Une Bonne Nouvelle !

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Cette semaine, dans le quotidien La Croix, est sorti un dossier intitulé “La galaxie des évangéliques en France”. Et c’est plutôt un bon dossier, honnête, loin des caricatures et des clichés qu’on entend bien trop souvent sur les évangéliques, dans les médias en général, et jusque chez certains responsables politiques.

On dit et on entend tout et n’importe quoi sur les évangéliques. Ou plutôt sur les “évangélistes” comme on en parle souvent abusivement… Faut-il le rappeler : il y a quatre évangélistes (Matthieu, Marc, Luc et Jean) et 600 000 protestants évangéliques en France, plus de 600 millions dans le monde. Mais nous appeler “évangélistes”, ça permet de faire rimer le terme avec intégriste, islamiste, populiste, complotiste, tous des mots en -iste qui font peur.

C’est vrai qu’on a souffert depuis quatre ans d’un certain évangélisme politique en provenance des Etats-Unis qui ne nous a pas aidé dans notre image médiatique… C’est vrai aussi qu’il peut y avoir, y compris en France, des discours ou des pratiques regrettables voire condamnables dans certaines Églises évangéliques. Mais d’une manière générale, les évangéliques en France sont des gens comme les autres, respectueux des principes de la République, attachés à la liberté de conscience puisqu’ils insistent sur l’importance d’une foi personnelle et libre, et qui prient même régulièrement pour les responsables politiques en place, comme la Bible les y invitent. Franchement, il n’y a pas de quoi avoir peur de nous !

On peut être agacé par cette image faussée, par ces clichés… mais qu’on le veuille ou non, il y a des mots qui sont piégés. Ça ne veut pas dire qu’il faut y renoncer. Mais il faut sans doute être vigilant, et exemplaire, pour redorer le blason médiatique des évangéliques.

Et justement, pour cela, il s’agit de s’attacher à l’essentiel, qui n’est pas l’étiquette évangélique mais bel et bien l’Évangile dont nous nous réclamons. Mais le mot Évangile lui-même n’est-il pas, aussi, un mot mal compris, y compris chez les chrétiens, y compris même chez les évangéliques ?

Est-ce qu’on n’a pas tendance à oublier que le mot français, Evangile, n’est qu’une transcription du terme grec euangelos qui se traduit très facilement en français. Ça veut dire “bonne nouvelle”. L’Evangile, c’est la Bonne Nouvelle qui se rapporte à Jésus-Christ. Je trouve, d’ailleurs, qu’il vaudrait mieux utiliser le moins possible le mot “Evangile” pour le remplacer par l’expression qui lui correspond en français : “Bonne Nouvelle”.

Mais en quoi est-ce une bonne nouvelle ? Et comment est-ce que ça peut l’être pour nous, et pour les autres ?

Pour répondre à cette question, je vous propose de lire un très court texte tiré de l’Evangile (la Bonne Nouvelle !) selon Marc qui, comme à son habitude, dit en très peu de mots ce qui est l’essentiel.

Marc 1.14-15
14 Après que Jean eut été mis en prison, Jésus se rendit en Galilée ; il y proclamait la bonne nouvelle de Dieu. 15 « Le moment favorable est venu, disait-il, et le règne de Dieu est tout proche ! Changez de vie et croyez à la bonne nouvelle ! »

La Bonne Nouvelle…

C’est Jésus !

La première chose que Jésus dit est : “Le moment favorable est venu”. Les versions plus anciennes traduisent, plus littéralement : “le temps est accompli”. Mais le temps dont il est question ici, ce n’est pas le temps qui s’écoule (le grec chronos), c’est l’instant T, le moment favorable (le grec kairos).

La Bonne Nouvelle, c’est qu’avec Jésus, l’instant T de l’histoire de l’humanité est arrivé. C’est le moment de l’accomplissement de la promesse de Dieu. Si bien qu’on pourrait presque dire, pour aller vraiment à l’essentiel, que la Bonne Nouvelle, c’est Jésus ! C’est Dieu qui devient homme. C’est sa vie, son exemple, son enseignement, sa mort et sa résurrection.

C’est que le Royaume de Dieu est là

Quelle bonne nouvelle Jésus proclamait-il ? Elle commence par cette affirmation : “Le règne de Dieu est tout proche !” On pourrait même traduire : “Le Royaume (ou le règne) de Dieu est là !”

Or, le Royaume de Dieu, c’est là où Dieu règne, là où sa présence se manifeste. Et la Bonne Nouvelle, c’est que nous n’avons pas à attendre l’au-delà pour vivre dans la présence de Dieu. Ce n’est pas pour demain seulement, c’est pour aujourd’hui. La vie éternelle, ce n’est pas que la vie après la mort, c’est la vie avec Dieu, dès aujourd’hui.

La Bonne Nouvelle, c’est que le Royaume de Dieu peut faire irruption dans votre vie, là, tout de suite !

C’est que le changement est possible

Comment l’accueillir ? Jésus le dit : “Changez de vie et croyez à la bonne nouvelle !” C’est le fameux verbe traduit anciennement par “repentez-vous” mais qui signifie plus largement un changement radical, un changement de pensée, de compréhension, un changement de vie. Et c’est un changement rendu possible par la foi.

