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Christ est ma vie (2) Être transformé par le Christ

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Est-ce que vous êtes satisfait de ce que vous êtes ? Et si vous êtes croyant, est-ce que vous êtes le chrétien ou la chrétienne que vous rêvez d’être ? Sans doute pas… En tout cas, moi, je n’ai pas cette impression pour moi-même.

La semaine dernière nous nous sommes interrogés sur ce que cela impliquait d’être disciple du Christ : répondre à l’appel du Christ et choisir de le suivre, en s’efforçant chaque jour de discerner ce qu’il attend de nous. On a beau vouloir suivre le Christ, se laisser inspirer par son exemple, le prendre comme modèle… on n’y arrive pas toujours. Malgré toute notre bonne volonté, on est rapidement confronté à nos limites. Sans compter nos incohérences et parfois nos mauvais choix… Et c’est une source de frustration, de découragement voire de culpabilité.

On peut vite se dire qu’on n’est pas à la hauteur, qu’on ne progresse plus… bref, qu’on n’est pas un bon chrétien !

Or, on veut tous être quelqu’un de bien. Et si on est croyant, on veut être un bon chrétien… Mais qu’est-ce que c’est être quelqu’un de bien ? Qu’est-ce qu’un bon chrétien ? Comment va-t-on mesurer le fait d’être quelqu’un de bien ? Qui va nous dire si nous sommes un bon chrétien ?

Bien-sûr, il est légitime de se dire que notre marche à la suite du Christ va nous changer, qu’elle doit nous rendre, d’une certaine manière, meilleur… Parce que notre maître est le meilleur modèle qui soit ! Mais comment l’évaluer ? Et comment entrer, ou rester, dans une dynamique positive ? Comment peut-on être transformés par le Christ ?

Voyons ce qu’en dit l’apôtre Paul dans sa deuxième lettre aux Corinthiens :

2 Corinthiens 3.12-18
12 C’est parce que nous avons une telle espérance que nous faisons preuve d’une grande franchise. 13 Nous ne faisons pas comme Moïse, qui se couvrait le visage d’un voile pour empêcher les Israélites de fixer leur attention sur la disparition de l’éclat passager. 14 Mais ils ont refusé de comprendre ; en effet jusqu’à ce jour, ce même voile est présent quand ils lisent les livres de l’ancienne alliance. Il ne leur a pas été révélé que c’est à la lumière du Christ que ce voile disparaît. 15 Aujourd’hui encore, chaque fois qu’ils lisent les livres de Moïse, un voile recouvre leur intelligence. 16 Mais, comme il est écrit : «Lorsqu’on se tourne vers le Seigneur, le voile est enlevé.» 17 Or le Seigneur, ici, c’est l’Esprit ; et là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté. 18 Nous tous, le visage dévoilé, nous contemplons en Christ, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur ; ainsi, nous sommes transformés pour être semblables au Seigneur, et nous passons d’une gloire à une gloire plus grande encore. Voilà en effet ce que réalise le Seigneur, qui est l’Esprit.

Les versets 12 et suivants proposent une lecture métaphorique d’un épisode de l’Ancien Testament. Moïse se tenait dans la présence même de Dieu, sur le mont Sinaï, et lorsqu’il redescendait, son visage rayonnait de la gloire de Dieu. Pour protéger les Israélites, qui n’étaient pas prêts à être ainsi confrontés à la gloire de Dieu, Moïse se voilait le visage. L’apôtre Paul y voit le symbole du voile qui recouvre les yeux de ses frères et soeurs Juifs, incapables de discerner en Jésus-Christ le Fils de Dieu. Mais grâce au Christ, le voile est levé. Et en lui un processus de transformation en profondeur peut s’enclencher en nous : « nous sommes transformés pour être semblables au Seigneur ».

Au coeur de ce processus de transformation, il y a la gloire de Dieu. Au premier abord, ça peut surprendre… Il convient donc de bien comprendre de quoi il s’agit.

La gloire de Dieu

Le terme hébreu utilisé dans la Bible et que l’on traduit par « gloire » dérive d’une racine qui évoque le poids. Dans le monde antique en particulier, le poids permettait de mesurer la valeur de quelque chose. La gloire de Dieu, c’est son « poids », sa valeur, son importance.

Quand la gloire de Dieu se manifeste, notamment dans des visions données à des prophètes, elle se manifeste toujours sous la forme d’un éclat éblouissant qui émane de Dieu. Dans la vision d’Esaïe (chapitre 6), par exemple, l’éclat de la gloire de Dieu est si vif que les séraphins eux-mêmes, ces êtres célestes qui vivent dans la présence même de Dieu, sont obligés de cacher constamment leurs yeux avec leurs ailes.

D’ailleurs, dans l’Ancien Testament, la gloire de Dieu inspirait la crainte voire la terreur. Il y avait une maxime qu’on répétait sans cesse : on ne peut pas voir Dieu et rester en vie !

Dans le Nouveau Testament, on trouve le terme grec doxa. Il évoque la valeur. Mais il est aussi utilisé pour évoquer l’éclat (par exemple d’un astre ou d’une lumière). Il s’applique naturellement à Dieu aussi.

La gloire de Dieu c’est donc sa valeur inestimable, c’est son éclat, sa perfection, sa sainteté. Elle nous est inaccessible, elle nous terrasse, nous qui sommes pécheurs.

« Nous contemplons en Christ, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur… »

Aujourd’hui pourtant, cette même gloire, nous pouvons la contempler. Qu’est-ce qui a changé ? La venue de Jésus-Christ !

« La Parole est devenue un homme et il a habité parmi nous. Nous avons vu sa gloire, la gloire qu’un Fils unique, plein du don de la vérité, reçoit du Père. » (Jean 1.14)

Le Christ n’est pas un voile qui nous sépare de la gloire de Dieu, il est un filtre qui nous permet de la contempler. Un peu comme les lunettes spéciales qu’on doit chausser pour regarder une éclipse de soleil.

