Elie au mont Horeb: un Dieu bienveillant (Elie 3/4)

Remarque préliminaire: cette prédication a été composée sous forme de récit, du point de vue du messager de Dieu qui s’approche d’Elie.

Le texte biblique de référence est celui-ci: 1 Rois 19.1-18

Certains disent que je suis un ange… C’est une façon de voir! En fait, je fais simplement partie des messagers de Dieu. Mais pas comme les prophètes : je ne suis pas humain.

Comme d’autres messagers que vous connaissez peut-être (Michel ou Gabriel), j’ai été créé il y a très très longtemps, et les règles qui s’appliquent aux créatures terrestres ne me concernent pas : le temps, l’espace, la fatigue, je ne connais pas. Par contre, je sais beaucoup plus de choses que les humains : seul Dieu connaît toute chose, c’est vrai, mais disons que nous, les « anges », nous avons une vision panoramique des situations.

En tant que messager angélique, une de mes fonctions principales c’est de transmettre à d’autres créatures une parole, une vision, tout ce que Dieu m’envoie partager. Depuis le temps, je suis apparu à bien des personnes : aux patriarches du peuple d’Israël aussi bien qu’à des personnes en détresse – je vais là où Dieu m’envoie, comme un ambassadeur. Vous comprenez, Dieu est trop grand pour paraître devant ses créatures terrestres tel quel, sans filtre, dans toute sa gloire. Alors il nous envoie à sa place, mes collègues et moi.

Mais ce matin, je ne veux pas vous parler de moi. J’aimerais plutôt vous raconter la fois où Dieu m’a envoyé vers son prophète, Elie.

 

Quand je l’ai trouvé, c’était dans la steppe, tout au sud, au-delà des frontières d’Israël. Elie ressemblait à un homme comme celui-ci : il avançait doucement, les épaules basses, la tête courbée, comme s’il portait tout le malheur du monde sur son dos. Elie avait laissé son serviteur à Beershéba, la dernière ville habitée au sud d’Israël : tout seul, il entrait maintenant en territoire inconnu, non civilisé, un genre de zone de non-droit.

Vous vous demandez peut-être ce qu’il faisait là ? Aux dernières nouvelles, Elie avait remporté la victoire contre les prophètes païens dirigés par la perfide reine Jézabel ; sur le mont Carmel, il avait prouvé à tous – au peuple, au roi Achab… – que seul Dieu, Yahweh, est Dieu, et qu’il est le seul dieu digne d’être suivi et honoré. Elie était reparti en courant devant Achab, porté par un nouvel élan, l’espoir d’une nouvelle étape et d’un renouveau spirituel profond pour le peuple de Dieu.

Mais… Achab l’a trahi. Il a raconté tout ce qui s’était passé à sa femme Jézabel, qui a menacé Elie de le tuer dans la journée, puisqu’il avait fait éliminer les prophètes de sa religion à elle. Ce n’est pas la première fois que Jézabel veut faire tuer des prophètes de Dieu, Yahweh… Mais là, Achab a retourné sa veste, c’en est la preuve. Elie, voyant cela, est parti.

Elie s’assoit. Sous un genêt, en pleine chaleur. Le découragement pèse sur lui comme une canicule. J’aimerais savoir ce qu’il pense, mais je ne suis pas Dieu. Au bout d’un moment, Elie lève les yeux au ciel et s’adresse à Dieu : « Maintenant, Seigneur, j’en ai assez ! Reprends ma vie, je veux… Je veux mourir… » Il dit ça au Créateur ! Au Dieu vivant qui aime faire vivre ! Il ne s’agit pas de la simple baisse d’adrénaline que beaucoup expérimentent après un moment euphorique comme ce qui s’est passé au Carmel… Je sens qu’Elie est profondément dégoûté, dégoûté de la vie, désespéré devant le manque de résultats malgré l’énergie déployée.

Mais Elie n’a pas fini : « Reprends ma vie, car je ne suis pas meilleur que les prophètes qui m’ont précédé : j’y ai cru, j’ai cru que j’allais pouvoir faire revenir le peuple et le roi vers toi, mais leur obstination dans la rébellion est plus forte que mon zèle… non, je n’ai plus rien à faire ici, reprends ma vie ! »

Il se couche et s’endort, prêt à mourir.

 

 

Je m’approche de lui, je m’accroupis et, doucement, je touche son épaule : « Elie, Elie, réveille-toi ! Mange ! » A côté de lui sont apparus une cruche d’eau et des pierres chaudes sur lesquelles reposent des galettes : un pain primitif mais nourrissant. Elie ouvre les yeux, voit l’eau et le pain. Il se redresse, péniblement, lentement – quel contraste avec son énergie du Carmel ! Du bout des lèvres, il grignote une demi-galette, boit deux gorgées d’eau, et sans dire un mot, il se recouche, me tourne le dos et se rendort. Son visage n’a montré aucune surprise devant mon apparition ou celle de la nourriture : cet homme habitué aux miracles semble maintenant vide, sans élan ni vitalité. Il est complètement à plat. Son désespoir l’a rendu moribond.

Je sais que Dieu veut le convoquer au mont Horeb, l’autre nom du mont Sinaï, là où il est apparu au grand prophète Moïse, là où il a fait alliance avec son peuple après leur sortie d’Egypte. Mais Elie n’a pas l’air en état de se mettre en route… Je le contourne, je m’accroupis à nouveau et secoue son épaule : « Elie, Elie, mange et bois, car la route qui t’attend est longue ! » Il se réveille. Je le soutiens pour qu’il se relève, et j’insiste, malgré ses réticences, pour qu’il mange tout ce qu’il y a. Je sais qu’au-delà de ce pain et de cette eau, Dieu veut rassasier et désaltérer Elie pour le sortir de son désespoir.

Une fois le repas terminé, Elie semble en effet un peu requinqué. Pas vraiment débordant de vie, non, mais prêt à reprendre la route. Il se lève, et reprend sa marche vers le sud… Ma partie est finie. Au cas où, tout en restant invisible, je le suis sur sa route.

 

 

 

Il marche 40 jours, 40 nuits. Cela me fait penser aux quarante ans qu’Israel a passés dans le désert avant d’entrer dans le Pays Promis. Elie avance d’un pas régulier, machinalement, sans s’arrêter : le pain miraculeux l’a visiblement fortifié !

La montagne du Sinaï se dresse au loin. Elie s’avance, sans faiblir. Au bout de quelques jours, il finit par arriver, au crépuscule ; il grimpe jusqu’à une cavité dans laquelle il s’installe pour la nuit.

