Un sel qui conserve (Vous êtes le sel de la terre 3/5)

Dans notre campagne de rentrée (« Vous êtes le sel de la terre »), nous explorons ensemble les différents sens de cette affirmation de Jésus. Vincent évoquait la semaine dernière le sel qui donne du goût aux aliments. Nous voyons aujourd’hui une autre propriété du sel : préserver. Bien avant les conserves qui datent du 19e  ou l’arrivée des réfrigérateurs et congélateurs a conservation par le sel est une des premières techniques humaines pour conserver les aliments – pour la viande, le poisson, ou encore les légumes (en saumure, vous connaissez la choucroute). Et aujourd’hui, même s’il ne faut pas manger trop salé, parmi la multitude de conservateurs et additifs douteux qu’on trouve dans les produits, le sel reste un conservateur naturel de choix. Vous êtes le sel de la terre. Vous, église, êtes l’additif qui conserve, qui préserve, le monde. Vous êtes des conservateurs – au sens chimique du terme ! Le E 3.16 ? d’après le verset de Jean 3.16 qui parle de l’amour de Dieu pour le monde ?

On peut relever au moins deux éléments « conservateurs » qui empêchent le milieu de s’abîmer. D’abord, la recherche personnelle de la sainteté : en luttant contre notre corruption naturelle, nous limitons les dégâts que nous pouvons faire autour de nous. Par notre éthique familiale, professionnelle, personnelle, nous pouvons favoriser la vertu, qui bénéficie forcément à la société. En respectant le code de la route, par exemple, vous contribuez à une meilleure sécurité dans les transports. Une autre façon d’être conservateur, c’est d’être constructif avec nos proches : de les encourager sur une voie qui soit bonne pour eux, en recherchant leur bien et non notre propre intérêt. Soutenir un ami, écouter un collègue, aider un camarade de classe, soulager un inconnu en lui rendant service – c’est aussi travailler à leur bien, et donc favoriser l’équilibre dans notre milieu ambiant.

Mais ces deux éléments évoquent notre impact sur notre entourage direct. On passe de « la terre » à « mon quotidien ». Il faut bien reconnaître que la Bible, AT & NT confondus, évoquent assez peu l’impact que nous pouvons avoir sur « le monde » au sens général – et c’est sûrement par souci pragmatique : notre zone d’influence est finalement assez petite, mais suffisamment importante pour constituer un défi de taille. Notre sainteté et nos relations sont déjà un immense chantier. Pourtant, dans sa première lettre à son collègue Timothée, l’apôtre Paul nous invite à voir plus loin, plus large, sur la façon dont nous pouvons favoriser le bien de notre monde.

Lecture biblique : 1 Timothée 2.1-4  

1 En tout premier lieu, je recommande que l’on adresse à Dieu des demandes, des prières, des supplications et des remerciements pour tous les êtres humains. 

2 Prions pour les rois et pour toutes les personnes qui détiennent l’autorité, afin que nous puissions mener une vie tranquille, paisible, respectable, dans un parfait attachement à Dieu. 

3 Voilà ce qui est beau et agréable à Dieu notre sauveur, 4 qui veut que tous les humains soient sauvés, et qu’ils parviennent à connaître la vérité.

  1. La prière, conservateur à large spectre

La façon dont nous pouvons favoriser l’équilibre de notre monde, sa non-corruption, ou en tout cas limiter sa corruption, c’est par la prière. Toutes sortes de prières, d’après Paul : de manière détaillée, variée, en fonction des situations ou des besoins. Par la prière, nous nous impliquons dans le projet de Dieu « anti-corruption ». Et ça c’est quelque chose qui nous dépasse : est-ce que Dieu attend vraiment que nous priions pour lancer ses projets ? Ca nous met un sacré poids sur les épaules, et puis ça voudrait dire que l’action de Dieu est aléatoire, qu’elle dépend de notre bon-vouloir de petits humains largement égocentriques. Ce ne serait pas très fiable !

Ca me paraîtrait dangereux d’imaginer que parce que je n’ai pas prié, telle chose n’arrivera pas, comme si c’était moi (ou vous) le déclencheur de l’action de Dieu. Et pourtant, les nombreuses invitations bibliques à la prière, pour soi et pour les autres, soulignent que Dieu a décidé d’intégrer nos prières dans sa stratégie.

Je ne sais pas comment ça marche exactement – c’est un mystère ! Dieu ne nous livre pas le dosage exact des ingrédients nécessaires pour élaborer son additif E 3.16… C’est une recette secrète ! Mais son action en fait partie, par son Esprit – et notre prière aussi : elle est indispensable. Par la prière, nous reconnaissons que Dieu peut agir ; par la prière, nous combattons spirituellement ; par la prière, nous nous alignons nous-mêmes sur Dieu et sur sa volonté. Nous adoptons peu à peu ses priorités, qui influenceront aussi nos façons d’agir.

  1. L’objectif : le salut de tous

Paul nous invite à prier pour tous. Oui, prier pour « tout le monde dans le monde », comme dirait Numérobis dans Astérix & Obélix mission Cléopâtre…  L’objectif de Dieu, c’est de sauver le monde – E 3.16 ! non pardon, Jean 3.16 : Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique afin que ceux qui croient en lui ne se détruisent pas mais vivent pour toujours. Tout s’abîme en ce bas monde, mais dans ce règne de corruption, le Christ ressuscité introduit la possibilité d’une conservation éternelle. Même mieux, d’une transformation qui surpasse ce que nous pouvons connaître ici : la plénitude de la vie avec Dieu, sans mal ni mort.

Par le Christ, Dieu veut atteindre le monde. Il veut que tous les humains soient sauvés. Certains s’appuient sur cette phrase pour imaginer que « nous irons tous au paradis »… Mais ce n’est pas tout à fait l’esprit biblique ! Dieu souhaite offrir à tous son amour et la joie d’une relation avec lui, la joie de connaître la vérité, le sens de notre vie, de notre monde. Mais ce n’est pas parce qu’il lance l’invitation à tous qu’il force tout le monde à entrer dans le moule : notre adhésion personnelle, notre accord, notre confiance, est une étape incontournable, comme une signature sur un contrat.

A mon avis, Paul ici ne parle pas vraiment de l’extension quantitative du nombre des sauvés, il nous rappelle plutôt l’ampleur du projet de Dieu. Nous ne savons pas qui va croire, qui recevra avec foi la bonne nouvelle de cette vie nouvelle que le Christ permet. Dans cette indétermination, par défaut, prions pour tous ! Puisque notre meilleur ami autant que le criminel le plus endurci peuvent tout à fait répondre à l’appel de Dieu, puisqu’un Français athée autant qu’un bouddhiste vietnamien peuvent se tourner vers lui, prions pour tous ! Parfois, nous sommes pris au piège de nos préjugés, et nous imaginons que certains plus que d’autres pourront rencontrer Dieu. L’exemple de l’apôtre Paul – persécuteur des chrétiens, puis apôtre parmi les plus zélés – devrait nous rappeler que toute personne est susceptible de se laisser bouleverser par Dieu.