Ce que dit Jésus, c’est que le changement est possible. Si on croit à cette Bonne Nouvelle, si on fait confiance à Dieu, si on ose l’aventure de la foi, le changement est possible. Et ça c’est une bonne nouvelle !

Le Royaume de Dieu est devenu tellement proche qu’il s’installe en nous. Dieu veut faire sa demeure dans notre vie. Et là où Dieu s’installe, tout change !

 

Une Nouvelle toujours bonne ?

C’est une Bonne Nouvelle pour tous, elle s’offre à tous. Mais elle risque, si nous n’y prenons pas garde, de perdre de sa saveur pour nous et pour les autres. Il y a un risque que la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ cesse d’être une bonne nouvelle.

La Bonne Nouvelle n’en est plus une quand, au lieu de présenter une personne, elle présente un code de morale ou un corpus théologique. La Bonne Nouvelle, ce n’est pas qu’on puisse adhérer à une religion mais qu’on puisse rencontrer par la foi le Christ vivant. Pour Jésus, croire à la Bonne Nouvelle, c’est changer de vie, pas changer de croyance ou de religion.

La Bonne Nouvelle n’en est plus une quand elle n’est qu’une promesse pour demain, un ticket pour le Paradis, un passeport pour l’au-delà. Le Royaume de Dieu est là, tout proche. Maintenant. Dieu est présent dans notre vie, pour peu qu’on apprenne à ouvrir les yeux.

La Bonne Nouvelle n’en est plus une quand elle est réduite à des valeurs et des principes. La Bonne Nouvelle concerne notre vie quotidienne, nos préoccupations, nos luttes, nos épreuves mais aussi nos joies, nos découvertes et nos enthousiasmes. La Bonne Nouvelle, c’est la vie, la vie avec Dieu, aujourd’hui, et pour l’éternité.

La Bonne Nouvelle n’en est plus une quand elle est un message archaïque, exprimé dans un langage dépassé, compréhensible par des initiés seulement, appuyée sur des valeurs d’un autre âge. Parce que Dieu chemine avec l’humanité, son Royaume est contemporain et moderne. La Bonne Nouvelle est pertinente aujourd’hui, et elle doit pouvoir se formuler dans un langage clair et moderne, dans des modes d’expression et des supports médiatiques d’aujourd’hui.

La Bonne Nouvelle n’en est plus une quand nos belles paroles sont contredites par nos actes, notre vie de tous les jours. Quand ce n’est plus qu’un message abstrait, désincarné, qui n’est pas vécu. La Bonne Nouvelle s’incarne dans des vies transformées par Dieu.

La Bonne Nouvelle n’en est plus une quand elle réduit Jésus à un homme exemplaire, un révolutionnaire pacifiste ou un théoricien de l’amour. Même devenu homme, le Christ n’en demeure pas moins le Fils de Dieu. Sa vie, sa mort, sa résurrection sont uniques. Ce n’est pas seulement une bonne nouvelle parmi d’autres. C’est LA Bonne Nouvelle, pour tous !

 

Conclusion

En fait, pour que la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ reste une bonne nouvelle, il faut que nous la laissions nous transformer, aujourd’hui, et que ça se voie…

Il faudrait que la présence d’une Église soit perçue comme une Bonne Nouvelle pour la ville, la population où elle est installée. Il faudrait que la présence d’un disciple de Jésus-Christ soit une bonne nouvelle pour ses amis et ses proches. Il faudrait que l’assurance et l’espérance qui s’y rattache soient une bonne nouvelle pour un monde dans l’incertitude et la crainte.

Alors à nous de jouer ! Avec l’aide de Dieu et de son Esprit, évidemment. Sans lui, nous n’y arriverons pas… Ne craignons pas les étiquettes, les clichés et les idées fausses. Vivons simplement et partageons cette bonne nouvelle, LA Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.

« Le moment favorable est venu, et le règne de Dieu est tout proche ! Changez de vie et croyez à la bonne nouvelle ! »




Et surtout la santé!

https://www.youtube.com/watch?v=Rkig00Y8eNY

Comme chaque année, c’est la période où l’on reçoit (par courrier ou par moyen virtuel) les traditionnelles cartes de vœux… Et lorsqu’on croise une connaissance, même un vague voisin, les traditionnels souhaits reviennent : bonne année ! meilleurs vœux… et surtout la santé ! en particulier après ces longs mois de crise sanitaire… Bonne année – et bonne santé !

La santé, cette richesse qu’on valorise surtout quand on la perd… Un médecin philosophe disait que la santé, c’est de vivre sans entendre son corps, sans douleur, comme dans un silence (« la vie dans le silence des organes », Georges Canguilhem, Le normal & le pathologique), sans se rendre compte de la mécanique du corps. C’est quand on commence à se réveiller le matin avec des raideurs, ou à sentir ses genoux après avoir marché, ou à sentir l’air sortir difficilement de nos poumons, quand on se rend compte des processus de notre corps que c’est mauvais signe !

La santé ! On se la souhaite, et on prie aussi les uns pour les autres, pour notre santé, parce qu’il y a tellement de choses qui en découlent…

Au premier siècle après JC, l’apôtre Jean écrit une lettre personnelle qu’on a gardé, une lettre à son ami Gaïus, un des responsables d’une église que Jean connaît bien. Même si ce sont surtout les souhaits autour de la santé qui m’ont interpellée, la lettre est courte, alors je vais la lire en entier. Jean réagit aux nouvelles qu’il a reçues de Gaïus, et il aborde le problème que pose un certain Diotrèphe.

