Vous êtes le corps du Christ ! (6) Paul et les femmes

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11 Que la femme écoute l’instruction en silence, avec une entière soumission.

12 Je ne permets pas à la femme d’enseigner, ni de prendre de l’autorité sur l’homme; mais elle doit demeurer dans le silence. (1 Timothée 2.11-12 Version Segond)

Cette phrase de l’apôtre Paul, tirée de sa première lettre à Timothée, appuyée par quelques autres versets qui vont dans le même sens, a eu un impact énorme sur la place des femmes dans l’église. Au weekend d’Eglise, quelqu’un a demandé à l’apôtre Paul quelle était sa position sur les femmes, question qui revient souvent. Sans faire une longue conférence, j’essaierai ce matin d’apporter un élément de réponse non pas avec un des textes « féministes » de Paul, car il y en a aussi, mais avec un texte qui paraît bien défavorable aux femmes. Je le lirai dans la version Semeur, qui me paraît traduire au mieux les nuances du texte. Dans les versets qui précèdent, Paul parle de la nécessité de prier pour tous afin de favoriser l’annonce de l’Évangile, et continue d’en parler avant d’élargir à l’enseignement.

Lecture 1 Timothée 2.8-15 (Bible du Semeur)

C’est pourquoi je veux qu’en tout lieu les hommes prient en élevant vers le ciel des mains pures, sans colère ni esprit de dispute.Je veux que les femmes agissent de même, en s’habillant décemment, avec discrétion et simplicité. Qu’elles ne se parent pas d’une coiffure recherchée, d’or, de perles ou de toilettes somptueuses, 10 mais plutôt d’œuvres bonnes, comme il convient à des femmes qui déclarent vivre pour Dieu.
11 Que la femme reçoive l’instruction dans un esprit de paix et de parfaite soumission.12 Je ne permets pas à une femme d’enseigner en prenant autorité sur l’homme. Qu’elle garde plutôt une attitude paisible.
13 En effet, Adam fut créé le premier, Eve ensuite.14 Ce n’est pas Adam qui a été détourné de la vérité, c’est la femme, et elle a désobéi au commandement de Dieu,15 mais elle sera sauvée grâce à sa descendance. Quant aux femmes, elles seront sauvées si elles persévèrent dans la foi, dans l’amour, et dans une vie sainte en gardant en tout le sens de la mesure.

Il est essentiel, comme toujours, de remettre le texte dans son contexte : Paul s’adresse à son disciple, Timothée, alors responsable à l’église Éphèse, une église bousculée entre autres par des enseignants qui déforment l’Évangile. Il est probable qu’à Éphèse, certaines femmes, riches et influentes, aient relayé ces messages hérétiques, peut-être avec un féminisme exalté et excessif. Cela étant, Paul ne s’adresse pas seulement aux femmes qui exagèrent, mais à toutes les femmes, de manière générale, ce qui nous oblige à voir ce que le texte voulait dire des femmes à l’époque et ce qu’il nous transmet aujourd’hui.

Parmi vous, certains n’ont sûrement jamais entendu ce texte, et remarquent peut-être le décalage entre le texte, la pratique d’église et le discours de notre culture. D’autres connaissent ce texte, l’ont peut-être étudié voire ont forgé des convictions fortes sur la place de la femme. D’autres encore peuvent avoir souffert, ici ou dans d’autres assemblées, de la manière dont ce texte était appliqué dans l’église. Et peut-être que pour une majorité, ce texte suscite surtout des questions : comment le comprendre ? Paul était-il misogyne ? et Dieu ? Alors c’est vrai que ce n’est pas une question de vie ou de mort, mais elle est importance car elle révèle notre attitude face au texte biblique : comment lire les textes qui sont décalés de la culture actuelle ? Est-ce qu’on les applique purement et simplement, toujours et partout de la même manière ? Est-ce qu’on les disqualifie, au nom du progrès ? Est-ce qu’on les évite, comme les textes de guerre, de violence, de jugement, etc., se faisant ainsi une Bible à la carte, bien adaptée à notre XXIe siècle ? Ou est-ce qu’on essaie de voir comment toute la Bible, dans ses passages faciles et difficiles, nous révèle le caractère et les projets de Dieu ?

1)   Pour tous, l’appel à la sainteté

On oublie parfois que Paul traite d’abord ici de la prière, qu’il décrit selon la façon habituelle de l’Antiquité : debout, les mains levées, à voix haute. Il demande à ce que la prière soit cohérente avec le reste de notre personne et de notre vie : en gros, il appelle à la sainteté.