Pour Paul, ce nouvel accès, par le Christ, à la gloire de Dieu, change tout ! C’est la clé de notre transformation.

« Nous contemplons en Christ, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur ; ainsi, nous sommes transformés… »

C’est de la contemplation que naît la transformation ! Contempler, c’est s’exposer. C’est une démarche gratuite, d’ouverture, d’accueil. Il s’agit de puiser dans l’éclat de Dieu l’énergie qui nous fait grandir. Comme une plante a besoin de la lumière du soleil pour croître.

Il nous faut redécouvrir les vertus de la contemplation. Elle nous décentre de nous-mêmes, de nos soucis, nos craintes, nos culpabilités, nos frustrations, mais aussi nos exigences, nos revendications, nos mécontentements, nos égocentrismes… Elle nous tourne vers Dieu : c’est lui qui est vraiment important, le seul à avoir du poids. Et sa gloire, sa lumière, sa vie, nous transforme.

« Nous sommes transformés pour être semblables au Seigneur… »

Il ne s’agit pas de nous améliorer par nos propres forces, de chercher à nous transformer nous-mêmes mais à nous laisser transformer par Dieu. C’est l’oeuvre de l’Esprit saint en nous. C’est même la raison pour laquelle l’Esprit saint vient habiter en nous.

Le Saint-Esprit qui habite en nous, c’est la sainteté de Dieu qui habite en nous. C’est sa gloire dans notre coeur. La proximité avec la gloire de Dieu, le Christ qui nous la révèle, voilà ce qui nous transforme. Comme Moïse était transfiguré en redescendant de la montagne.

« Nous passons d’une gloire à une gloire plus grande encore. »

Le processus de transformation est enclenché, et il n’est pas censé s’arrêter… On passe d’une gloire à une gloire plus grande encore. Dieu prend de plus en plus de poids dans notre vie.

La transformation n’est certes pas linéaire. Elle est plus ou moins rapide, parfois elle semble un peu stagner, mais elle est réelle. C’est Dieu qui s’en charge !

Être transformé

En centrant son exhortation sur la contemplation de la gloire de Dieu en Christ, l’apôtre Paul ne nous dit pas de chercher à être quelqu’un de bien, à être un bon chrétien. Il nous invite à nous laisser transformer par Dieu, à travers le Christ, à le laisser prendre de plus en plus de poids dans notre vie.

Pourtant j’ai l’impression que nous sommes souvent préoccupés par le fait d’être quelqu’un de bien. Et parfois même, on peut avoir l’impression que notre but, en tant que croyant, est d’être un bon chrétien.

Si c’est le cas, nous faisons fausse route. Ou du moins, nous posons mal le problème. Parce que cela nous conduit à une logique de performance. C’est un mal de notre siècle, un conditionnement auquel il est difficile de se soustraire. On le voit aussi dans l’Eglise : on se compare aux autres, on n’est pas suffisamment ceci ou cela. Alors on est découragé parce qu’on n’est pas un bon chrétien, c’est-à-dire un chrétien performant, dans son témoignage, dans sa vie de piété, dans son engagement dans l’Eglise… Et là c’est vrai qu’on n’est jamais assez bon !

Dans cette optique, on risque de tomber aussi dans une vision utilitariste de l’Eglise : elle doit m’aider à devenir un bon chrétien. Elle doit me fournir des services qui contribuent à mon développement personnel, à ma croissance spirituelle, elle doit me faire me sentir bien dans ma vie de bon chrétien. Et le maître étalon, c’est moi…

Entendons l’appel de l’apôtre Paul à contempler la gloire de Dieu et nous laisser transformer par elle. Autrement dit, ce qu’il faut rechercher, ce n’est pas notre transformation mais c’est la gloire de Dieu.

Si ce que je recherche, c’est ma transformation pour devenir un bon chrétien, je risque de m’éloigner de la gloire de Dieu, en me centrant sur moi-même. Mais si je cherche à contempler, à m’exposer à la gloire de Dieu, alors elle me transformera. Dieu prendra de plus en plus de poids dans ma vie, et je changerai.

« Nous tous, le visage dévoilé, nous contemplons en Christ, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur ; ainsi, nous sommes transformés pour être semblables au Seigneur, et nous passons d’une gloire à une gloire plus grande encore. Voilà en effet ce que réalise le Seigneur, qui est l’Esprit. »

Christ est ma vie (1) Être disciple du Christ

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Nous commençons notre campagne de quatre semaines sur le thème « Christ est ma vie » en parlant du fait d’être disciple du Christ. Et ça tombe bien en ce dimanche de rentrée de l’Eglise ! Pourquoi ? Parce que, dans le Nouveau Testament, le mot « disciple » traduit le grec mathetes, c’est celui qui apprend. Le mot français « mathématique » vient de la même racine grecque. Un disciple, c’est donc un élève, un étudiant.

D’une certaine façon, on peut donc dire que ce matin, c’est notre rentrée de disciples !

Evidemment, les disciples au temps de Jésus n’étaient pas tout à fait comme les étudiants aujourd’hui… Pas de prépa, de concours ou de parcours sup ! Pas de week-end d’intégration, de carte étudiant ou de logement étudiant à trouver…

Mais il y avait des enseignants. Ou plutôt il y avait en général un maître auquel le disciple s’attachait. C’est ce qu’ont fait les disciples dans les évangiles. C’est ce qu’on fait les premiers croyants du Nouveau Testament. Et c’est pour cette raison que les disciples de Jésus ont été appelés chrétiens. C’est le livre des Actes qui nous en parle : « C’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples furent appelés chrétiens. » (Ac 11.26) Ce ne sont pas les disciples qui ont choisi eux-mêmes de s’appeler chrétiens, c’est un nom qu’on leur a donné, peut-être même comme un sobriquet au début. Mais c’est un nom qui leur convenait bien et qui s’est imposé. Un disciple se définit par son maître : un disciple de Christ (Christos) est un chrétien (christianos).