Lecture biblique : 3e lettre de Jean 

1 De la part de l’ancien (Jean lui-même), à mon très cher ami Gaïus que j’aime vraiment.

2 Très cher ami, je souhaite que tout aille bien pour toi et que tu sois en aussi bonne santé physiquement que tu l’es spirituellement.

3 J’ai éprouvé une grande joie quand des frères et sœurs sont arrivés et qu’ils ont déclaré que tu vis vraiment en accord avec la vérité. 4 Ma plus grande joie, c’est d’apprendre que mes enfants (spirituels) vivent en accord avec la vérité. ///

5 Très cher ami, tu es fidèle dans tout ce que tu fais pour les frères, même étrangers. 6 Ils ont témoigné de ton amour devant notre Église. Aide-les, je t’en prie, à financer la suite de leur voyage, d’une manière digne de Dieu.    ///

7 En effet, ils se sont mis en route pour le servir sans rien accepter des païens. (c’est-à-dire de ceux qui ne connaissent pas Jésus & à qui ils annoncent l’Evangile) 8 Nous avons donc le devoir de soutenir de telles personnes, et ainsi être des collaborateurs de la vérité.

9 Je l’ai écrit à votre Église ; mais Diotrèphe, qui aime tout diriger, ne s’occupe pas de nous. 10 C’est pourquoi, quand je viendrai, je dénoncerai ce qu’il fait : il répand contre nous des propos malveillants. Mais ce n’est pas tout : il refuse de s’occuper des frères de passage, et ceux qui voudraient les recevoir, il les en empêche et les chasse de l’Église.

11 Très cher ami, n’imite pas le mal, mais imite le bien. Celui qui pratique le bien appartient à Dieu ; celui qui commet le mal ne connaît pas Dieu.

12 Tous disent du bien de Démétrius (sûrement celui qui porte la lettre de Jean à Gaïus), et la vérité elle-même témoigne en sa faveur. Nous aussi, nous témoignons en sa faveur, et tu sais que nous disons la vérité.

13 J’aurais encore beaucoup de choses à te dire, mais je ne veux pas les écrire avec une plume et de l’encre. 14 J’espère te voir bientôt et nous parlerons alors de vive voix.

15 Que la paix soit avec toi ! Tes amis te saluent. Salue nos amis, chacun en particulier.

 

Je trouve cette lettre très intéressante sur le sujet de la santé, mais quelques mots d’abord sur le contenu général.

Est-ce que vous sentez toute l’affection que Jean éprouve pour son ami, son frère dans la foi ? Il ne peut pas attendre de le voir, il a hâte de le retrouver pour lui parler de vive voix – quelque chose de si naturel qui, pour nous aussi, est passé de l’évidence au luxe !

Jean se réjouit de voir que Gaïus suit un bon chemin, et notamment qu’il se comporte bien envers les missionnaires, les évangélistes itinérants, qui passent par son église. Ces missionnaires ont fait le choix de ne pas recevoir d’argent de la part de ceux à qui ils parlent de Jésus – l’apôtre Paul était dans la même démarche : permettre à ceux qui découvrent le Christ de le faire sans pression financière, gratuitement. On ne vend pas l’Evangile ! Si quelqu’un se tourne vers le Christ, il faut que ce soit sans pression.

Mais du coup, il faut bien qu’ils vivent, quand même, ces missionnaires ! Les églises par lesquelles ils passent non seulement les accueillent sur le moment, mais prennent aussi en charge les frais de déplacement etc. On sait que Paul a aussi reçu des dons d’autres églises, à certaines périodes. C’est une façon pour les communautés locales de participer au travail missionnaire.

Diotrèphe, sûrement un autre responsable de l’église, a l’attitude opposée : il refuse d’accueillir les missionnaires, de les soutenir, mais en plus, il empêche les autres de le faire, voire il les excommunie ! Et ça met du coup en péril le travail des missionnaires, et donc l’avancée de l’Evangile. Cette attitude indique qu’il y a un problème, manifestement pas nouveau, puisque Jean dénonce son côté tyrannique : Diotrèphe a un problème avec le pouvoir. Il en vient même à refuser de lire les lettres de Jean à l’église… Mais j’y reviendrai !

Une santé équilibrée

Dans notre contexte de 2021, ce qui m’a d’abord interpellée, c’est le début de la lettre (diapo v.2-4). Jean se réjouit de la bonne santé spirituelle de son ami, et il lui souhaite une santé physique à la hauteur. La santé spirituelle de son frère est une priorité, a priori bien présente chez son ami, plein d’une vitalité spirituelle réjouissante : il marche dans la vérité, ce qui signifie qu’il se comporte en cohérence avec sa foi, et cela se voit, jusque dans son accueil des missionnaires. Son comportement, ses actions, indiquent qu’il connaît Dieu et que c’est Dieu qui le nourrit. Ces signes sont aussi clairs que la tension ou la glycémie pour la santé physique… Gaïus a une bonne hygiène de vie spirituelle, et ça se voit !

