Vivre selon l’Esprit

Si nous croyons en Jésus, nous avons reçu son Esprit, même s’il n’y avait pas de flammes de feu virevoltant sous le plafond. L’événement de la Pentecôte est spectaculaire, pour montrer la nouveauté, car cette connexion spirituelle avec Dieu, une connexion permanente, vivifiante, transformatrice – c’est inédit !

A quoi peut ressembler l’action de l’Esprit dans notre vie ? L’apôtre Paul y répond dans sa lettre aux chrétiens de Galatie, ch.5. Avec les Galates, Paul remet les pendules à l’heure et leur rappelle que le chrétien vit par la grâce du Christ, couvert par son pardon, libre des culpabilités, des règles, des pressions que certains voulaient exercer sur les nouveaux convertis.



Lecture biblique : Galates 5.13-26

13 Mais vous, frères et sœurs, vous avez été appelés à la liberté.

Seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte pour vivre selon les désirs de votre propre nature.

Autrement dit, être libre, ce n’est pas être libertin !

Au contraire, laissez-vous guider par l’amour pour vous mettre au service les uns des autres. 14 Car toute la loi se résume dans ce seul commandement : « Tu dois aimer ton prochain comme toi-même. » 15 Mais si vous agissez comme des bêtes sauvages, en vous mordant et vous dévorant les uns les autres, alors prenez garde : vous finirez par vous détruire les uns les autres.

Paul s’appuie ici sur l’éthique de Jésus, pour qui l’amour envers Dieu et envers l’autre est le seul vrai principe qui a du sens.

16 Voici donc ce que j’ai à vous dire : laissez le Saint-Esprit diriger votre vie et vous n’obéirez plus aux désirs de votre chair. 17 Car notre chair a des désirs contraires à ceux de l’Esprit, et l’Esprit a des désirs contraires à ceux de notre chair : ils sont complètement opposés l’un à l’autre, de sorte que vous ne pouvez pas faire ce que vous voudriez. 18 Mais si l’Esprit vous conduit, alors vous n’êtes plus soumis à la loi.

Paul oppose deux moteurs, qui nous motivent et nous conduisent dans des directions opposées. La chair, opposée à l’Esprit de Dieu, ce n’est pas spécialement le corps : c’est plutôt ce qui en nous a perdu sa connexion avec l’Esprit, ce qui n’est plus spirituel, ce qui n’est plus animé par Dieu. Soit on va vers Dieu, soit on s’éloigne de lui.

Exemples :

19 On sait bien comment se manifestent les œuvres de notre chair : dans l’immoralité, l’impureté et le vice, 20 le culte des idoles et la magie. Les gens se haïssent les uns les autres, se querellent et sont jaloux, ils sont dominés par la colère et les rivalités. Ils se divisent en partis et en groupes opposés ; 21 ils sont envieux, ils se livrent à l’ivrognerie et à des orgies, et bien d’autres actions semblables.

Je vous avertis maintenant comme je l’ai déjà fait : ceux qui agissent ainsi n’auront pas de place dans le Royaume de Dieu.

22 Mais le fruit de l’Esprit Saint, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la bonté, la fidélité, 23 la douceur et la maîtrise de soi.

La loi n’est certes pas contre de telles choses ! 

24 Ceux qui appartiennent à Jésus-Christ ont crucifié leur chair avec ses passions et ses désirs. 

25 L’Esprit nous a donné la vie ; laissons-le donc aussi diriger notre conduite. 

26 Ne soyons pas vaniteux, renonçons à nous défier ou à nous envier les uns les autres.

Paul oppose le fruit de l’Esprit et les œuvres de la chair. Je me concentrerai d’abord sur la chair, et ensuite sur le fruit de l’Esprit.

Un choix à faire : deux modes de vie incompatibles

Pour les œuvres de la chair, la liste est longue ! Et Paul dit même qu’il aurait beaucoup à rajouter… nombreux sont les chemins sans Dieu, comme dans un labyrinthe que nous avons créé nous-mêmes – des chemins sans issue, tortueux, destructeurs.

Il est question de sexualité (les problèmes de débauche sont courants à l’époque de Paul au point de choquer même les philosophes païens – comme quoi, rien de nouveau sous le soleil), de pratiques occultes, d’addictions (ivrognerie, orgies, etc.) et, pour moitié, de problèmes relationnels. Je vous disais bien que la « chair », ce n’est pas seulement les désordres corporels : c’est vivre déconnecté de Dieu. Et Paul dénonce particulièrement ici les divisions dans l’église, les conflits larvés ou violents. Ainsi, même une personne qui paraît bien sous tous rapports mais qui critique constamment ou qui regarde les autres de haut, cette personne-là tombe dans la catégorie : œuvres de la chair. C’est tout aussi sale que d’être addict à la pornographie ou de boire jusqu’à vomir.

