Est-ce que vous ĂŞtes satisfait de ce que vous ĂŞtes ? Et si vous ĂŞtes croyant, est-ce que vous ĂŞtes le chrĂ©tien ou la chrĂ©tienne que vous rĂŞvez d’ĂŞtre ? Sans doute pas… En tout cas, moi, je n’ai pas cette impression pour moi-mĂŞme.
La semaine dernière nous nous sommes interrogĂ©s sur ce que cela impliquait d’ĂŞtre disciple du Christ : rĂ©pondre Ă l’appel du Christ et choisir de le suivre, en s’efforçant chaque jour de discerner ce qu’il attend de nous. On a beau vouloir suivre le Christ, se laisser inspirer par son exemple, le prendre comme modèle… on n’y arrive pas toujours. MalgrĂ© toute notre bonne volontĂ©, on est rapidement confrontĂ© Ă nos limites. Sans compter nos incohĂ©rences et parfois nos mauvais choix… Et c’est une source de frustration, de dĂ©couragement voire de culpabilitĂ©.
On peut vite se dire qu’on n’est pas Ă la hauteur, qu’on ne progresse plus… bref, qu’on n’est pas un bon chrĂ©tien !
Or, on veut tous ĂŞtre quelqu’un de bien. Et si on est croyant, on veut ĂŞtre un bon chrĂ©tien… Mais qu’est-ce que c’est ĂŞtre quelqu’un de bien ? Qu’est-ce qu’un bon chrĂ©tien ? Comment va-t-on mesurer le fait d’ĂŞtre quelqu’un de bien ? Qui va nous dire si nous sommes un bon chrĂ©tien ?
Bien-sĂ»r, il est lĂ©gitime de se dire que notre marche Ă la suite du Christ va nous changer, qu’elle doit nous rendre, d’une certaine manière, meilleur… Parce que notre maĂ®tre est le meilleur modèle qui soit ! Mais comment l’Ă©valuer ? Et comment entrer, ou rester, dans une dynamique positive ? Comment peut-on ĂŞtre transformĂ©s par le Christ ?
Voyons ce qu’en dit l’apĂ´tre Paul dans sa deuxième lettre aux Corinthiens :
2 Corinthiens 3.12-18
12 C’est parce que nous avons une telle espĂ©rance que nous faisons preuve d’une grande franchise. 13 Nous ne faisons pas comme MoĂŻse, qui se couvrait le visage d’un voile pour empĂŞcher les IsraĂ©lites de fixer leur attention sur la disparition de l’Ă©clat passager. 14 Mais ils ont refusĂ© de comprendre ; en effet jusqu’Ă ce jour, ce mĂŞme voile est prĂ©sent quand ils lisent les livres de l’ancienne alliance. Il ne leur a pas Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© que c’est Ă la lumière du Christ que ce voile disparaĂ®t. 15 Aujourd’hui encore, chaque fois qu’ils lisent les livres de MoĂŻse, un voile recouvre leur intelligence. 16 Mais, comme il est Ă©crit : «Lorsqu’on se tourne vers le Seigneur, le voile est enlevĂ©.» 17 Or le Seigneur, ici, c’est l’Esprit ; et lĂ oĂą l’Esprit du Seigneur est prĂ©sent, lĂ est la libertĂ©. 18 Nous tous, le visage dĂ©voilĂ©, nous contemplons en Christ, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur ; ainsi, nous sommes transformĂ©s pour ĂŞtre semblables au Seigneur, et nous passons d’une gloire Ă une gloire plus grande encore. VoilĂ en effet ce que rĂ©alise le Seigneur, qui est l’Esprit.
