Archives mensuelles : avril 2017

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Faire route avec Jésus

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Lecture biblique : Luc 24.13-35

Mais que faisaient donc ces deux disciples sur le chemin d’Emmaüs ? Pourquoi ne sont-ils pas avec les autres, qui sont à Jérusalem, et qu’ils retrouveront d’ailleurs à la fin du récit ? Tout ce qu’on sait c’est qu’ils parlaient, en chemin, de tout ce qui s’était passé à propos de Jésus. A propos de sa mort, évidemment. Leur situation, isolés sur le chemin, traduit peut-être leur désarroi. Ils sont un peu perdus…

En tout cas, on ne connaît presque rien d’eux. On ne donne le nom que de l’un d’entre eux, Cléopas. On sait qu’ils ne faisaient pas partie des Onze mais appartenaient au cercle plus large des disciples. Ce n’est pas un hasard si Luc ne nous en dit pas plus. Nous pouvons ainsi nous identifier à eux… Ces disciples, ça peut être vous, ou moi. Sur le chemin de notre vie. Peut-être dans la doute, le désarroi, l’interrogation… Jésus vient et fait route avec nous !

1. Jésus fait route avec nous… mais on ne s’en rend pas toujours compte

Au cœur de ce récit, il y a un paradoxe : les deux disciples se lamentent de la mort de Jésus… mais c’est devant Jésus lui-même qu’il le font. Ils sont dans le désarroi, voire le désespoir, parce que Jésus est mort : ça fait trois jours que leur maître, en qui ils espéraient tant, a été crucifié ! Alors ils s’en ouvrent à cet homme qu’ils croisent sur le chemin et qui semble ne pas connaître la nouvelle qui pourtant fait le buzz, comme on dirait aujourd’hui. Alors ils évoquent leur maître, la puissance de son enseignement, les miracles qu’il a accompli. Et puis ils parlent du complot fomenté par les chefs religieux contre lui, qui a conduit à sa mort sur une croix. Et enfin, ils lui font part de leur désarroi aujourd’hui, leurs espoirs déçus… Même si quelques femmes de leur groupe ont eu des paroles étranges, prétendant avoir vu que le corps de Jésus avait disparu et des anges leur dire que Jésus était ressuscité. Mais personne ne les croit vraiment… Sans doute leur émotion les a égaré.

Cette discussion, sur le chemin, a dû prendre du temps. Ils parlent à cet homme… et ils ne se rendent pas compte que c’est justement celui dont ils pleurent la mort qui marche avec eux. Leur désarroi pourrait se changer en formidable espérance si seulement ils réalisaient à qui ils sont en train de parler… mais ils ne le comprennent pas. Ils voient Jésus mais quelque chose les empêche de le reconnaître.

Qu’est-ce que ce « quelque chose » ? Leur tristesse ? Leur désespoir ? Leur manque de foi ? Ou bien est-ce Jésus qui a changé d’apparence ?

Toujours est-il que Jésus fait route avec eux… et ils ne s’en rendent pas compte. Et c’est là que nous pouvons, d’une certaine manière, nous retrouver dans ces deux disciples. Ne sommes-nous pas, parfois, voire souvent, dans la même situation qu’eux ? Ne peut-on pas dire que Jésus fait route avec nous… et que nous ne nous en rendons pas toujours compte ?

Alors qu’est-ce qui nous empêche, aujourd’hui, de voir Jésus ? Ça peut être, parfois, nos tristesses et nos désarrois, nos épreuves et nos doutes. C’est peut-être aussi parfois le fait que Jésus n’est pas là où nous croyons qu’il devrait être. Nos certitudes ou nos a priori aussi nous empêchent de le voir.

2. Jésus est compris à travers les Écritures

Pour répondre au désarroi des deux disciples, Jésus leur explique alors les Écritures. Il leur montre comment la Bible, de Moïse aux prophètes, annonçait les souffrances et la gloire du Messie. Autrement dit, sa mort et sa résurrection. Il faut cet éclairage biblique pour comprendre que Jésus est le Messie, et pour que ces deux disciples arrivent à sortir de leur désarroi et reconnaître leur maître.

« Oui, il y avait comme un feu dans notre cœur, pendant qu’il nous parlait sur la route et nous expliquait les Livres Saints ! » (v.32)

Ce que Luc veut nous dire ici, c’est que Jésus peut être compris à travers les Écritures. La Bible éclaire la personne et l’oeuvre de Jésus. Elle en fait plus qu’un personnage de l’histoire, crucifié en Palestine il y a deux mille ans. Elle le désigne comme le Messie, le Sauveur du monde.

Il y a un projet de Dieu pour les humains, qui se révèle petit à petit dans la Bible. Un grand mouvement qui part d’Abraham, passe par Moïse, puis David. Un projet qui est précisé et développé dans les écrits des prophètes. Tout l’Ancien Testament conduit au Messie. Et tout le Nouveau Testament rend témoignage à Jésus comme le Christ, le Messie. Il y a une cohérence globale, une révélation qui alimente notre foi.

Cela signifie que les Écritures sont incontournables pour notre foi. Il ne faut pas croire que nous pouvons faire l’économie de la méditation de la Bible dans notre vie chrétienne. Lorsque Jésus lui-même a voulu expliquer ce qui le concernait, il a lu les Écritures ! Comment pourrions-nous nous en dispenser ?

