éventuellement comprendre : le Christ a été rejeté alors qu’il n’était qu’amour, justice et vérité, donc en le suivant, on court le même risque. Mais que faire des difficultés inutiles, insensées : une maladie, un accident, un cataclysme ? N’allons-nous pas interpréter ces épreuves comme un signe que nous ne sommes pas si proches de Dieu que ça ? Que nous ne sommes pas vraiment dans sa grâce ? qu’il nous aime moins que d’autres ?

Même si nous sommes chrétiens, même si nous avons pleinement accès à Dieu aujourd’hui, nous ne goûtons aujourd’hui qu’une partie de cette plénitude, qu’une partie de sa bénédiction, en attendant que les travaux de réparation de notre monde, payés d’avance par le Christ sur la croix, soient terminés. Ainsi, puisque nous sommes encore dans un monde qui souffre, comme d’autres les chrétiens rencontrent des souffrances injustes – et Paul invite à changer de regard : les épreuves ne sont pas un désaveu de la part de Dieu, mais un signe de notre monde encore en souffrance, et dans ces difficultés, nous pouvons approfondir notre relation avec Dieu. Comme les vrais amis qui se révèlent dans la difficulté (sans qu’on recherche la difficulté !), l’amitié avec Dieu se révèle et s’approfondit lorsqu’on est sous tension, dans l’espérance.

          Cette espérance nous permet de tenir. Mais, Paul pose la question, certains pourraient pâlir devant l’espérance, devant la perspective de se retrouver face-à-face avec Dieu. Au jugement dernier : est-ce que notre foi en Christ suffira ? est-ce que la croix couvrira tout ? Alors je pense qu’on a tous vu des tableaux assez effrayants de ce jugement dernier. Sans aller dans le baroque, je pense qu’au minimum on peut imaginer que le jour où nous serons dans la pleine lumière de Dieu, comme un énorme projecteur braqué sur nous, même si nous sommes convaincus de l’amour de Dieu, nous serons aussi impressionnés par sa majesté, sa beauté, sa pureté, sa justice – comment alors ne pas se sentir indignes de Dieu ? ce que nous tolérons aujourd’hui, ce que nous nous empressons d’oublier ou ce que nous ne voyons même pas, tout cela apparaîtra – et on ne peut qu’en être gênés, en avoir honte !

Pourtant, Paul l’affirme : si la mort du Christ a couvert nos injustices quand nous étions les ennemis de Dieu, à combien plus forte raison maintenant que nous sommes ses amis, l’amour du Christ couvrira notre honte ! qui peut le plus, peut le moins ! Nous pouvons être sûrs de son pardon et de son amour, aujourd’hui et jusque dans l’éternité en passant par ce moment impressionnant où nous serons face à la justice de Dieu.

          Vivre la réconciliation aujourd’hui

          Si nous croyons que Jésus nous a réconciliés avec Dieu, alors nous avons la plus ferme des assurances – c’est de là que Paul tire sa paix, sa joie, son espérance infaillibles. Le Christ nous a acquis l’amour de Dieu, et personne ne peut porter atteinte à la paix qu’il a établie – il la tient dans ses mains de ressuscité.

Donc soyons sûrs, pas de nous, de lui ! soyons sûrs, pas arrogants, mais fiers, marchons la tête haute, fermement établis dans la grâce de Dieu en Christ ! Emparons-nous, jour après jour, de ce privilège : nous avons accès à Dieu, nous sommes ses enfants bien-aimés, ses proches, ses amis.




La Croix : un sacrifice qui ôte notre culpabilité (La Croix 1/4)

Savez-vous ce qu’est cet objet ?

rubis brut

C’est plus reconnaissable quand c’est taillé, non ?

rubis taillé

et plus beau aussi… ! Taillé, il reflète la lumière, donne envie de l’exposer ou de le porter en bijou, petit trésor ambulant.

Comme ce rubis, nous avons nous aussi des trésors, en tant que chrétiens… mais des trésors parfois laissés à l’état brut, mat : ils sont beaux, mais s’ils étaient mieux taillés, si l’on voyait mieux leurs facettes, qu’est-ce qu’ils viendraient illuminer notre foi ! Et on aurait peut-être plus envie de les exposer ou de les porter partout avec nous…

Pour nous préparer à Pâques, je vous propose une série de prédications centrées sur la Croix où meurt Jésus. Cette croix est au centre de notre foi chrétienne, Martine l’a rappelé, au centre de notre spiritualité évangélique : nous chantons l’Agneau immolé, son sacrifice, celui qui nous libère par son sang, qui nous rachète à la croix, etc.