Pour les hommes, il insiste sur le calme intérieur : prier sans colère, sans amertume ou rancune, sans intention mauvaise, dans un contexte apaisé, au nom de l’Évangile qui apporte paix et réconciliation. Pour les femmes, Paul avertit contre une vanité superficielle (certaines femmes mettaient des heures à élaborer des coiffures sophistiquées), une apparence souvent excessive et choquante, notamment dans l’étalage de richesse, parce que Dieu accorde plus d’importance au cœur qu’à l’apparence : aux femmes donc d’être agréables, mais dans la sobriété et la modestie, en privilégiant les vraies richesses – la foi, qui se manifeste concrètement par des actions de justice, de bonté, de fraternité…

Faut-il déduire de cette distinction le cliché que les hommes sont tous des sanguins violents, et les femmes, des coquettes futiles ? Pas forcément ! A l’époque de Paul, pour parler de morale, on s’adressait spécifiquement aux hommes, aux femmes, aux parents, aux enfants, aux maîtres, aux esclaves : Paul reprend les codes de son époque. Mais, bien sûr, de tous temps, hommes et femmes sont concernés à la fois par le problème des disputes et de la colère, et par des fausses priorités superficielles. Quand certaines montrent leurs bijoux, certains arborent leur voiture ou leur montre… La relation avec Dieu nous amène tous à chercher un cœur pur, apaisé, et tourné vers l’essentiel.

De même, quand Paul invite les femmes à se coiffer d’œuvres bonnes, à persévérer dans la foi, l’amour et la sainteté, à vivre dans la sobriété, nul doute que les hommes sont aussi visés ! Même si Paul insiste sur des traits plus courants chez les femmes ou les hommes, au fond, tous sont appelés à la même sainteté.

2)   La liberté et le respect de l’ordre

Venons-en à la place des femmes dans le culte. J’aimerais d’abord rappeler ce que Paul ne prend pas la peine d’évoquer parce que c’est évident pour lui : dans le peuple de Dieu, tous ont la même valeur, tous reçoivent le même salut en Jésus-Christ, au moyen de la foi – hommes et femmes, Juifs et non-Juifs, maîtres et esclaves… tous ! (Galates 3.28) Tous ont leur place dans le corps du Christ qu’est l’Église, et tous reçoivent des dons pour servir Dieu et les autres. D’autres textes montrent que la femme pouvait assister à toutes les manifestations religieuses, pouvait prier à haute voix, prophétiser (c’est-à-dire : exhorter, témoigner, transmettre une parole de Dieu pour aujourd’hui) et même se former (c’est d’ailleurs tout le sujet des versets 11-12 : l’attitude des femmes quand elles reçoivent un enseignement). Tout cela, pour l’époque, est révolutionnaire.

Cependant, il reste deux questions.

La première : quel est ce fameux silence que les femmes doivent respecter pendant l’enseignement ? La Bible du Semeur traduit gentiment: en paix, avec tranquillité. Il s’agit sûrement, non pas d’un silence total, mais du silence que vous-mêmes respectez en ce moment : une attitude calme, studieuse, respectueuse – ce qui est tout à fait logique. Paul n’invite pas, à l’inverse, les hommes à chahuter ! D’ailleurs il reprend vertement les Corinthiens qui vivent le culte dans la cacophonie. Non, recevoir un enseignement sur Dieu demande à ce que chacun soit calme et respectueux, disponible pour mieux comprendre Dieu.

Mais alors pourquoi Paul mentionne-t-il particulièrement les femmes ? C’est lié à la seconde question : que la femme n’enseigne pas et ne prenne pas autorité sur les hommes. Je vais y revenir mais j’aimerais qu’on se concentre sur l’argumentation de Paul : il fait référence aux premiers chapitres du livre de la Genèse, qui raconte la création du monde et la faute des premiers humains qui ont entraîné toute l’humanité dans le mal.

Premier argument (v.13) : l’homme a été créé avant la femme. Cet ordre temporel attribue à l’homme une autorité spécifique. Cela étant, dans la Genèse, le récit n’insiste pas sur cet ordre, il tire même plutôt du côté de l’égalité en affirmant que l’homme ET la femme sont images de Dieu – ce qui était aussi révolutionnaire. Paul ailleurs a déjà utilisé cet argument de l’ordre dans la création, et l’a relativisé : certes, l’homme a été créé avant la femme, mais tout homme naît d’une femme, donc il y a une sorte de compensation (1 Co 11.7-12). L’ordre dans la création est un élément à prendre en compte pour définir le rapport homme-femme, mais pas le seul : il y a aussi l’égalité.

Deuxième argument (v.14) : la femme a été la première à transgresser le commandement de Dieu – et c’est par elle que tous les problèmes ont commencé. Mais Paul souligne aussitôt le salut est venu sous la forme d’un enfant, le Christ, né d’une femme – et d’ailleurs seulement d’une femme, Marie. Cet ordre aussi est relativisé : là où la faute de la première femme entachait toutes les femmes, Dieu a choisi de faire advenir le salut par le biais d’une femme, comme pour effacer cette honte attachée aux femmes, si bien qu’on ne peut plus en tenir compte. C’est un encouragement extraordinaire : si la première et la pire de toutes les fautes du monde a été effacée par la grâce de Dieu, alors quelle faute résistera à son pardon ? Quelle honte entravera la liberté de celui ou celle que Dieu aime ? Dieu dans sa grâce oublie le passé et fait toute chose nouvelle.