Alors je sais, tout le monde n’aime pas lire… et on dit qu’on lit de moins en moins. Mais est-ce vraiment le cas ? Une enquête récente sur les Français et la lecture1 révèle que 90% des Français sont des lecteurs, au moins un peu. Et 48% lisent tous les jours ou presque. Bien-sûr, on parle de tous les supports, papier ou numérique, et de tous les contextes, y compris les lectures « obligatoires » pour les études ou le travail. Il n’empêche… la lecture reste une activité largement partagée.

Alors la question est toujours légitime : quelle place la lecture de la Bible a-t-elle dans notre vie ? Car, nous pouvons le dire, un chrétien qui perd contact avec la Bible est un chrétien qui perd contact avec le Christ.

3. Jésus se révèle… mais reste insaisissable

Finalement, les deux disciples vont reconnaître Jésus. C’est au moment où ce dernier rompt le pain et le partage avec eux que leurs yeux s’ouvrent. Alors qu’il sont assis, à table, pour le repas. Dans l’intimité. Après qu’ils aient pu dire leur désarroi, vidé leur sac. Après qu’ils aient entendu Jésus leur expliquer les Écritures à son sujet. Mais, dès qu’ils le reconnaissent, il disparaît.

Les deux disciples sont toutefois transformés. Aussitôt, ils repartent pour Jérusalem, annoncer la bonne nouvelle aux autres. Une bonne nouvelle qui, d’ailleurs, les a précédé ! Les témoignages se succèdent. Peu importe s’il est tard, peu importe le chemin déjà parcouru dans la journée. Peu importe que Jésus ait disparu devant leurs yeux. Ils savent désormais que Jésus est ressuscité.

Il me semble que nous pouvons tirer une double leçon de ce dénouement du récit. D’abord, c’est dans l’intimité que Jésus se révèle, de façon personnelle. Et cette révélation nous transforme profondément. Si la Bible nous permet de comprendre qui est Jésus, il faut encore franchir une étape supplémentaire. Celle de la foi, qui est une expérience personnelle et intime, et qui se nourrit de l’intimité avec le Christ.

Mais la révélation personnelle de Jésus ne signifie pas que nous le possédions. Il échappe à notre contrôle. Il reste insaisissable. Mais ce n’est pas parce qu’on ne le voit pas qu’il n’est pas vivant. Jésus-Christ est ressuscité et il continue à faire route avec nous. Nous ne sommes plus jamais seuls sur notre chemin. Mais nous avons sans cesse à le chercher, à l’accueillir dans notre intimité, à nous laisser surprendre par lui sur notre chemin.

Conclusion

Où que vous soyez dans votre cheminement spirituel, Jésus s’approche et fait route avec vous. Peut-être en avez-vous pleinement conscience et êtes-vous animés de la même joie que celle des disciples courant à Jérusalem annoncer à tous la bonne nouvelle. Peut-être êtes-vous plutôt comme les disciples au début du récit, incapable de voir Jésus à côté de vous, pour différentes raisons. Cela ne l’empêche pas d’être là…

Car Jésus fait route avec nous. Il a toujours la patience de nous écouter, le souci de se révéler à nous. A nous de prendre le temps de l’accueillir à notre table, d’apprendre à le voir par la foi.

Être une bonne pâte

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Lecture biblique : 1 Corinthiens 5.6-8

Quelques mots d’abord sur le contexte de ce passage, essentiel pour bien le comprendre. Ces versets arrivent après des remontrances sévères de l’apôtre Paul à l’encontre des chrétiens de Corinthe. Il leur reproche de tolérer en leur sein des comportements inacceptables pour des chrétiens : « On entend dire partout que, chez vous, certains ont une vie immorale. Et leur façon de vivre est si mauvaise qu’on ne la trouve même pas chez ceux qui ne connaissent pas Dieu ! » (v.1). En l’occurrence, les reproches de Paul concernent surtout des questions de mœurs. Et le pire, c’est que non seulement ils s’en accommodent mais ils en viennent presque à en être fiers ! Ils ne sont sans doute pas fiers des comportements eux-mêmes mais de leur soi-disant liberté, de leur grande « spiritualité » qui les placent bien au-dessus de tout cela… Du coup, j’aime bien la façon dont la NBS traduit le verset 6 : « Il n’y a pas de quoi être fiers ! »

Dans la suite du chapitre, Paul précise une recommandation qu’il avait déjà faite dans une lettre précédente et qui, visiblement, avait été mal comprise. Il ne s’attend pas bien-sûr à ce que l’Église de Corinthe, comme n’importe quelle Église d’ailleurs, deviennent une communauté de purs, coupés du monde. Paul ne veut surtout pas que l’Église sorte du monde, sinon comment les croyants pourront-ils être témoins du Christ ? Il veut simplement qu’il y ait une cohérence entre leur foi et leur vie. On ne peut pas justifier ou tolérer n’importe quoi dans l’Église : « N’ayez pas de contact avec celui qui porte le nom de chrétien et qui a une vie immorale. » (v.11)

Venons-en maintenant à notre texte. En arrière-plan de l’argumentation de Paul, il y a des références à l’Ancien Testament qu’il faut bien comprendre. Il évoque la fête juive de la Pâque, qui commémorait la sortie d’Egypte pour le peuple d’Israël, suite à la 10e plaie (la mort des premiers-nés). Au cours de cette fête, et pendant sept jours ensuite, on mange du pain sans levain, en souvenir du départ précipité des Hébreux. On consomme également de l’agneau qui rappelle celui que les Hébreux ont dû sacrifier pour se protéger du jugement de Dieu qui tombait sur l’Egypte, tuant tous les premiers-nés dans les maisons où le sang n’avait pas été répandu sur les portes.