Au petit matin, une voix se fait entendre, comme un filet d’eau qui ruisselle sur le mur : « que fais-tu là, Elie ? »

Evidemment, c’est Dieu qui vient de parler ! Mais pourquoi pose-t-il la question, alors qu’il sait tout ? On dirait qu’il invite Elie à s’exprimer, à se décharger de son fardeau, à vider son sac…

Elie se redresse : « Oh, Seigneur, toi le Dieu de l’Univers… Comme toi, j’ai été rempli de passion, plein jusqu’à craquer de zèle pour te défendre ! Je ne supporte plus le comportement de ton peuple… Eux, ils ont rompu ton alliance, ils ont démoli tes autels, ils ont tué tes prophètes par l’épée. Et moi, moi, je suis resté tout seul… je me suis dressé contre leur impiété, pour les ramener à toi. Avec ton aide, j’ai fait des miracles… Je leur ai montré que tu es Dieu ! Et voilà, maintenant, ils veulent me tuer ! Pfff… Tout cela n’a servi à rien ! »

Elie est visiblement amer, déçu. Mais je ne sais pas ce qui le bouscule le plus : que le roi n’ait pas défendu Elie face à Jézabel ? Qu’il ait si vite renoncé à sa foi en Yahweh malgré le miracle spectaculaire au mont Carmel ? Ou que malgré tout ce qu’Elie a fait pour Dieu, tous les dangers encourus depuis 3 ans, Dieu n’ait pas assuré la suite ?

Je me demande comment Dieu va réagir. Dieu prend la parole, mais il répond à côté : « Elie, sors de la caverne, tiens-toi devant, car moi, le Seigneur, je vais passer devant toi. » Ha c’est comme avec Moïse ! A l’époque, Dieu avait dû cacher Moïse pour que sa présence glorieuse ne consume pas le prophète… Elie en a, de la chance : peu d’humains ont eu ce privilège… !

A ce moment-là, le vent se lève… un vent de tempête, à déraciner les arbres, un cyclone qui déchire la pierre sur son passage et décolle les rochers. Si Elie sortait maintenant, il serait emporté par ce tourbillon ! Ce vent, il dit bien la force de notre Dieu, insaisissable, libre, invisible mais tout-puissant.

Mais Dieu n’est pas dans le vent. Et le cyclone s’évapore.

Je sens alors un grondement, une vibration dans le sol : la terre tremble, se fend, tout bascule… Un être humain aurait bien du mal à tenir debout ! Face à notre Dieu, créateur du ciel et de la terre, tout tremble, même le plus minéral des sols. Lui seul est le fondement éternel sur lequel on peut s’appuyer.

Mais Dieu n’est pas dans le tremblement de terre. Et le grondement s’arrête.

Je ne comprends pas… pourquoi Dieu n’est-il pas dans ces manifestations spectaculaires qui rappellent tant sa force et sa gloire ?

Soudain, la roche devant la caverne s’embrase, et un grand feu jaillit. Comme le feu du mont Carmel, comme le feu qui appela Moïse dans le buisson ardent… Là, c’est sûr, Dieu est là ! Lumière, chaleur, pureté, objet de fascination et de crainte… Le feu nous parle si bien de Dieu !

Mais Dieu n’est pas dans le feu. Et la flamme s’éteint.

(respiration) Là, dans le silence et le vide, un murmure, un petit souffle ténu, même pas, comme la respiration d’un nourrisson qui dort. Elie comprend et il sort, en se cachant le visage devant Dieu : là, dans cette goutte d’air, là se trouve le grand Dieu des galaxies et des atomes. Je suis émerveillé : pourtant, en tant qu’ange, on pourrait croire que Dieu ne me surprend plus… mais si ! Lui, le Dieu si puissant, se révèle avec tant de délicatesse à Elie… Il lui donne ce qu’il peut recevoir, dans son découragement ; il lui donne ce qu’il a besoin de recevoir : après les grands miracles, le souffle de sa présence ordinaire, permanente, invisible et fidèle comme le souffle dans le corps.

Dans ce murmure, comme dans une bulle d’intimité, Dieu repose sa question, comme une invitation à la confidence : « que fais-tu là, Elie ? »

Mais Elie redit la même chose que tout à l’heure, mot pour mot, sur le même ton, obsédé par sa peine et sa déception – l’apparition de Dieu n’a rien changé.

 

 

 

Dieu écoute la plainte d’Elie. Il le laisse terminer. Quand il reprend la parole, ce n’est plus pour échanger, c’est pour le soulager. Il ordonne à Elie de refaire le chemin inverse, jusqu’au Nord d’Israël, pour aller consacrer Hazaël comme roi d’Aram – celui-ci vaincra Achab sur le terrain militaire, et il lui montrera que Dieu n’est plus de son côté. Elie doit aussi consacrer Jéhu comme roi d’Israël : une nouvelle dynastie remplacera celle d’Achab, peut-être un vrai nouveau départ, cette fois ! Et puisqu’Elie n’en peut plus d’être prophète, Dieu lui désigne un héritier : le jeune Elisée.

Elie n’est plus tout seul, il peut passer le flambeau, partager la charge… Il n’a plus tout sur ses épaules. Et puis, Dieu lui a montré qu’il était de son côté, que lui aussi était révolté par l’inconstance et l’ingratitude de son peuple.

Mais Dieu ajoute une remarque qui m’interpelle : il s’est gardé une part du peuple d’Israël, sept mille hommes fidèles qui n’ont jamais cédé devant Baal et qui ont persévéré dans la foi envers Yahweh. Alors qu’Elie se croyait seul, et revendiquait presque son statut de réformateur solitaire, Dieu lui rappelle que lui aussi est à l’œuvre… Qu’il a un plan et qu’il agit au niveau des autorités comme au niveau du peuple… Dans un sens, Elie avait perdu de vue l’œuvre globale de Dieu : tellement pris par son zèle, il avait négligé la foi discrète des autres et le plan global de Dieu. Et cela a ajouté au poids qui l’accablait.

Dieu élargit la vision d’Elie, et ce faisant il lui redonne une place équilibrée – et équilibrante: sa mission est importante, oui, mais tout ne dépend pas de lui – le prophète s’insère dans un plan à long terme que Dieu tient solidement dans sa main.

 

Elie repart.

Cet homme reste pour moi un mystère… Un homme excessif, passionné, provocateur et en même temps dévoué au Seigneur, capable de grandes choses, mais vulnérable à l’épuisement. Cet homme hors du commun, irrévérencieux, indomptable, Dieu l’a pris comme il est, quitte à le réorienter un peu. Quelle grâce… quelle grâce ! Notre Créateur si juste, pur et parfait, vient se mettre à la hauteur de ceux qu’il aime, il s’adapte à leur situation, avec justice et bienveillance. Non, ce n’est pas Elie le mystère, c’est Dieu ! Et j’ai l’éternité pour m’en émerveiller…




Elie au mont Carmel: un Dieu sans égal (Elie 2/4)

Pour la prédication, je vous invite à continuer la série commencée dimanche dernier, sur Elie, le prophète de l’AT qui a vécu environ 850 ans avant J.-C. à une époque où le peuple d’Israël glisse dans l’idolâtrie envers différentes divinités, sous l’influence de son roi Achab et de son épouse païenne Jézabel. Au top du panthéon, on trouve la divinité phénicienne Baal, dieu de l’eau, de la fécondité, de la réussite, et la déesse Ashera, sa femme.

