Un Dieu qui nous cherche

Remarque préliminaire : prédication à l’occasion d’un culte de baptême.

Leno nous a témoigné de la façon dont Jésus s’est manifesté à lui la première fois, et comment ça a changé sa vie. Et puis la façon dont Jésus continue de se rendre présent quand c’est compliqué, par le biais d’autres personnes par exemple, pour le ramener dans ce vécu de l’amour de Dieu.

A qui Jésus vient-il proposer l’amour de Dieu ? Quelles conditions faut-il remplir pour bénéficier de cette offre ? faut-il être né dans une famille chrétienne ? être jeune ? Faut-il avoir compris un certain nombre de choses, ou remplir certaines conditions morales ?

Je vous propose de regarder ensemble un exemple de la façon dont Jésus, lorsqu’il était sur terre il y a fort fort longtemps, a montré l’amour de Dieu.

Quelques précautions d’usage : j’ai choisi cet exemple parce qu’il est exemplaire, mais il n’est pas exhaustif – pour mieux comprendre Jésus, il vaut mieux lire l’ensemble de sa vie : un Evangile c’est court ! celui de Marc p. ex. fait 16 petits chapitres. L’autre précaution, c’est de se rappeler qu’on est à une époque particulière : Jésus est né dans l’Antiquité, au sein du peuple juif qui est à l’époque dominé par le pouvoir de l’Empire romain, avec une espèce d’allergie à l’envahisseur du coup.

Je vais donc lire avec vous un extrait de l’Evangile de Luc, ch.19, et je vais le commenter au fur et à mesure pour qu’on suive bien ce qui se passe.

Lecture biblique : Luc 19.1-10

1 Jésus entra dans Jéricho et traversait la ville. 

2 Il y avait là un homme appelé Zachée ; c’était le chef des collecteurs d’impôts et il était riche. 

3 Il cherchait à voir qui était Jésus, mais comme il était de petite taille, il n’y arrivait pas à cause de la foule. 

On a Jésus, d’un côté, un prophète juif qui dit et accomplit des choses extraordinaires. Il est précédé par sa réputation : une foule cherche à le voir. Et puis, de l’autre côté, Zachée, lui aussi précédé par sa réputation mais pas la même !… Il est collecteur d’impôts : métier rarement apprécié, encore empiré par le fait que les impôts en question sont remis à l’empire romain. Zachée accepte donc de coopérer, collaborer, avec l’envahisseur. En plus, comme dans la plupart des métiers où on voit passer des grosses sommes d’argent, les collecteurs d’impôts sont connus pour leur corruption financière.

Zachée a beaucoup de pouvoir, et en même temps, il est peu respecté. S’il avait été apprécié, la foule lui aurait créé un chemin – sa petite taille n’est qu’un détail : le vrai problème, c’est que la foule lui tourne le dos et ne le laisse pas passer. D’un côté il fait de la peine, de l’autre on se dit qu’il y a peut-être une raison pour sa mise à l’écart.

Que va faire Zachée devant cette impasse ?

4 Il courut alors en avant et grimpa sur un arbre, un sycomore, pour voir Jésus qui devait passer par là. 

Franchement ? Vous imaginez votre inspecteur des impôts, le proviseur ou l’adjoint au maire faire ça ? En plus à l’époque on ne porte pas de pantalon : Zachée est en tunique – c’est très pratique pour grimper !!!

Ce qui est fou, c’est qu’il n’hésite pas à se ridiculiser pour voir Jésus. Il court, on sent qu’il réfléchit vite, qu’il a évalué la situation, et que voir Jésus est plus important que tout. Il sort complètement des codes, pour voir Jésus.

Et il n’y a pas de mise en scène, c’est désintéressé – à part ceux qui sont vraiment à côté de lui, qui va penser qu’un homme est en haut d’un arbre ? Il n’a pas la caméra à la main : #enmodejedéfielesconventions. Il y a quelque chose de très pur, de sincère, dans sa démarche.

Pendant ce temps-là, Jésus continue d’avancer.

5 Quand Jésus arriva à cet endroit, il leva les yeux et dit à Zachée : « Dépêche-toi de descendre, Zachée, car il faut que je demeure chez toi aujourd’hui. » 

6 Zachée se dépêcha de descendre et le reçut avec joie. 

Retournement de situation ! Zachée a vu Jésus passer, oui, mais surtout Jésus /voit Zachée : ça, c’était inattendu. En plus, Jésus connaît son nom, et il s’invite chez lui. Zachée voulait voir Jésus, celui dont on parle tant – j’ai grandi à Cannes et ça me rappelle les foules amassées à côté du tapis rouge lors du Festival du film, pour voir ne serait-ce que la cheville de la star ! Imaginez l’acteur qui se retourne, vous fixe dans les yeux : toi, (votre prénom), n’oublie pas, j’ai réservé pour qu’on mange ensemble ce soir.

Evidemment, Zachée est tout content ! Rien ne s’est passé encore, et en même temps c’est tellement révélateur : Jésus connaît Zachée, par son nom, et Jésus recherche Zachée. A la différence de la foule qui lui tournait le dos, Jésus veut passer un temps d’amitié avec lui. Il fait plus que l’inclure dans le groupe, il lui offre une soirée VIP.

Mais…

7 En voyant cela, tous critiquaient Jésus ; ils disaient : « Cet homme est allé loger chez un pécheur ! » 

Il n’y a pas de réseau social à l’époque, mais c’est le même principe ! Vous les voyez, les pouces baissés ? la désapprobation, les commentaires ? la ville s’enflamme : tous critiquent. Alors c’est vrai, Jésus est connu pour casser les codes, pour inclure ceux qui sont exclus : les femmes, les enfants, les étrangers, les malades, les marginaux… Mais un riche un peu louche ? Un collabo ? Un homme potentiellement corrompu ? Jésus cautionne, c’est ça ? Ce type d’association le discrédite complètement.