Mais qu’est-ce que cela implique d’être disciple de Jésus-Christ ? Voyons ce que Jésus lui-même en dit, dans l’évangile selon Matthieu :

Matthieu 16.24-28
24 Puis Jésus dit à ses disciples : «Si quelqu’un veut me suivre, qu’il s’abandonne lui-même, qu’il prenne sa croix et me suive. 25 En effet, celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera. 26 À quoi bon gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? Que donnerait-on en échange de sa vie ? 27 En effet, le Fils de l’homme va venir dans la gloire de son Père avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon la façon dont il aura agi. 28 Je vous le déclare, c’est la vérité : quelques-uns de ceux qui sont ici ne mourront pas avant d’avoir vu le Fils de l’homme venir comme roi.»

Juste avant ces paroles de Jésus, Pierre avait publiquement confessé le Christ, reconnaissant en Jésus le Messie. Puis Jésus avait annoncé à ses disciples sa mort et sa résurrection… Une annonce que les disciples ont d’ailleurs du mal à comprendre, en particulier Pierre qui fait même des reproches à Jésus en lui disant que ça ne lui arrivera pas !

Probablement que pour Pierre, tout va bien. Jésus accomplit des miracles, les foules sont subjuguées par son enseignement. Que peut-il lui arriver ? Il est invincible… et ses disciples avec lui ! Sauf que Jésus n’est pas dupe et qu’il sait très bien comment les choses vont se terminer… alors il se doit de remettre les points sur les i pour ses disciples. Et leur rappeler à quoi ils se sont engagés.

Suivre Jésus

« Si quelqu’un veut me suivre… » Voilà, fondamentalement, ce qu’est un disciple : quelqu’un qui suit son maître. Jésus-Christ est notre maître, nous le suivons !

Cet appel à suivre le Christ, qui traverse les évangiles, nous invite à ne pas définir la foi chrétienne d’abord comme une appartenance à une religion, une adhésion à des articles de foi mais comme le choix de suivre Jésus-Christ. Quand je dis que je suis chrétien, je ne devrais pas être en train de dire : « je crois en ceci ou cela ». Je devrais être en train de dire : « je suis Jésus, je m’efforce de suivre le Christ »

Suivre Jésus, c’est d’abord, un jour, répondre à son appel : « viens et suis-moi ». On devient disciple de Jésus quand on se met en marche à sa suite. Et on le reste en continuant de marcher. Ça ne s’arrête jamais ! Le chemin est sans cesse renouvelé. La vie chrétienne n’est vraiment pas une vie de routine… et si on la vit comme ça, c’est de notre faute, pas de celle du Christ !

Suivre Jésus, c’est regarder à lui comme un guide, un exemple, un modèle. Concrètement, c’est se poser la fameuse question : « Que ferait Jésus à ma place ? » Je n’ai pas toujours trouvé cette question très pertinente… Je me disais que c’était un peu simpliste, que ça ressemblait trop à une formule, une méthode trop mécanique. Et puis j’ai changé d’avis. Et aujourd’hui je me dis qu’il n’y a probablement pas de meilleure question à se poser en tant que disciple de Jésus.

« Que ferait Jésus à ma place ? » Une telle question implique bien plus que des réponses toutes faites, qu’une soumission servile à une liste d’interdits et d’obligations, elle ne trouve pas la réponse dans un verset biblique miracle qu’il suffirait de citer. Pour répondre correctement à cette question, il faut apprendre à connaître Jésus tel qu’il nous est présenté dans les évangiles : ce qu’il a dit, ce qu’il a fait, la façon dont il a réagi dans telle ou telle situation, ce qui était vraiment important pour lui… Et il nous faut approfondir notre relation avec lui, aujourd’hui, dans la prière. C’est cela, suivre Jésus !

Un disciple du Christ, c’est donc celui ou celle qui choisit un jour de répondre à l’appel du Christ : « Viens et suis-moi ! », et qui chaque jour se demande : « que ferait Jésus à ma place ? »

Payer le coût

Mais Jésus ne cache pas qu’il y a un coût à payer pour le suivre… Il n’est pas en train de dire que la vie de disciple est un long fleuve tranquille, un chemin bordé de roses sans épine. L’Evangile n’est pas une publicité mensongère !

Mais avouons que les paroles de Jésus dans notre texte ne sont pas agréables à entendre. On peut même les trouver choquantes ! « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il s’abandonne lui-même, qu’il prenne sa croix et me suive. » S’abandonner soi-même, prendre sa croix… qui a envie de le suivre dans ces conditions ?

S’abandonner soi-même

L’expression est souvent traduite par « se renier soi-même », et c’est bien ce que le verbe grec signifie. Il s’agit de s’effacer derrière le Christ, de lui donner la priorité, la première place dans notre vie. Le Christ passe d’abord… et je passe ensuite, parce que je le suis ! Je ne choisis par d’emmener le Christ avec moi, de l’intégrer dans ma vie, c’est lui qui m’emmène avec lui.

C’est à lui que revient la première place dans la vie d’un disciple du Christ. Florence a bien montré la semaine dernière les implications pour nous de donner la priorité au Christ, et que cela ne se fait pas au détriment des autres, bien au contaire. Je vous invite à relire sa prédication !