La santé n’est pas seulement physique… même si c’est elle qui fait la une des magazines santé. Elle touche aussi à notre vie intérieure : mentale, émotionnelle (et relationnelle), et spirituelle – et cette santé-là doit faire partie de nos priorités. Paul, dans ses lettres, souhaite régulièrement aux chrétiens une bonne croissance spirituelle, avec des os solides et des muscles toniques (ça ce sont mes mots) ! Nos habitudes spirituelles, individuelles et communautaires, ne sont pas une fin en soi, mais elles servent à nous faire grandir en santé, en vitalité, spirituelle : lire la Bible pour se nourrir des pensées de Dieu, prier pour s’abreuver à la présence de Dieu, être avec les autres (échanger, soutenir, exhorter) pour se muscler !

A la différence de la santé physique, cette santé-là, spirituelle, ne peut pas diminuer : « nous ne perdons pas courage, dira Paul aux Corinthiens. Même si notre être physique se détruit peu à peu, notre être spirituel se renouvelle de jour en jour » (2 Co 4.16). L’âme continue de grandit là où le corps peut s’abîmer – et c’est un tel encouragement lorsque nous voyons nos frères et sœurs, malgré la vieillesse ou la maladie, avoir une foi solide ! Ca mérite d’investir sur notre santé spirituelle !

Mais même si la santé spirituelle est une priorité, pour Jean, la santé physique reste importante. C’est vrai que le chrétien voit au-delà du corps, mais nous sommes aussi dotés d’un corps, et on ne peut pas l’ignorer non plus. Il y a les excès du « trop physique », avec l’idolâtrie actuelle du corps comme si le corps concentrait toutes nos espérances et nos ambitions, mais le « trop spirituel » existe aussi… Notre santé physique fait partie de notre vie, et de notre équilibre. Les problèmes de santé sont lourds – déjà à cause de la douleur, qui peut être insupportable, mais aussi à cause de leur impact sur le reste de notre vie, sur ce que nous pouvons faire ou pas, sur la fatigue et la motivation, sur les relations, et même sur notre vie avec Dieu lorsque la douleur ou les limites handicapantes de ce que nous vivons sont trop fortes.

Donc ne vivons pas que pour le corps – notre vie est bien plus large – mais n’oublions pas notre corps… et prenons-en soin !

La santé… pour servir !

Pourquoi la santé, globale, est-elle si importante ? La santé n’est pas une fin en soi… La santé physique nous permet de marcher et d’agir, d’interagir avec les autres… – si vous ne sortez jamais de votre lit, la santé ne sert pas à grand-chose à part éviter la douleur ; de même, la santé spirituelle nous permet d’écouter Dieu et de marcher à sa suite, de vivre ses projets. Etre en santé nous permet de marcher, de fonctionner, physiquement et spirituellement. « Je me réjouis, dit Jean, que tu marches dans la vérité ! »

Le reste de la lettre nous pousse à aller un petit peu plus loin : comment se manifeste la bonne marche spirituelle de Gaïus ? Par son accueil des missionnaires. Par son hospitalité, sa générosité. Par son service. Connaître Dieu, avoir une relation saine avec lui, l’aimer, nous invite à une vie généreuse, tournée vers l’autre. La bonne santé, même spirituelle, n’est pas une santé égocentrée : on ne grandit pas spirituellement pour se regarder dans la glace et admirer ses muscles spirituels – comme un culturisme de l’âme ! La santé nous permet de nous tourner librement vers l’autre, et d’agir avec amour. Et ces actions sollicitent souvent notre santé physique : pour accueillir chez soi lors d’un repas, pour aider à un déménagement, rester debout dans une action bénévole… Mais même quand le corps diminue, il est toujours possible de nous mettre au service de l’autre – par notre écoute, nos prières, une petite carte d’encouragement, des conseils…

Par son attitude étroite et tyrannique, Diotrèphe nous alerte : peut-être connaissait-il les discours de Jésus par cœur, mais s’il n’applique pas l’Evangile en aimant son prochain, Jean est en droit de se demander s’il connaît vraiment Dieu…

Si vous êtes de ceux qui ne pensent qu’aux autres, ce texte vous invite à prendre soin de vous, pour renouveler vos forces afin d’aimer durablement ceux qui vous entourent… Et si vous êtes plutôt à tendance égocentrée, cette lettre vous invite à élargir vos perspectives et à faire place à l’autre dans vos priorités…

La santé est un capital, un potentiel, que Dieu nous invite à préserver ou à faire grandir – pas pour notre bénéfice seulement, mais aussi pour celui des autres. La santé, physique mais aussi spirituelle, nous permet d’être généreux, d’aimer ceux qui nous entourent – et c’est ça l’objectif de Dieu ! Que nous l’aimions lui, et que nous aimions ceux qui nous entourent, en pensées, en paroles et en actes ! Que nous recevions sa grâce et que nous la partagions, là où nous sommes…

Comme toujours, l’exemple parfait nous est donné en Christ : lui qui avait tout, qui était l’égal de Dieu, Dieu le fils, n’a pas gardé pour lui ses privilèges, mais il a tout utilisé pour notre bénéfice (Philippiens 2.5-11) – sa justice, pour réparer nos torts ; sa puissance, pour élargir nos horizons ; sa sagesse, pour réorienter nos chemins ; sa vie, pour vaincre notre mort. Il s’est mis à notre service, avec grâce et générosité, par amour pour nous.