8 Zachée, debout devant le Seigneur, lui dit : « Écoute, Seigneur, je donne la moitié de mes biens aux pauvres, et si j’ai pris trop d’argent à quelqu’un, je lui rends quatre fois autant. » 

Jésus n’a même pas le temps de réagir, que Zachée se défend. J’imagine qu’ils sont encore en chemin, puisqu’il a entendu les critiques. Il est debout devant Jésus : étonnant détail ! On sent qu’il s’affirme pour se défendre : il se redresse, il relève le menton…

Zachée, selon lui-même, ne mérite pas sa réputation : il est honnête, très généreux (s’il y a une erreur, il rembourse 4 fois plus). C’est peut-être vrai, et dans ce cas-là, on a un homme innocent maltraité par les rumeurs de la foule. Ou on a juste un homme qui essaie de se défendre : vous avez déjà vu un homme politique admettre sa corruption ? « oui c’est vrai, je suis coupable à 100%… »

On n’a pas de moyen de le savoir… mais ce qui est intéressant, c’est de voir comment Jésus réagit.

9 Jésus dit à son propos : « Aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison, parce que lui aussi est un descendant d’Abraham. 10 Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. »

En fait, Jésus ne réagit pas du tout à la réponse de Zachée, il ne valide pas sa défense. Si Jésus connaissait le nom de Zachée à l’avance, on peut imaginer qu’il savait aussi la réalité.

Par contre, il affirme clairement que Zachée fait partie intégrante du peuple de Dieu, un descendant d’Abraham, pas que sur le plan génétique, mais aussi sur le plan symbolique : il fait partie intégrante de ceux que Jésus veut atteindre et à qui il veut montrer l’amour de Dieu. Même si Jésus a commencé son offre dans le peuple juif, son peuple, il a été très clair sur le fait que Dieu voulait rejoindre et aimer tous !

Dieu connaît Zachée et il le recherche, peu importe son degré d’innocence – de toute façon, Zachée n’est pas complètement innocent ! Qui peut prétendre être pur ? Et Jésus montre ainsi ce qu’est l’amour véritable ! Aimer, ce n’est pas seulement quand l’autre fait des choses bien… c’est vouloir son bien même quand il fait des erreurs ou commet des fautes.

C’est l’idée derrière cette phrase « slogan » de Jésus, qu’il dit régulièrement : le Fils de l’homme (une expression du prophète Daniel pour parler du Messie) est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. Peu importe à quel point vous êtes perdu, ou vous vous sentez perdu, que ce soit un tout petit peu ou que vous soyez submergé, que vous soyez incompris ou franchement coupable, il y a une place pour vous dans le cœur de Dieu.

Zachée voulait voir Jésus, mais en fait c’est Jésus qui le cherchait ! parce qu’il voulait lui offrir l’amour de Dieu.

Alors qu’est-ce que signifie « sauver ce qui était perdu » ? Quelques mois après cette rencontre, Jésus va mourir. Il n’avait rien fait de mal, à part bousculer les conventions, mais il est mis à mort. En témoin martyr de la justice, en révolutionnaire spirituel, mais sa mort est aussi volontaire : il accepte d’être arrêté et d’offrir sa vie. Ses disciples ont compris qu’il avait, sur la croix, porté le poids de notre honte, de nos culpabilités, devant Dieu, comme s’il s’était sacrifié pour prendre notre place et assumer nos injustices.

Ca c’est ce qu’on comprend plus tard. Mais pour l’instant, Jésus ne rentre pas dans le détail, et il donne une image très simple du salut : le salut, c’est des retrouvailles avec Dieu. C’est partager un repas, être en amitié. Le pardon est essentiel, mais ce n’est qu’une étape pour être avec : dans vos relations, quand il y a eu un accrochage, vous vous réconciliez pour être ensemble, pour vous retrouver, pas pour le plaisir de vous réconcilier. Le salut c’est Dieu qui vient nous chercher à travers Jésus, pour être avec nous.

Dans cette rencontre, ce qui frappe c’est la façon dont Jésus discerne la recherche sincère, même non conventionnelle, de cet homme infréquentable. Et puis Jésus va au contact, il tient tête aux rumeurs, il assume – pour montrer que Dieu aime et recherche même celui que tous rejettent. Dieu aime et recherche même celui que tous rejettent. Zachée a cherché Jésus, mais il n’est pas seul dans la démarche : Jésus le cherchait aussi. Dans nos quêtes spirituelles, dans nos luttes, dans nos cheminements, on n’est pas seul à marcher – Jésus nous cherche aussi, Jésus nous cherche d’abord ! Et c’est tellement fort de se rappeler que Dieu n’attend pas qu’on le trouve, mais qu’il vient lui-même à notre rencontre, pour nous offrir son amour.

Zachée était en recherche active, Léno était en retrait actif, mais la même vérité demeure : Dieu vient à notre rencontre, à travers Jésus, pour nous offrir son amour, son amitié, la joie d’être avec lui, chaque jour et pour toujours.




Un dieu inconnu

Prédication de Jean-Marc Ferrand.