L’objectif de Dieu, ce n’est pas l’église… c’est le monde ! Même si l’église est le lieu où Dieu agit de manière particulière, même si dans l’église nous apprenons ensemble à vivre avec lui, ne rétrécissons pas nos perspectives aux limites de notre communauté ou même du peuple actuel de Dieu. Laissons l’objectif de Dieu élargir notre perspective.

  1. La place des autorités

Enfin, Paul accorde une mention particulière aux grands de ce monde : autorités politiques, mais je pense qu’on peut y ajouter les grands acteurs économiques et technologiques de notre temps. Tous ceux qui ont une influence directe sur la marche du monde.

On pourrait se demander si c’est vraiment Paul qui a écrit cette lettre : inviter à prier pour que les autorités nous garantissent une vie tranquille, ça ne lui ressemble pas ! Lui qui a couru partout, et qui a tant été persécuté ! A travers ses souffrances et sa persévérance, il a encouragé de nombreuses personnes à se tourner vers le Christ – un exemple qui se retrouve dans les témoignages des chrétiens persécutés aujourd’hui : face à la difficulté, la foi ne peut pas s’endormir, et sa vigueur rayonne d’autant plus.

Une première piste, c’est de rappeler que si l’Eglise peut s’attendre à être persécutée (Jésus nous a prévenus maintes fois), elle ne souhaite pas la persécution. Tout comme le chrétien peut s’attendre à souffrir, à être tenté, attaqué, éprouvé, sans rechercher toutefois volontairement l’épreuve et la souffrance. Dieu ne nous invite pas au masochisme. Prier pour une vie tranquille, c’est prier pour des conditions favorables à l’exercice de notre foi : pouvoir nous rassembler en église, parler du Christ en toute liberté, témoigner, vivre notre piété.

Mais aussi dans l’éthique, pour pouvoir agir d’une façon cohérente avec notre foi. Si la société nous pousse à un mode de vie contraire à notre foi, nous serons sans cesse en dilemme, et vivre avec justice deviendra compliqué : j’ai entendu plusieurs confier leurs difficultés quand un chef demande par exemple de falsifier un rapport. Prier pour une vie tranquille, c’est aussi prier pour pouvoir vivre en accord avec la volonté de Dieu.

Mais je pense aussi à une deuxième piste : prier pour que dans le monde, les conditions favorisent le chemin de nos contemporains vers Dieu. A l’époque de Paul, le simple réseau routier (administré par les autorités romaines) a été un atout considérable : Paul a pu voyager relativement vite et dans une relative sécurité. A l’époque de Luther, (on le voyait hier avec le groupe Aventure Formation) le travail de Gutenberg dans l’imprimerie a permis la diffusion des traités de la Réforme et des Bibles enfin traduites en langues vernaculaires. Plus récemment, malgré la crise sanitaire, les moyens techniques permettent à des personnes en recherche d’accéder à davantage de contenu chrétien sur internet.

Nous pouvons aussi prier et œuvrer, pour que soient limités les facteurs de destruction du monde qui désagrègent nos sociétés et fragilisent nos contemporains. Parmi beaucoup d’exemples : se préoccuper du problème écologique aujourd’hui, de la biodiversité au réchauffement climatique, ce n’est pas pour préserver à tout prix la planète telle qu’elle est. Mais derrière ces changements se dessinent des sècheresses, des terres appauvries, des migrations économiques, des maladies, des conflits, etc. : Dieu peut parler dans ce contexte, mais on part en quelque sorte de plus loin, avec des personnes davantage blessées, malmenées, fragilisées, déracinées. Paul nous invite ainsi à prier pour que Dieu exerce sa grâce envers tous, une grâce minimale, qui permette de recevoir 5/5 le message de l’Evangile lorsqu’il leur parvient.

barque

Sur cette image, on peut voir une barque au milieu d’une tempête en mer. La barque pourrait être l’église, et la tempête l’état de notre monde. Nous pouvons prier pour que notre barque tienne le choc jusqu’au port. Un peu plus large : prier aussi pour rejoindre tous ceux qui sont à l’eau, avant qu’ils ne se noient. Plus large encore : prier pour que dans la tempête, les forces de ceux qui nagent soient renouvelées, que des bouées de sauvetage leur soient lancées en attendant le canot, que des phares s’allument, que les rafales se calment afin que les messages de secours ne se perdent pas dans le vent.

Oui, le champ de prière est immense, c’est d’ailleurs une des choses qui nous découragent de prier pour la paix, pour le monde, etc. Nous n’en portons pas personnellement l’entière responsabilité, mais si chacun d’entre nous prie pour un domaine ou l’autre, après les infos du soir par exemple ou en traversant la ville, avec une vision large, pour les peuples, les autorités, les situations, afin que la paix de Dieu rejoigne nos contemporains, alors notre monde aura un bon additif.




Vous êtes le sel de la terre (2/5) – Un sel qui donne du goût

 

C’est aujourd’hui le deuxième dimanche de notre campagne de rentrée autour de la formule de Jésus : “ Vous êtes le sel de la terre.” Pendant cinq semaines, à partir de cette métaphore, nous déclinons les différentes propriétés du sel, en les appliquant à notre vie, dans une perspective spirituelle.

La première propriété du sel, c’est de donner du goût. Dans la métaphore de Jésus, un sel qui perd son goût ne sert plus à rien :

Matthieu 5.13
C’est vous qui êtes le sel du monde. Mais si le sel perd son goût, comment le rendre de nouveau salé ? Il n’est plus bon à rien ; on le jette dehors, et les gens le piétinent.

Ici, le plat qui a besoin de sel, c’est le monde. Et le sel, c’est nous ! C’est une vocation formulée sous la forme d’une affirmation : “vous êtes le sel de la terre”, vous êtes là pour donner du goût au monde… Mais comme l’a dit Florence la semaine dernière : “Le sel ce n’est pas nous, soyons humbles : c’est ce que Dieu fait en nous et à travers nous.”

On a beau parler de sel et de goût, il n’y a pas de recette toute faite pour être sel de la terre… Mais ce qui est sûr, c’est qu’avant de vouloir donner de la saveur au monde, à la vie des autres, il faut que ayons nous-mêmes une vie qui a du goût ! C’est en ayant une vie pleine de saveur que nous pourrons donner un peu de saveur autour de nous…

Il n’y a pas de recette toute faite, mais il y a quand mêmes quelques ingrédients indispensables. Et la Bible en mentionne quelques-uns. Comme par exemple dans le texte que je vous propose de lire aujourd’hui, tiré du prophète Michée.