Paul réinterprète ces éléments pour ses lecteurs chrétiens et leur donne un sens symbolique nouveau. Les pains sans levain deviennent l’image d’une vie débarrassée du péché. L’agneau pascal, c’est Jésus-Christ offert en sacrifice. La Pâque que Paul veut que nous fêtions, c’est celle du Christ, celle que célébrons aujourd’hui : la mort et la résurrection de Jésus-Christ. En gardant en vue les conséquences pour notre vie de disciples du Christ.

Dans le prolongement des exhortations de l’apôtre Paul, nous pourrions dire alors que notre vocation de chrétien, c’est d’être une bonne pâte !

Un produit non-fini

D’une certaine façon, l’apôtre Paul nous compare à de la pâte. Et je trouve cette comparaison intéressante ! Une pâte, c’est un matériau à préparer, à malaxer, à travailler… et c’est un produit non-fini. Elle doit être encore cuite pour devenir du pain. Or nous sommes, en tant que croyants, des « produits non-finis », qui devons encore être travaillés par le Seigneur.

La conversion à Jésus-Christ n’agit pas comme un coup de baguette magique qui règle tous nos problèmes, change notre nature profonde et fait apparaître une auréole de sainteté au-dessus de notre tête. Être chrétien, ce n’est pas du tout cuit ! Nous restons une pâte à travailler… et à purifier. Et si nous l’oublions, nous allons être dans le pétrin !

En effet, Paul le souligne, pour être une bonne pâte, il faut d’abord nous débarrasser d’un corps étranger qui pollue toute la pâte : « Enlevez le vieux levain du péché pour devenir purs. Alors, vous serez comme une pâte nouvelle et sans levain, ce que vous êtes déjà. » (v.7)

On comprend bien ce que l’apôtre Paul veut dire en parlant d’enlever le vieux levain. Il parle du chemin vers la sainteté, par lequel nous nous débarrassons petit à petit de tout ce qui nous éloigne de Dieu. C’est ce qu’on appelle parfois la sanctification. Car le « vieux levain » est toujours là. Nos pensées, nos tentations, nos habitudes qui nous éloignent de Dieu, elles sont encore là… Ce n’est pas parce qu’on devient croyant qu’instantanément le péché disparaît en nous !

Il est essentiel que nous soyons conscients d’être des « produits non finis »… Et nous ne pouvons pas nous satisfaire ou nous accommoder de la présence du « vieux levain » en nous. C’est pour cela que Paul fait ses remontrances aux Corinthiens.

Il y a pour nous une exigence de cohérence. Comme le dit Paul au verset 8, on ne peut pas fêter la Pâque avec du pain au vieux levain ! Il ne s’agit pas bien-sûr d’être parfaits et purs, ce serait illusoire… mais d’être engagés sur un chemin de sainteté. D’être en marche à la suite du Christ, et conscient du chemin qui nous reste à parcourir. C’est comme cela que, petit à petit, avec l’aide du Seigneur, nous deviendrons une bonne pâte…

Une nouvelle recette

Il faut donc changer les ingrédients pour devenir une pâte nouvelle, sans levain. C’est une nouvelle recette ! Mais comment faire pour se débarrasser de ce « vieux levain » ? Vous avez déjà essayé de séparer la levure ou le levain de la farine dans une pâte ? C’est impossible ! Aussi impossible que de naître de nouveau… et pourtant c’est bien ce à quoi Jésus appelle Nicodème. C’est impossible pour nous… mais rien n’est impossible à Dieu !

La solution n’est donc pas de nous concentrer sur le « vieux levain » pour essayer de nous en débarrasser. C’est impossible… Il s’agit plutôt de nous tourner vers celui qui nous en délivre. «  Alors, vous serez comme une pâte nouvelle et sans levain, ce que vous êtes déjà. En effet, le Christ a été offert en sacrifice, comme notre agneau de Pâque. » (v.7).

Le Christ est celui qui nous transforme et nous façonne selon une nouvelle recette. Il est en train de le faire. Car voici ce que Paul dit, en substance : Devenez ce que vous êtes déjà ! Et ce que vous êtes déjà, c’est ce que vous êtes grâce à l’oeuvre accomplie par le Christ pour vous. Se débarrasser du « vieux levain » du péché, c’est devenir de plus en plus ce que nous sommes déjà en Christ. C’est vivre la puissance de la résurrection aujourd’hui.

Ainsi, pour nous débarrasser du péché, il ne faut pas nous centrer sur nous-mêmes, sur nos péchés, nos défauts, nos tentations ou nos habitudes. Même si c’est pour les combattre… Il faut nous centrer sur le Christ. Essayer d’extraire par nous-mêmes le levain de la pâte, lutter par nos propres forces contre le mal qui est en nous, c’est se soumettre à des efforts illusoires. Et ça peut même entretenir une fascination morbide et alimenter un sentiment de culpabilité.