Si on vous demandait, quelles sont nos racines culturelles ? que répondriez-vous ? à quoi pensez-vous ? Les traces les plus visibles sont probablement celles des Romains.  Quel est le musée le plus connu de France ? Le Louvre ! La construction au premier plan est inspirée d’un original plus lointain et surtout plus ancien.  Et puis nous sommes dans une église, on ne peut tout de même pas passer sous silence notre héritage hébraïque.  Et entre les pyramides et le pont du Gard je pense qu’on peut évoquer les philosophes grecs et d’une façon plus générale la culture grecque.  Je ne voudrais pas susciter des attentes inconsidérées, je n’ai pas la prétention en une prédication de couvrir tous les sujets que pourrait évoquer pour vous ces illustrations, mais j’aimerais ce matin aborder avec vous quelques aspects des interactions de l’évangile avec nos racines grecques.

Et tout d’abord, quelques mots de contexte : Le livre des Actes des Apôtres relate plusieurs voyages missionnaires de l’apôtre Paul. L’épisode sur lequel je vous propose de méditer ce matin se situe au cours du deuxième voyage, qui a pour spécificité, entre autres choses, de nous rapporter les premiers pas de l’apôtre en terre européenne et il me semble intéressant de relever quelques éléments de cette première confrontation entre le message de l’évangile et la culture grecque. Pour fixer quelques points de repères, je vous invite à visualiser cela sur une carte. L’équipe missionnaire quitte l’Asie à Troas.  Pour se rendre en Macédoine, plus précisément à Philippes. De là, ils vont à Thessalonique.  Puis à Bérée. Et enfin à Athènes, lieu où se déroule l’épisode que nous allons regarder de plus près. (Je me permets d’attirer votre attention sur la grande île située en bas de la carte : la Crête dont nous aurons l’occasion de parler.) Par mesure de sécurité, Paul a été exfiltré de Bérée et donc séparé des autres membres de l’équipe, pour être mis en lieu sûr à Athènes. C’est là que commence le texte que je vous invite à suivre.

Lecture biblique: Actes des Apôtres chapitre 17 versets 16 à 34.

Mais avant de lire ce texte, je vous invite à vous recueillir. Seigneur notre Dieu et notre Père conduis nous dans la méditation de ta Parole. Accorde nous d’être attentif à l’enseignement que tu nous adresses. Ouvre nos cœurs et nos esprits pour que nous recevions ce que tu veux nous donner ce matin. Amen.

“Pendant qu’il attendait ses compagnons à Athènes, Paul bouillait d’indignation en voyant combien cette ville était remplie d’idoles. Il discutait donc, à la synagogue, avec les Juifs et les hommes craignant Dieu et, chaque jour, sur la place publique, avec tous ceux qu’il rencontrait. Quelques philosophes, des épicuriens et des stoïciens, engageaient aussi des débats avec lui. Les uns disaient : – Qu’est-ce que cette pie bavarde peut bien vouloir dire ? D’autres disaient : – On dirait qu’il prêche des divinités étrangères. En effet, Paul annonçait la Bonne Nouvelle de « Jésus » et de la « résurrection ». Pour finir, ils l’emmenèrent et le conduisirent devant l’Aréopage. – Pouvons-nous savoir, lui dirent-ils alors, en quoi consiste ce nouvel enseignement dont tu parles ? Les propos que tu tiens sonnent de façon bien étrange à nos oreilles. Nous désirons savoir ce qu’ils veulent dire. (Il se trouve, en effet, que tous les Athéniens, et les étrangers qui résidaient dans leur ville, passaient le plus clair de leur temps à dire ou à écouter les dernières nouvelles.) Alors Paul se leva au milieu de l’Aréopage et dit : – Athéniens, je vois que vous êtes, à tous égards, extrêmement soucieux d’honorer les divinités. En effet, en parcourant les rues de votre ville et en examinant attentivement vos monuments sacrés, j’ai même découvert un autel qui porte cette inscription : À un dieu inconnu. Ce que vous révérez ainsi sans le connaître, je viens vous l’annoncer. Dieu, qui a créé l’univers et tout ce qui s’y trouve, et qui est le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas dans des temples bâtis de mains d’hommes. Il n’a pas besoin non plus d’être servi par des mains humaines, comme s’il lui manquait quelque chose. Au contraire, c’est lui qui donne à tous les êtres la vie, le souffle et toutes choses. À partir d’un seul homme, il a créé tous les peuples pour qu’ils habitent toute la surface de la terre ; il a fixé des périodes déterminées et établi les limites de leurs domaines. Par tout cela, Dieu invitait les hommes à le chercher, et à le trouver, peut-être, comme à tâtons, lui qui n’est pas loin de chacun de nous. En effet, « c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être », comme l’ont aussi affirmé certains de vos poètes, car « nous sommes ses enfants ». Ainsi, puisque nous sommes ses enfants, nous ne devons pas imaginer la moindre ressemblance entre la divinité et ces idoles en or, en argent ou en marbre que peuvent produire l’art ou l’imagination des hommes. Or Dieu ne tient plus compte des temps où les hommes ne le connaissaient pas. Aujourd’hui, il leur annonce à tous, et partout, qu’ils doivent se repentir et changer. Car il a fixé un jour où il jugera le monde entier en toute justice, par un homme qu’il a désigné pour cela, ce dont il a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant d’entre les morts. Lorsqu’ils entendirent parler de résurrection des morts, les uns se moquèrent de Paul, et les autres lui dirent : – Nous t’écouterons là-dessus une autre fois. C’est ainsi que Paul se retira de leur assemblée. Cependant, quelques auditeurs se joignirent à lui et devinrent croyants, en particulier Denys, un membre de l’Aréopage, une femme nommée Damaris, et d’autres avec eux.”