Elie se dresse contre l’idolâtrie et annonce à Achab une sécheresse à durée indéterminée pour prouver que Baal est impuissant, et donc inexistant. Dans la troisième année, Dieu annonce à Elie qu’il va mettre fin à cette sécheresse, mais ça ne va pas se faire dans la discrétion car il y a beaucoup trop d’enjeux. Nous allons lire ensemble le récit de cette fin de sécheresse : le texte est assez long, trop percutant pour être coupé, donc je vais commenter au fur et à mesure, et je soulignerai brièvement deux ou trois pistes de réflexion à la fin.

Elie fait venir à lui le roi Achab.

Lecture biblique : 1 R 18.16-46

16 Achab vint à la rencontre d’Élie, 17 et dès qu’il le vit, il lui dit : « Te voilà, toi qui amènes le malheur sur le peuple d’Israël ! » 

Oui, puisque c’est Elie qui a provoqué la situation en annonçant la sécheresse 3 ans plus tôt.

18 Élie répondit : « Ce n’est pas moi qui ai amené le malheur sur Israël ; c’est toi et ta famille, parce que vous avez refusé d’obéir aux commandements du Seigneur et que vous avez adoré les dieux étrangers. 19 Mais maintenant, envoie des messagers. Qu’ils rassemblent tout le peuple d’Israël autour de moi, sur le mont Carmel, avec les 450 prophètes du dieu Baal et les 400 prophètes de la déesse Achéra, qui sont les protégés de la reine Jézabel. »

20 Achab fit convoquer toutes les tribus d’Israël, de même que les prophètes, sur le mont Carmel. Quand ils furent rassemblés, 21 Élie s’avança devant tout le peuple et dit : « Quand cesserez-vous de sautiller tantôt sur un pied, tantôt sur l’autre ? Ou bien c’est le Seigneur qui est Dieu, alors rendez un culte au Seigneur ! Ou bien c’est Baal qui est le vrai Dieu, alors rendez un culte à Baal ! » Mais personne dans le peuple ne répondit.

Le mont Carmel se situe quasiment à la frontière entre Israël et la Phénicie au Nord (Liban actuel). Symboliquement, c’est le lieu idéal pour confronter le peuple à son idolâtrie. Notez que l’idolâtrie, ce n’est pas forcément exclusif (ou bien ceci, ou bien cela) : le peuple passe de l’un à l’autre, sautille de l’un à l’autre. Il n’a pas complètement abandonné Dieu, mais il incorpore d’autres croyances, il fait sa sauce. Pourquoi c’est de l’idolâtrie ? Parce que Dieu s’engage à 100% avec son peuple, et il attend la réciproque. Dans un autre contexte, prenez une femme mariée : elle vit avec son mari, puis elle prend un amant, tout en continuant de vivre avec son mari – on est d’accord qu’elle le trompe ?! La foi pure, ce n’est pas seulement croire en Dieu, mais lui donner la place qui lui revient, sans compromis.

Le peuple ne répond pas, sûrement un aveu de culpabilité.

Plus que de les inviter à se positionner, Elie veut surtout leur prouver une fois pour toutes que seul Dieu est Dieu, que les autres ne sont que des statues insensibles et impuissantes. Et pour cela, il propose un défi.

22 Élie reprit : « Moi je reste seul comme prophète du Seigneur, tandis que les prophètes de Baal sont au nombre de 450. 23 Donnez-nous deux taureaux : les prophètes de Baal en choisiront un, qu’ils découperont et placeront sur du bois pour l’offrir en sacrifice, mais sans allumer le feu. Je préparerai l’autre, et je le placerai sur du bois, mais je n’allumerai pas non plus le feu. 24 Ils prieront leur dieu, et moi je prierai le Seigneur. Le dieu qui répondra en allumant le feu, c’est lui qui est Dieu ! »

Tout le peuple répondit : « Nous sommes d’accord ! » 

Le défi est simple : chaque camp offre un sacrifice, que son dieu doit consumer – Baal était le dieu de l’eau, mais aussi de l’orage, donc l’idée que la foudre vienne consumer l’offrande est plausible.

Elie est face à 450 + 400 prophètes païens. Il provoque les prophètes de Baal, mais les autres sont là aussi. Seul face à 850 prophètes! Elie est tellement sûr de lui, sûr de Dieu, qu’il n’hésite pas à affronter la foule, s’appuyant sur un principe formulé par Coluche : « C’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison ». N’empêche que pour se dresser ainsi contre le nombre, les institutions, le système, il en faut, du courage, et surtout, cette conviction que Dieu en vaut la peine !

Elie est tellement sûr de lui qu’il leur donne l’avantage.

25 Élie dit aux prophètes de Baal : « Choisissez l’un des taureaux et préparez-le, vous les premiers, puisque vous êtes les plus nombreux ; ensuite priez votre dieu, mais n’allumez pas le feu. »

26 Ils prirent le taureau qu’on leur présenta, ils le préparèrent, puis ils prièrent Baal depuis le matin jusqu’à midi : « Baal, réponds-nous ! » disaient-ils, et ils dansaient en sautillant autour de l’autel qu’ils avaient construit ; mais ils ne reçurent pas un mot de réponse. 

27 Vers midi, Élie se moqua d’eux, en disant : « Criez plus fort ! Puisqu’il est un dieu, il est très occupé ; ou bien il a une obligation urgente, ou encore il est en voyage ; peut-être qu’il dort, et il faut le réveiller ! » 

28 Ils crièrent plus fort ; selon leur coutume, ils se blessèrent avec des épées et des lances, jusqu’au sang. 29 Quand midi fut passé, ils appelèrent Baal avec encore plus d’excitation, jusqu’à l’heure où l’on offre le sacrifice de l’après-midi, mais ils ne reçurent aucune réponse : ni un mot ni un signe !

Les prophètes de Baal ont beau avoir le temps, il ne se passe rien. Leur « dieu » ne répond pas. Elie les provoque, et c’est la surenchère, jusqu’à ce que ça devienne vraiment gore. Les entailles, c’était une pratique courante dans la religion de Baal : Baal était censé apporter la vie par l’eau, et ses adorateurs pensaient qu’en période de sécheresse il était mort. Du coup, rituellement, à la fin de la saison sèche, ils se blessaient pour s’identifier à sa mort et « l’aider » à revivre. Le sang qui coulait devait aussi provoquer le ruissellement de l’eau.