Michée 6.6-8
6 « Avec quoi me présenter devant le Seigneur, lorsque je viens me prosterner devant le Dieu très-haut ? Faut-il que je lui offre en sacrifices complets des veaux d’un an ? 7 Le Seigneur désire-t-il des béliers innombrables, des flots intarissables d’huile ? Donnerai-je mon fils premier-né pour qu’il pardonne ma révolte et mon infidélité ? »
8 On t’a enseigné ce qui est bien, ce que le Seigneur exige de tout être humain : il demande seulement que tu respectes les droits des autres, que tu aimes agir avec bonté et que tu suives avec humilité le chemin que lui, ton Dieu, t’indique.

Les questions des versets 6 et 7 posent la problématique : finalement, qu’est-ce que Dieu attend de moi ? qu’est-ce qui est vraiment important à ses yeux ? On est dans le contexte de l’Ancienne Alliance, donc la piété s’exprime à travers les offrandes et les sacrifices, allant ici jusqu’à proposer d’offrir son fils premier-né ! On formulerait les choses différemment aujourd’hui, on parlerait de prière, de dévotion, d’engagement dans l’Eglise…

Mais est-ce vraiment dans le domaine de la piété, et exclusivement là, que Dieu m’attend ?

Le verset 8 montre que la perspective de Dieu est bien plus large. Il mentionne ce qu’on pourrait appeler trois ingrédients de base d’une vie qui a du goût.
Respecter les droits des autres
Aimer agir avec bonté
Suivre avec humilité le chemin que Dieu nous indique

Ce ne sont pas des ingrédients très compliqués en soi, ils sont à la portée de tous. Mais bien dosés, ils donnent de la saveur à notre vie… et à celle des autres.

Respecter les droits des autres

Les versions françaises traduisent souvent “respecter le droit” ou “pratiquer la justice”. Mais de quel droit s’agit-il sinon le droit des autres ? On ne peut pas “respecter le droit” sans respecter les droits des autres. On ne peut pas parler de droiture ou de justice sans prendre en considération les autres, sans respecter leurs droits et ce qu’ils sont. C’est bien la question du lien à notre prochain qui est posée ici.

Aimer agir avec bonté

J’aime beaucoup la formule ! Ce n’est pas seulement agir avec bonté, c’est aimer agir avec bonté. Autrement dit, ce n’est pas une bonté forcée, sous la contrainte, dont on se sent obligé : “il faut bien être bon puisqu’on est chrétien !” C’est une bonté libre et joyeuse, ancrée dans notre coeur, nos motivations profondes. Il s’agit donc, d’une certaine façon, du lien avec nous-mêmes, notre coeur.

Suivre avec humilité le chemin que Dieu indique

Littéralement il s’agit de “marcher humblement devant Dieu”. La marche désigne ici notre vie, notre comportement de tous les jours et j’aime bien la formulation proposée par la Nouvelle Bible en Français Courant. Suivre le chemin que Dieu nous indique, c’est avoir un comportement conforme à la volonté de Dieu. Et le faire humblement, devant Dieu, c’est le vivre dans la dépendance et la confiance en Dieu. C’est donc notre lien à Dieu, et ses conséquences dans notre vie quotidienne, qui est souligné ici.

Ces trois ingrédients interrogent donc notre lien à Dieu, à notre prochain et à nous-mêmes. Et la réflexion que cela m’inspire, c’est qu’une saveur équilibrée est une affaire de dosage.

Pour une saveur équilibrée

Une vie chrétienne a du goût quand elle est équilibrée dans sa saveur, harmonieuse dans dans son lien aux autres, à soi-même et à Dieu. Cela découle d’ailleurs immédiatement des deux commandements indissociables, les plus importants selon Jésus lui-même : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… et tu aimeras ton prochain comme toi-même.” Dieu, les autres et moi-même.

Il y a dysfonctionnement, on pourrait dire que la saveur est déséquilibrée, lorsqu’un des trois ingrédients prend toute la place.

Une vie chrétienne centrée sur soi-même est évidemment déséquilibrée. Dans cette perspective, ce qui compte, c’est d’être bien, d’être libéré, d’être léger. Dieu devient mon coach personnel. La repentance et la sanctification sont remplacées par l’épanouissement et le bien-être. La Bible est un manuel de développement personnel. Bref, ce qui compte c’est moi ! Je ne vois pas comment une telle vie chrétienne va pouvoir être sel de la terre…

Une vie chrétienne centrée sur les autres exclusivement est aussi déséquilibrée. D’une part parce que ça peut être une fuite en avant, qui nous évite de nous poser les bonnes questions sur nous-mêmes et notre cheminement avec Dieu. Et d’autre part parce qu’elle oublie la deuxième partie du commandement : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même !” Il peut y avoir une fausse humilité à se dénigrer et se dévaloriser. Ce n’est pas sain. D’autant que Dieu, lui, nous dit que nous avons de la valeur à ses yeux.

Même une vie chrétienne centrée sur Dieu uniquement n’est pas équilibrée non plus… J’ai conscience que ça peut paraître étonnant. Mais regardez notre texte. Les questions des versets 6-7 sont entièrement centrées sur Dieu : quelles offrandes, quels sacrifices lui apporter ? Et la réponse de Dieu, au verset 8, nous réoriente vers les autres ! Les chrétiens qui ne vivent que pour Dieu, dont toute la vie est prière et méditation de la Bible, dont la seule préoccupation c’est Dieu et lui seul… ces chrétiens oublient le deuxième commandement : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”. Notre consécration à Dieu ne doit pas être une fuite de notre prochain ! On ne peut pas aimer Dieu sans aimer notre prochain…

Saler… mais pas trop !

Une saveur équilibrée est une affaire de dosage aussi dans la façon de “saler” les autres, c’est-à-dire de leur donner du goût, de les influencer positivement.

Sans sel, un plat est sans saveur. Mais avec trop de sel il devient immangeable !

Si on veut agir avec bonté, suivre le chemin que Dieu nous indique, il faudra forcément se tourner vers les autres. C’est bien à cela que Dieu nous appelle. Nous avons une Bonne Nouvelle à vivre et à partager. Et je ne vois pas comment on pourrait aimer notre prochain sans chercher à le rejoindre…

Mais parfois on veut en faire trop… et plutôt que de donner du goût, on rend l’Evangile immangeable ! D’où l’importance de respecter les droits des autres. On ne peut pas s’ingérer dans la vie des autres, ou faire pression sur eux, même pour la bonne cause, même avec de bonnes intentions !