Les versets 12 et suivants proposent une lecture mĂ©taphorique d’un Ă©pisode de l’Ancien Testament. MoĂŻse se tenait dans la prĂ©sence mĂŞme de Dieu, sur le mont SinaĂŻ, et lorsqu’il redescendait, son visage rayonnait de la gloire de Dieu. Pour protĂ©ger les IsraĂ©lites, qui n’Ă©taient pas prĂŞts Ă ĂŞtre ainsi confrontĂ©s Ă la gloire de Dieu, MoĂŻse se voilait le visage. L’apĂ´tre Paul y voit le symbole du voile qui recouvre les yeux de ses frères et soeurs Juifs, incapables de discerner en JĂ©sus-Christ le Fils de Dieu. Mais grâce au Christ, le voile est levĂ©. Et en lui un processus de transformation en profondeur peut s’enclencher en nous : “nous sommes transformĂ©s pour ĂŞtre semblables au Seigneur”.
Au coeur de ce processus de transformation, il y a la gloire de Dieu. Au premier abord, ça peut surprendre… Il convient donc de bien comprendre de quoi il s’agit.
La gloire de Dieu
Le terme hĂ©breu utilisĂ© dans la Bible et que l’on traduit par “gloire” dĂ©rive d’une racine qui Ă©voque le poids. Dans le monde antique en particulier, le poids permettait de mesurer la valeur de quelque chose. La gloire de Dieu, c’est son “poids”, sa valeur, son importance.
Quand la gloire de Dieu se manifeste, notamment dans des visions donnĂ©es Ă des prophètes, elle se manifeste toujours sous la forme d’un Ă©clat Ă©blouissant qui Ă©mane de Dieu. Dans la vision d’EsaĂŻe (chapitre 6), par exemple, l’Ă©clat de la gloire de Dieu est si vif que les sĂ©raphins eux-mĂŞmes, ces ĂŞtres cĂ©lestes qui vivent dans la prĂ©sence mĂŞme de Dieu, sont obligĂ©s de cacher constamment leurs yeux avec leurs ailes.
D’ailleurs, dans l’Ancien Testament, la gloire de Dieu inspirait la crainte voire la terreur. Il y avait une maxime qu’on rĂ©pĂ©tait sans cesse : on ne peut pas voir Dieu et rester en vie !
Dans le Nouveau Testament, on trouve le terme grec doxa. Il Ă©voque la valeur. Mais il est aussi utilisĂ© pour Ă©voquer l’Ă©clat (par exemple d’un astre ou d’une lumière). Il s’applique naturellement Ă Dieu aussi.
La gloire de Dieu c’est donc sa valeur inestimable, c’est son Ă©clat, sa perfection, sa saintetĂ©. Elle nous est inaccessible, elle nous terrasse, nous qui sommes pĂ©cheurs.
“Nous contemplons en Christ, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur…”
Aujourd’hui pourtant, cette mĂŞme gloire, nous pouvons la contempler. Qu’est-ce qui a changĂ© ? La venue de JĂ©sus-Christ !
“La Parole est devenue un homme et il a habitĂ© parmi nous. Nous avons vu sa gloire, la gloire qu’un Fils unique, plein du don de la vĂ©ritĂ©, reçoit du Père.” (Jean 1.14)
Le Christ n’est pas un voile qui nous sĂ©pare de la gloire de Dieu, il est un filtre qui nous permet de la contempler. Un peu comme les lunettes spĂ©ciales qu’on doit chausser pour regarder une Ă©clipse de soleil.
Pour Paul, ce nouvel accès, par le Christ, Ă la gloire de Dieu, change tout ! C’est la clĂ© de notre transformation.
“Nous contemplons en Christ, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur ; ainsi, nous sommes transformĂ©s…”
C’est de la contemplation que naĂ®t la transformation ! Contempler, c’est s’exposer. C’est une dĂ©marche gratuite, d’ouverture, d’accueil. Il s’agit de puiser dans l’Ă©clat de Dieu l’Ă©nergie qui nous fait grandir. Comme une plante a besoin de la lumière du soleil pour croĂ®tre.
Il nous faut redĂ©couvrir les vertus de la contemplation. Elle nous dĂ©centre de nous-mĂŞmes, de nos soucis, nos craintes, nos culpabilitĂ©s, nos frustrations, mais aussi nos exigences, nos revendications, nos mĂ©contentements, nos Ă©gocentrismes… Elle nous tourne vers Dieu : c’est lui qui est vraiment important, le seul Ă avoir du poids. Et sa gloire, sa lumière, sa vie, nous transforme.