Conclusion

Alors en ces temps d’incertitude qui nous pèsent, avec les difficultés et les crises que nous traversons, avec les contraintes qui restreignent nos quotidiens, avec les pressions de la société ambiante, laissons Dieu orienter nos regards et nous rappeler ses priorités à lui, des priorités éternelles.

Prenons soin de notre santé, travaillons à notre santé, spirituelle et physique, et rappelons-nous l’objectif de Dieu : que nous puissions joyeusement vivre avec lui et participer à son œuvre, que nous puissions l’aimer et partager cet amour avec notre prochain…




Un exemple d’humilité

https://www.youtube.com/watch?v=T-tD-rRh9HM

Chacun des quatre Évangiles a sa spécificité. Là où Matthieu et Luc commencent par les récits de la Nativité, avec des accents différents, là où Jean commence par un prologue majestueux remontant jusqu’au commencement de l’univers, Marc joue la carte de la sobriété. Son Évangile commence avec le début du ministère public de Jésus, annoncé par Jean-Baptiste. Rien sur sa naissance ou son enfance.

Marc est très sobre dans son évocation de la séquence inaugurale du ministère de Jésus baptême / tentation au désert, plus développée chez Matthieu et Luc. Il va à l’essentiel.

Marc 1.4-13
4 Jean parut alors dans le désert ; il baptisait et proclamait : « Changez de vie, faites-vous baptiser et Dieu pardonnera vos péchés. » 5 Tous les habitants de la région de la Judée et de Jérusalem venaient à sa rencontre ; ils reconnaissaient publiquement leurs péchés et Jean les baptisait dans le Jourdain.
6 Jean portait un vêtement en poils de chameau et une ceinture de cuir autour de la taille ; il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. 7 Il proclamait : « Quelqu’un qui est plus fort que moi vient après moi ; je ne suis pas digne de me baisser pour délier la lanière de ses sandales. 8 Moi, je vous ai baptisés dans l’eau, mais lui, il vous baptisera dans l’Esprit saint. »
9 En ces jours-là, Jésus vint de Nazareth, une localité de Galilée, et Jean le baptisa dans le Jourdain. 10 Au moment où Jésus remontait de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit saint descendre sur lui comme une colombe. 11 Et une voix se fit entendre des cieux : « Tu es mon fils bien-aimé ; en toi je trouve toute ma joie. »
12 Aussitôt après, l’Esprit le pousse dans le désert. 13 Jésus y resta pendant quarante jours et il fut mis à l’épreuve par Satan. Il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient.

L’épisode du baptême de Jésus est un moment pas comme les autres puisqu’on assiste à une théophanie (une manifestation de Dieu). Au moment du baptême de Jésus apparaissent, simultanément, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Un moment exceptionnel, vécu en toute simplicité.

Je suis frappé par la sobriété de l’Evangile de Marc. L’entrée de Jésus dans son ministère public n’est pas tonitruante mais humble et simple. On est vraiment dans le même esprit que les récits de la Nativité, en toute simplicité.

D’ailleurs, chez Marc, c’est Jésus qui voit le ciel s’ouvrir et qui voit le Saint-Esprit descendre sur lui comme une colombe. Rien ne dit que d’autres l’ont vu. On ne sait même pas qui a entendu la voix venant du ciel. De même, lorsqu’il est conduit au désert par le Saint-Esprit pour y être mis à l’épreuve par Satan pendant 40 jours, on ne nous en dit presque rien (contrairement à Matthieu et Luc qui donnent plus de détails).

Finalement, le plus étonnant ici, c’est la sobriété. Ce n’est pas la théophanie elle-même, c’est le fait que Jésus se fasse baptiser. Au premier abord, ça semble presque en contradiction avec le message de Jean.
Jean appelait à un baptême de repentance…. Mais Jésus en avait-il vraiment besoin ?
Jean annonçait la venue du Messie, qui est plus grand que lui, et qui baptisera dans le Saint-Esprit… et Jésus, qui est le Messie promis, se fait baptiser par Jean !

Jésus marque son entrée dans son ministère public par un acte d’une profonde humilité. Marc le souligne peut-être plus que les autres évangélistes. Demandons-nous comment l’exemple d’humilité de Jésus peut nous inspirer.

 

L’humilité n’exclut pas la grandeur

Une des merveilles de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, c’est l’annonce d’un Dieu humble. Dieu décide, par amour, de devenir un être humain, le Fils de Dieu choisit de se faire serviteur. Mais un Dieu humble, ça ne veut pas dire un Dieu faible ou petit ! En réalité, Dieu est d’autant plus grand qu’il sait, par amour, se faire petit. Le comble de l’amour de Dieu se manifestera d’ailleurs à la croix, lieu d’humiliation suprême.

L’humilité n’exclut pas la grandeur, au contraire. Mais ce n’est pas une grandeur tape-à-l’oeil. C’est la grandeur de l’amour, du service, du don de soi.