          Il y a une incompatibilité profonde entre la vie dans l’Esprit et la vie marquée par la chair, conduite par nos instincts, nos pulsions, notre orgueil… Paul la souligne en rappelant que ceux qui se laissent conduire par la chair n’hériteront pas du Royaume de Dieu. C’est-à-dire que si l’on ne prend pas l’Esprit comme moteur de notre vie, on vit sans Dieu – aujourd’hui, et pour toujours.

On aurait envie de répondre à Paul : « t’es sûr de ce que tu dis ? Ne sommes-nous pas tous pécheurs, esclaves de notre chair d’une façon ou d’une autre ? Certes, nous ne pratiquons pas tous l’occultisme ou les orgies, mais la jalousie ? la colère ? la rivalité ? le vice (même caché) ? d’après toi, il faudrait être parfait pour entrer dans le royaume de Dieu ? Et la grâce, alors, celle que tu as tant prêchée, celle qui accorde au pécheur le pardon de Dieu ? »

Oui, nous sommes tous pécheurs ! Et pourtant, il y a une différence. Une différence entre pécher malgré soi, et s’adonner sans réserve au péché, à la chair. Prenons l’exemple d’un petit garçon, qui est entré en courant dans la cuisine, a percuté un pied de la table, et a envoyé valser un verre, qui s’est cassé. Il fond en larmes, vous demande pardon etc. Affaire réglée. Trois semaines plus tard, rebelote, accident – il faut parfois du temps pour gérer ses mouvements. Vous ne lui en voudrez pas ! Mais ce comportement n’a rien à voir avec celui qui, chaque fois que vous avez le dos tourné, sort un verre pour le jeter par terre ! c’est autre chose !

 Au v.24, Paul prend l’image de la crucifixion : ceux qui suivent le Christ ont crucifié leur chair, ce moteur intérieur qui pousse à pécher. Evidemment, c’est une référence au fait de marcher dans les pas du Christ, mort à cause de nos péchés : si je l’aime, si je veux vivre avec lui, comment encore choisir ce qui a causé sa mort ? Mais l’image de la crucifixion est aussi pertinente, parce que la crucifixion ce n’est pas la guillotine ! c’est une mort lente. Un théologien écossais (John Brown) commente ainsi : « la crucifixion produisait la mort graduellement, pas d’un coup. Les chrétiens authentiques ne réussissent pas à complètement détruire la chair ici-bas, mais ils l’ont clouée à la croix et ils sont déterminés à la laisser là jusqu’à ce qu’elle expire. »

          En tant que chrétiens, nous sommes appelés à faire un choix, et à nous y tenir : qu’est-ce qui nous dirige ? qu’est-ce qui nous anime ? qu’est-ce qui nous motive ? sans illusion (nous sommes pécheurs) mais sans complaisance (nous rejetons ce qui peut nous éloigner de Dieu). L’avertissement est essentiel : au pécheur repentant, il est fait grâce. Mais le pécheur qui se prélasse dans son péché sans se remettre en question, ne se moque-t-il pas de Dieu et de son pardon ?

Le fruit de l’Esprit

Aux œuvres de la chair s’oppose le fruit de l’Esprit dans notre vie.

          Première remarque sur le fruit. A la différence des œuvres, le fruit ce n’est pas quelque chose que l’on maîtrise ! Si vous aimez jardiner, vous savez que la récolte ne dépend pas que de vous, mais aussi de l’écosystème : eau, soleil, terrain… et surtout, de l’état de l’arbre : vous ne pouvez pas produire à sa place, malgré toute votre bonne volonté ! Et ça, c’est une bonne nouvelle ! parce que le fruit de l’Esprit ne dépend pas de nos efforts maladroits, mais de la vitalité de la présence du Christ en nous.

Il n’empêche que nous pouvons cultiver le fruit : guetter les mauvaises herbes pour les enlever, vérifier la bonne exposition au soleil, arroser quand c’est nécessaire… Sans prétendre agir à la place du Christ, nous pouvons favoriser la croissance de son œuvre en nous : en arrosant par la prière, en nous exposant à la lumière de sa parole, en nous appuyant peut-être sur des tuteurs, des soutiens, pour ne pas nous écrouler.