“Nous sommes transformĂ©s pour ĂŞtre semblables au Seigneur…”
Il ne s’agit pas de nous amĂ©liorer par nos propres forces, de chercher Ă nous transformer nous-mĂŞmes mais Ă nous laisser transformer par Dieu. C’est l’oeuvre de l’Esprit saint en nous. C’est mĂŞme la raison pour laquelle l’Esprit saint vient habiter en nous.
Le Saint-Esprit qui habite en nous, c’est la saintetĂ© de Dieu qui habite en nous. C’est sa gloire dans notre coeur. La proximitĂ© avec la gloire de Dieu, le Christ qui nous la rĂ©vèle, voilĂ ce qui nous transforme. Comme MoĂŻse Ă©tait transfigurĂ© en redescendant de la montagne.
“Nous passons d’une gloire Ă une gloire plus grande encore.”
Le processus de transformation est enclenchĂ©, et il n’est pas censĂ© s’arrĂŞter… On passe d’une gloire Ă une gloire plus grande encore. Dieu prend de plus en plus de poids dans notre vie.
La transformation n’est certes pas linĂ©aire. Elle est plus ou moins rapide, parfois elle semble un peu stagner, mais elle est rĂ©elle. C’est Dieu qui s’en charge !
Être transformé
En centrant son exhortation sur la contemplation de la gloire de Dieu en Christ, l’apĂ´tre Paul ne nous dit pas de chercher Ă ĂŞtre quelqu’un de bien, Ă ĂŞtre un bon chrĂ©tien. Il nous invite Ă nous laisser transformer par Dieu, Ă travers le Christ, Ă le laisser prendre de plus en plus de poids dans notre vie.
Pourtant j’ai l’impression que nous sommes souvent prĂ©occupĂ©s par le fait d’ĂŞtre quelqu’un de bien. Et parfois mĂŞme, on peut avoir l’impression que notre but, en tant que croyant, est d’ĂŞtre un bon chrĂ©tien.
Si c’est le cas, nous faisons fausse route. Ou du moins, nous posons mal le problème. Parce que cela nous conduit Ă une logique de performance. C’est un mal de notre siècle, un conditionnement auquel il est difficile de se soustraire. On le voit aussi dans l’Eglise : on se compare aux autres, on n’est pas suffisamment ceci ou cela. Alors on est dĂ©couragĂ© parce qu’on n’est pas un bon chrĂ©tien, c’est-Ă -dire un chrĂ©tien performant, dans son tĂ©moignage, dans sa vie de piĂ©tĂ©, dans son engagement dans l’Eglise… Et lĂ c’est vrai qu’on n’est jamais assez bon !
Dans cette optique, on risque de tomber aussi dans une vision utilitariste de l’Eglise : elle doit m’aider Ă devenir un bon chrĂ©tien. Elle doit me fournir des services qui contribuent Ă mon dĂ©veloppement personnel, Ă ma croissance spirituelle, elle doit me faire me sentir bien dans ma vie de bon chrĂ©tien. Et le maĂ®tre Ă©talon, c’est moi…
Entendons l’appel de l’apĂ´tre Paul Ă contempler la gloire de Dieu et nous laisser transformer par elle. Autrement dit, ce qu’il faut rechercher, ce n’est pas notre transformation mais c’est la gloire de Dieu.
Si ce que je recherche, c’est ma transformation pour devenir un bon chrĂ©tien, je risque de m’Ă©loigner de la gloire de Dieu, en me centrant sur moi-mĂŞme. Mais si je cherche Ă contempler, Ă m’exposer Ă la gloire de Dieu, alors elle me transformera. Dieu prendra de plus en plus de poids dans ma vie, et je changerai.
“Nous tous, le visage dĂ©voilĂ©, nous contemplons en Christ, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur ; ainsi, nous sommes transformĂ©s pour ĂŞtre semblables au Seigneur, et nous passons d’une gloire Ă une gloire plus grande encore. VoilĂ en effet ce que rĂ©alise le Seigneur, qui est l’Esprit.”