Est-ce qu’il n’y a pas là une leçon pour nous ? Disciples du Christ, nous sommes appelés à chercher notre grandeur dans l’humilité. Nous sommes appelés à vivre l’idéal du service, à l’exemple du Christ. C’est le renversement radical du Royaume de Dieu : celui qui veut être le plus grand, qu’il soit le dernier, le serviteur.

L’Eglise est appelée à être une communauté de serviteurs et non pas un prestataire de services pour des consommateurs de la foi. Et ça dépend de chacun de nous ! Car l’Eglise c’est nous, c’est vous, c’est moi…

 

L’humilité est le seul chemin vers la solidarité

Par son baptême et sa tentation au désert, Jésus nous rejoint dans notre humanité, simplement. Il nous rejoint dans ce qui fait notre quotidien : nos luttes et nos combats intimes face à l’épreuve et la tentation. C’est aussi une des merveilles de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ : Dieu s’est rendu solidaire de nous !

Sans humilité, il n’y a pas de vraie solidarité possible. On peut “faire la charité”, avec un certain paternalisme ou de la condescendance, mais on ne peut pas être véritablement solidaire. On ne peut pas regarder de haut celui avec qui on veut être solidaire. On ne peut que se mettre à sa hauteur, à ses côtés…

La solidarité, ça coûte. Et Jésus a payé le prix fort, jusqu’à la mort. Il ne s’agit pas, pour nous, d’aller jusque là. Mais sans doute pouvons-nous réfléchir à la façon dont nous sommes solidaires ou non de ceux que nous côtoyons, de ceux qui ont aujourd’hui besoin de nous.

Est-ce qu’on les regarde de haut, avec distance, voire une certaine condescendance ? Ou est-ce qu’on sait s’arrêter, s’asseoir, écouter, comprendre, prier… pour être vraiment solidaire ?

 

L’humilité rend sensible à la présence de Dieu

Une troisième leçon que l’on peut tirer du baptême de Jésus chez Marc, c’est que Dieu est pleinement présent dans notre simplicité et notre humilité.

Je repense ici à la théophanie discrète dont parle Marc. Jésus a vu le ciel s’ouvrir, il a vu l’Esprit saint descendre sur lui comme une colombe, il a entendu la voix de son Père dire « Tu es mon fils bien-aimé ; en toi je trouve toute ma joie. » Et peut-être était-il le seul à voir et entendre cela…

L’important, c’est que nous, nous voyons le ciel s’ouvrir et l’Esprit de Dieu descendre sur nous. L’important est que nous soyons conscients de la présence de Dieu à nos côtés et de son regard favorable et plein d’amour sur nous. Notre récompense, elle est là. Dans le “lieu secret” comme dit Jésus dans le Sermon sur la Montagne. Pas dans les synagogues et sur les places… Aujourd’hui, on dirait peut-être : pas sur Instagram ou sur YouTube…

Je pense qu’on peut même dire que l’humilité nous rend plus sensible à la présence de Dieu… Jésus ne dit-il pas qu’il faut être comme des petits enfants pour entrer dans le Royaume de Dieu ? Ne dit-il pas que Dieu a caché ses merveilles aux sages et aux intelligents mais qu’il les a révélées aux enfants ?

En se décentrant de soi-même, on s’ouvre à la présence de l’autre… et à la présence de Dieu. Oui, l’humilité nous rend plus sensible à la présence de Dieu.

 

Conclusion

L’humilité n’est pas une valeur qui est tellement mise en avant dans notre monde aujourd’hui. Ceux qu’on montre en exemple de réussite sont rarement des exemples d’humilité… C’est pourtant bien une des valeurs fondamentales du Royaume de Dieu, une de celles que Jésus a incarnées à la perfection.

C’est aussi, peut-être, l’une des plus difficiles à évoquer. Ce n’est pas évident de dire : “soyez humble comme moi” ! Ca ne fait, justement, pas très humble ! Alors disons plutôt, et disons-le en premier à nous-mêmes : “soyons humble, comme Jésus !”

Et peut-être alors, d’une manière ou d’une autre, verrons-nous le ciel s’ouvrir, peut-être entendrons-nous la voix de Dieu nous dire, dans notre lieu secret : “en toi je trouve toute ma joie.” Ce sera notre récompense…




Jésus, Dieu avec nous – même dans la violence

https://www.youtube.com/watch?v=csnQkBM4bXI

Noël est une fête de joie et de paix, même au-delà de nos églises, et on y espère affection, réconciliation, meilleures résolutions… Ce qui n’arrive pas toujours ! Mais les cantiques et les récits de la Naissance du Christ nous plongent dans la bonne nouvelle que Dieu nous aime et nous rejoint, pour nous donner sa paix.

Il y a pourtant un épisode autour de la naissance de Jésus qui tranche avec nos images d’Epinal, et que nous lisons peu : la fuite des parents de Jésus en Egypte. La naissance du Christ n’est pas que gloire et chorale d’anges, elle est assombrie par des crises qui font écho aux nôtres – et, paradoxalement, même si ce n’est pas très joyeux, cet épisode tragique appartient lui aussi à la Bonne Nouvelle de Noël.