Saler oui… mais pas trop ! Tout est affaire de dosage. Les uns, timides ou réservés, devront peut-être se faire violence, et compter sur l’aide du Saint-Esprit, pour avoir le courage d’affirmer leur foi et partager l’Evangile. Les autres, enthousiastes ou extravertis, auront tout autant besoin du Saint-Esprit… mais pour les retenir et ne pas en faire trop !

Conclusion

Celui qui nous appelle à être sel de la terre est aussi celui qui en donne l’exemple parfait. En Jésus-Christ, le Fils de Dieu est devenu homme, simple et humble. Et c’est ainsi qu’il a influencé durablement le monde, à partir d’une poignée de disciples dont il s’est entouré. Il avait le courage de mettre les pieds dans le plat quand il le fallait mais il a donné l’exemple du service, jusqu’à la mort sur la croix, et de l’accueil de tous, en particulier les petits et ceux qu’on rejetait.

Il a donné l’exemple d’une vie à la saveur équilibrée, qui donne du goût à la vie de ceux qui le suivent. Il savait saler… mais pas trop ! Efforçons-nous d’être “sel de la terre” à son exemple !




Vous êtes le sel de la terre ! (1/5)

Hier soir, avec les jeunes, on a fait un petit jeu : chacun devait écrire anonymement 3 qualités et 1 défaut, ensuite, je rassemblais les informations, et on devait retrouver qui se cachait derrière la description. Evidemment, les défauts nous ont fait rire ! Mais c’est top secret ! En tout cas, une des choses que cet exercice a révélées (et je l’ai fait, je confirme !), c’est que c’est très dur de répondre. C’est comme en entretien d’embauche : c’est difficile de décrire soi-même ses propres points forts & points faibles. La modestie ou l’orgueil déforment notre perception de nous-mêmes, et puis il y a toutes ces choses auxquelles on ne pense pas, parce qu’il y a un décalage entre ce qu’on perçoit de soi-même, à l’intérieur, et ce que l’autre voit, qui est souvent très partiel et en même temps, assez révélateur.

Difficile de se définir, difficile de définir l’autre… Un seul peut vraiment nous dire qui nous sommes, et c’est celui qui connaît toutes choses, en interne et en externe. Il n’est pas seulement omniscient, il est aussi celui qui nous a façonnés – et c’est comme une œuvre d’art : qui mieux que l’artiste peut expliquer le sens de son œuvre ?

La Bible nous dévoile ainsi le regard que Dieu pose sur nous. Ce matin, j’aimerais en voir un exemple avec vous, une affirmation que Jésus pose sur ses disciples de la part de Dieu.

Lecture biblique : Matthieu 5.13  

C’est vous qui êtes le sel du monde.

Mais si le sel perd son goût, comment le rendre de nouveau salé ?

Il n’est plus bon à rien ; on le jette dehors, et les gens le piétinent.

          Cette affirmation de Jésus à ses disciples, à ses plus proches, sonne comme une vocation, proclamée avec confiance : vous êtes le sel du monde. C’est vous qui donnez du goût !

Remarquez que ce n’est pas une question, ni même une invitation : Jésus pose un constat – Vous êtes le sel de la terre. C’est vous qui donnez du goût au monde.

En cuisine, beaucoup de choses donnent du goût… Mais vous avez déjà goûté la nourriture sans sel ?… Pour certains aliments, ça passe, mais le pain sans sel, c’est vraiment pas bon ! Alors si même le sel perd son goûtplan B : on remplace par des épices ? Mais l’avertissement reste là : si les épices s’éventent, elles ne servent plus à rien… L’avertissement de Jésus souligne une grande responsabilité : rester un sel goûteux, qui assaisonne son milieu.

C’est cette affirmation qui va nous guider en cette rentrée : elle est la base du livret de méditations que nous vous proposons de suivre pendant 5 semaines, seul et en église (au culte, en petits groupes, à deux…). Alors pendant 5 semaines, on va explorer cette vocation ensemble – la méditer, la discuter, l’imaginer, la prier… Qu’est-ce que ça veut dire, pour l’église, pour chacun, être sel de la terre ?

Alors en ce début de campagne, je n’ai pas les réponses au quoi ni au comment, mais j’aimerais qu’on s’attarde sur le « pourquoi ». Pourquoi, aux yeux de Dieu, sommes-nous sel de la terre ?

          Parce que le monde en a besoin

Réponse presque automatique : parce que la terre en a besoin. L’avertissement de Jésus (un sel sans goût sera jeté) peut nous effrayer, mais il est surtout là pour nous montrer à quel point ce qu’il dit est sérieux. Cette vocation est incontournable – parce que le monde en a besoin. Être salé n’est pas facultatif pour le sel… parce que le pain en a besoin ! L’enjeu dépasse notre nombril ou nos envies… C’est un besoin mondial.

De quoi le monde a-t-il besoin ? LA question ! Paix, amour, justice,… Notre monde en dérive, secoué par des crises diverses : la crise sanitaire est peut-être la plus médiatisée, mais le moindre bulletin d’informations nous suggère tellement de souffrances & de dysfonctionnements – sur le plan économique, social, sociétal, psychologique, écologique, politique, physiologique, (pause – inspirer) et caetera… Nous le voyons à grande échelle, et sur le plan individuel aussi : nos contemporains sont malheureux – épuisés, dans un système où il faut toujours plus, être efficace, aller vite, ne faire aucune erreur (jamais), et être toujours le meilleur de soi.

Derrière ces dynamiques, le besoin de prouver notre valeur ou de trouver notre place, de savoir où on va et pourquoi. Ces questions sont légitimes, et on se les pose tous plus ou moins – mais qu’est-ce que c’est dur quand on n’a même pas un début de réponse. Quand on se raccroche à des substituts articifiels et vains… comme l’argent ou le nombre de voyages effectués, la quantité de muscles ou le tour de taille, le nombre de like sur notre réseau préféré… Il existe d’autres substituts, moins superficiels : trouver le sens de sa vie dans son activité professionnelle, dans sa famille, dans son engagement (amical, associatif ou même à l’église !) – ce sont des préoccupations légitimes mais qui se déforment quand on mise tout dessus : quand toute notre identité s’appuie sur notre performance scolaire ou sportive, sur nos amis, sur le rapport aux enfants, sur la place au travail…

Nos contemporains ont besoin d’amour, quelque soit la forme de leur recherche – nous avons besoin d’amour et de reconnaissance. D’espérance et de sens. Des soifs que seul Dieu peut étancher : lui qui aime sans limite, qui invente des nouveaux chemins, qui est infatigablement fidèle.