Le Dieu de la Bible, lui, interdit ce genre de pratique, non seulement inutile mais aussi moribonde.

C’est au tour d’Elie :

30 Alors Élie invita tout le peuple à s’approcher de lui ; quand ils se furent approchés, Élie se mit à réparer l’autel du Seigneur, qui avait été renversé. 31 Il prit douze pierres, nombre correspondant aux douze tribus des descendants de Jacob – à qui le Seigneur avait déclaré : « Tu t’appelleras désormais Israël ». 32 Avec ces pierres, il reconstruisit l’autel appartenant au Seigneur. Il creusa, tout autour de l’autel, un fossé pouvant contenir une trentaine de litres ; 33 il disposa du bois sur l’autel, puis découpa le taureau et plaça les morceaux sur le bois. 34 Il ordonna ensuite à ceux qui étaient là : « Remplissez quatre cruches d’eau, et versez-les sur le sacrifice et sur le bois. » Ils le firent. Élie reprit : « Faites-le une deuxième fois. » Ils le firent. « Faites-le une troisième fois », ajouta-t-il. Et ils le firent. 35 L’eau coula tout autour de l’autel et remplit même le fossé.

Vous remarquez : Elie s’ajoute une difficulté en versant de l’eau partout. Du côté des symboles : douze pierres, douze cruches versées – c’est comme un renouvellement de l’alliance entre Dieu et son peuple.

36 À l’heure où l’on présente à Dieu le sacrifice de l’après-midi, le prophète Élie s’avança et dit : « Seigneur, Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, montre aujourd’hui que c’est toi qui es Dieu en Israël, que je suis ton serviteur, et que c’est sur ton ordre que j’ai fait tout cela. 

37 Réponds-moi, Seigneur, réponds-moi, afin que ce peuple sache que c’est toi, Seigneur, qui es Dieu, et tu le ramèneras ainsi à sa fidélité d’autrefois ! » 

Un homme, debout. Pas de rituel particulier. Une prière simple, droit au but, centrée sur Dieu et sur le désir de le servir.

38 Le Seigneur fit alors descendre du feu, qui brûla le sacrifice, le bois, les pierres et la poussière, et qui fit évaporer l’eau du fossé.

39 Lorsque les Israélites virent cela, ils s’inclinèrent tous jusqu’à terre, puis ils se dirent : « C’est le Seigneur qui est Dieu ! C’est le Seigneur qui est Dieu ! »

Quel contraste ! Après l’échec cuisant des prophètes de Baal, Dieu révèle la puissance de son feu, de sa présence, de sa force. La victoire de Dieu dans ce défi est éclatante : au foot, ce serait un 12-0 ! Israël ne peut que reconnaître qu’entre les deux camps, aucune comparaison n’est possible : Dieu seul est vivant, fort, digne d’être reconnu et suivi. Le reste, c’est du vent.

40 Élie leur dit : « Saisissez les prophètes de Baal, qu’aucun d’entre eux ne s’échappe ! » Ils les saisirent tous, Élie les fit descendre jusqu’au bord du torrent de Quichon, et là, il les fit égorger.

Conclusion sanglante : le massacre des faux prophètes. Nous aurions sûrement préféré une version moins violente (ramener les prophètes à la frontière p. ex. ou les emprisonner). Elie ne fait pas dans la dentelle, on le voit ici : il est sûrement rempli d’adrénaline, après ce qui vient de se passer. Pour lui, c’est sûrement plus clair d’éliminer visiblement tout souvenir du culte à Baal – même s’il y a des dommages collatéraux. Et puis, n’oublions que Jézabel, la reine païenne, a elle-même voulu massacrer les prophètes juifs, qui ont dû se cacher pour survivre. Sans justifier ce débordement de violence, on sent bien qu’on est dans un environnement où la nuance et la délicatesse n’ont pas trop leur place.

Bon, Dieu a prouvé qu’il est Dieu, mais – et la sécheresse ?

41 Ensuite Élie dit à Achab : « Va manger et boire, car j’entends le bruit de la pluie. »

42 Achab alla manger et boire ; mais Élie se rendit vers le sommet du mont Carmel, où il s’inclina jusqu’à terre, le visage entre les genoux. (pour prier)

43 Il dit à son serviteur : « Monte regarder du côté de la mer. » Le serviteur monta, regarda et revint dire : « Il n’y a rien du tout. » À sept reprises, Élie l’envoya regarder. 

44 La septième fois, le serviteur déclara : « Il y a un petit nuage qui monte de la mer. Il n’est pas plus grand que la main ! » Alors Élie lui ordonna : « Va dire à Achab d’atteler ses chevaux, et de redescendre, avant que la pluie le retienne. »

45 Les cieux devinrent de plus en plus sombres à cause des nuages, le vent se leva, et une forte pluie se mit à tomber, tandis que le roi Achab, sur son char, rentrait à Jizréel. (sûrement  son palais secondaire) 46 Élie attacha sa ceinture pour partir, et, rempli de force par le Seigneur, il courut devant le char d’Achab, jusqu’à l’entrée de Jizréel. (environ 40 km)

Un triomphe pour le prophète Elie

Avec l’épisode du mont Carmel, on est au sommet de la carrière d’Elie, avec cet évènement incroyable, du grand spectacle, beaucoup d’enjeux et d’intensité : c’est comme un point de bascule, il y a un avant et un après, Dieu s’est manifesté sans ambiguïté.

Elie est tellement porté par ce qui vient de se passer, et par la présence de Dieu, qu’il termine la journée sur un marathon. On est vraiment dans la victoire, le triomphe – en contraste total avec les 3 ans où Elie a dû se cacher dans le désert et à l’étranger. Il est sur son petit nuage (ou plutôt un gros !). Tout semble possible, on repart sur de bonnes bases, avec le Seigneur : il pleut, mais l’horizon est lumineux pour Elie et le peuple.

Deux divinités

J’aimerais juste revenir sur l’opposition entre Baal et Dieu. Baal c’est l’idole-type : beaucoup de promesses, tout un système qui soutient la croyance, mais derrière c’est du vent, du non-sens. On trouve autour de nous de telles idoles, soutenues par de la publicité attractive, par un discours bien rodé, et par un système qui en profite (comme les 450 prophètes entretenus par la cour…) : autour de la (sur)consommation, de l’argent, de la sexualité, le business du développement personnel etc. Et en tombant dans le panneau, on est pris dans un engrenage qui exige plus de nous qu’il ne donne.