Jésus est mort pour nous à la croix : qu’y a-t-il vraiment derrière cet événement ? Je vous propose de tailler ensemble la pierre pour en faire ressortir quelques facettes, à l’aide des images qu’utilise la Bible pour nous aider à saisir davantage la richesse insondable de l’amour de Dieu démontré à la Croix.

Parce que dans la Bible, la Croix est vraiment un trésor aux mille facettes, avec certaines plus larges que d’autres, j’en ai retenu 4, les 4 sens les plus courants, qu’on verra sur 4 dimanches… Il se trouve que j’ai croisé en formation cette semaine un collègue, Matthieu Moury, pasteur à l’église évangélique baptiste d’Argenteuil, qui fait lui aussi une série sur les 4 sens principaux de la croix (les mêmes ), et il m’a offert ce moyen mnémotechnique des 4 R de la Croix :

Rituel (sacrifice)

Réconciliation

Rachat (ou rançon)

Reconquête (la dimension de victoire)

Autant d’images qui s’articulent pour enrichir notre compréhension de ce que Jésus a accompli pour nous. Attention, ce sont des images, forcément partielles…

Pour commencer la série, prenons le sens du Rituel, du sacrifice, avec un extrait de la lettre de Paul aux Romains – Martin Luther, un des pionniers de la Réforme protestante, disait que c’était le cœur de la lettre, et même de la Bible entière !

Lecture biblique : Lettre aux Romains 3.21-26

21 Mais maintenant, indépendamment de la loi, la justice de Dieu a été manifestée ; la loi et les prophètes lui rendent témoignage. 

22 C’est la justice de Dieu par la foi en Jésus Christ pour tous ceux qui croient, car il n’y a pas de différence : 23 tous ont péché, sont privés de la gloire de Dieu, 24 mais sont gratuitement justifiés par sa grâce, en vertu de la délivrance accomplie en Jésus Christ. 

25 C’est lui que Dieu a destiné à servir d’expiation par son sang, par le moyen de la foi, pour montrer ce qu’était la justice, du fait qu’il avait laissé impunis les péchés d’autrefois, 26 au temps de sa patience.

Il montre donc sa justice dans le temps présent, afin d’être juste tout en justifiant celui qui vit de la foi en Jésus.

Paul trace une ligne dans l’Histoire : il y a un avant et un après Jésus-Christ. Plus précisément, un avant et un après sa mort.

          La croix comme sacrifice

La Croix est ici présentée comme un sacrifice, une expiation. Dans l’Antiquité, la religion, juive ou païenne, est centrée sur le rituel de sacrifice, sur ce qu’on offre à la divinité. Le sacrifice est comme un cadeau : pour l’honorer, la remercier pour son aide ou encore pour se faire pardonner… Il est donc assez naturel de comprendre la mort de Jésus sur la croix comme un sacrifice en notre faveur pour nous pardonner. A chaque fois qu’on parle du sang de Jésus dans la Bible ou dans nos chants, on évoque le sacrifice : la crucifixion tue par asphyxie, il n’y a quasiment pas de sang versé.

Paul parle d’expiation, un type de sacrifice nécessaire au pardon dans les rituels juifs. Expier une faute, dans la loi juive, c’est encaisser la colère de Dieu face à notre injustice. Dans le rituel du sacrifice d’expiation, le croyant reconnaît qu’il mérite la colère de Dieu – et par convention entre Dieu et son peuple, on considère que l’animal qui meurt, meurt à la place du croyant, se substitue à lui pour encaisser la colère de Dieu et donner au croyant une nouvelle chance. Il y a un transfert symbolique de culpabilité. Et cela évite de tuer tous les coupables (il ne resterait plus grand monde !).

Remarque: Ne soyons pas choqués aujourd’hui de la place donnée à l’animal dans ce type de sacrifice : c’était relativement rare et une partie de l’animal était consommée. C’était aussi une occasion de manger de la viande dans une société bien plus frugale que la nôtre. Le traitement de l’animal est sûrement bien plus violent dans nos sociétés occidentales modernes qu’à l’époque. 