Prendre sa croix

Je vais donc me concentrer un peu plus sur la deuxième expression, qui n’est pas moins choquante. Elle se réfère au supplice de la crucifixion, qui était courant au temps de l’empire romain. Or celui qui allait être crucifié portait lui-même sa croix, du moins le poteau transversal de celle-ci. De plus, la crucifixion était une mort infamante. Elle était réservée d’abord aux esclaves, puis aux brigands, et n’était pratiquement jamais pratiquée pour les citoyens romains, sinon dans des cas exceptionnellement graves, à titre d’humiliation.

Bref, on ne peut pas dire que la perspective soit enthousiasmante ! Mais entendre cet appel de Jésus me fait toujours penser à ces chrétiens pour qui devenir disciple du Christ impliquait une mort quasi-certaine, en martyr. Et c’est encore vrai aujourd’hui, dans certains pays où les chrétiens sont persécutés à cause de leur foi. Dans notre contexte, ces paroles résonnent différemment… Mais elles demeurent. Suivre le Christ a un coût, qui peut impliquer certaines souffrances.

Les disciples ne pouvaient sans doute pas percevoir toute la portée des paroles de Jésus. Et ils ne pouvaient certainement pas comprendre ce qu’il a dit ensuite : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera. » Mais nous qui savons par quel chemin le Christ est passé, nous pouvons le comprendre. Cette croix dont Jésus parle, il l’a lui-même portée. Il a été crucifié. Suivre Jésus c’est aussi emprunter le même chemin que lui, porter sa croix c’est aussi suivre le Christ crucifié.

Mais à la lumière du récit de la Passion, nous pouvons affirmer :
Que la croix ne sera pas la fin de l’histoire de Jésus. Il est ressuscité. Il l’annonce d’ailleurs juste avant notre texte. Les épreuves et les souffrances que nous pouvons connaître en tant que disciple du Christ, les croix que nous pouvons porter, ne sont jamais le dernier mot de notre histoire. Notre espérance triomphe même de la mort !
Que la croix que nous portons, Jésus la porte avec nous… c’est pour cela qu’il a promis à ses disciples de leur envoyer « un autre consolateur », le Saint-Esprit, Dieu qui vient habiter en nous. C’est un peu comme Simon de Cyrène, dans le récit de la Passion, qui a porté la croix de Jésus alors qu’il n’avait plus la force de le faire. Jésus-Christ, par son Esprit, fait de même pour nous. Nous ne sommes jamais seuls dans nos épreuves et nos souffrances. Il les porte avec nous.

Conclusion

Être disciple du Christ, c’est un choix ! Et vous pouvez très bien choisir de ne pas suivre le Christ. D’ailleurs Jésus dit : « si quelqu’un veut me suivre ». Chacun fait ce qu’il veut… Mais si vous choisissez de suivre le Christ, alors vous devez savoir à quoi ça vous engage.

Et, il faut le dire, suivre le Christ a un coût. Un vrai coût, qui implique un renoncement. Mais y a-t-il un seul choix important dans la vie qui n’implique aucun renoncement ? Choisir c’est aussi toujours renoncer à ce qu’on ne choisit pas !

Et choisir de suivre le Christ, c’est choisir la vie. C’est choisir comme maître celui qui est mort et ressuscité, et qui nous fait connaître Celui qui est la source de toute vie. Ça en vaut vraiment la peine !

Jésus en premier

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crcoix chemin

J’entends parfois l’expression : « ah c’est bien qu’il y ait des personnes à temps plein pour le Seigneur » – signifiant : qui soient pasteurs, missionnaires, évangélistes etc. Plus précisément, qui n’ont pas d’autre « métier ». Même si la vocation et l’engagement de ces personnes sont réels, que penser des autres chrétiens ? Les gens normaux : sont-ils à temps partiel pour le Seigneur ? En chacun d’entre nous (les chants le prouvent), il y a le désir de se consacrer pleinement à Dieu, de tout lui donner.

Voyons un peu ce qu’est la position de Jésus à ce sujet.

Lecture biblique : Evangile de Luc, 14.25-33.

25 Une foule de gens faisait route avec Jésus. Il se retourna et dit à tous: 

26 «Celui qui vient à moi doit [haïr] me faire passer avant son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même sa propre personne. Sinon, il ne peut pas être mon disciple. 27 Celui qui ne porte pas sa croix pour me suivre ne peut pas être mon disciple. 

28 Si l’un de vous veut construire une tour, il s’assied d’abord pour calculer la dépense et voir s’il a assez d’argent pour achever le travail. 29 Autrement, s’il pose les fondations sans être en mesure d’achever la tour, tous ceux qui verront cela se mettront à rire de lui 30 en disant: “En voilà un qui a commencé de construire mais qui a été incapable d’achever le travail!”               

31 De même, si un roi veut partir en guerre contre un autre roi, il s’assied d’abord pour examiner s’il peut, avec 10 000 soldats, affronter son adversaire qui marche contre lui avec 20 000 soldats. 32 S’il ne le peut pas, il envoie des messagers à l’autre roi, pendant qu’il est encore loin, pour lui demander ses conditions de paix. 

33 Ainsi donc, ajouta Jésus, aucun de vous ne peut être mon disciple s’il ne renonce pas à tout ce qu’il possède.

 

Jésus avant tout

Les paroles de Jésus ici sont assez dures à entendre. « Celui qui veut me suivre doit me faire passer avant tout : avant ses possessions, avant ses proches, avant lui-même. » Dans certaines traductions plus littérales, on retrouve l’expression provocatrice que Jésus a employée à l’époque : « si quelqu’un vient à moi et ne déteste pas [ses proches], il ne peut pas être mon disciple. » Je vous rassure de suite, c’est bien le même Jésus qui nous invite à aimer les autres ou à prendre soin de nos parents. Il choisit une formule choc pour provoquer, mais derrière la provocation le sens demeure : Jésus veut la première place. Il veut des disciples  à temps plein, qui lui donnent tout – de A à Z.