En face, le Dieu de la Bible, le Dieu d’Israël : réel, attentif (il ne dort pas, lui), puissant – au-delà des mots et des argumentations. Et à la différence des idoles qui nous vident de notre énergie dans une poursuite sans fin, au point qu’on se dégrade et qu’on y perd notre santé, notre âme, Dieu ne demande pas qu’on se sacrifie pour lui. C’est lui qui se sacrifie pour nous, en Christ. C’est lui qui s’identifie à notre mort, sur la Croix, pour que nous puissions recevoir sa vie, sa vie éternelle. Dieu nous montre sa puissance, pas pour nous impressionner, mais pour nous conduire dans sa vitalité.

La nécessité de faire un choix

J’ai dit que Dieu ne nous demande pas de sacrifice. Ce n’est pas tout à fait vrai (mais ce n’est pas faux !). En Christ, il se donne lui-même en sacrifice parfait. Et il nous demande de répondre en lui offrant notre vie en sacrifice – pas un sacrifice sanglant, mais en réalité une offrande, un cadeau : notre reconnaissance, notre amour sincère et pur, notre investissement dans la vie avec lui, sans compromis.

Et cette reconnaissance, cette foi, passe par le rejet des autres croyances, des compromis, des systèmes bien ficelés mais qui reposent sur du vent. Nous sommes souvent comme les Israélites : un peu doubles, à sauter d’un pied sur l’autre, à compter sur Dieu ET… notre force, notre intelligence, nos envies, nos ressources, notre réseau, notre statut… Si Dieu est Dieu, s’il est vraiment vivant et puissant et bon et impliqué, qu’est-ce qui peut se comparer à lui ? Pourtant nous sommes souvent pris dans la duplicité, le compromis, et l’interpellation d’Elie au peuple nous pique encore aujourd’hui : il faut faire un choix ! Autant de fois que c’est nécessaire… Et l’exemple d’Israël est encourageant : même si le peuple s’est gravement éloigné, Dieu est suffisamment puissant pour le rejoindre et se montrer à lui.




Elie et les corbeaux : un Dieu fidèle (Elie 1/4)

Comme chaque année, je vous propose pour juillet une petite série de l’été, centrée cette fois sur le prophète Elie, un prophète juif du 9e s. av. J.-C. Le prophète Elie est un personnage haut en couleurs, qui n’a pas laissé d’écrit mais qui a marqué les esprits au point qu’il est souvent mis sur le même plan que Moïse, le prophète fondateur. Elie est même devenu, dans le judaïsme plus tardif, jusqu’à l’époque de Jésus et au-delà, un genre de modèle du sauveur que les croyants attendent. Plus tard, Jésus sera ouvertement comparé à Elie par ses contemporains.

Quelques mots du contexte historique avant d’explorer ses premiers pas.

Elie intervient dans un contexte extrêmement défavorable.

Nous sommes environ 100-150 ans après le règne du roi David, premier vrai roi du peuple d’Israël. Depuis David, et son fils Salomon, des querelles politiques ont divisé le pays en deux : au sud, avec Jérusalem, deux tribus, au nord, avec Samarie comme capitale, 10 tribus.

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Le problème, c’est qu’au niveau spirituel, il n’y a qu’un seul temple pour adorer le Dieu unique, (Yahweh : j’utilise le nom Yahweh mentionné à Moïse pour clarifier) – et ce temple est à Jérusalem. Alors le gouvernement du Nord décide de créer son propre lieu de culte à Yahweh, mais très vite, ça dérape et la foi envers Dieu Yahweh se mélange avec d’autres croyances venues de l’étranger. Le peuple de Dieu, au lieu d’être une lumière pour le monde, au lieu d’être un témoin de la bonté de Dieu, se laisse embourber dans les mensonges et les illusions des religions alentours.

On en arrive au règne du roi Achab, à qui Elie va s’opposer (cf. 1 R 16.29-33) parce qu’Achab fait pire que tous ses prédécesseurs. Il plonge sans réserve dans le culte aux dieux étrangers, sûrement influencé par son épouse, la princesse Jézabel, venue de Phénicie. Dans son Panthéon, on trouve en particulier Baal  – le dieu phénicien de l’eau, et donc de la fertilité, de l’agriculture… Vous vous doutez que pour un peuple d’agriculteurs éleveurs en terre aride, la tentation est grande ! Baal a tellement d’importance dans cette région qu’il est considéré comme le Dieu qui donne la vie : cette croyance entre en rivalité directe avec la foi en Dieu Yahweh, le créateur, le sauveur, la source unique de la vie. Concrètement, cela conduira l’arrêt du culte rendu à Yahweh, et la persécution de ceux qui lui restent fidèles.

Lecture biblique : 1 R 17.1-9

1 Élie, un habitant du village de Tichebé, en Galaad, dit au roi Achab : « Aussi vrai que le Seigneur est vivant, lui le Dieu d’Israël dont je suis le serviteur, voici ce que je te déclare : “Il n’y aura ces prochaines années ni rosée ni pluie, sauf si je le demande !” »

2 Puis la parole du Seigneur fut adressée à Élie : 

3 « Pars d’ici, lui dit-il, va vers l’orient, et cache-toi près du torrent de Kerith, près du Jourdain. 4 Là, tu trouveras à boire au torrent, et je donnerai l’ordre aux corbeaux de t’apporter de la nourriture. » 

5 Élie fit ce que le Seigneur lui avait dit ; il alla s’installer près du torrent de Kerith. 6 Les corbeaux lui apportaient du pain et de la viande matin et soir, et il buvait l’eau du torrent.

7 Mais au bout d’un certain temps, le torrent fut à sec, parce qu’il n’avait pas plu dans le pays. 8 Alors la parole du Seigneur fut adressée à Élie : 

9 « En route, lui dit-il, va dans la ville de Sarepta, qui appartient à Sidon, pour y habiter. J’ai commandé à une veuve de là-bas de te donner à manger. »

Là, la veuve prend soin de lui, et Elie prend soin d’elle au nom de Dieu : il va même faire revenir à la vie son jeune fils, prouvant ainsi que le vrai Dieu de la vie, c’est Yahweh !

Cette sécheresse va durer à peu près 3 ans (cf. 1 R 18.1).

 

1/ Un réveil douloureux

Elie se présente chez le roi Achab pour attaquer là où ça fait mal… Puisque Baal est censé être le Dieu de l’eau, de la fécondité et de la vie, Elie lance un défi précisément à ce sujet en annonçant la sécheresse. A l’époque, il y avait déjà des périodes de sécheresse, souvent de quelques mois : Elie a en tête quelque chose de beaucoup plus long, qui montrera au roi – et au peuple ! – que malgré tous les sacrifices offerts à Baal, ce dernier sera impuissant à faire revenir l’eau en Israël.