Dans la mort de Jésus sur la croix, les disciples reconnaissent l’équivalent de ces sacrifices. Mais à la différence d’un animal, il y a un lien, une solidarité charnelle entre Jésus et nous : Dieu s’est fait homme, humain, de notre chair, frère de chacun d’entre nous – lorsque Jésus meurt sur la croix, le transfert de notre culpabilité est bien plus naturel, et valide, que sur un animal. C’est un homme qui paie pour l’humanité. Un innocent (même ses adversaires en convenaient) qui encaisse à notre place la colère de Dieu pour nos injustices. Paul précise même que ce sacrifice en Christ est le seul à être valide : tous les sacrifices qui ont eu lieu auparavant n’étaient efficaces que parce qu’ils pointaient vers le sacrifice de Jésus – seul un humain peut encaisser pour l’humanité. Le système de sacrifices animaux, c’était le temps de la patience de Dieu, où il montrait aux croyants le besoin de payer pour le mal commis, un peu comme une simulation avant l’expérience réelle.

          L’image de la justification

Très logiquement, puisqu’on parle de colère, d’injustice et de justice, Paul glisse vers le vocabulaire juridique de la justification, c’est-à-dire le moment où le juge déclare que l’accusé est innocent, juste, en règle. Si on quitte le monde du rituel, la salle du temple, pour entrer dans une salle de tribunal, le monde du procès, on a Dieu, nous, Jésus et Satan. J’extrapole un peu par rapport au texte de Romains 3.

Dieu : fondateur de la justice, roi, maître, arbitre, juge.

Nous : créés par Dieu, désirés par Dieu, et pourtant rebelles, transgresseurs de la justice de Dieu, coupables – et condamnables.

Satan : accusateur vicieux qui fait tout pour nous séparer de Dieu – d’un côté en nous invitant au mal, de l’autre côté en nous accusant devant Dieu (“comment peux-tu les aimer, regarde-les, ils sont tous pourris, nuls… ce sont des cas désespérés, ces humains !”)

Or Dieu est justice tout autant qu’il nous aime. Même par amour, il ne peut pas aller à l’encontre de son essence : il est justice ! Il ne peut pas regarder ailleurs ! Mais il ne peut pas non plus se résoudre à nous condamner, à nous perdre, parce que son amour pour nous est tout autant enraciné dans son être.

Sa solution au dilemme : aller lui-même, en la personne de Jésus, prendre la place des accusés et subir la peine juridique qu’ils méritent – la condamnation à mort. C’est comme si le juge se dédoublait pour à la fois rester juge et prendre la place des condamnés, en encaissant tout le poids de la sentence. Il est ainsi juste tout en justifiant le coupable : c’est le résumé de l’Evangile – Dieu trouve une solution pour respecter à la fois son exigence de justice et son amour ardent envers nous : c’est lui, en devenant un être humain, qui va assumer le poids de nos fautes. C’est seulement ainsi qu’il peut être à la fois juste et miséricordieux.

Dans la salle du Temple dans le tribunal, il ne reste aux coupables qu’à croire – croire que Jésus, Dieu fait homme, est mort pour nous, c’est-à-dire en notre faveur, et même plus, à notre place – il s’est substitué à nous pour nous offrir une nouvelle chance.

Le poids du péché

Le point commun entre le sacrifice d’expiation et le procès, c’est l’idée que nous méritons la mort parce que nous avons péché : tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu, dit Paul au v.23. Être privé de la gloire de Dieu, c’est être privé de sa présence, de son amour, de sa vie – c’est être coupé de la source, condamné à une aridité morbide.

La notion de péché est assez mal perçue aujourd’hui, comprise comme “une notion archaïque inventée par les judéo-chrétiens pour maintenir les foules dans l’asservissement moral, un levier de contrôle religieux qui s’appuierait sur une vision du monde en noir et blanc : le Bien / le Mal, alors que nous modernes avons compris que nos vies – comme l’a si bien dit Jean-Jacques Goldman – sont souvent « entre gris clair et gris foncé ». Le développement de la psychologie, de l’accompagnement, nous invite plutôt à accepter nos défauts, nos limites, sans se charger d’une culpabilité qui nous entrave et nous rend malheureux. Par pragmatisme, puisque nous sommes tous imparfaits, nous sommes invités à abandonner l’idéal culpabilisant de la perfection ou de la sainteté, pour assumer nos imperfections et défricher à tâtons notre chemin dans un monde complexe. Pour beaucoup, le péché n’existe pas, ou plus. On fait ce qu’on peut, avec notre histoire, nos circonstances de vie…”