Il faut, certes, être conscient de notre péché et de notre besoin de la grâce de Dieu, mais il ne faut pas en être obsédé. Jésus-Christ n’est pas resté sur la croix ou dans le tombeau ! Il est ressuscité. Il a remporté la victoire sur la mort et nous offre une vie nouvelle, faite de grâce et d’espérance.

Devenons donc ce que nous sommes déjà en Christ ! Centrons-sous sur le Christ, sa mort et sa résurrection, son œuvre en nous, sa grâce. Et c’est lui qui ôtera le vieux levain de la pâte, c’est lui qui nous purifiera de tout mal, c’est lui qui travaillera la pâte que nous sommes et nous façonnera à son image.

Le Christ est comme un aimant particulier qui extrait le « vieux levain » de notre pâte. Plus nous nous approcherons de lui, plus nous cultiverons notre intimité avec lui, plus il extraira le levain de notre pâte, le péché de notre vie.

Conclusion

« Fêtons donc la Pâque avec du pain sans levain, avec un cœur pur et sincère. »

Pour nous aujourd’hui, célébrer la Pâque, c’est célébrer le Christ. La Pâque juive, c’est la célébration d’une libération. La fête chrétienne de Pâques, c’est aussi la célébration d’une libération, celle du péché et de la mort, par la résurrection de Jésus-Christ.

Notre responsabilité de disciples du Christ, au quotidien, c’est de le laisser inscrire toujours plus profondément cette libération dans notre vie. C’est le laisser faire de nous de bonnes pâtes, débarrassées du « vieux levain » du péché. Une pâte qu’il pourra travailler et façonner selon son projet, selon la nouvelle recette du Royaume de Dieu.

« Fêtons donc la Pâque avec du pain sans levain, avec un cœur pur et sincère. »

Jésus, serviteur de Dieu

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Lecture biblique: Esaïe 50.4-11

Ce matin je vous invite à lire un passage tiré du livre du prophète Esaïe. Quelques mots pour resituer le contexte du livre. Environ 800 ans avant JC, le prophète confronte le peuple au mal qui le ronge, et annonce les conséquences de ce qu’ils vivent depuis plusieurs siècles. Mais au-delà du jugement, Esaie apporte aussi une espérance. Lorsque le peuple aura tout perdu, notamment ses illusions et son orgueil, Dieu les rejoindra, et les conduira sur le chemin du salut. C’est effectivement ce qui arrive : au 6e siècle, le peuple est déporté, mais le siècle suivant, il retrouve son pays et un semblant d’autonomie. Sauf que le salut qu’avait décrit Esaie dépasse largement ce que vit Israël à son retour : en fait, le prophète annonce un salut global et profond, apporté par un homme, un personnage mystérieux, qu’il appelle « Serviteur de l’Eternel » – c’est une figure du Messie, du Sauveur. Le passage que je vais lire, dans Es 50, est un de ces « chants du Serviteur » qui annoncent le Christ.

4 Le Seigneur DIEU m’a donné le langage des disciples, pour que je sache soutenir par une parole celui qui est épuisé ; chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille, pour que j’écoute à la manière des disciples.
5 Le Seigneur DIEU m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas rebellé et je ne me suis pas dérobé.

6 J’ai livré mon dos à ceux qui me frappaient et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe ; je ne me suis pas détourné des insultes et des crachats.
7 Mais le Seigneur DIEU m’a secouru ; c’est pourquoi je n’ai pas été confus, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage semblable à du granit, sachant que je n’aurais pas honte.
8 Celui qui me justifie est proche : qui veut m’accuser ? Comparaissons ensemble ! Qui s’oppose à mon droit ? Qu’il s’avance vers moi !
9 Le Seigneur DIEU viendra à mon secours : qui me condamnera ? Ils tomberont tous en lambeaux comme un vêtement, les mites les dévoreront.
10 Qui parmi vous craint le SEIGNEUR, en écoutant son serviteur ? Quiconque marche dans les ténèbres et manque de clarté, qu’il mette sa confiance dans le nom du SEIGNEUR et qu’il s’appuie sur son Dieu !
11 Vous tous qui allumez un feu, vous qui vous armez de projectiles incendiaires, allez dans votre feu, dans la fournaise, avec les projectiles incendiaires que vous avez enflammés ! C’est par ma main que cela vous est arrivé ; c’est pour la souffrance que vous vous coucherez !

En ce dimanche des Rameaux, nous nous rappelons l’entrée de Jésus à Jérusalem, une semaine avant Pâques, une semaine à l’intensité maximale, car si la situation paraît favorable lorsque Jésus entre à Jérusalem sous les « vivat » de la foule, nous savons qu’elle va se retourner de façon dramatique, et que dans quelques jours, la foule criera à Pilate : « crucifie-le ! ». Jésus sera accusé, jugé, mis à mort. Nous le savons, car nous connaissons l’histoire, mais Jésus le savait aussi : en entrant à Jérusalem, il marche résolument vers la Croix.

Dans cette semaine qui nous mène jusqu’à Pâques, je vous invite à laisser le prophète Esaie conduire notre méditation, avec le regard particulier qu’il porte sur Jésus, des siècles à l’avance.