          Ce fruit est au singulier : il n’y a qu’un type de fruit qui pousse dans la vie chrétienne, à la différence des œuvres désordonnées de la chair. C’est le fruit de l’Esprit : tout doit grandir ensemble ! Ce n’est pas une liste dans laquelle on choisit notre partie, en laissant le reste aux autres (moi je prends la joie, et je vous laisse la patience et la maîtrise de soi !) : tout pousse ensemble !

Ce fruit touche essentiellement notre caractère, notre posture, vis-à-vis de Dieu et des autres, avec un accent particulier sur l’amour. C’est l’amour qui permet de rester fidèle, de persévérer, de se maîtriser, de mettre les formes dans ce que nous avons à dire… l’amour puisé en Dieu qui nous permet de faire face aux difficultés dans la joie et la paix…

Ainsi, étrangement, le fruit de l’Esprit ne répond pas systématiquement à la liste des œuvres de la chair : il prend surtout le contrepied des relations abîmées, qui naissent de l’impatience, de la frustration, des malentendus, de l’égoïsme, de l’orgueil, de l’indélicatesse… Paul est très préoccupé par l’unité dans l’église, peut-être à cause de la situation chez les Galates ? mais en fait, dans toutes ses lettres, il insiste sur l’amour fraternel, fruit de l’amour reçu du Christ : comme l’amour de Dieu pourrait-il produire autre chose dans notre vie que de l’amour ? C’est le langage de Dieu, et comme une langue étrangère, céleste, nous devons en apprendre le vocabulaire, la grammaire, la conjugaison au singulier et au pluriel… une langue que nous devons réviser sans cesse, et pratiquer sans relâche, ensemble, pour pouvoir la parler couramment où que nous allions.




La paix dans le monde ? Et pourquoi pas !

Lecture biblique : Esaie 2.1-5

A la première lecture, ça semble trop beau pour être vrai… L’amour, la paix universelle ! Ça ressemble presque à un discours d’élection de Miss France qui souhaite « la paix dans le monde » !

En réalité ce texte est bien plus profond que cela. Certes, il parle de paix. Mais en quels termes ? Et de quelle paix parle-t-il ?

Il faut bien-sûr se replacer dans le contexte d’Esaïe : la région est à feu et à sang, la menace assyrienne, puissance redoutable à la soif d’expansion intarissable est aux portes du pays. Que faire pour se protéger ? Trouver une alliance ? Attendre les bras croisés, résignés ?

La guerre semble inéluctable. Le peuple s’apprête à vivre des jours sombres…

De plus, le contexte social et spirituel du peuple n’est pas au beau fixe non plus. La majeure partie du discours du prophète, dans les premiers chapitres, est de dénoncer l’idolâtrie et l’injustice qui règnent dans le peuple.

Et là, après un premier chapitre sévère mais réaliste sur l’état spirituel du peuple, et avant un nouveau long discours dénonçant les mêmes travers, interviennent ces quelques versets. Comme un havre de paix au milieu de la tourmente. Une promesse qui concerne l’avenir, sans savoir précisément quand : « Un jour, dans l’avenir… » (« Dans la suite des temps… » – NBS). L’espérance que grâce à l’intervention du Seigneur, la paix sera instaurée sur toute la terre.

Mais c’est le verset 4 qui a retenu particulièrement mon attention dans ce chapitre, notamment avec ses métaphores étonnantes de la paix. Un verset d’une grande profondeur qui nous aide à comprendre ce que doit être la paix, et pas seulement pour les peuples d’Israël et de Juda au temps d’Esaïe !

Pas de paix sans un Dieu de paix

Une idée au coeur de ce texte est qu’il ne peut pas y avoir de véritable paix sans l’intervention de Dieu. C’est évidemment la vision d’un croyant, celle d’un prophète du Seigneur… Mais pour nous, c’est incontournable. Et même, pour utiliser le langage du Nouveau Testament, il ne peut pas y avoir de paix sans l’établissement du règne de Dieu. Jamais l’humanité, livrée à elle-même, ne parviendra à établir la paix sur terre.

Il y a certes une pointe polémique dans les premiers versets du chapitre où la montagne du temple du Seigneur s’élève au-dessus des autres montagnes. C’est une affirmation de la suprématie du Seigneur par rapport aux autres dieux, dont les sanctuaires étaient traditionnellement établis sur des collines et des montagnes. Ces dieux des peuples environnants, y compris les Assyriens, ces dieux que le peuple d’Israël avait laissé pénétré dans leur pratique idolâtre.