Notre texte commence par pointer la difficulté de la situation : Athènes est le lieu de convergence de toutes les religions de l’antiquité, alors pour un Juif, et qui plus est pharisien, ce polythéisme est l’expression par excellence de l’idolâtrie. On comprend que Paul soit indigné, on le serait probablement tout autant ! Jusqu’à présent, à chaque nouvelle étape de ses voyages, l’apôtre Paul a toujours appliqué la même stratégie : il commence toujours par se rendre dans une synagogue et adresse son message en priorité aux Juifs de la localité. Il procède donc de la même façon à Athènes, puis il élargit le cercle en discutant sur la place publique, l’Agora, avec tous ceux qu’il rencontre et c’est là que se produit ce qui ressemble fortement à un quiproquo. Paul a très probablement parlé de la résurrection de Jésus et quelques auditeurs ont compris qu’il prêchait des divinités étrangères : Jésus et Anastasia (= la résurrection). Je trouve intéressant que Dieu puisse se servir d’une erreur de compréhension pour capter l’attention des destinataires du message de l’évangile ! Luc, l’auteur du livre des Actes relève que les athéniens sont curieux par nature, peut-être même, animés d’une curiosité malsaine, frivole, (l’ecclésiaste aurait dit : vaine). Même si c’est un défaut, Dieu peut l’utiliser ! Et voilà Paul, embarqué, littéralement réquisitionné, pour expliquer son propos. On lui fait quitter l’Agora et on le place dans un lieu dédié aux discussions. Combien sont-ils autour de lui ? Peut-être une centaine de personnes, difficile de savoir ! Mais une chose est sûre, toutes les personnes qui sont là, et quelles que soient leurs motivations, ont un seul but : écouter les explications de Paul. Et dès les premiers mots de son discours, une chose me surprends, l’opposition entre le verset 16 et les versets 22 et 23. Au verset 16 nous avons constaté l’indignation de Paul face à, selon l’expression de Luc, “cette ville remplie d’idoles” et au verset 22 malgré cette exubérance polythéiste, Paul trouve le moyen d’évoquer un point positif : “je vous trouve très religieux” et au verset 23 : “j’ai même découvert un autel qui porte cette inscription : À un dieu inconnu”. Les versets précédents ont tellement insisté sur le côté négatif du contexte qu’on a envie de continuer dans cette logique. Mais, cet autel c’est le contraire de l’idolâtrie. Ce n’est pas un Temple, il ne s’agit pas d’une représentation d’une divinité sous forme humaine ou animale ou d’une créature fantastique comme celles dont les mythologies grecque et égyptienne foisonnent. C’est l’opposé, aucune représentation, mais une inscription, un message. Un message que Paul s’approprie et dans lequel il entre. Démarche particulièrement risquée, si ce “dieu inconnu” est un dieu parmi d’autres dans le panthéon du polythéisme grec ! À moins… à moins que Paul en connaisse un peu plus sur cet autel ! Que s’avons-nous de cet “autel à un Dieu inconnu” ? Luc ne nous en dit rien d’autre. Mais nous avons quelques données historiques sur ce sujet. Environ 500 ou 600 ans plus tôt, les responsables d’Athènes font appel à un crétois, un certain Épiménide de Cnossos qui a la réputation d’être « savant dans les choses divines ». Le conseil d’Épiménide est sollicité pour lutter contre un fléau : une épidémie de peste. Il vient donc à Athènes et fait lâcher un troupeau de moutons sur une des collines de la ville à une heure où les moutons ont plutôt envie de brouter et à chaque fois qu’un mouton se couche, au lieu de brouter, cela est interprété comme le signe que le dieu responsable du fléau accepte d’apporter son aide. Un certain nombre de moutons se couchent et sont offerts en sacrifice sur des autels sans dédicace, construits tout spécialement pour la circonstance. Ainsi, le fléau quitte la ville. Quelques siècles plus tard, il reste au moins un de ces autels. Mais Paul comprenait-il bien le contexte historique relatif à cet autel et au concept du dieu inconnu ? Nous avons plusieurs raisons de le penser. D’abord parce que Paul cite Épiménide à 2 reprises : d’une part, dans sa lettre à Tite et d’autre part, dans notre passage au verset 28 : “c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être”. Ensuite parce que dans sa lettre à Tite il le désigne sous le titre de “prophète” le mot qu’il utilise couramment pour les prophètes de l’Ancien comme du Nouveau Testament. Prophète, c’est-à-dire porte-parole de Dieu. Paul n’aurait sûrement pas gratifié Épiménide du titre de prophète s’il n’avait pas été bien informé sur le personnage et ses œuvres. Les athéniens avaient donc conscience de l’existence d’un dieu inconnu. Et cela me semble un bon point de départ, pour les athéniens, comme pour nous. Il est bon d’avoir conscience de ses propres carences, de ses propres limites, de ses propres ignorances. Et à contrario, ce que nous croyons connaître n’est peut-être qu’illusion ou prétention. Sommes-nous encore prêts à apprendre si nous croyons tout savoir ? Partir d’un constat d’ignorance me semble donc, sinon un prérequis, tout au moins un avantage pour nous permettre d’avancer, de progresser.

“Ce que vous révérez ainsi sans le connaître, je viens vous l’annoncer.” Paul ayant ancré son propos dans le passé collectif de ses auditeurs, il déroule maintenant son message. Un message que je vous invite à considérer suivant 3 angles, 3 axes. Ce dieu inconnu, qui est-il ? que fait-il ? (ou qu’a-t-il fait ?) et enfin, qu’attend-il de nous ?