  • A l’écoute de Dieu 

« Le Seigneur m’a donné le langage des disciples, chaque matin il éveille mon oreille pour que j’écoute à la manière des disciples. » (v. 4) Le Sauveur est d’abord un élève, il est d’abord celui qui écoute Dieu. Chaque matin, chaque matin, le Messie est à l’écoute de son Dieu, il puise auprès de lui les paroles, les gestes, les attitudes qui vont le diriger. Dans ces moments-là, il se laisse former, façonner, pour devenir celui qu’il est appelé à être, pour apprendre de Dieu comment remplir sa mission. Quelle est sa mission ? Soutenir par la parole celui qui est épuisé.

Donc le Sauveur est d’abord un élève à l’écoute de Dieu : celui qui va relever les autres commence par s’agenouiller devant Dieu dans la prière et la méditation de la Parole de Dieu. Sans orgueil, sans prétention, il n’avance pas en roulant des mécaniques pour montrer sa force, mais il avance humblement, comme un simple croyant, sans se mettre en avant : tout ce qu’il donne, il l’a puisé auprès de Dieu, tout ce qu’il dit, il l’a entendu, tout ce qu’il fait, il l’a appris. Jésus priait, chaque nuit, Jésus se ressourçait auprès de Dieu, pour être sûr de tout vivre droitement, de dire les paroles divines, les paroles qui donnent la vie, qui donnent du sens, à ceux qui l’entouraient. Jésus, le meilleur des hommes, parfait, saint, juste : Jésus est d’abord un disciple, le disciple de Dieu. Lui le plus grand, le plus puissant, était petit devant son Père, humble, attentif, désireux d’apprendre. C’est ce qui fait de lui un serviteur fiable : il ne transmet que les pensées de Dieu ! C’est ce qui fait qu’on peut croire ce qu’il dit, et le suivre avec confiance. Mais il nous donne aussi un modèle : chaque matin (ou soir, ou midi), régulièrement, comme on mange et comme on boit, régulièrement, ouvrir nos oreilles à Dieu, nous mettre à son écoute, pour puiser auprès de lui ce dont nous avons besoin chaque jour. Comme on a besoin de nourriture physique, on a besoin de ce temps avec Dieu, de ce pain spirituel, quels que soient notre âge ou notre expérience, parce que même Jésus, le plus saint des hommes, en avait besoin.

  • Face à l’opposition

Alors, notre Serviteur écoute Dieu, et il lui obéit (« je ne me suis pas rebellé » v. 5). Et son obéissance le mène sur un chemin terrible, fait d’injures, d’attaques et d’accusations. C’est d’autant plus terrible que le Serviteur est innocent. D’ailleurs, il interroge ses adversaires : pourquoi l’accuser ? en quoi a-t-il mérité cette haine, cet acharnement, lui qui obéit simplement à Dieu ? Dans cette espèce de procès, le Serviteur est condamné alors qu’il est innocent – Esaïe ne dit pas encore pourquoi le Serviteur doit passer par ce chemin, on le saura quelques chapitres plus tard : « Ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est chargé. Nous le pensions frappé par Dieu (coupable), mais il était transpercé à cause de nos transgressions, écrasé à cause de nos fautes » (Es 53.4-5). Il a accepté de porter la condamnation que nous méritons, pour que nous soyons déclarés justes par la foi, et que nous puissions vivre avec Dieu.

Mais tout en sachant quel destin l’attend, le Serviteur avance, avec détermination. Le Serviteur affronte son épreuve, déterminé à aller au bout, parce qu’il veut suivre Dieu plus que tout. « Je ne me suis pas rebellé, je ne me suis pas dérobé, j’ai livré mon dos, j’ai livré mes joues, je ne me suis pas détourné, j’ai rendu mon visage semblable à du granit » : il n’est pas passif, il n’avance pas sur ce chemin à reculons, mais il y va sans réserves, il se donne tout entier.

Luc dit que quand Jésus a décidé d’aller à Jérusalem, sachant ce qu’il allait y trouver, il a durci son visage (Lc 9.51), il a pris une ferme résolution : combien de fois Jésus aurait-il pu échapper à son destin ? Pourtant il avance. Quand les soldats le giflent, il tend la joue gauche. Quand ils l’insultent, il pardonne. Jésus, sur son âne le dimanche des Rameaux, n’avait peut-être pas l’air très détendu… Peut-être avait-il ce visage dur, ferme, résolu, déterminé à aller au bout de ce chemin de souffrance, d’injustice et de mort.

Comment peut-il avancer ainsi ? Comment peut-il aller au-devant de l’injustice et de la souffrance ? Parce que Dieu est son secours. Dieu est près de lui, proche, prêt à le défendre, à proclamer sa justice. Et si Dieu est pour lui, qui sera contre lui ? Si Dieu, le Juge, le Créateur, le Roi, déclare que son serviteur est juste, quelle accusation pourra tenir ? Jésus, le jour des Rameaux, discerne la Croix qui l’attend au bout du chemin. Mais au-delà, il discerne la résurrection, la preuve que Dieu apportera de son innocence et de sa justice.