Pour mieux comprendre ces paroles, Luc nous donne deux indices en introduction : 1) Jésus parle aux foules. Il ne s’adresse pas à ses disciples qui ont déjà fait des choix parfois drastiques pour le suivre, mais il se tourne vers la foule de ceux qui s’intéressent à lui, à ses messages et ses réflexions. Et il clarifie la situation : pour faire partie des proches de Jésus, des disciples, il faut faire un choix. Prendre une décision et se positionner clairement. Jésus ne veut pas de demi-mesure, de « like » façon facebook qui montre l’intérêt mais qui n’engage personne. Il ne veut pas de personnes qui achètent ses bouquins ou  écoutent ses conférences : il veut de l’engagement.

Les exemples qu’il donne viennent souligner le sérieux de la décision à prendre. Si vous voulez refaire votre cuisine, vous prévoyez un budget, vous comparez des devis, vous vérifiez que vous pourrez aller au bout de votre démarche – sinon vous vous retrouvez avec une demi-cuisine ?! Ici c’est pareil pour l’homme qui veut construire une tour. Pour le roi qui part en guerre, c’est la même prudence qui joue : il ne peut pas partir en guerre s’il n’a pas au moins une chance de gagner. Si les chances sont trop faibles, il vaut mieux suivre un plan B. Dans ces exemples, le manque de sérieux conduit à l’absurde ou à la mort.

Si on veut être disciple de Jésus – en d’autres mots, chrétien ! – il faut être sûr de sa décision. Comprendre ce qu’elle implique, la façon dont on va être engagé. Si c’est pour faire les choses à moitié, ce n’est pas la peine.

Vous allez me dire : on n’est jamais aussi sérieux et engagé avec Dieu qu’on le souhaiterait. Oui, c’est vrai ! Mais Jésus ne parle pas ici de nos erreurs de parcours, mais de notre motivation profonde : en invitant Jésus dans notre vie, est-ce qu’on est prêt à lui donner la place qu’il mérite ?

Mais comment Jésus peut-il demander la 1e place dans notre vie ? 2e indice : Jésus est en route. Nous savons qu’il va vers Jérusalem, où l’attendent ses opposants qui ont déjà essayé plusieurs fois de le tuer. Jésus sait qu’il va vers la mort. Il y va avec détermination, parce qu’il sait que quelqu’un doit payer pour ce qui tourne mal dans ce monde. Et devant Dieu, il est prêt à se sacrifier, pour nous. Par amour pour nous.

En fait, son chemin de renoncement remonte à plus loin : selon la Bible, Jésus n’est pas un homme ordinaire qui va mourir en martyr. C’est Dieu en personne, qui devient homme, solidaire des humains, pour porter le poids de nos culpabilités et de nos dérèglements. Pour cela, il renonce à sa position divine pour un temps : il renonce à son pouvoir (il se retrouve limité dans le corps d’un homme, certes plus fort que les autres, mais sans comparaison avec Dieu !), il renonce à sa dignité/ à sa gloire (en passant pour un homme ordinaire, puis, plus tard, en se faisant arrêter comme un malpropre, insulter, torturer, mettre à mort), et il renonce à sa justice (condamné à notre place). En mourant sur la croix, il renoncera même – brièvement mais avec une intensité qui a dû sembler éternelle – il renoncera même à sa communion avec Dieu, avec son Père, pour que nous n’ayons pas à subir les conséquences de notre séparation d’avec Dieu.

Je ne m’appesantis pas sur le fait de porter sa croix : Vincent en parlera la semaine prochaine.

Jésus, Dieu fait homme, fait passer Dieu avant tout, et l’amour de Dieu pour les hommes, avant tout : avant sa puissance, sa dignité, sa justice, sa joie. Et il demande que ses disciples le suivent sur le même chemin, avec le même état d’esprit : faire passer Dieu avant tout. Faire passer celui qui nous révèle Dieu et ne fait qu’un avec lui, avant tout.

Jésus en premier

A la foule indécise, Jésus demande de prendre clairement position par rapport à lui. Rappelons-nous que dans les premiers temps de l’Eglise, ceux qui s’associent à Jésus perdent leur travail, sont désavoués par leur famille, voire persécutés par l’Etat parce qu’ils ont changé de religion. Jésus est conscient des risques. Il ne nous prend pas en traître !

Dans de nombreux pays, encore aujourd’hui, les chrétiens sont persécutés : ils rencontrent mépris, rejet social, désaveu de leur famille, jusqu’à l’arrestation ou la mise à mort (par attentat ou par condamnation). S’engager en connaissance de cause permet de persévérer dans la foi malgré l’opposition.

Mais même sans persécution, suivre Jésus implique des choix parfois drastiques : changer de pratiques, de réseaux, de valeurs… pour être cohérent avec le projet de Dieu.

Est-ce que ça en vaut la peine ? Suivre le Christ a des répercussions extraordinaires sur notre vie : par lui, nous entrons en relation avec Dieu, dans la joie, la paix, la liberté. Nous recevons l’amour débordant de Dieu. Notre vie prend du sens, nous pouvons nous investir dans un projet éternel. Et puis nous vivons avec l’Etre le plus extraordinaire qui soit : certains amoureux sont prêts à tout donner (argent, changer de pays, changer de vie) pour leur bien-aimé(e), et ce n’est qu’un être humain. Quand il s’agit d’avoir Dieu dans sa vie, un Être au caractère incroyable et surprenant, créatif, plein d’amour, vraiment juste et bienfaisant, un Dieu magnifique qui ne cesse de nous émerveiller, le reste pâlit. Jésus sait qu’il nous conduit vers Dieu, qu’il nous conduit vers un trésor inégalé.