Quelques mots de contexte. Alors que les mages venus d’Orient viennent rendre hommage au Roi qui vient de naître, ils se présentent chez le roi des Juifs, Hérode. Celui-ci n’est au courant de rien – et ça se comprend, puisque la royauté de Jésus dépasse la sphère politique. Les conseillers juifs finissent par trouver dans les prophéties des indications de l’endroit où le Messie devrait naître, les mages sont prêts à partir voir Jésus, mais Hérode, ivre de pouvoir et paranoïaque devant ce rival naissant, entre dans un double jeu : il tente de les manipuler pour trouver l’enfant et s’en débarrasser. Après avoir adoré l’enfant, les mages doivent revenir au palais – mais, avertis en rêve, ils rentrent chez eux sans rien dire à Hérode.

Lecture biblique : Matthieu 2.13-23

13 Quand les savants furent partis, un ange du Seigneur apparut à Joseph dans un rêve et lui dit : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère et fuis en Égypte ; restes-y jusqu’à ce que je te dise de revenir. Car Hérode recherchera l’enfant pour le faire mourir. »  

14 Joseph se leva donc, prit avec lui l’enfant et sa mère, en pleine nuit, et se réfugia en Égypte. 15 Il y resta jusqu’à la mort d’Hérode. Cela arriva afin que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète : « J’ai appelé mon fils à sortir d’Égypte. »           

16 Quand Hérode se rendit compte que les savants s’étaient moqués de lui, il entra dans une grande colère. Il donna l’ordre de tuer, à Bethléem et dans les environs, tous les garçons de deux ans et moins, selon les indications de temps données par les savants.       

17 Ainsi s’accomplit ce qu’avait déclaré le prophète Jérémie :

18 « On a entendu une voix à Rama, des pleurs et de grandes lamentations. C’est Rachel qui pleure ses enfants, elle ne veut pas être consolée, car ils sont morts. »   

19 Après la mort d’Hérode, un ange du Seigneur apparut dans un rêve à Joseph, en Égypte. 

20 Il lui dit : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère et retourne au pays d’Israël, car ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant sont morts. » 

21 Joseph se leva, prit avec lui l’enfant et sa mère et retourna au pays d’Israël.    

22 Mais il apprit qu’Archélaos était devenu roi de la Judée à la suite d’Hérode et il eut peur de s’y rendre. Il fut averti dans un rêve, et il partit pour la région de la Galilée. 

23 Il habita dans une ville appelée Nazareth, afin que s’accomplisse cette parole des prophètes : « Il sera appelé Nazaréen. »

Le parcours du Messie

Matthieu nous raconte cet épisode difficile pour différentes raisons. D’abord, cela permet de comprendre, tout simplement, pourquoi Jésus, qui est né à Bethlehem en Judée, grandira à Nazareth en Galilée. Pour nous, ça ne paraît pas être un enjeu de taille, mais imaginez un homme célèbre, dont la famille serait du Tarn, mais qui serait connu sous le surnom « l’Alsacien ». Matthieu prend le temps d’expliquer pourquoi Jésus le Galiléen est aussi l’enfant né à Bethlehem, annoncé par le prophète Michée.

C’est un enjeu important pour Matthieu : montrer que Jésus est l’authentique Messie, en faisant régulièrement le lien entre sa vie et les prophéties. Par exemple, il cite le prophète Osée : « d’Egypte, j’ai appelé mon fils » (Osée 11.1 // Matthieu 2.15) : Jésus repasse par les étapes du peuple d’Israel, lui aussi il sort d’Egypte pour revenir en terre d’Israel. La citation autour du Nazaréen est plus confuse, on ne trouve pas cette phrase chez les prophètes, et il s’agirait peut-être d’un jeu de mot qui fait écho au Messie comme rameau, pousse, nouvel espoir pour Israel (rameau : netser, Esaïe 11.1)

Cet épisode met aussi en lumière la foi de Joseph. Matthieu a déjà raconté comment Joseph a décidé d’épouser Marie malgré sa grossesse inexpliquée, suite à un rêve divin. Les rêves reviennent, et Joseph continue de faire confiance Dieu, malgré ce que ça lui coûte. Loin d’être un personnage secondaire, Joseph apparaît comme un modèle de foi – il déracine sa famille, d’abord en Egypte, puis quelque temps plus tard, pour retourner en Galilée. Même si Jésus n’est pas son fils biologique, Joseph fait tout pour le protéger.

Sa foi et son obéissance font évidemment contraste avec l’acharnement de Hérode qui se déchaîne contre Jésus, quitte à faire massacrer toute une génération d’enfants. Hérode entre dans la longue lignée des dirigeants cruels et violents. Si on remonte environ 1500 ans avant Jésus, à l’époque de Moïse, en Egypte, le Pharaon demande aux sage-femmes de tuer tous les nourrissons garçons chez les Juifs, pour limiter la force de ce peuple qu’il tient en esclavage. Moïse échappe à cette mesure, et il sera le libérateur du peuple d’Israel. Comme lui, Jésus sera le libérateur – du peuple d’Israel et des autres peuples !

Et si on revient à l’époque de Jésus, quelques décennies après sa naissance, on retrouve à nouveau des dirigeants assoiffés de pouvoir, paniqués par Jésus, en qui ils voient un rival spirituel et une menace pour leur autorité. Ils complotent à leur tour, mais cette fois, Jésus ne se défend plus, au contraire, il se laisse volontairement entraîner dans la spirale de leur violence et finit sur une croix.