  • Dans l’épreuve, faire confiance

Le texte se termine en interpellant deux catégories de gens : ceux qui l’accusent, et contre qui va se retourner leur propre violence, et ceux qui cherchent à écouter Dieu et qui ont compris que le Serviteur les conduira au salut. « Qui, parmi vous, respecte Dieu en écoutant son Envoyé ? Quiconque marche dans les ténèbres et manque de clarté, qu’il mette sa confiance dans le nom du Seigneur et s’appuie sur son Dieu ! » Cette phrase est surprenante. Elle ne dit pas : « Celui qui est dans les ténèbres, qu’il respecte Dieu, et la lumière brillera pour lui ! ». On associe pourtant plus naturellement la vie avec Dieu à la lumière, sans ténèbres, mais le texte biblique nous invite à la nuance et au réalisme : celui qui croit, qui est fidèle, qui fait tout pour suivre Dieu, peut se retrouver dans les ténèbres.

Même si le chemin que Jésus a emprunté est unique – c’est un chemin de rédemption –, en suivant Jésus pour mieux connaître Dieu, nous pouvons nous retrouver sur un chemin semblable. « Que celui qui veut venir après moi se charge de sa croix » (Mc 8.34). Que ce soit la persécution, l’épreuve, la tentation, le croyant passe par des ténèbres, extérieures ou intérieures – et Dieu ne les dissipe pas forcément tout de suite. Le Serviteur ne donne pas d’explications, seulement un témoignage : tenez bon, appuyez-vous sur Dieu – sous-entendu : Dieu vous portera secours comme il le fait avec moi. La seule « recette » dans les ténèbres, c’est de lever les yeux vers Dieu, sans se décourager. Dans la difficulté, on s’imagine parfois que Dieu nous a laissé tomber, qu’il est indifférent ou impuissant, alors on est tenté d’abandonner, de s’asseoir sur le bord du chemin ou de choisir carrément un autre chemin. Mais le texte nous invite à voir nos ténèbres autrement : Dieu est proche, il est tout près, il marche avec nous dans nos ténèbres, et il nous donne la vie, si nous persévérons sur son chemin. Dieu ne dissipe pas toutes les ténèbres, mais il vient les traverser avec nous pour nous conduire à la vie. Voici un témoignage de Steven C. Chapman, chanteur de louange américain, qui décrit comment il a réagi au décès de sa fille adoptive, de 5 ans :

« Comment ta femme et toi avez réagi à la mort de votre fille, Maria ? »

– Mon épouse et moi avons eu beaucoup de moments difficiles. On en pouvait s’empêcher de penser : « Est-ce qu’on a raté quelque chose ? Est-ce qu’on a eu tort de l’adopter ? Si on ne l’avait pas fait, est-ce qu’elle vivrait encore ? On a vraiment essayé de faire les choses bien, et maintenant voilà ce qui nous arrive. Est-ce qu’on ne devrait pas avoir un meilleur sort ? »

Mais quand je me penche sur la situation du monde, je vois que la souffrance fait vraiment partie de l’expérience humaine. Grâce à mon travail, j’ai pu beaucoup voyager et découvrir différente cultures. Nous vivons dans une culture qui peut être très isolée de la large souffrance qu’expérimente autrui, et avec ça vient le sentiment que tout nous est dû. Nous disons : « Hé, Dieu, j’ai fait toutes ces bonnes choses. Est-ce que je ne pourrais pas avoir un meilleur sort ? »

Mais Jésus nous dit : « dans ce monde, vous allez avoir des problèmes. » mais ensuite il dit : « mais prenez courage. J’ai vaincu le monde. » Il dit qu’il y a une autre histoire en train de s’écrire en parallèle, et si je ne croyais pas ça, je serais un homme en colère et extrêmement amer. La mort de Maria a souligné et cristallisé ce que je savais et ce que je croyais, et cela l’a rendu plus réel. Quand il n’y avait plus rien d’autre à quoi m’accrocher, je me suis entendu dire : « Dieu, je vais te faire confiance et te louer, et ce n’est pas parce qu’il y a une audience qui m’écoute. Je vais bénir ton nom, que tu donnes ou que tu reprennes. »

Auparavant, j’étais déjà descendu à 20 mètres sous le niveau de la mer, et j’avais pensé qu’il faisait noir là-dessous, mais que Dieu était avec moi. Une fois que j’ai été poussé à 20 000 mètres sous le niveau de l’eau, là où il faisait plus noir que je ne pouvais l’imaginer, j’ai découvert que c’était encore vrai. (publié dans Christianity Today, mars 2017, p. 60).

Si nous tenons malgré les difficultés, si nous nous appuyons sur Dieu en suivant Jésus malgré tout, alors cette assurance qu’avait le Serviteur devient la nôtre :

31 Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?

32 Même à son Fils, Dieu n’a pas évité la souffrance, mais il l’a livré pour nous tous. Alors, avec son Fils, il va tout nous donner gratuitement.

33 Qui peut accuser ceux que Dieu a choisis ? Personne ! En effet, Dieu les rend justes.

34 Qui peut les condamner ? Personne ! En effet, le Christ Jésus est mort, de plus, il s’est réveillé de la mort : il est à la droite de Dieu et il prie pour nous.

35 Qui peut nous séparer de l’amour du Christ ? Est-ce que c’est le malheur ? ou l’inquiétude ? la souffrance venant des autres ? ou bien la faim, la pauvreté ? les dangers ou la mort ?

37 Mais dans tout ce qui nous arrive, nous sommes les grands vainqueurs par celui qui nous a aimés. 38 Oui, j’en suis sûr, rien ne pourra nous séparer de l’amour que Dieu nous a montré dans le Christ Jésus, notre Seigneur.                     (Romains 8.31-39).