Mais ce trésor a un coût : pour Jésus, et pour nous. Lui a tout donné. Nous devons faire de la place pour recevoir ce trésor de la vie avec Dieu. Si vous avez un appartement avec la 2e chambre encombrée de cartons et de vieux meubles, le jour où vous attendez un enfant, vous videz tout pour lui faire de la place, non ? Vous refaites la chambre à neuf ! Vous faites de la place et des efforts, bien petits par rapport à l’enfant qui arrive.

Le coût est visible et élevé dans les contextes où les chrétiens sont rejetés. Mais même nous, qui n’encourons pas forcément les mêmes risques, Jésus nous remet en question. Même nous, disciples de longue date, qui est notre priorité ? Qui a la première place ? Est-ce que c’est Dieu, à travers Jésus, ou est-ce que c’est autre chose ? C’est une question qu’il faut se poser au début de la vie chrétienne, mais aussi, régulièrement, pour faire le point.

Nos biens, nos proches, et même nous, nous ne sommes pas censés avoir la première place dans notre vie. Mais faire passer Dieu avant ses biens paraît puéril et déraisonnable ; avant ses proches, cruel ; et avant soi – suicidaire. Certes, ces choses, ces relations, ces soucis, sont bons en soi. Mais pas pour être au centre. Une image de construction encore : pour construire une maison, vous devez poser des fondations. Si vous n’en mettez pas, la maison sera bancale. Nous avons tous quelque chose en fondation, la question c’est : quoi ? Est-ce qu’on met une porte ? Un mur de placo ? un tableau ? un lit ? Une baignoire ? Toutes ces choses sont importantes et bonnes, juste, elles ne sont pas faites pour être au fondement de notre maison.

Qu’est-ce qui arrive quand on fonde notre vie/ notre identité sur de mauvais fondements ? Imaginez…

  • l’argent à la première place conduit à l’avarice, corruption, vol, tromperie…
  • l’addiction au travail ou aux études : on en arrive parfois à négliger santé, famille, équilibre
  • les loisirs à tout prix (aujourd’hui) : difficile de se reposer, de garder du temps pour l’essentiel, entre netflix et week-ends par-ci par-là
  • soi-même : égoïsme et égocentrisme sont au rendez-vous
  • quand les parents gardent la première place : difficile de créer un nouveau foyer, de se lancer dans une famille, une nouvelle aventure
  • quand le conjoint est au centre : rien d’autre n’existe, les relations autres en pâtissent, on peut se perdre soi-même
  • et les enfants… auront peut-être du mal à perdre leur envol si leurs parents n’ont vécu que pour eux. ils sentiront une culpabilité à vivre leur vie. ou on voit des enfants surprotégés incapables de s’aventurer dans el monde par eux-mêmes, ou encore des enfants qui toute leur vie chercheront à prouver quelque chose à leurs parents.

On sent bien que dans tous ces cas, la priorité est mal placée et conduit à des déséquilibres, même avec de bonnes intentions !

Suivre Jésus nous permet d’entrer en relation avec Dieu. Et cela va bousculer notre relation à nous-mêmes et au monde qui nous entoure. Suivre Jésus, c’est définir son identité autrement : je ne suis plus… fille, épouse, pasteur, passionnée de lecture, méditerranéenne – je suis fille de Dieu ! Le reste demeure, mais ce n’est plus le fondement de ma vie. La maison retrouve son équilibre : le fondement, c’est notre relation avec ce Dieu extraordinaire. Et tout le reste de la maison tient mieux quand les fondations sont les bonnes. Plus nous sommes bien équilibrés, posés sur un fondement solide, plus il sera facile de se lancer dans des choses nouvelles, de prendre des risques, de donner/ s’investir librement & généreusement. Au contraire, quand vous posez votre fondement sur quelque chose d’instable, au moindre mouvement, c’est la chute.

Certes, l’équilibre n’est jamais acquis, mais le chemin vers cet équilibre, Jésus l’indique.

C’est contre-intuitif, mais renverser la perspective en mettant Jésus au centre est le seul moyen pour vivre pleinement la vie de Dieu. Et même, pour vivre pleinement ces bonnes choses qui font la matière de notre quotidien. Car alors nous ne faisons plus porter le poids du sens de notre vie sur telle personne ou telle activité – que se passera-t-il quand cette personne partira, nous décevra, mourra ? quand nous perdrons cette activité ?… – Le seul fondement éternel, c’est Dieu, et c’est sur lui que Jésus nous appelle à fonder notre vie.

Juste l’exemple d’une amie : elle a récemment assumé sa foi alors que sa famille ne croit pas, et son jeune ado lui a demandé : «  Maman, qui tu aimes le plus maintenant, Jésus ou moi ? » Difficile de répondre…:/ En panique, elle a trouvé une réponse qui révèle une vérité qu’elle n’imaginait pas à ce moment-là : « Mon chéri, plus j’aime Jésus, et mieux je t’aime. »

Quand nous mettons Jésus, Dieu, ses projets, au centre de notre vie, ça ressemble à un renoncement et ça peut l’être dans certains cas. Mais c’est aussi la voie pour une vie vraiment abondante. Jésus réclame pour lui, pour Dieu, la première place : parce qu’il sait que nous avons été créés d’abord pour être en relation avec ce Dieu qui nous aime et nous désire dans sa vie.

 

Prière : seigneur tu sais à quoi nous sommes attachés. trop attachés. Tu sais sur quoi nous fondons notre identité, par quels désirs nous orientons notre vie. Mais nous avons soif de la vraie vie, la tienne. Viens nous aider à te mettre au centre.

[Pour aller plus loin : Le Grand Divorce, de C. S. Lewis].

Pourquoi choisir la sagesse?