          Pourquoi nous ? Un sel AOC

Bon, que Dieu donne du goût au monde, ça se tient ! Que son amour soit l’ingrédient qui manque pour que le plat soit parfaitement assaisonné, ça se tient ! Mais quel rapport avec nous, les disciples de Jésus, les chrétiens ? Nous qui nous trouvons souvent dans les mêmes travers ! Etre chrétien donnerait-il la solution à tout ?

Il y a eu de ces réponses arrogantes : « nous les chrétiens nous savons, les autres se perdent. Allons les sauver par notre bonne parole. » Des siècles d’histoire de l’église ou dix minutes d’introspection nous rattrapent : non, nous ne sommes pas meilleurs ! Et Dieu le sait très bien !

Alors pourquoi Jésus dit-il que nous sommes le sel du monde, alors que c’est très clairement à travers lui que Dieu donne le salut dont nous avons tant soif ?

Parce que notre connexion à lui nous donne du goût : c’est dans la mesure où nous nous attachons à lui, où nous nous enracinons en Dieu par Jésus dans l’Esprit, que nous trouvons amour, sens et espérance. Et ce goût se partage ! mais pour qu’il soit goûteux, il faut qu’il soit AOC, d’appellation origine contrôlée. C’est l’origine qui garantit le goût ! C’est dans la mesure où nous sommes connectés à Dieu, nourris et abreuvés par lui, que nous pouvons transmettre autour de nous. Le sel ce n’est pas nous, soyons humbles : c’est ce que Dieu fait en nous et à travers nous. Son œuvre, ses transformations, sa sagesse, sa vertu, son courage, sa générosité – concrétisés dans notre vie – voilà qui peut interpeller le monde !

Alors le monde, c’est grand ! mais ce n’est pas à moi, individuellement, de saler le monde – l’Eglise dans le monde entier relève ce défi. Mais c’est un défi grandiose qui passe forcément par chacun, là où il est, à sa mesure, dans son contexte. L’Eglise mondiale est sel de la terre, l’église locale est sel de sa ville, je suis / vous êtes sel de votre réseau.

Créés pour participer

Vous êtes le sel de la terre… Jésus affirme à la fois une identité et une mission. Une identité missionnaire.

Est-ce qu’on a le choix ? est-ce qu’on peut dissocier les deux, l’identité et la mission ? oui et non. Oui, on peut être sauvé sans rayonner beaucoup. On peut en rester à une foi privée qui nous réconforte, nous encourage, nous aide à avancer. Je crois que dans sa grâce, Dieu nous sauve à travers l’œuvre de Jésus, qui vaut pour nous quand nous croyons – nos manques ne nous sépareront pas de l’amour de Dieu.

Mais c’est tellement dommage ! Parce que Dieu a un projet bien plus ambitieux ! Et ce depuis le début, avant même la chute, bien avant les dysfonctionnements et les travers de notre humanité. Dès le départ, dès la conception du projet « Terre », Dieu a décidé que l’humanité serait sel de la terre. C’est l’ingrédient secret dans sa recette cosmique. L’humanité donnerait du goût au monde – en veillant à son harmonie, à son équilibre, en partageant ce qu’elle recevrait de Dieu, en cultivant et en créant à son tour.

Dès la première minute de l’humanité, l’identité que Dieu donne s’assortit d’une mission. Adam & Eve doivent cultiver & garder le jardin. Après la chute, plan B pour rejoindre l’humanité – par le biais d’Abraham & de ses descendants, le peuple d’Israel : appelés à recevoir la bénédiction de Dieu et à être bénédiction pour les nations. Jésus est celui qui nous révèle Dieu, mais le salut qu’il nous offre ne se trouve pas seulement dans la joie de contempler Dieu : c’est par ses actions qu’il nous a bénis. Et l’Eglise, à sa suite, elle adore et sert Dieu, mais cet amour envers Dieu conduit naturellement à servir l’autre, avec générosité et compassion. Si vous ne me croyez pas, relisez les Evangiles.

Nous avons été créés pour avoir du goût et en donner. Loin de Dieu, la vie devient fade ou déséquilibrée. Lorsqu’il nous rejoint à travers Jésus, Dieu restaure cette identité missionnaire qui est la nôtre depuis toujours, indissociable : recevoir son amour et l’offrir à notre tour.

          Saler, en toutes circonstances

Un mot sur le contexte qui est le nôtre. La crise que nous traversons nous secoue, secoue nos certitudes et nos habitudes. Nous sommes perdus. Alors beaucoup ont décidé de revenir à l’essentiel, de lâcher le superflu pour se recentrer sur les fondements, le solide, sur ce qui est stable en ces temps d’incertitude. Et c’est très bien !

Mais en tant que chrétiens, si on se centre sur l’essentiel – et je prie pour qu’on se centre sur l’essentiel ! – ce ne sera pas stable. Parce que notre Dieu est un Dieu en mouvement, un Dieu qui agit, et un Dieu qui nous envoie. Qui nous fait participer à ses projets – qu’il pleuve ou qu’il vente ! La façon de faire, il faudra l’adapter. Mais le cœur de notre vocation : il reste vrai – nous sommes sel de la terre. En ces temps d’incertitude, notre vocation n’est pas incertaine : nous sommes sel de la terre.

Alors deux encouragements.

Quand Jésus ressuscité demande aux disciples de partager l’espérance qu’on trouve en Dieu, les temps ne sont pas meilleurs qu’aujourd’hui. Persécution, famine, incompréhensions… Si les disciples avaient attendu que ça se calme avant de témoigner, personne ne connaîtrait Jésus aujourd’hui.

Et comment ont-ils réussi ? Ils ont tâtonné, mais ils y sont allés. Alors comment ? Avec l’aide du Saint Esprit. Mais nous aussi, nous avons le Saint Esprit ! L’Esprit de Dieu, souverain, maître de tout, que rien ne déstabilise – c’est lui qui nous envoie et nous accompagne. Alors par nos propres forces, nous ne pouvons rien faire – en temps de covid comme en temps normal. C’est avec Dieu, enracinés en lui, nourris et inspirés par lui, que nous trouvons notre espérance, notre force, et que nous pouvons en témoigner.

L’objet de cette campagne, c’est de revenir à Dieu, ensemble. Peut-être que vous ne vous sentez pas très salés, ou que vous avez glissé loin de Dieu. Peut-être que vous vous sentez bloqués par une difficulté ou un manque. Ou peut-être que vous êtes démunis devant l’avenir. Profitons de ces quelques semaines pour nous recentrer sur Dieu et sur ce qu’il nous appelle à vivre. Laissons-nous questionner, interpeller, bousculer, inspirer, pour mieux le retrouver et mieux le suivre. Car c’est lui, notre créateur, notre sauveur, notre père, c’est lui qui nous garantit amour, espérance et joie, quoi qu’il arrive.