 

La foi de Marthe

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Le récit de la résurrection de Lazare est extrêmement riche et passionnant. Mais il est un peu long aussi. Je propose donc de nous concentrer sur un moment de ce récit : le dialogue entre Jésus et Marthe, une des sœurs de Lazare.

Mais résumons d’abord en quelques mots l’ensemble de l’épisode. Des messagers viennent avertir Jésus que son ami Lazare est gravement malade. Mais il ne semble pas s’en inquiéter particulièrement : « La maladie de Lazare ne va pas le faire mourir… ». Et il s’attarde encore deux jours. Puis il décide de partir pour la Judée, même si ses disciples s’en inquiètent : la dernière fois, on a voulu le tuer à coup de pierres…

Lorsqu’il arrive à Béthanie, ça fait déjà quatre jours que Lazare est mort et dans le tombeau. Marthe vient à la rencontre de Jésus en dehors de la ville et c’est là qu’elle a un dialogue avec lui que nous lirons et méditerons tout à l’heure. Ce sera ensuite Marie, sa sœur, qui viendra à la rencontre de Jésus. Toutes les deux lui font la même remarque : « Si tu avais été là, notre frère ne serait pas mort ! ».

Alors Jésus, profondément touché, va vers la tombe, demande qu’on enlève la pierre et prie son Père à voix haute. Ensuite il crie : « Lazare, sors de là ! » Et Lazare sort de la tombe, vivant !

Lisons donc le dialogue entre Jésus et Marthe, au milieu de notre récit, lorsque Jésus arrive à Béthanie :

Jean 11.20-27 :
20 Marthe apprend que Jésus arrive et elle part à sa rencontre. Marie reste assise à la maison. 21 Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. 22 Mais, même maintenant, Dieu te donnera tout ce que tu lui demanderas, j’en suis sûre. » 23 Jésus lui dit : « Ton frère se relèvera de la mort. » 24 Marthe lui répond : « Oui, je le sais, il se relèvera de la mort quand tous les morts se relèveront, le dernier jour. » 25 Jésus lui dit : « Celui qui relève de la mort, c’est moi. La vie, c’est moi. Celui qui croit en moi aura la vie, même s’il meurt. 26 Et tous ceux qui vivent et qui croient en moi ne mourront jamais. Est-ce que tu crois cela ? » 27 Marthe répond à Jésus : « Oui, Seigneur, je crois que tu es le Messie, le Fils de Dieu, celui qui devait venir dans le monde. »

Ce dialogue a une importance particulière dans la récit de la résurrection de Lazare parce qu’il aboutit à une confession de foi christologique, qui entre en écho avec l’ensemble du récit. En effet, au début du récit, Jésus dit à ses disciples : « La maladie de Lazare ne va pas le faire mourir, mais elle va servir à montrer la gloire de Dieu. Ainsi elle donnera de la gloire au Fils de Dieu. ». Et à la fin du récit, dans sa prière au moment de faire sortir Lazare de la tombe, Jésus dit : « Père, je te dis merci, parce que tu m’as écouté. Tu m’écoutes toujours, je le sais. Mais je dis cela à cause des gens qui sont autour de moi. Ainsi, ils pourront croire que tu m’as envoyé. »

L’enjeu de ce récit est donc de révéler la personne de Jésus, Fils de Dieu, Messie. Et c’est Marthe qui le confesse de manière explicite. Une affirmation de foi qui, pourtant avait commencé dans l’hésitation… La foi de Marthe, comme la nôtre, connais des hauts et des bas !

1. Hésitante

C’est Marthe qui prend l’initiative du dialogue, et elle s’adresse à Jésus avec un ton de regret, voire de reproche : « si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort… » N’oublions pas que Marthe et Marie avaient fait avertir Jésus de la maladie de leur frère… et qu’il n’avait pas estimé urgent de venir tout de suite. Mais en même temps, elle veut garder foi et espoir dans l’impossible : « même maintenant, Dieu te donnera tout ce que tu lui demanderas. »

Le croit-elle vraiment ? Difficile à dire… En tout cas, quand Jésus lui dit que son frère va se relever de la mort, Marthe n’imagine pas que ce ça puisse être tout de suite mais elle pense que Jésus parle de la résurrection à la fin des temps. Ce n’est pas facile d’avoir toujours une foi cohérente et ferme. Surtout au cœur de l’épreuve comme c’est le cas de Marthe. Elle vient de perdre son frère… et elle ne comprend pas pourquoi Jésus n’est pas venu plus tôt.

Pourtant il y a quelque chose d’authentique et vrai, et même de beau, dans cette foi hésitante de Marthe. Ca me rappelle un peu cette phrase étonnante, dans un autre évangile, d’un père dont l’enfant était durement tourmenté et qui implorait Jésus de le guérir. A l’affirmation de Jésus « tout est possible à celui qui croit », le père a répondu : « Je crois ! Viens au secours de mon incrédulité ! »

Il y a un peu la même tension chez Marthe dans notre récit. Et il me semble que cette tension est le lot de tous les croyants. Il y a toujours un certain inconfort dans la foi, une tension entre assurance et doute, entre espérance et découragement. Ce n’est jamais évident. En matière de foi et de vie chrétienne, je me méfie du triomphalisme… de ceux qui donnent l’impression d’être toujours au top, insensible aux épreuves et imperméables aux doutes. Comme le disait Paul aux Corinthiens : « Que celui qui est debout prenne garde de ne pas tomber… » (1 Co 10.12).