Ce dieu inconnu, qui est-il ? Paul le présente d’abord comme le créateur.  V 24 : “il a créé l’univers et tout ce qui s’y trouve”. V 25 : “il donne à tous les êtres la vie, le souffle et toutes choses”. V 26 : “il a créé tous les peuples pour qu’ils habitent toute la surface de la terre”. Par ces affirmations Paul marque l’universalité de son propos : “l’univers et tout ce qui s’y trouve… toutes choses… tous les peuples… toute la surface de la terre”. Cela s’oppose à la conception polythéiste très répandue selon laquelle chaque ville, chaque bourgade avait son petit dieu, un dieu privé, qui ne se partageait pas avec les autres. Le dieu inconnu, c’est le Dieu de l’univers ! Non seulement “il a créé”, mais le principe de création reste actif. Au v 25 “il donne” au présent.  Il est le Créateur, il est aussi le Souverain.  V 24 : “Il est le Seigneur du ciel et de la terre”. V 25 : il ne lui manque rien. V 26 : “il a fixé des périodes déterminées et établi les limites de leurs domaines”. Il est le maître de l’histoire. C’est aussi une façon de remettre à leur place ceux qui parmi ses auditeurs auraient pu être nostalgique de l’empire grec, tout cela se fait sous le contrôle de Dieu. Petite digression à propos du v 25 : Dieu n’a pas besoin de nous. C’est nous qui avons besoin de lui, ce n’est pas nous qui lui donnons, c’est lui qui nous donne. Il serait bon de s’en souvenir dans notre façon de nous approcher de lui. Il est important d’avoir conscience de nos besoins et préférable d’éviter l’arrogance de vouloir lui donner quoi que ce soit, y compris lui faire la faveur de notre présence.  Dieu Créateur, Dieu Souverain et Dieu de relation.  Nous avons déjà vu au v 25 qu’il “donne à tous les êtres la vie”, mais c’est surtout au v 27 que Dieu exprime sa volonté de relation avec les hommes : “Par tout cela, Dieu invitait les hommes à le chercher, et à le trouver, peut-être, comme à tâtons, lui qui n’est pas loin de chacun de nous” Il est donc dans la volonté de Dieu que nous le cherchions et que nous le trouvions, et Paul souligne même “comme à tâtons”. En effet les démarches de recherche peuvent être imprécises, maladroites, mais ce que Dieu souhaite c’est surtout que les hommes cherchent à le rencontrer. Et à contrario nous voyons au v 29 que Dieu ne ressemble pas aux idoles en or en argent ou en marbre, autrement dit à des objets inertes avec lesquelles toute relation est impossible ! Dieu Créateur, Dieu Souverain et Dieu de relation.

Que fait-il ? Il juge.  V 31 : “il a fixé un jour où il jugera le monde entier en toute justice”. On peut être surpris par la place que l’apôtre donne au jugement divin. D’une part parce que, avouons-le, ce n’est pas très vendeur, excusez l’expression, mais surtout on est surpris à cause de notre côté « fleur bleue » ou « bisounours » comme vous préférez. On voudrait bien d’un dieu sympa, d’un dieu cool, d’un dieu permissif, un dieu « pote ». Eh bien non, Paul ne présente pas Dieu par son côté amour, mais bien par son côté justice ! “il a fixé un jour où il jugera le monde entier en toute justice”. Il me semble que c’est le point que nous avons le plus de facilité à évacuer dans notre conception contemporaine de Dieu. Je suis désolé, mais c’est un élément non négligeable de la Bonne Nouvelle. Et Dieu a désigné le Seigneur Jésus-Christ pour cela. Que fait-il ? Il juge et il ressuscite.  V 31 : il a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant d’entre les morts”. Curieusement, Paul ne présente pas en priorité le vécu de Jésus, ni sa naissance miraculeuse, ni son enseignement, ni les prodiges qui ont jalonné son séjour sur terre, ni sa mort injuste, odieuse… rien de tout cela ! Uniquement sa résurrection. Alors oui, la résurrection présuppose la mort, mais l’élément déterminant dans l’argument de l’apôtre, c’est que Jésus est ressuscité ! Paul, outre l’affirmation du jugement et de la résurrection, indique une troisième action du dieu inconnu. Diapo. Que fait-il ? Il juge, il ressuscite et il fait une annonce. Diapo. V 30 : Aujourd’hui, il leur annonce à tous, et partout”. La première chose qu’il nous faut souligner concerne les destinataires de cette annonce “à tous, et partout”. Autant dire qu’il n’y a pas d’ambigüité, nous sommes concernés au même titre que les athéniens. Ce discours est aussi pour nous !