Jésus au cœur de la violence

La violence fait partie de la vie de Jésus – sa mort injuste sur la croix est son signe distinctif. Cette violence de la crucifixion nous choque, mais le Christ assume volontairement cette mort, comme un sacrifice, sachant que la mort est le prix à payer pour que Dieu puisse librement effacer nos ardoises et nous donner une nouvelle vie. Nous sommes au bénéfice de la croix, et nous sommes reconnaissants pour la mort du Christ, car elle démontre à quel point Dieu nous aime, jusqu’où il est capable d’aller pour nous sauver.

Mais le massacre des enfants, c’est une autre violence : une violence gratuite, subie, envers des êtres fragiles et innocents. On plonge dans le scandale du mégalomane au pouvoir cruel. Et c’est stérile, rien n’en sort à part les lamentations et la désolation.

Pour Matthieu, cette tragédie ressemble aux horreurs de la chute de Jérusalem et de son royaume, à l’époque du prophète Jérémie, qui imagine la matriarche Rachel se lamenter sur ses enfants, le peuple d’Israel, soit massacré soit emmené en exil (Jérémie 31.15). Dès le début, Jésus est solidaire de la souffrance de son peuple, il la subit. Ici, il en réchappe, mais comme une victime de guerre, comme un survivant – on n’a pas besoin d’être détruit par la violence pour en être atteint.

Ces violences aveugles défigurent encore aujourd’hui notre vie. Celle qui s’abat sur un enfant, sur les victimes d’abus ou de harcèlement, sur ceux qui sont méprisés pour la couleur de leur peau ou pour leur origine, sur ceux qui doivent fuir leur pays pour survivre. C’est la violence impersonnelle qui sans explication bouleverse la trajectoire de la vie : un accident, un handicap, une maladie grave, une catastrophe naturelle… Ces violences aveugles qui font qu’on en ressort à jamais différent, avec un traumatisme peut-être bien caché mais présent, avec une mentalité de rescapé, de survivant.

En devenant un homme en Jésus, Dieu s’est rendu solidaire de nos culpabilités, pour nous en délivrer… Mais il a aussi assumé la souffrance et les lamentations des victimes ! Sur la croix, il porte le poids de la cruauté de Hérode, et des enfants sacrifiés – il meurt pour les coupables et pour les victimes.

 

Dieu avec nous, jusqu’au bout

Alors j’ai dit tout à l’heure que cette tragédie appartient à part entière à la Bonne Nouvelle de Noël… Oui, car Jésus sait. Il connaît tout de nos souffrances, il les a lui-même expérimentées. Ce récit est violent comme un témoignage peut être violent, comme la vie peut être violente – il nous met peut-être mal à l’aise, mais il dit la profondeur de la tendresse de Dieu pour nous, qui nous rejoint dans ce qu’il y a de pire. Il n’est pas devenu un homme dans les conditions idéales – on met souvent en avant la pauvreté et la précarité, mais la violence est présente elle aussi.

Dans l’épreuve, on se sent souvent isolé, incompris, seul pour porter nos fardeaux et nos peines. Mais à travers Jésus, Dieu l’a vécu et il nous dit : « je te comprends. » Nous ne sommes plus seuls à porter nos peines : il les porte avec nous. Nous pouvons nous appuyer sur lui, lui confier nos questions et nos cris – il les comprend, il les accueille ! Sa présence ne supprime pas les cicatrices ou les obstacles à surmonter, mais c’est un tel réconfort, de savoir que Dieu traverse, avec nous, ces épreuves-là.

Et puis, en demi-teinte, ce récit nous redonne de l’espoir : Jésus a survécu. Jésus a survécu : au massacre des enfants, mais aussi à la violence de la croix. Il a survécu à la mort, il est ressuscité. Il règne aujourd’hui aux côtés de Dieu, partageant sa vie avec ceux qui croient en lui. La vie que Jésus nous promet, par la foi, c’est la vie au-delà de la mort et du mal, la vie dans l’éternité de Dieu. Tout calvaire aura une fin… et la justice et la paix de Dieu triompheront.

Cette paix divine n’est pas réservée à la vie d’après : par son Esprit, Dieu nous l’offre déjà aujourd’hui. Déjà aujourd’hui, dans des situations qui semblent insurmontables, sur des blessures insupportables, Dieu insère sa vie et sa paix, la chaleur et le réconfort de son amour. Tout n’est pas réglé, mais Dieu nous redonne la force de tenir et d’avancer vers l’avenir qu’il nous réserve. Dans certains milieux, on appelle ça la résilience, la capacité à rebondir, mais je crois que Dieu, dans sa grâce, participe à nos relèvements : en nous appuyant sur sa main tendue, nous trouvons la force de nous remettre en route.

Conclusion

En ce début d’année se succèdent les vœux et les souhaits. L’année 2020, et son lot de tragédies, nous pousse peut-être à plus de prudence que d’habitude – nous ne savons pas ce qui nous attend. Les épreuves seront là, sûrement, plus pour certains que pour d’autres, et nous devrons trouver comment être solidaires et nous entraider – mais au cœur de ces épreuves, une lueur de réconfort et d’espoir brillera quoi qu’il arrive : en Jésus, par son Esprit, Dieu est avec nous, et il nous promet sa paix et sa vie.