EEL Toulouse – Campagne de rentrée 2020




Le berger et la brebis perdue

 

Est-ce que vous aimez qu’on vous raconte une histoire ?

J’ai une fille qui est maîtresse des écoles et qui a donc fait sa rentrée cette semaine. Cette année, elle va faire des remplacements mais elle est ravie parce qu’elle commence l’année avec une classe de maternelles. Et ce qui lui plaît en particulier, c’est qu’elle va pouvoir raconter plein d’histoires à ses élèves.

Mais les histoires, ce n’est pas seulement pour les enfants ! Moi qui suis cinéphile, j’aime me laisser embarquer par l’histoire qu’un film me raconte. Et si vous aimez lire, vous devez ressentir le même plaisir.

Jésus aussi aimait raconter des histoires dans son enseignement. Il partait d’une situation de la vie de tous les jours pour en tirer une leçon spirituelle. C’est ce qu’on appelle les paraboles. Je vous propose d’en lire une ce matin :

Matthieu 18.12-14
12 Qu’en pensez-vous ? Si quelqu’un possède cent moutons et que l’un d’eux s’égare, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans la montagne pour partir à la recherche de celui qui s’est égaré ? 13 Je vous l’affirme, s’il le retrouve, il ressent plus de joie pour ce mouton que pour les quatre-vingt-dix-neuf autres qui ne se sont pas égarés. 14 De même, votre Père qui est dans les cieux ne veut pas qu’un seul de ces petits se perde.

Dans cette parabole, il y a deux personnages principaux : un berger et un mouton. Le berger nous parle de Dieu. Le mouton nous parle de nous. On peut même dire, probablement, que la parabole parle d’abord du berger (cf. la conclusion au verset 14) et ensuite du mouton.

Mais je vous propose de commencer par le mouton… parce qu’il parle de nous !

Le mouton

Tout ce qu’on sait du mouton de l’histoire, c’est qu’il est perdu. On ne sait pas dans quelles circonstances il s’est égaré, ni si c’est de sa faute ou pas… Peu importe. Il est perdu.

On a tous connu, une fois ou l’autre, ce sentiment d’être perdu. Que ce soit en randonnée parce qu’on s’est écarté des chemins balisés, à la lecture d’un mode d’emploi dont on ne comprend rien, ou face à une tâche à accomplir dont on se sent incapable… Qui n’a pas dit, un jour : “là, je suis perdu !”

Plus subtile : parfois on est perdu sans le savoir, ou en étant même persuadé qu’on a la situation bien en main… et là c’est pire ! Parce qu’on s’obstine.

Ce que notre parabole veut nous dire, et ce que la Bible dit par ailleurs à plusieurs reprises, c’est que lorsque nous vivons sans Dieu, nous sommes perdus. Qu’on en soit conscient ou non. Ça ne veut pas dire pour autant qu’on est les pires des racailles, des voyous sans foi ni loi. On peut être des gens très bien sous tout rapport… et être perdus.

Une affirmation biblique fondamentale, c’est que l’être humain a été créé à l’image de Dieu. C’est une façon de dire que nous sommes faits pour être en relation avec notre Créateur. Sans ce lien à notre Créateur, nous sommes perdus.

Et le risque de se retrouver perdu, de s’égarer, de se perdre par rapport à soi-même, nous concerne tous, croyants ou non. Une des forces de la foi, c’est de se reconnaître perdu, c’est-à-dire ayant besoin de Dieu. Et cela, on peut aussi l’oublier en tant que chrétien, et vivre sa vie comme si Dieu n’était pas là, comme si, finalement, on pouvait se débrouiller tout seul. Ce n’est plus Dieu qui compte mais notre foi, notre appartenance religieuse, nos rites et nos habitudes…

Avoir la foi, c’est être conscient de notre besoin de Dieu dans notre vie. Et avoir une foi vivante, c’est se nourrir de Sa présence au quotidien.

Le berger

Venons-en maintenant au berger de la parabole. Il y a deux choses qui me frappent, dans cette histoire, à propos du berger : d’abord le fait que chaque mouton semble l’intéresser plus que le troupeau dans son ensemble, et ensuite sa joie communicative quand il retrouve le mouton perdu.

Il me semble que nous pouvons en tirer deux leçons sur Dieu :

  • Dieu n’aime pas seulement les humains en général, il se soucie de chacun en particulier.
  • Ce que Dieu nous offre, ce n’est pas seulement de retrouver le troupeau mais de partager sa joie.

Dieu est un berger qui connaît et qui se soucie de chaque mouton en particulier. Avec lui, ce n’est pas “une de perdue, dix de retrouvées”, c’est “une de perdue, une à retrouver !”. Dieu nous cherche ! Même si, aujourd’hui, nous ne nous soucions guère de lui, il cherche à rétablir la relation avec nous.

Dieu n’est pas spectateur de notre vie. Ce n’est pas un juge ou un arbitre qui compte le bons et les mauvais points. Il est acteur de notre vie, il nous cherche et veut prendre soin de nous. Le Dieu dont nous parle la Bible n’est pas un Dieu lointain et impersonnel, c’est un Dieu proche, aimant, et personnel. Il n’est pas seulement l’architecte qui a créé l’univers et ses lois avant de laisser le monde fonctionner tout seul, il est un berger qui aime et prend soin de ses brebis.

C’est aussi pourquoi le berger ne veut pas seulement nous faire “rentrer dans le rang” et réintégrer le troupeau. Dieu ne veut pas que nous soyons des moutons de Panurge, qui suivent le mouvement sans se poser de question, sans recul, sans esprit critique… et sans enthousiasme ! Il veut que nous partagions sa joie. Sa joie de nous avoir retrouvé… et notre joie de l’avoir trouvé !

Il est important d’apprendre à voir la vie chrétienne comme l’occasion de partager la joie de Dieu. Ça ne veut pas dire que tout sera toujours merveilleux, un chemin sans embûche, sans difficulté, sans épreuve… loin de là. Un chrétien n’est pas toujours gai et sautillant !

Mais connaître Dieu, à travers Jésus-Christ, comme un berger qui nous connaît, nous aime et prend soin de nous, n’est-ce pas la source d’une joie profonde, paisible dans l’épreuve et enthousiasmante d’espérance ?

Conclusion

Dieu se réjouit ce matin, il partage notre joie en ce dimanche où nous avons assisté à un baptême. Il est rempli de la joie du berger de la parabole.

Quel que soit notre cheminement personnel, il nous invite à croire que nous sommes perdus si nous perdons le contact avec Dieu. Et ça peut nous arriver à tous, y compris si nous sommes croyant de longue date.

Mais lorsque nous nous égarons, pour une raison ou pour une autre, Dieu nous cherche toujours. Sans relâche. Il ne s’en lasse jamais. C’est la conclusion de la parabole : “votre Père qui est dans les cieux ne veut pas qu’un seul de ces petits se perde.”