Qu’est-ce que Dieu annonce ? C’est le troisième axe de la présentation du dieu inconnu : Qui est-il ? Que fait-il ? et Qu’attend-il de nous ? La repentance  V 30 : “nous devons nous repentir et changer”. C’est la seule chose que Dieu attend de nous. Je dis bien « la seule » même si j’ai choisi une traduction qui fait apparaitre 2 verbes, en grec il n’y en a qu’un : “metanoeo” mais suivant les traductions que vous utilisez vous verrez l’un ou l’autre de ces 2 verbes en français. Se repentir, qu’est-ce que ça veut dire ? Le mot repentance est à rapprocher des mots regret et remord, sans avoir un sens identique, ils ont tout de même quelques points communs. Je crois que le point de départ de la repentance c’est la prise de conscience qu’il y a quelque chose qui ne va pas et que la Bible nomme le péché. Ce point de départ est indispensable mais il ne suffit pas, dans la repentance il y a aussi le désir, la volonté de se détourner du péché, ou d’une façon plus générale, de ce qui ne va pas. Dans les traductions récentes c’est souvent le verbe “changer” qui est utilisé mais cela ne me semble pas être une bonne idée. Je ne nie pas le fait qu’il y ait une notion de changement dans “metanoeo” mais il y a un réel danger à réduire sa traduction au verbe “changer”. Certes c’est peut-être plus facile à comprendre, mais la vraie question c’est de savoir est-ce qu’on comprend ce qu’il faut comprendre et là j’ai plutôt l’impression que le réponse est non. Alors entendons-nous bien, je n’ai aucune compétence ni en grec, ni en latin, ni en hébreux, ni en araméen, par contre en français, j’ai quand même quelques années au compteur ! J’ai 2 réticences par rapport à l’utilisation du verbe “changer”, d’une part son sens courant en français et d’autre part une raison de théologie. Tout d’abord le sens du mot en français : je vais vous donner un exemple, j’espère que ce sera plus explicite. Depuis quelques années maintenant, je fais du vélo de façon assez intense, si vous faites une autre activité physique c’est la même chose, que ce soit de la course, de la marche, un sport individuel ou collectif ou même des travaux d’entretien, de jardinage, de terrassement, de maçonnerie… peu importe. Lorsque j’ai fini mon temps de vélo je dégouline littéralement et donc je me douche et ensuite je dis, en bon français : « je me change ». Je voudrais attirer votre attention sur le caractère extrême de cette formulation « je me change », je change qui ? moi ! Caractère extrême de la formulation pour un fait somme toute assez banal : j’ai mis des fringues propres. Et c’est ce mot vide de sens, creux, sans épaisseur, sans densité qu’on voudrait utiliser pour traduire “metanoeo” ! Ça va pas le faire ! Deuxièmement, le motif théologique : nous avons vu que le discours de Paul insiste en particulier sur le Dieu Créateur et Seigneur et nous sommes là maintenant sur la responsabilité de l’homme. On pourrait croire qu’il suffit de « changer » et surtout que ce changement est à notre main, or ça, c’est en complète contradiction avec le message de la Bible. Nous allons en voir 2 exemples, un dans l’Ancien Testament et l’autre dans le Nouveau Testament. Tout d’abord un verset du livre du prophète Jérémie: Jérémie 13 v 23 : “Un Éthiopien peut-il changer la couleur de sa peau, un léopard les taches de son pelage ? De même, comment pourriez-vous vous mettre à bien agir, vous qui avez pris l’habitude de commettre le mal ?” Non ce n’est pas possible ! Le changement dont nous avons besoin n’est pas dans nos compétences. Et dans le Nouveau Testament, voici 2 versets tirés de la lettre de l’apôtre Paul à l’église de Rome.  Romains 7 v 18 & 19 : “je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ce que je suis par nature. Vouloir le bien est à ma portée, mais non l’accomplir. Je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas, je le commets.” Même l’apôtre Paul reconnait que le changement auquel il aspire est hors de portée. Indirectement Paul nous donne dans ce passage une définition de la repentance : “Vouloir le bien est à ma portée” non seulement c’est à notre portée, mais c’est aussi notre responsabilité, c’est ce que Dieu attend de nous. Il me semble qu’il faut compléter cette notion de changement. Le passage le plus explicite sur ce sujet est peut-être un peu long mais je pense qu’on peut en extraire les principales caractéristiques. Il s’agit de la conversation de Jésus avec Nicodème que nous trouvons dans l’évangile de Jean au chapitre 3, je vous invite à lire chez vous le paragraphe tout entier. Nous allons en lire juste 2 versets pour les besoins de cette explication.  Jean 3 v 3 : “Vraiment, je te l’assure : à moins de renaître d’en haut, personne ne peut voir le royaume de Dieu.” Ça pour un changement, c’est un changement vraiment radical : c’est la différence entre la vie et l’absence de vie. Et le Seigneur Jésus nous dit que ce n’est pas une option, c’est indispensable. Mais ce n’est pas parce que c’est indispensable que nous pouvons le faire, ce n’est pas à notre portée. C’est même la première réaction de Nicodème : comment est-ce possible ? Et le Seigneur Jésus enfonce le clou au verset 6 : “Ce qui naît d’une naissance naturelle, c’est la vie humaine naturelle. Ce qui naît de l’Esprit est animé par l’Esprit.” Le changement c’est l’œuvre de Dieu, pas la responsabilité de l’homme. La responsabilité de l’homme c’est de se repentir.

Il nous faut conclure. Je souhaiterais le faire en relevant 2 points des versets 32 à 34. Le premier point c’est la réaction des auditeurs. Jusque-là et en, caricaturant à peine, on peut dire qu’il n’y avait que 2 types de réactions aux discours de Paul : ceux qui acceptent et ceux qui refusant d’accepter se comportent en persécuteurs. Là il y a, me semble-t-il, une troisième catégorie, ceux qui optent pour la moquerie ou le « politiquement correct ». C’est peut-être moins dangereux que la persécution mais probablement beaucoup plus fréquent pour nous chrétiens occidentaux avec un facteur d’aggravation dû aux réseaux sociaux. Je vous invite à y être attentif. Le second point c’est la faible proportion de personnes qui acceptent le message de Paul. En effet, même si la plus grande partie de l’auditoire a rejeté le message quelques personnes l’on accepté. Le message n’a pas pour objectif une recherche de respectabilité et d’acceptation par le plus grand nombre.  Mais comme le dit Luc en Actes 13 v 48 : “que tous ceux qui sont destinés à la vie éternelle croient.” J’aimerais vous laisser un sujet de méditation. Dans le discours de Paul, il n’y a pas eu un appel à croire, mais la réponse à l’appel à la repentance, c’est de croire. Amen.