La montage du temple du Seigneur plus haute que les autres montagnes, c’est l’établissement du règne de Dieu, qui se traduit aussi par la reconnaissance universelle de son autorité : tous les peuples se rendent auprès de lui pour entendre son enseignement et recevoir sa justice.

Mais dans notre fameux verset 4, lorsque la justice de Dieu est évoquée, ce n’est pas du tout une justice terrible et punitive, une vengeance face aux ennemis. C’est une justice pacifiée et pacificatrice. Le Seigneur n’y apparaît pas comme un justicier mais comme un arbitre !

N’est-on pas ici dans la lignée de la justice de Dieu telle qu’elle nous sera pleinement révélée dans le Nouveau Testament, à travers la personne et l’œuvre de Jésus-Christ ? Non pas une justice selon la loi du talion (oeil pour oeil, dent pour dent) mais selon la loi de l’amour. Non pas une justice implacable et froide, mais une justice pleine de grâce. Le but de la justice de Dieu, ce n’est pas la punition mais la restauration ! Une justice qui apporte la paix.

Le temps de l’Avent qui commence aujourd’hui nous conduira jusqu’à Noël, la naissance de Jésus-Christ. Une naissance annoncée par les anges comme une source de paix pour tous les hommes : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix à ceux que Dieu aime ! » (Luc 2.14)

La paix n’est pas seulement l’absence de conflit

Venons-en maintenant à ce que les métaphores du verset 4 nous apprennent sur la paix que Dieu veut apporter.

Avec leurs épées,
ils fabriqueront des socs de charrue,
avec leurs lances,
ils feront des faucilles.
Un pays n’attaquera plus un autre pays,
les hommes ne s’entraîneront plus pour
la guerre.

Les métaphores évoquent le fait que les soldats redeviennent cultivateurs. Plus besoin d’épées ou de lances, il faut maintenant des charrues et des faucilles. Les projets de guerre n’existent même plus. Non seulement, on n’a plus besoin d’épée et de lance, mais on ne s’entraîne plus pour la guerre. Plus d’arme, plus d’armée, plus de service militaire…

Il n’y a plus ni animosité ni peur entre les peuples ! On ne parle plus de force de dissuasion, plus personne ne dit « si tu veux la paix, prépare la guerre », on n’a même plus besoin d’envisager la légitime défense. Chacun y trouve son compte, paisiblement, Dieu étant devenu l’arbitre entre les peuples.

Vous aurez remarqué d’ailleurs que dans les paroles d’Esaïe, la perspective de paix qu’il décrit n’est pas celle issue d’une victoire sur ses ennemis mais d’une réconciliation de tous les peuples convergeant vers le Seigneur.

La perspective ultime d’amitié entre les peuples qui transparaît dans de nombreux écrits bibliques devrait nous mettre en garde de façon absolue contre toute tentation de racisme ou de communautarisme !

Mais remarquez un détail qui a son importance : dans les paroles d’Esaïe, il ne s’agit pas seulement de détruire les armes mais de les recycler en instruments agricoles. La paix n’est pas seulement l’absence de guerre, c’est aussi un travail pacifique, un travail de reconstruction. Il ne suffit pas de faire la paix, il faut la cultiver !

Et cela est vrai aussi dans nos relations : la paix ce n’est pas seulement l’absence de conflit ! Faire la paix, se réconcilier avec quelqu’un, ce n’est pas seulement enterrer la hache de guerre. C’est transformer cette hache en outil pour reconstruire une relation, un projet commun.

Et ici, la belle expression utilisée parfois, « artisan de paix », prend toute sa dimension. La paix, y compris dans nos relations, se construit, se façonne et se cultive.

Comment, dans nos relations, dans notre famille, dans l’Église, cultivons-nous la paix ? Est-ce que nous nous contentons d’éviter le conflit ? Est-ce que nous nous suffisons d’enterrer la hache de guerre, tout en gardant de la rancune voire de la haine ? Ou nous efforçons-nous d’être de véritable artisans de paix ?

Conclusion

Loin d’être une utopie doucereuse, cette prophétie d’Esaïe est une promesse qui continue à nous être adressée. Nous ne sommes plus dans le contexte des contemporains d’Esaïe, mais n’aspirons-nous pas aussi à la paix ?

Le projet ambitieux de Dieu pour une paix s’étendant à tous les peuples doit avoir un écho et des conséquences concrètes dans nos vies. Si le règne de Dieu apportera la paix universelle, comment nous qui prétendons être citoyens du Royaume de Dieu pourrions-nous ne pas être artisans de paix dans notre quotidien ?