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Rappelez-vous… Dès notre plus jeune âge, on nous a demandé d’être sages. Et c’est ce qu’on continue de demander aux enfants ! Là où l’instinct nous donnait envie de courir, il fallait rester assis pendant 4h. Là où on avait très envie d’une glace, on s’entendait répondre : il est 19h, il ne faut pas gâter ton appétit. Et même en grandissant, nos rêves, nos projets, rencontrent trop souvent la mine dubitative de notre interlocuteur : « oui, ce que tu dis est intéressant, mais… est-ce réaliste ? est-ce approprié vu la situation ? est-ce bien sage ? » Au final, d’expérience, la sagesse semble s’opposer à ce qui nous donne joie, espoir, plaisir.

Pourtant, nous désirons la sagesse. Peut-être pas avec ce mot-là, précisément, mais nous avons soif d’une vie équilibrée, assurée, bonne. Il n’y a qu’à voir le succès des livres de développement personnel sur tous les domaines de la vie, les blogs, et toutes ces belles petites phrases qu’on affiche sur les réseaux sociaux. Certains ont même un désir ardent de trouver le principe de vie qui fera que « ça marche » (pour soi, et/ou pour les autres). On voit par exemple l’engouement pour l’écologie ou la justice sociale notamment chez les jeunes.

Pour beaucoup, la relation à la sagesse est ambivalente, un « je t’aime moi non plus » : oui, on la désire, car une vie sans principe nous laisse vides et blessés. Pourtant, au moment de choisir la sagesse, il y a ce mouvement de recul, comme si dire « oui » à la sagesse, c’était dire « non » à nos intuitions, notre plaisir, nos rêves. C’est même un des ressorts de la tentation : on sait que telle option est mauvaise, mais sur le moment, la bonne voie paraît terne, insipide, frustrante. Ou simplement impossible.

Dans la Bible résonne largement l’appel à être sage, à choisir la sagesse. Notamment dans le livre des Proverbes, qui regorge de conseils pour vivre une bonne vie. Mais avant d’en venir aux conseils, le livre contient une longue introduction qui encourage le lecteur à préférer la sagesse à la folie, en les présentant comme deux femmes entre lesquelles il faut choisir. C’est une image bien sûr ! Je vous propose de lire la description que la Sagesse fait d’elle-même, qui répond entre autres à notre ambivalence.

Lecture biblique Pr 8.22-32 – Bible du Semeur

22 L’Eternel m’a donné naissance |tout au début de son activité

et avant d’entreprendre |les plus anciennes de ses œuvres.

23 Oui j’ai été formée |dès les temps éternels,

bien avant que la terre fût créée.

24 J’ai été enfantée |avant que l’océan existe

et avant que les sources |aient fait jaillir |leurs eaux surabondantes.

25 Avant que les montagnes |aient été établies,

avant que les collines |soient apparues, |j’ai été enfantée.

26 Dieu n’avait pas encore |formé la terre et les campagnes

ni le premier grain de poussière |de l’univers.

27 Moi, j’étais déjà là |quand il fixa le ciel

et qu’il traça un cercle |autour de la surface |du grand abîme.        

28 Et quand il condensa |les nuages d’en haut,

quand il fit jaillir avec force |les sources de l’abîme,

29 et quand il assigna |à la mer des limites

pour que ses eaux |ne les franchissent pas,

quand il détermina |les fondements du monde,

30 je me tenais |bien fermement à ses côtés, me livrant sans cesse aux délices,

et jouant en tout temps | en sa présence.

31 Je jouais sur sa terre |dans le monde habité,

et trouvais mes délices |dans les êtres humains.

32 Maintenant donc, mes fils, |écoutez-moi :

heureux tous ceux qui suivent |les voies que je prescris !

1/ Une autre vision de la sagesse

a/ Une sagesse qui vient de Dieu.

Première affirmation : la sagesse vient de Dieu. La sagesse existe avant nous – le texte insiste suffisamment ! Dans son autoportrait, la sagesse n’hésite pas à évoquer le grand récit de la création qu’on trouve au début de la Bible (Genèse 1) : avant tout, avant la 1e poussière et la 1e étincelle, elle était là, près de Dieu, architecte du monde à venir.

La conséquence, c’est que la sagesse ne naît pas parmi les hommes : ce n’est pas un ensemble de règles culturelles à respecter, ni une éducation, et pas non plus le fruit d’une longue expérience. D’ailleurs, ce n’est pas parce qu’on est âgé qu’on est sage ! Dans sa première excursion de retraités, ma mère a eu l’impression de se retrouver en maternelle tant les gens se chamaillaient pour des bêtises ! On le sait, la sagesse ne vient pas automatiquement. Quant aux règles de notre enfance, toutes ne nous aident pas à avancer dans la vie.

La sagesse de Dieu préside à la création du monde, elle y laisse son empreinte (que les scientifiques par exemple nous aident à mieux voir). Du coup, ce n’est pas un concept flou, un mix des leçons tirées de l’expérience ou des petites phrases entendues ici et là, c’est plutôt une réalité, unique, à trouver, à accueillir, à s’approprier.

b/ Une sagesse joueuse

En passant, le texte en profite pour corriger notre vision de la sagesse. Loin du ton austère et sermonneur d’un vieux chef de clan, loin de la voix douce et égale d’une prof de yoga, la sagesse est aux pieds de Dieu, sur le sol du monde, en train de jouer [diapo]. En train de se régaler (je me livrais aux délices). Cette vision de la sagesse est tellement décalée, qu’elle ne peut qu’être inspirée par Dieu lui-même ! La sagesse joue, s’amuse, elle est délicieuse. Et si vous lisez la suite des Proverbes, vous verrez que la vérité est souvent assaisonnée d’humour. La sagesse ne frustre pas la vie, elle la crée ! Elle la porte ! Elle la fait pétiller !