Si vous suivez le calendrier de lecture « La Bible en 6 ans », toute cette semaine nous avons lu dans les Lamentations de Jérémie. C’est incroyable qu’un tel livre soit dans la Bible, où l’auteur exprime librement devant Dieu son désespoir, ses interrogations profondes. Voyez aussi les Psaumes, ces prières dans lesquelles si souvent se glissent des questions, des interpellations à Dieu et des doutes. Même l’apôtre Paul, dans certaines de ses épîtres, ne cache pas ses luttes spirituelles intimes et profondes.

La vie de foi n’est pas un long fleuve tranquille…

2. En décalage

Revenons au dialogue entre Jésus et Marthe. Sa foi hésitante la met dans une situation où elle ne comprend pas ce que Jésus veut lui dire. Ainsi, lorsque Jésus lui dit que Lazare se relèvera de la mort, Marthe récite son catéchisme ! « Oui, je le sais, il se relèvera de la mort quand tous les morts se relèveront, le dernier jour. »

Mais ce n’est pas ce que Jésus veut dire ! Il ne parle pas du dernier jour, il parle d’aujourd’hui. Et pour le faire comprendre à Marthe, il recentre son attention sur lui : « la résurrection, c’est moi ! » On n’est plus dans la confession de foi seulement… On ne parle pas de demain mais d’aujourd’hui !

Ce que Marthe dit est vrai théologiquement. Mais c’est impersonnel, désincarné, éloigné de ce qu’elle vit. La connaissance biblique, l’éducation religieuse, le catéchisme… tout cela est important. Mais ce n’est pas cela qui va nous sauver. Il faut aller au-delà de la foi du catéchisme.

Ça me rappelle un peu ceux qui, en toute circonstance, citent des versets bibliques comme des réponses toute faites, des recettes spirituelles prêtes à l’emploi. Vous savez, un peu comme ces soupes instantanées où il suffit de verser de l’eau chaude… Ce n’est pas la vraie soupe qui a mijoté longtemps !

La foi véritable et authentique n’est pas une affaire de récitations du catéchisme ou de versets bibliques…

3. Vers la confiance

Jésus va donc orienter la foi de Marthe non pas vers le catéchisme mais vers sa personne : « La résurrection, c’est moi ! La vie, c’est moi ! Celui qui croit en moi aura la vie, même s’il meurt. Et tous ceux qui vivent et qui croient en moi ne mourront jamais. Est-ce que tu crois cela ? »

La question de Jésus ne porte pas sur un article de confession de foi ou un chapitre de catéchisme. Elle porte sur sa personne. Et d’ailleurs, la réponse de Marthe est christologique. Elle ne dit pas : « oui je crois que tu peux ressusciter les morts » Elle dit :
« Oui, Seigneur, je crois que tu es le Messie, le Fils de Dieu, celui qui devait venir dans le monde. »

On est passé de ce que Jésus fait, ou peut faire, à ce que Jésus est. Marthe a-t-elle compris toutes les implications de ce qu’elle disait ? Pas forcément… on le voit dans son attitude par la suite. Mais elle a compris que sa foi devait s’orienter vers la confiance plus que la croyance. Et elle nous y invite aussi.

Nous pouvons nous aussi nous tromper en confondant foi personnelle et contenu de la foi. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de contenu à notre foi. Il est juste et bon de réfléchir notre foi, d’approfondir ce que nous croyons. Mais nous ne devons jamais oublier que, fondamentalement, la foi chrétienne est la confiance placée en la personne de Jésus-Christ. Aujourd’hui, pas demain. Pour ce monde-ci déjà, pas seulement pour le monde à venir. Comme la vie qu’il offre n’est pas seulement pour demain mais pour aujourd’hui. « Je suis la résurrection et la vie ». Pas « Je serai… ». Et « tous ceux qui vivent et qui croient en moi ne mourront jamais. » On ne parle pas seulement de vie après la mort. Ou de résurrection des morts au dernier jour. On parle de la vie en Jésus-Christ, aujourd’hui.

Quand Jésus demande à Marthe : « crois-tu cela ? » Il ne lui demande pas de se prononcer sur une confession de foi mais de s’interroger sur sa relation à Jésus-Christ. Crois-tu que la résurrection et la vie, c’est moi ? Crois-tu que si tu places ta confiance en moi, tu vis et tu vivras. Et que même la mort ne t’ôtera pas cette vie !

L’appel à la foi, c’est un appel à la relation. Une relation vivante avec le Christ vivant. Il est notre résurrection et notre vie.

Conclusion

La foi de Marthe, telle qu’elle se révèle dans son dialogue avec Jésus, nous rejoint dans notre cheminement spirituel. Nous aussi nous connaissons des tensions et des hésitations, nous aussi nous sommes parfois en décalage, dans le flou…

C’est pourquoi nous devons toujours recentrer notre foi sur la personne de Jésus-Christ. Toujours comprendre la foi prioritairement en termes de relation et non de croyance.

Jésus-Christ est la résurrection et la vie. Aujourd’hui. Pour tous ceux qui croient. Placer sa confiance en lui aujourd’hui, c’est avoir l’assurance que la vie du Christ en nous ne s’arrêtera jamais. Même la mort n’y mettra pas un terme !