Ce Dieu-là mérite qu’on se laisse trouver par lui… et que nous partagions sa joie !




Communiquer la grâce

Récemment, dans un établissement de santé, je suis tombée sur une charte de bonnes pratiques comme on en voit en milieu médical, scolaire, commercial ou au travail. A la lecture de ces chartes qui prônent respect et bienveillance, on s’imagine vivre dans une société idéale où chacun peut parler et être écouté de façon bénéfique. Un archéologue du futur qui retrouverait ces documents se dirait que notre société se préoccupe beaucoup de soutenir les relations par une communication juste et positive.

D’ailleurs, il n’aurait qu’à fouiller dans les débris du rayon « Développement personnel » d’une librairie pour retrouver un nombre incalculable de ces titres à succès, manuels de communication et de relations, qui semblent fleurir depuis quelques années.

Cela dit, nous avons une donnée supplémentaire par rapport à cet archéologue du futur : l’expérience réelle des relations… Cet été encore, j’ai été choquée de voir les réactions des uns et des autres, ne serait-ce que dans la rue ! Les insultes qui fusent entre conducteurs, à l’égard d’un vélo ou d’un commerçant qui demande à porter le masque, quand ça ne va pas plus loin malheureusement.

Les mots malheureux viennent aussi, et surtout, fragiliser nos relations importantes : un adulte qui doute de lui parce qu’à l’école, un prof a émis un jugement catégorique (« tu n’arriveras jamais à rien » ?), une vexation dans l’amitié, au travail, ou dans la famille. Et même dans l’église : même sans grossièreté, il y a des paroles cassantes, violentes, ou simplement d’une insouciance absurde, qui laissent des cicatrices. On peut être très blessant juste en citant un verset biblique… Et j’ai malheureusement bien des exemples de personnes qui ont été blessées, parfois au point de ne plus voir l’intérêt de venir en communauté. D’autres viennent, mais avec une distance de protection. Vous voyez l’importance de l’enjeu !

Est-ce nous qui sommes trop sensibles ? Je ne crois pas, car la question des paroles et de la communication revient très souvent dans la Bible, et j’aimerais lire avec vous un extrait de la lettre de Paul aux Ephésiens, où il exhorte à une communication saine. Je lirai aussi les versets avant et après, car ils donnent le ton de la réflexion.

Lecture biblique : Ephésiens 4.1-3, 21-5.2  

1 Je vous le demande donc avec insistance, moi qui suis prisonnier parce que je sers le Seigneur : vous que Dieu a appelés, conduisez-vous d’une façon digne de cet appel. 2 Soyez toujours humbles, doux et patients. Supportez-vous les uns les autres avec amour. 3 Efforcez-vous de maintenir l’unité que donne l’Esprit saint par la paix qui vous lie les uns aux autres. 

[suit une réflexion sur l’unité de l’église et une exhortation à se laisser façonner par la réalité du salut] selon la vérité qui est en Jésus, 22 renoncez à votre conduite passée, débarrassez-vous de l’être humain que vous étiez auparavant car ses désirs trompeurs mènent à la ruine. 23 Laissez-vous renouveler par l’Esprit qui agit sur votre intelligence. 24 Revêtez l’être nouveau, créé à la ressemblance de Dieu et qui se manifeste dans une vie conforme à sa volonté et digne de lui qui est inspiré par la vérité.

25 Rejetez donc le mensonge ! Que chacun dise la vérité à son prochain, car nous sommes tous membres d’un même corps. 

26 Mettez-vous en colère, mais ne péchez pas ; que votre colère s’apaise avant le coucher du soleil. 

27Ne donnez pas au diable l’occasion de vous dominer.           

28 Que la personne qui volait cesse de voler ; qu’elle se mette plutôt à travailler et qu’elle fasse le bien de ses propres mains pour avoir ainsi de quoi aider celui qui en a besoin. 

29 Qu’aucune parole mauvaise ne sorte de votre bouche ; dites seulement des paroles bienveillantes, qui répondent à un besoin et qui sont constructives, pour faire du bien à ceux qui vous entendent. 

30 N’attristez pas l’Esprit saint de Dieu ; il est pour vous la marque personnelle attestant que le jour viendra où Dieu vous délivrera complètement du mal. 

31 Chassez loin de vous tout sentiment amer, toute irritation, toute colère, ainsi que les cris et les insultes. Abstenez-vous de toute forme de méchanceté. 

32 Soyez bons et pleins d’affection les uns pour les autres ; pardonnez-vous réciproquement, comme Dieu vous a pardonné par le Christ.

5. 1 Puisque vous êtes les enfants que Dieu aime, efforcez-vous d’être comme lui. 2 Que votre façon de vivre soit inspirée par l’amour, comme le Christ aussi nous a aimés et a donné sa vie pour nous, comme une offrande et un sacrifice dont l’agréable odeur plaît à Dieu.

          Bien communiquer… ou communiquer le bien ?  

Paul parle ici plus que de communication : il nous exhorte à devenir de nouvelles personnes. Ou plutôt, à nous mettre en cohérence avec la nouveauté de vie que Dieu rend possible en Christ, par son Esprit qui nous conduit désormais. Comme il est en train de parler de l’église, il glisse vers des exhortations relationnelles, très pratiques (du style : ne vous couchez pas sur votre colère !). Il parlera plus tard de questions plus personnelles, mais pour Paul, et dans la Bible, la sainteté est autant dans nos choix de vie que dans notre façon de gérer les relations. La pureté spirituelle, c’est aussi des relations saines.

Honnêtement, les conseils de Paul ne sont pas très originaux. Il s’inspire beaucoup de l’Ancien Testament, mais même au-delà : dans la sagesse de l’époque, on trouve le même genre de conseils. Par exemple dans la communauté de Qumrân, ou, dans le monde grec, chez les stoïciens, les pythagoriciens, etc. Il faut réfléchir avant de parler, ne pas mentir, ne pas laisser les situations s’envenimer… C’est du bon sens ! pas toujours respecté, mais pertinent et efficace. D’ailleurs, si vous parcourez des livres de communication aujourd’hui, comme un manuel de communication non violente (Les mots sont des fenêtres, de M. Rosenberg) ou les Accords Toltèques, ils sont, pour la partie communication, tout à fait en phase avec les conseils de Paul.

La grande originalité biblique – et c’est là que Paul se démarque des sagesses antiques & modernes – c’est que le cadre est différent. Le chrétien ne travaille pas sa façon de communiquer par souci pragmatique – dans le cadre social, pour éviter les conflits qui fragilent les relations et la société, ou pour sa santé, pour éviter un ulcère ! Non, le chrétien change de communication parce qu’il a changé. Voyez plutôt combien Paul justifie ses exhortations de manière spirituelle.