Joueuse et joyeuse, vivante et vivifiante, dynamique, la sagesse a du caractère ! Et de l’amour : elle fait de l’humanité son plaisir, son projet, sa joie, et elle cherche activement une intimité avec les humains.

c/ Une sagesse à l’image de Dieu

Bien sûr, cette présentation de la Sagesse comme une personne est un artifice littéraire.  La sagesse, c’est d’abord une caractéristique de Dieu lui-même [diapo] : comme lui, elle est préexistante, ordonnée, elle fait vivre. Pourtant, le texte donne l’impression qu’il y a plus. Même certains commentateurs juifs de l’Antiquité disaient qu’il ne fallait pas mettre ce texte entre toutes les mains car on y trouvait des indices de l’intimité de Dieu, une intimité qui nous échappe.

Avec les développements du christianisme, la venue de Jésus parmi les hommes et le don de l’esprit aux croyants, la réflexion s’est précisée. Et plusieurs théologiens se sont demandé si cette sagesse ne pourrait pas évoquer de loin une des personnes de la Trinité : à côté de Dieu le Père, soit le Fils soit l’Esprit.

Si on regarde les textes du Nouveau Testament, on voit que les apôtres Jean et Paul ont très clairement identifié la Sagesse à Dieu le Fils devenu homme, appelé Jésus.

Au commencement, la Parole* existait déjà. La Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu. Au commencement, la Parole était avec Dieu. Par elle, Dieu a fait toutes choses et il n’a rien fait sans elle. En elle, il y a la vie, et la vie est la lumière des êtres humains. (Jean 1.1-4)

* Parole ici, traduit le mot Logos en grec (qui a donné « logique ») et qui évoque la parole qui sait, qui s’exprime avec intelligence et sens – c’est le mot grec que Jean trouvait le plus proche de l’idée de la Sagesse.

Le Christ est l’image du Dieu qu’on ne peut voir. Il est le Fils premier-né au-dessus de toutes les choses créées. En effet, c’est en lui que Dieu a tout créé dans les cieux et sur la terre. (Colossiens 1.15-16)

Dans ces deux textes, on sent que Proverbes 8 n’est pas très loin.

Évidemment, la sagesse est présente en Dieu tout entier, Père Fils et Saint Esprit. Mais c’est peut-être Jésus qui nous révèle davantage la sagesse divine. Pour faire une comparaison : quand des parents donnent à manger à leurs enfants, même un seul des deux a cuisiné, les deux ont œuvré pour que les enfants soient nourris (par leur travail, les courses, la cuisine, la vaisselle etc.). Mais celui des deux qui cuisine incarne pour les enfants celui qui nourrit.

Jésus, incarnation de la sagesse divine. J’ai rencontré l’an dernier un pasteur qui racontait sa conversion en deux temps. Vers 18 ans, pour décourager un collègue dont il trouvait la foi naïve, cet homme s’est mis à lire les Evangiles, la vie de Jésus. Il a été percuté par la sagesse du Christ, et – sans croire – il s’est plongé dans les Evangiles jusqu’à les connaître presque par cœur. Quand il y avait un souci à régler au travail, dans l’équipe, il se demandait : qu’est-ce qu’il ferait Jésus ? Et il cherchait dans les Evangiles. Plus d’un an après, il a pris conscience que si Jésus disait vrai sur l’homme, alors il disait sûrement aussi la vérité quand il parlait de lui-même comme sauveur, et il a fait le pas de la foi.

Au-delà de la sagesse reconnue de Jésus, le croyant voit en lui le comble de la sagesse de Dieu : une sagesse qui n’est pas de notre monde. Lorsque les humains peinent à se tourner vers Dieu, c’est Dieu lui-même qui devient un homme pour les rejoindre. Encore plus, il vient subir les conséquences de toutes les offenses, les injustices, les coups que nous avons portés à Dieu. C’est bien le Christ qui révèle un Dieu prêt à tout pour nous permettre de vivre avec lui, dans les délices de sa présence.

2/ Choisir la vie 

Il n’y a pas vraiment de suspense… Le but de ce texte, c’est de nous inviter à choisir la sagesse. Vous vous doutiez bien que je n’allais pas conclure le contraire ! Mais avec quelle représentation de la sagesse ? Et surtout, derrière cette représentation, quelle motivation ?

Fondamentalement, dans la Bible, il ne s’agit pas de se conformer à un code social pour ne pas faire de vagues (que ce soit à l’église, en famille, dans notre équipe, avec les copains du collège…). Ni pour faire plaisir à nos parents et obtenir leur approbation (qui sont peut-être eux-mêmes à l’église). Ni non plus par peur de Dieu et de son regard sur nous, comme s’il guettait notre prochaine chute pour pouvoir nous dire : [agiter index] « je te l’avais dit ! ». La sagesse n’est pas là pour nous brimer, nous frustrer, nous sermonner. Elle n’est pas là pour nous faire rentrer dans un conformisme.

Dans ce texte, la sagesse a les yeux qui pétillent de joie et de grâce. Les principes qu’elle propose, c’est le mode d’emploi du monde, celui qui permet de vivre vraiment. Avec un nouvel appareil d’électroménager par exemple, on a tous pesté de ne pas avoir le mode d’emploi dans un vrai français… Le mode d’emploi donne un cadre, oui, des principes, mais c’est pour optimiser l’utilisation, pas pour la rendre désagréable.

En cette rentrée, après la pause de l’été, alors que les activités et les défis reviennent, ce texte nous invite à rechercher toujours plus la sagesse de Dieu. Même quand la démarche de sagesse nous paraît difficile ou contre-intuitive, rappelons-nous que nous n’avons pas à nous en méfier : c’est la sagesse qu’incarne le Christ, une sagesse bonne et belle, réfléchie et joyeuse, une sagesse pleine de grâce qui n’a qu’un but – que nous puissions vivre vraiment, en partageant les délices de Dieu.

Prière : ta sagesse est la vérité, conduis-nous toujours dans la vérité de ta sagesse. Que ta parole donne sens à notre vie – aide-nous à la désirer et à nous en emparer.