En théorie ! parce qu’en réalité, la culpabilité demeure centrale – c’est le fondement de notre système de justice, bien sollicité aujourd’hui avec des plaintes et des procès qui se multiplient. Le fondement de la lutte pour l’égalité, le respect, l’inclusion – c’est bien au nom de la justice, et contre l’injustice personnelle ou collective, que les slogans de colère sont scandés dans la rue et sur les réseaux, ou que l’on boycotte telle personnalité politique, tel artiste…

Pourquoi être pécheur nous condamne-t-il à mort ? Imaginez notre âme comme une belle nappe en lin blanc, immaculée – à chaque fois que nous commettons le mal, nous renversons de l’encre sur cette nappe. Franchement, peu importe la quantité d’encre ou sa couleur, peu importe le nombre de tâches : la nappe est fichue ! inutilisable ! laide ! Vous ne pouvez pas accueillir vos invités d’honneur avec cette nappe sur la table !

Spirituellement, nous ne pouvons pas accueillir Dieu avec une âme entachée : ça le dégoûte trop ! parce que Dieu, bien plus que nous, est attaché à la justice. A ce qui est beau et bon. Bien plus que nous, Dieu est sensible aux dégâts que nous causons – sur nous-mêmes et sur les autres. Quand on parle de colère de Dieu, c’est la colère du Père, qui ne supporte pas qu’on touche à un cheveu de ses enfants !

La notion biblique du péché nous invite à reconnaître que nous ne sommes pas que des victimes : statistiquement, 100% de victimes c’est improbable. En réalité, nous sommes tous d’une manière ou d’une autre, entachés par le péché, suscitant la colère de Dieu face aux dégâts commis. Même si dans l’épaisseur de la vie humaine, nos fautes n’ont pas le même impact ni le même ancrage, tous nous sommes entachés, indignes d’être en présence de Dieu.

 

          La Croix, filtre de justice  

A la Croix, le Christ porte le poids moral de nos fautes, il assume à notre place notre responsabilité devant Dieu, comme s’il payait le prix des nappes abîmées, des âmes tordues et blessées. Comment savons-nous que le prix payé a couvert nos dettes ? Jésus est ressuscité, il est sorti de prison – son passage dans la mort est suffisant pour couvrir nos manquements. Sa justice, son innocence, sa perfection, ont tout couvert.

Lorsque nous croyons en Christ, par la foi nous sommes « couverts » devant Dieu, recouverts de cette innocence gagnée par le Christ. Vous connaissez Snapchat ? Une application qui permet notamment de mettre des filtres sur nos photos et vidéos, et c’est très bluffant. Une forme qui se surimpose intelligemment sur le visage photographié. Lorsque nous croyons en Christ, par la foi nous choisissons ce « filtre » d’innocence et de justice – et Dieu ne voit plus nos taches, nos distorsions, nos médiocrités : tout est couvert par l’innocence du Christ. La démarche de foi implique donc de notre part une repentance (encore un vieux mot mal accepté), le fait de reconnaître que nous méritons d’être sur le banc des accusés, et la confiance – le fait de croire que Jésus a pris notre place sur ce banc, et en prison, et dans la mort, pour que nous soyons déclarés justes et dignes de vivre avec Dieu.

Qu’est-ce que ça change pour nous ? La Croix est l’assurance que Dieu a pardonné nos fautes – a pardonné. C’est fait ! Une fois pour toutes ! Le Christ est entré dans la mort et il en est sorti, il nous ouvre le chemin des retrouvailles avec Dieu. Toutes les fois où nous sommes indignes de Dieu (les moments horribles qui hantent notre conscience, les moments mesquins qui égratignent notre quotidien, les moments ignorés où nous nous empêtrons dans nos taches et étalons le mal) toutes ces fois où nous sommes indignes de Dieu, nous pouvons regarder à la Croix. Le seul filtre qui marche pour gommer vraiment la laideur du péché. A la Croix le Christ a tout encaissé – nous pouvons maintenant vivre debout, soulagés de ce poids de culpabilité, debout devant Dieu qui nous redresse la tête et nous invite dans la richesse glorieuse de sa présence.