(v.2) vous que Dieu a appelés, conduisez-vous d’une façon digne de cet appel

(23) Laissez-vous renouveler par l’Esprit qui agit sur votre intelligence

(25) nous sommes tous membres d’un même corps

(27) Ne donnez pas au diable l’occasion de vous dominer

(32) comme Dieu vous a pardonné par le Christ.

(5.1) Puisque vous êtes les enfants que Dieu aime

(2) comme le Christ aussi nous a aimés et a donné sa vie pour nous

Au début du confinement, j’ai lu un bon article de Raphaël Charrier [https://raphaelcharrier.toutpoursagloire.com/bannir-lexpression-le-plus-important-dans-couple-communication/] qui évoquait la communication dans le couple. Il rappelle que, bibliquement, l’objectif n’est pas de bien communiquer, mais de communiquer le bien. Si vous exprimez avec justesse et précision toutes vos pensées, même les plus ambivalentes et parfois destructrices, ce n’est pas un geste d’amour ni un geste constructif. S’exprimer, c’est bien, mais qu’est-ce qu’on exprime ? et comment ?

D’après Paul, le Christ est mort pour que nous soyons réconciliés avec Dieu, notre Père qui demeure en nous par son Esprit : il nous façonne et nous change, pour le bien. Il renouvelle notre identité, comme s’il l’assainissait, afin qu’il découle de nous une eau pure et rafraîchissante, et non de l’eau frelatée et nauséabonde.

          Communiquer la vérité avec amour

Paul nous livre en même temps des exhortations très précises et très générales, sur la colère, les paroles, la posture, la gestion de nos émotions,… Globalement, on peut résumer ses conseils (que je vous invite à appliquer !) par cette formule qui intervient plus tôt dans le chapitre 4 : communiquer la vérité avec amour (4.15).

Communiquer la vérité – dans notre société avide d’authenticité, ça sonne bien ! Il y a un souci d’honnêteté, de simplicité – qui s’oppose à l’hypocrisie et à la duplicité. On dit les choses comme elles sont, sans manipulation ni fausseté, pour établir des relations de confiance. Outre le fait qu’une parole fausse peut vite se retourner contre nous si la vérité éclate, ou qu’elle peut nous troubler de l’intérieur, comment se faire confiance si personne ne dit la vérité ? c’est la base de toute relation ! Au-delà, nous appartenons au Dieu de la vérité et de la justice, en qui rien n’est double ou faux. Dieu est franc, et il attend la même chose de nous.

Mais cette franchise ne dispense pas d’aimer, de parler avec douceur et bienveillance, d’être attentif à l’autre pour éviter de blesser. J’ai entendu maintes fois « Moi, je suis franche, je dis ce que je pense » façon bazooka parfois ! Leur focus est surtout sur eux et ce qu’ils pensent.

Paul invite les francs à se mettre du côté des auditeurs et à tester la douceur : ça fait quoi d’entendre ça ? Un peu de douceur n’éteindra pas la vérité. Paul et Jésus n’étaient pas des mous, pourtant ils parlaient souvent avec délicatesse et respect.

Le fléau inverse, c’est ceux qui ne disent rien pour ne pas faire de mal. En général, ils rongent leur frein jusqu’à ce qu’ils explosent ou qu’ils partent. Ce n’est pas mieux ! Car souvent, on en vient à tolérer des situations de compromis, des incohérences, des choses qui ne fonctionnent pas… et l’ensemble finit par se frelater. Pour garder des relations saines, Paul invite les doux à dire ce qu’ils pensent et à tester la vérité. A ne pas se focaliser que sur la réaction de l’autre.

Dans une relation saine, à l’église, en famille, au travail, partout, dans une relation saine, il y a de la place pour l’autre et pour moi. Le dosage peut varier selon les circonstances, mais les deux sont essentiels.

Communiquer la vérité avec amour : on est tous plutôt d’un côté ou de l’autre, mais Dieu est un Dieu de vérité et d’amour. Et depuis la création et notre re-création, notre vocation, notre projet, notre identité, c’est de devenir comme lui, à l’exemple du Christ, inspirés par l’Esprit saint !

          Un effort

Relevez l’intrus dans les exhortations de Paul… Au milieu de toutes ces exhortations de communication, pourquoi Paul vient-il nous parler du vol ? Peut-être qu’après avoir parlé du mensonge, emporté par ses souvenirs des dix commandements, il aborde le vol, et puis il revient à son premier thème : la communication. Mais je vois une autre possibilité : le voleur c’est celui qui ne participe pas. Il prend, il profite de la situation, aux dépens des autres, mais il ne donne rien en échange. Il est centré sur son intérêt, sur son nombril. Paul invite le voleur à une attitude responsable (se prendre en charge) et généreuse (venir en aide aux autres). Cette attitude est en fait très cohérente avec les questions de communication : dans la relation, nous sommes appelés à nous impliquer, nous-mêmes, tels que nous sommes, quitte à nous rendre un peu vulnérables. Et à l’implication s’ajoute la générosité, car je ne cherche pas seulement mon bien, mais aussi celui de l’autre.

La vie en communauté, les relations réelles (et je ne parle pas des réseaux sociaux qui simplifient/simplistifient beaucoup les interactions) demandent un engagement de notre part. Paul est clair là-dessus : il faut faire des efforts… Nos relations ne seront saines que si nous y mettons du nôtre – et ce n’est pas toujours agréable.

Dans une église où nous sommes si différents, les cultures, les habitudes, les tempéraments s’entrechoquent. Sans parler du fait que nous ne sommes pas toujours très agréables… Mais Dieu nous appelle à nous supporter les uns les autres – dans les deux sens ! Nous soutenir, mais aussi nous supporter, être patients, voire… nous pardonner. Pardonner les paroles malheureuses, les silences, les réactions bizarres, les incompréhensions : l’effort est dans notre cœur. Lutter inlassablement contre l’amertume, le soupçon, la rancœur… Et laisser le bénéfice du doute, être patient, plein de grâce… A choisir de regarder l’autre d’abord comme un frère dans la foi, et pas comme un ennemi.

Car Dieu nous a fait grâce en Christ, et il nous appelle à vivre ensemble pour l’éternité.

Mais même au-delà de l’église : à l’ère où la communication est si centrale dans notre société, quel témoignage si nous sommes de ceux qui communiquent la grâce, qui disent la vérité avec amour, qui sont authentiques et attentifs aux autres… Jésus, franc et doux, attirait les foules… que nous puissions lui ressembler, en public et en privé, dans l’église et en dehors, en présentiel et en virtuel, afin que la grâce de Dieu soit communiquée au plus grand nombre !