Dans le prolongement de cette méditation je voudrais vous inviter à chanter le cantique : « Entre tes mains j’abandonne




Enfants de Dieu, irrévocablement

Regarder le culte ici.

Nous sommes encore dans la lumière de Noël, même si nous nous préparons à de nouvelles étapes en ce début 2023. Dans la Bible, la naissance de Jésus est remplie d’espérance : Dieu lui-même vient nous visiter, Dieu se fait proche de nous, quelle que soit notre condition. Merveilleuse nouvelle !

Pourtant, il arrive, même en ayant la foi, que notre expérience soit en décalage avec ce que nous proclamons et croyons : il y a ces moments où l’on ne « sent » pas la présence de Dieu dans notre vie – on croit, oui, mais on ne ressent pas cette proximité, au point où l’on se demande si on n’a pas raté un virage. D’autres fois, on a l’impression de s’être carrément éloigné de Dieu, parce qu’on ne le comprend pas, parce qu’on a été choqué par un événement ou par des chrétiens qui le représentent un peu, parce qu’on veut explorer notre propre chemin, ou qu’on s’est laissé entraîner peu à peu au loin : quand on s’est éloigné, comment revenir ?

L’apôtre Paul, disciple de Jésus, écrit aux chrétiens de Galatie pour les encourager dans leur vie de foi. Et il revient sur le sens de la naissance de Jésus, son incarnation (sa venue en tant qu’être humain, de même chair que nous), pour aborder cette question de notre proximité avec Dieu.

Lecture biblique : Lettre aux Galates 4.4-7

Lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et sous la loi, 5 afin de racheter ceux qui étaient sous la loi, pour que nous recevions l’adoption filiale. 

6 Et parce que vous êtes des fils, Dieu a envoyé dans notre cœur l’Esprit de son Fils, qui crie : « Abba ! Père ! » 

7 Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils ; et si tu es fils, tu es aussi héritier, du fait de Dieu.

 L’objectif de Dieu : notre adoption

Derrière ces courts versets, Paul a en tête toute la vie et l’œuvre de Jésus : sa naissance dans l’humanité, en tant que « petit d’homme » pour paraphraser le Livre de la Jungle, en tant qu’être humain à part entière ; sa vie menée en toute justice, en accord avec la volonté de Dieu ; sa mort imméritée ; sa résurrection et son retour auprès de Dieu ; son « départ » visible qui est compensé par l’envoi de son Esprit à tous ceux qui croient. La naissance de Jésus lance tout un plan, qui se déroule étape après étape, avec un objectif clair : que nous soyons enfants, fils et filles, de Dieu. Si Jésus est né et qu’il est allé jusqu’à la mort sur la croix, c’est pour que nous soyons enfants de Dieu. Si l’Esprit est envoyé, c’est pour que nous vivions, que nous expérimentions, cette proximité avec Dieu jour après jour.

Jésus est venu, dit Paul, pour racheter ceux qui sont sous la loi (la loi des Ecritures juives ici). Pourquoi ? La « loi » en elle-même n’est pas mauvaise ! C’est la loi de Dieu, juste et bonne… où chacun occupe sa place en respectant l’autre comme soi-même. Mais cette loi nous pèse car elle nous met constamment en échec, en nous confrontant à notre incapacité à faire le bien, à aimer vraiment. Elle met en lumière, de façon implacable, nos failles et nos faillites – à nos yeux, parfois, aux yeux de Dieu, toujours. Et donc la « loi », cet idéal, révèle notre esclavage au mal, notre addiction au péché, sans pouvoir nous donner d’autre secours que de nous asséner des « il faut, il ne faut pas ». Devant la loi, nous sommes faibles, en échec, esclaves du mal.

En devenant un homme comme nous, Jésus se rend solidaire de notre condition : lui qui est Dieu renonce à sa gloire et à sa paix pour entrer dans notre quotidien. Sauf que lui résiste aux tentations, aux addictions, à l’esclavage du mal – et lorsqu’il meurt sur la Croix, après un procès injuste, c’est plus qu’un témoignage d’innocence, un martyre : c’est un paiement. Tout son capital innocence, toute sa perfection, il est prêt à les échanger avec les dettes morales que nous avons accumulées. Dans sa mort volontaire, il assume nos dettes, pour que notre ardoise soit effacée, que notre historique honteux disparaisse du dossier de Dieu.

Paul pense sûrement ici à une pratique antique : le rachat des esclaves. Dans l’Antiquité gréco-romaine, presque 1/3 de la population est esclave. L’esclavage antique n’est pas forcément synonyme de souffrance, mais c’est le fait d’appartenir à quelqu’un d’autre. On ne s’appartient plus, on est la propriété d’un autre, qui peut nous employer à ce qu’il veut, 100% de notre temps et de notre vie. Sur le plan spirituel, on peut dire que nous sommes esclaves du péché puisque nous sommes incapables de vivre dans la pure innocence. Et la loi souligne notre état d’esclavage en révélant toutes nos dettes morales.

Or dans l’antiquité, un esclave pouvait s’affranchir, retrouver la liberté, en payant un certain montant (élevé). Le Christ, en donnant sa vie qui n’a pas de prix, paie le montant faramineux de nos dettes morales et nous rachète de notre esclavage : aux yeux de Dieu, la loi ne peut plus servir à nous accuser, car le Christ a subi la peine que nous méritions – nous sommes libres ! Comme le rachat d’un esclave se fait en deux temps : le rachat officiel, puis « l’apprentissage » d’une vie nouvelle, nous sommes rachetés face à la loi, puis nous apprenons à vivre sans l’emprise du péché.