L’objectif d’Elie, c’est de réveiller : réveiller le roi, réveiller le peuple, briser leurs illusions et leurs superstitions pour qu’ils reviennent à Dieu, le vrai Dieu, le seul qui puisse prendre soin d’eux.

Or ce réveil est un réveil douloureux. On pourrait imaginer que Yahweh déboule avec toute sa gloire et sa majesté pour prouver que Baal n’est qu’une statue, une vue de l’esprit et en quelque sorte, forcer le peuple à reconnaître que seul Dieu est Dieu. Il y aura un événement de cet ordre-là dans le ministère d’Elie, mais on verra ça la semaine prochaine, « dans 3 ans ». Pour l’instant, Dieu ne se montre pas, et la sécheresse va simplement révéler le manque de consistance du Dieu Baal, qui ne peut rien faire pour remédier au problème.

C’est un réveil douloureux parce que, qui dit sécheresse, dit manque d’eau, manque de récoltes (arbres fruitiers, arbustes, champs) manque de pâturages et d’eau pour les bêtes – c’est la famine qui menace.

Le réveil se fait en deux temps : d’abord Israël doit subir le manque, l’absence, la ruine de ses habitudes et de ses illusions, avant que la vérité ne soit rétablie et éventuellement que l’abondance revienne. Or le chemin vers la vérité passe souvent par ces deux étapes : d’abord l’échec des illusions, des mensonges, avec une période de perte, de confusion, de manque – comme s’il fallait faire de la place pour pouvoir accueillir la vérité, le salut, la justice… Et cette période peut ressembler à un désert, aride, desséché, vide, un lieu de manque et d’errance.

Dans l’Ancien Testament, il y a des déserts à chaque fois que le peuple chemine vers la vérité et la vie abondante avec Dieu : le désert entre l’Egypte et la Terre Promise, le désert créé par la sécheresse pour revenir à lui, le désert que représentera l’exil une centaine d’années plus tard pour revenir encore à Dieu. Ces déserts, nous les vivons nous aussi parfois quand se brise l’une des illusions qui fait obstacle entre Dieu et nous : avant de gagner, nous perdons ; avant le soulagement et la paix, il y a cette période de confusion, d’errance, de vide où nous lâchons ce qui nous rassurait pour pouvoir nous accrocher. Parfois, comme à l’accrobranche, on s’accroche avant de lâcher, mais parfois, comme dans cet épisode de sécheresse, on doit tout lâcher avant de trouver un nouveau point d’appui. C’est déstabilisant, douloureux, mais ce « désert », ce dénuement, nous prépare à recevoir ce que Dieu nous transmettra.

          2/ Dieu, celui qui prend soin par des moyens improbables

On n’a pas la réponse du roi à ce que lui annonce Elie : s’est-il dit qu’il était devant un illuminé ? A-t-il continué de croire en Baal ? S’est-il un peu inquiété ? En tout cas, Dieu propose à Elie de se cacher : nul doute qu’au bout d’un certain temps, Achab allait être forcé de prendre au sérieux la parole d’Elie.

Malgré les miracles, notez qu’Elie le prophète subit, au moins en partie, les conséquences de la sécheresse ! Il n’est pas envoyé vers une oasis paradisiaque, il est coincé dans un canyon où les corbeaux sont ses seuls visiteurs – pendant des mois ! Il est solidaire de ce qui se passe autour de lui, il en souffre certainement, ce n’est pas facile, mais Dieu prend suffisamment soin de lui pour lui permettre de traverser cette période. Et quand le plan A ne fonctionne plus, Dieu propose alors un plan B.

Et il le fait en passant par des moyens improbables, impossibles à prévoir : qui penserait être nourri par des oiseaux ? ou par une illustre inconnue de l’autre côté de la frontière qui est au bout de ses réserves ? C’est improbable… et tellement typique de Dieu ! Sur notre chemin, Dieu prend soin de nous souvent en utilisant, peut-être pas des corbeaux, mais des moyens improbables, des coïncidences impossibles, des inconnus,…

Et cela devrait nous encourager : quoi que nous devions traverser, même si nous, nous ne voyons pas d’issue ou de stratégie possible, Dieu lui a plein d’idées, il a un, non, des plans pour nous soutenir et nous aider à avancer. Alors on peut lui faire confiance, on peut avancer, jour après jour, en comptant sur lui : il est le Dieu des corbeaux, le Dieu des solutions improbables…

 

          3/ L’initiative d’Elie

Ça, c’est ce que le texte dit. Mais regardons ce qu’il ne dit pas : v.1 rien ne dit que Dieu a poussé Elie à aller voir Achab. Habituellement, avant toute mission de prophète, on a un indice que Dieu est à l’origine de la mission. Là, Elie n’est pas présenté comme un prophète, c’est un habitant de la région, qui se présente chez Achab. D’ailleurs, Elie ne prétend pas avoir été envoyé : il évoque sa foi en Dieu, Yahweh, le Dieu vivant, et il dit que la sécheresse s’arrêtera à la parole d’Elie. C’est clairement sa décision.

Comme pour bien souligner que Dieu n’a pas pris la parole en amont, le texte donne ensuite v.2 et v.8 la précision explicite que là, Dieu parle à Elie.

Elie est un homme haut en couleurs : on pourrait presque dire qu’il force la main à Dieu, qu’il lance un défi que seul Dieu peut relever (pour bloquer la pluie). On a l’impression que Dieu ne lui a rien demandé, mais qu’Elie n’en peut plus des mensonges, et qu’il donne un coup de pied dans la fourmilière. Il bout, il explose, et… Et Dieu le rattrape. Dieu a vu, derrière le côté impétueux et un peu maladroit d’Elie, il a vu le zèle, la confiance, l’intégrité… Et il répond présent, il honore la démarche d’Elie, il rattrape le coup et il prend soin de lui.

Je suis convaincue que la meilleure façon de vivre sa foi, c’est d’agir en suivant l’initiative de Dieu : c’est l’idéal ! Attendre ses instructions, ou prier pour recevoir une direction. Cela dit, l’exemple d’Elie nous rassure pour toutes les fois où on se lance tête baissée sur une route dangereuse, qu’on oublie de demander l’avis du Seigneur et qu’on se retrouve coincé, débordé ou perdu : Dieu ne bénit pas seulement ceux qui agissent selon le bon protocole, ceux qui respectent bien toutes les étapes – dans sa grâce, il nous rattrape, même si nous n’avons pas suivi le chemin idéal. Et il peut même transformer ces situations en opportunités extraordinaires, comme il fera avec Elie, par qui il fera bien des miracles, il montrera sa puissance, il parlera avec vigueur. Tout ça, avec un homme qui s’est lancé tout seul, un peu maladroitement, mais qui aimait Dieu. Ce n’est pas un parcours idéal, mais Dieu fait avec, et il fait de grandes choses.