Nous sommes donc rachetés, libérés, par la mort du Christ qui se substitue à nous, pour nous offrir un nouveau départ. Et trop souvent, on s’arrête là. Mais le plan de Dieu va beaucoup plus loin : il veut faire de nous ses fils, ses filles, ses héritiers ! Il nous rachète pour que nous soyons libres, afin que nous puissions recevoir son offre de nous adopter dans sa famille.

Là aussi, l’éclairage antique est important : dans l’Antiquité, on n’adopte pas pour rendre service à des enfants orphelins ou abandonnés, on adopte pour transmettre un héritage, en général parce qu’on n’a pas de descendance. On adopte pour transmettre un héritage – et il n’est pas rare que les Anciens adoptent des adultes, du coup, pour transmettre une charge ou des biens. Il paraît que ça se fait aussi au Japon aujourd’hui, d’ailleurs. La formule de l’époque, pour conclure une adoption, c’était : « je t’adopte comme fils, et tout ce que je possède, considère-le comme tien ». On adopte pour transmettre ce qu’on a de meilleur.

Dieu nous adopte, il nous choisit, pour nous offrir ce qu’il a de meilleur, pour partager avec nous le trésor de sa joie, de sa paix, de sa vie que rien n’entrave, de son amour, de sa pureté.

Oui, le Christ efface notre ardoise, remet les compteurs à zéro, ouvre une nouvelle page, blanche, devant nous. Mais son objectif, c’est de couvrir cette page nouvelle de promesses et de bénédictions. Notre feuille est recouverte, recto verso, d’écritures qui proclament l’amour de Dieu pour nous et ses projets glorieux avec nous.

Il y a donc deux facettes au salut : le rachat, la justification, la libération de ce qui nous écrase et nous aliène, ET l’adoption, l’entrée dans la plénitude de la vie avec Dieu, dès aujourd’hui et pour toujours.

Une adoption irrévocable, scellée par l’Esprit

Petite précision : dans l’antiquité, on pouvait déshériter ses enfants naturels s’il y avait un problème, mais c’était impossible de déshériter un enfant adoptif. Une fois qu’on l’avait adopté, c’était irrévocable. Irrévocable ! Impossible de revenir en arrière ! Donc si nous recevons avec foi le cadeau, la grâce, que le Christ nous fait, nous recevons à la fois le pardon et l’adoption, de manière irrévocable.

Le signe que nous sommes pardonnés et adoptés, c’est la présence de l’Esprit de Dieu dans notre vie, qui vient sceller notre lien avec Dieu.

Et quelle est la manifestation de sa présence ? Rien de bien extravagant ou spectaculaire… Simplement la possibilité d’appeler Dieu, « père », papa (abba en araméen). C’est le privilège du fils ou de la fille, cette intimité, cet accès prioritaire : Dieu n’est pas seulement notre Créateur, notre Roi – il est notre Père, celui que nous appelons pour raconter notre vie, pour demander conseil ou soutien, le modèle qui nous inspire. Celui qui est là, avec nous, et qui nous aime.

L’Esprit est dans notre cœur, c’est-à-dire en nous. C’est-à-dire que partout où nous allons, il est là. Pas seulement avec nous, mais en nous, indissociable de nous. Comme un tatouage intérieur, indélébile, qui nous accompagne chaque instant. Dieu par son Esprit est connecté à nous de manière irrévocable, peu importe là où nous allons – il n’est pas présent qu’à l’église, il est en nous, sur nos routes, dans notre cuisine, dans une file d’attente, ou quand nous sommes devant un écran.

Dieu a envoyé son Fils pour que nos dettes soient payées et que nous soyons libres d’entrer dans la vie avec Dieu. Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils, mais qui est aussi le sien, pour que nous ayons l’expérience de cette vie dans la présence de Dieu. Dieu le Père, le Fils et l’Esprit sont impliqués à 100%, non, à 300%, pour que nous soyons pleinement enfants de Dieu.

Vivre comme des enfants et non des esclaves

A la différence de nos parents humains, qui peuvent parfois être loin, physiquement ou émotionnellement, avec leurs propres failles, Dieu notre Père n’est jamais loin de nous : il est en nous son Esprit. Si vous vous sentez loin, que vous vous êtes éloigné de Dieu, et que vous voulez revenir : le chemin n’est pas long, car il vous a suivis… Il y a juste à tourner vos yeux vers lui, reprendre conscience de son amour pour vous en Christ, de son désir profond de vous transmettre le meilleur de sa vie. Certes, ce retour peut sembler long, mais c’est nous qui sommes lents : Dieu, lui, est déjà là. Peut-être triste de ce qui s’est passé, mais il est là, à portée de main, sa propre main tendue. Si vous avez eu du mal à prier récemment, ne vous mettez pas la pression pour créer une prière qui montera jusqu’au ciel : Dieu est déjà là, avec vous, par son Esprit, à vos côtés, toujours.

Et même si nous ne ressentons pas de distance avec Dieu en ce moment précis, cette vérité demeure : Dieu est déjà là. Par l’œuvre du Christ, par le lien de son Esprit, il est déjà là, avec nous, de notre côté, partout où nous allons, quoi que nous fassions, quoi que nous traversions.

En ce début d’année, nous n’avons aucune idée de ce qui nous attend, en bien ou en difficile, à titre personnel ou collectif. Pourtant, nous avons cette certitude : Dieu est là, avec nous, de notre côté. Quoi que nous ayons à traverser, il est déjà là, avec nous, prêt à nous donner le meilleur de ce qu’il possède, car il nous a choisis pour être ses enfants, de manière irrévocable.