 

Conclusion

Alors j’aimerais simplement retenir de ce texte l’appel à la confiance en Dieu : Dieu est le seul vrai Dieu, il nous appelle à lui, il nous appelle à laisser de côté les croyances parasites pour lui donner la place qui lui revient. Et dans ce processus, qui peut être douloureux, Dieu nous accompagne, il prend soin de nous, il compense nos maladresses. Et ce qui est vrai pour cette démarche l’est dans le reste de notre vie, dans nos déserts, nos cheminements. Alors quoi que vous traversiez, soyez encouragés à faire confiance à Dieu, car il est le Dieu vivant, puissant, et il est résolument à vos côtés.




Qu’est-ce que l’Eglise ?

Qu’est-ce que l’Église ?

Est-ce un lieu où admirer des architectures spectaculaires ? Une de ces grandioses cathédrales ? Un bâtiment comme celui on se trouve ? Une grande institution religieuse aux casseroles historiques bruyantes ? Une dénomination, une organisation mondiale ? Certains penseront à l’image d’une grande famille, d’un corps social, … Parmi nos contemporains mais aussi parmi les chrétiens, la réponse à cette question est souvent confuse.

Pour nous aider un peu, on va lire une lettre. L’apôtre Pierre a écrit une lettre à une Eglise de Turquie au Ier siècle. Une lettre que vous avez minutieusement étudié avec Florence et Vincent il y a 2ans. Mais nous allons nous concentrer sur un court passage, celui au chapitre 2, les versets 4 à 10. C’est le passage le plus riche de toute la Bible en ce qui concerne l’Église. Raison pour laquelle il me sera impossible d’en expliquer toute la richesse, et encore moins en 20 minutes… Mais il y aura déjà de quoi s’émerveiller. Voici ce que l’apôtre Pierre écrit :

4Approchez-vous du Seigneur, la pierre vivante rejetée par les êtres humains, mais choisie et précieuse aux yeux de Dieu. 5Laissez-vous bâtir, vous aussi, comme des pierres vivantes, pour construire un temple spirituel. Vous y formerez une communauté de prêtres appartenant à Dieu, vous lui offrirez des sacrifices spirituels, qu’il accueillera avec bienveillance par Jésus Christ. 6Car il dit dans l’Écriture :
« Voici que je place en Sion une pierre d’angle ; je l’ai choisie, elle est précieuse, et celui qui met sa foi en elle ne sera jamais déçu. » 7Cette pierre est d’une grande valeur pour vous, les croyants ; mais pour les incroyants, comme le dit l’Écriture : « La pierre que les bâtisseurs ont rejetée est devenue la pierre d’angle. » 8Et ailleurs, il est dit encore : « C’est une pierre qui fait trébucher, un rocher qui fait tomber » Ces personnes trébuchent parce qu’elles refusent d’obéir à la parole de Dieu, et c’est ce qui devait leur arriver.
9Mais vous, vous êtes la lignée choisie, la communauté royale de prêtres, la nation qui appartient à Dieu, le peuple qu’il a fait sien. Il vous a appelés à passer de l’obscurité à son admirable lumière, afin que vous alliez annoncer ses œuvres magnifiques. 10Autrefois, vous n’étiez pas un peuple, maintenant vous êtes peuple de Dieu ; autrefois, vous étiez privés de bonté, mais maintenant la bonté de Dieu vous a été accordée.
 

1. L’Église comme la continuité du plan de Dieu

L’apôtre Pierre connaît très bien les Écritures. Il est pétri des écrits juifs, c’est-à-dire la Bible hébraïque. Et il a été disciple de Jésus : lorsque Jésus expliquait le sens des Écritures, avant et après sa résurrection, la manière dont les Écritures l’annonçait lui comme le Messie divin, Pierre était là. Et dans ses lettres comme dans ses prédications, à son tour, Pierre explique le sens des Écritures aux croyants et aux non-croyants.

Pierre fait d’abord comprendre que l’Église est dans la continuité du plan de Dieu. Qu’est-ce que ça signifie ? L’Église est le projet de Dieu. L’Église a toujours fait partie du plan de Dieu pour sauver l’humanité de son mal. L’Église n’est pas le plan B, parce que le plan A avec l’Israël ethnique n’avait pas fonctionné. L’Église n’est pas une parenthèse dans l’histoire du salut.

L’Église a été choisie, prévue dans le dessein de Dieu dès avant la fondation du monde.

L’Église est ce projet, grandiose, éblouissant, qui ne pouvait être imaginé que par Dieu par amour pour l’humanité…

Pierre cite textuellement des versets de la Bible hébraïque (Ps 118.22 ; Es 28.16 ; Es 8.14). Et ces citations désignent une pierre d’angle, de fondation, pierre vivante. Cette pierre sera rejetée par les humains mais choisie et précieuse aux yeux de Dieu. Qu’est-ce que ça signifie ?

A. L’Église est un Temple pour Dieu.

Ces passages annoncent la même personne à venir. Dans chacun des contextes de ces versets, que je vous encourage à étudier personnellement, malgré les menaces d’attaques, de persécutions, ou la corruption de son peuple, des croyants, Dieu reste. Dieu promet qu’il délivrera ceux qui ont confiance en lui. Il promet le tri entre ceux qui le connaissent et ceux qui ne le connaissent pas, de malgré tout envoyer un Sauveur appelé « Dieu avec nous ». Dieu a toujours promis qu’il rétablirait sa relation personnelle et intime avec son peuple, avec les croyants. Et il le ferait en plaçant cette fameuse pierre d’angle au milieu d’eux.

La pierre vivante, rejetée par les humains mais choisie et précieuse aux yeux de Dieu, c’est Jésus-Christ. Étrange comme image. Pourquoi la Bible parle-t-elle de Christ comme d’une pierre d’angle ?

Une pierre d’angle, c’est une pierre robuste placée entre deux murs pour les unir solidement l’un à l’autre. Waw ! Dieu le Père a choisi son Fils unique pour être cette pierre d’angle entre lui et nous. Jésus-Christ est le réconciliateur des Juifs avec l’Éternel Dieu. Bien plus, Jésus-Christ est le réconciliateur de l’humanité avec Dieu. Si nous plaçons notre confiance dans ce que la Bible dit de lui, alors nous sommes unis, réconciliés dans notre relation à Dieu pour toujours.

Et cette relation restaurée prend tout son sens lorsqu’on considère ce qu’est la construction bâtie sur la pierre d’angle. C’est un nouveau Temple qui est bâti sur Jésus-Christ. Un nouveau lieu où adorer Dieu, où s’adresser et communiquer avec Dieu de manière intime. Un lieu où lui offrir notre reconnaissance, où lui demander son pardon pour notre mal. Cette nouvelle construction, ce nouveau Temple, c’est l’Église.

Christ a commencé à bâtir son Église. Il en est le fondateur et la fondation.

Donc vous comprenez bien que le mot « Église » pour désigner un simple bâtiment n’a pas de sens… Non, l’Église est cet ensemble de chrétiens authentiques qui ont désormais accès à une relation de cœur à cœur avec Dieu.

Ici et maintenant, nous sommes Église. Nous ne sommes pas un rassemblement quelconque de bonnes personnes. Nous ne sommes un groupe réunis pour partager nos valeurs communes. Nous ne sommes pas un club. Nous ne sommes pas une association. Nous sommes Église, fondée par et sur Jésus-Christ. Nous sommes Église dont Christ continue de prendre soin et de bâtir…

L’Église est cet ensemble de « pierres vivantes » formant un temple spirituel où Dieu parle et reçoit ce que nous lui apportons : reconnaissance, fardeaux, maux, ferveur, nos mains vides … Plus besoin de prêtres pour prier à notre place, nous représenter. Notre seul médiateur est Jésus-Christ. Par Christ seul, chacun de nous peut parler avec Dieu en cœur à cœur.

Lorsque les Judéens reconstruisaient le Second Temple à l’époque de Zacharie, tous criaient en voyant la pierre de fondation « Qu’elle est belle, qu’elle belle ! ». A Christ, nous pouvons crier de la même façon notre reconnaissance pour cette pierre solide, inébranlable et unificatrice qu’il est pour nous. “Qu’elle est belle cette fondation, grâce, grâce pour elle !”.

Mais l’Église ne se résume pas à notre petite réalité, à notre assemblée à l’EELT.

Il y a Église PARTOUT où des personnes ayant placé leur foi en Christ seul, ayant reçu l’Esprit de Dieu sont réunis.

Mais l’Église est aussi cette réalité invisible de l’ensemble des chrétiens unis par la même foi, unis par le même Sauveur et Seigneur, unis par le même Esprit-Saint. Ça en fait du monde depuis la création de l’Église  en l’an I ! L’Église de Christ est ainsi intergénérationnelle, interculturelle, internationale, interdénominationnelle ! Waw, le vertige !

B. L’Église est le peuple de Dieu.

Pierre cite aussi un passage de l’Exode, Ex 19.5-6. Cet épisode est celui où le peuple est sorti d’Égypte. Et là, Dieu l’appelle au milieu du désert pour lui parler, pour conclure une alliance avec lui, pour lui faire porter sa gloire, pour lui transmettre sa volonté. Vous vous souvenez ?

Eh bien, Pierre dit par là que l’Église est ce nouveau peuple de Dieu. L’Église est cette assemblée de de personnes que Dieu s’est acquis, qu’il a libéré de l’esclavage du péché, de notre mal.

L’Église est ce nouveau peuple appelé à l’écart pour l’écouter, parler avec lui, témoigner de lui au milieu des incroyants et transmettre sa volonté.

Dieu s’est acquis ce nouveau peuple par son sacrifice à la croix en Jésus-Christ. Il avait prévu et promis ce nouveau peuple, dont les membres proviendraient de tout pays, de toute culture, de tout arrière-plan ! Un peuple unis par la même foi, le même Sauveur et Seigneur, et le même Esprit.

Notre Dieu en Jésus-Christ nous a retiré de l’obscurité dans laquelle on vivait sans le connaître. Il nous a libéré de cette vie où l’on est esclave de tant de choses… Mais surtout de notre propre mal intérieur. Christ nous a libéré de cette vie d’esclavage, cette vie sans le connaître. Il nous a retiré de cette vie obscure pour nous éclairer. Il nous a éclairé, Il s’est révélé à chacun d’entre nous… Et ensemble, nous sommes cette assemblée d’éclairés, d’appelés par Dieu pour recevoir sa bonté…

L’Église est ce peuple de Dieu appelé, renouvelé, élargi, purifié, augmenté.

2. Être et devenir l’Eglise

Pierre invite les chrétiens à vivre à la hauteur de cette nouvelle identité ! Nous sommes déjà ce peuple. Nous sommes déjà ce temple spirituel bâtie sur Christ. Mais n’avons-nous pas besoin que l’on nous rappelle notre identité pour y vivre conformément ?

« Approchez-vous du Seigneur ». Continuons de nous approcher du Seigneur Jésus. Lui s’est approché, Dieu s’est rendu proche, humain en Jésus-Christ. Et s’il n’était pas venu nous rencontrer chacun personnellement, nous serions encore perdus… « Approchez-vous encore ». Si on ne s’approche pas du Seigneur, on s’égare. Lorsque je ne pense pas à Dieu, que je ne parle pas avec lui pendant un moment, c’est inévitable : je me perds moi-même. Il a besoin de me rappeler « Approche-toi tout à nouveau »…

Il vous a appelés à passer de l’obscurité à son admirable lumière, afin que vous alliez annoncer ses œuvres magnifiques.

Avez-vous remarqué cette petite particule au v.9 « afin que ». Dieu nous a appelé à lui, nous a fait le rencontrer AFIN QUE nous ALLIONS ANNONCER ses œuvres magnifiques. Le peuple de Dieu a une vocation :

être des ambassadeurs de Dieu au milieu des autres nations qui ne le connaissent pas.

Dieu veut faire connaître son amour au monde entier ! Dieu veut que tous les humains soient sauvés de leur mal. Et Dieu nous a choisis, a choisi son Église pour porter son appel. Nous sommes appelés à être une bénédiction pour le monde, pour ceux qui ne connaissent pas le Christ. Et vivre pour Dieu chaque jour, témoigner de Lui, c’est lui offrir le plus beau des cadeaux.

Pour construire le premier Temple juive, sous le roi Salomon, il est dit ceci : « on utilisa les pierres telles qu’elles provenaient de la carrière ; ainsi, pendant tout le temps de la construction, on n’entendit pas un seul coup de marteau, ni de pic, ni d’aucun autre outil de fer. » (1 Rois 6.7). Parfois, on a l’impression que l’Église se meurt, ne grandit plus, devient de plus en plus fade. Mais Christ continue de bâtir son Église. Silencieusement, Dieu fait grandir son Église. Silencieusement, l’Église ne cesse de se construire ici, à Toulouse, en France, et dans le monde entier à travers les années… Jamais elle ne cessera, jamais elle ne sera déçue par son Seigneur, jamais elle ne s’écroulera.

L’Église sera éternelle car Christ en est le fondement.