Dans le salut, comme dans la création, homme et femme reçoivent la même considération de la part de Dieu. Cela dit, la liberté et l’égalité n’excluent pas un certain ordre. Si cet ordre est et a été bien souvent caricaturé dans une violente oppression des femmes, l’égalité peut aussi être caricaturée, lorsque nous nions toute distinction entre homme et femme, comme si nos différences n’avaient pas d’importance. Dieu nous appelle à trouver dans l’église une façon de vivre ensemble qui fasse honneur à la liberté commune que nous offre l’amour du Christ, et à nos différences intrinsèques, en dehors de ces caricatures.

3)   Enseignement et autorité

Quel impact cela a-t-il alors sur l’enseignement, l’autorité et la femme?

A l’époque de Paul, aucune femme n’enseigne en public – même s’il y a certaines femmes qui forment des hommes en privé, comme Priscille p. ex., elles n’ont pas de poste à haute responsabilité : par rapport à la culture ambiante, il serait donc choquant, inconvenant, que les femmes enseignent dans l’église. De plus, le Nouveau Testament n’existe pas encore, il est en cours de rédaction. Du coup, celui qui enseigne fixe la doctrine avec une autorité incontestable. Dans ce contexte-là, l’ordre entre l’homme et la femme se traduit par le fait que la femme n’enseigne pas et n’occupe pas seule une position d’autorité. Dans notre contexte occidental, où chacun a accès au texte biblique et où la société accorde plus de place aux femmes, ce principe du respect de l’ordre homme-femme peut se concrétiser autrement, par exemple avec un exercice collégial de l’autorité dans l’église, portée par le conseil et le/la pasteur.

Avant de conclure, j’aimerais d’ailleurs insister sur cette question de l’autorité. Il est frappant, dans la Bible, de voir que très souvent résonne l’appel à se soumettre : se soumettre à Dieu, aux autres, les uns aux autres etc. C’est l’invitation à reconnaître volontairement l’autorité de l’autre et à se mettre au service, par amour, en imitant le Christ qui est venu nous servir, par amour. Par contre, il y a rarement (jamais ?) l’appel à prendre autorité, et quand la Bible s’adresse aux responsables, c’est toujours sous l’angle du service, du respect, de l’humilité, et jamais de la domination ou du pouvoir. Le refus de Paul d’avoir une femme prenant autorité sur les hommes n’est pas un appel à ce que l’homme prenne autorité sur l’assemblée lorsqu’il prêche ! Ce n’est pas un appel à un pasteur autoritaire, ou à un conseil autoritaire, qui dominerait l’église et la conduirait malgré elle dans telle direction. Dans le Nouveau Testament, l’autorité est d’abord liée à la Parole biblique fidèlement transmise, elle est vécue dans l’humilité et le service, et exercée de manière collégiale (p. ex. chez nous, c’est la coopération entre pasteur et conseil). Toute autorité est déléguée par le Christ, qui seul est la tête de son corps, et se vit dans la soumission à Dieu et le service du prochain.

Conclusion

Ces phrases de Paul sont loin d’être évidentes, mais puisque nous croyons que Dieu a inspiré ce texte, nous devons l’étudier sérieusement. Nous ne devons pas mettre ce texte, ou un autre, à la trappe sous prétexte qu’il est difficile ou dérangeant, mais à l’inverse, nous ne devons pas non plus nous satisfaire d’explications rapides et surfaites. On voit trop souvent les gens se jeter des versets à la figure, comme si leur sens était une évidence. Non, respecter la Parole de Dieu, c’est la lire dans sa totalité mais avec profondeur : n’est pas fidèle celui qui est superficiel !

Cela dit, l’étude de ce texte nous interpelle : sur notre façon d’être ensemble, dans l’église, sur notre façon de vivre la liberté commune, l’égalité, tout en respectant les différences que Dieu a créées. Il nous interpelle aussi sur notre rapport à la société : d’où vient la norme de nos valeurs ? des coutumes antiques ? des coutumes contemporaines ? ou du discours biblique, qui nous demande courage et créativité pour trouver de meilleures façons de vivre avec Dieu ? Créativité parce que la vérité, la justice, la paix et l’égalité ne se reflètent que faiblement dans nos sociétés. Courage, parce qu’il nous faut abandonner nos habitudes, nos présupposés, pour que Dieu nous montre ce qu’est vraiment la liberté dans l’amour. Et là, nous découvrirons la grâce infinie, infiniment généreuse de Dieu, qui renverse tout obstacle, toute faute, toute honte, pour faire de chacun de nous ses enfants, en Jésus-Christ.




Vous êtes le corps du Christ (5) Quelle est ma place ?

 

Parmi les « questions à l’apôtre Paul » laissée

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s dans la boîte aux lettres de notre week-end d’Eglise, certaines tournaient autour de la question des dons et ministères dans l’Église. Comme par exemple : « Comment savoir quelle partie du Christ je suis ? » ou : « Dans le corps, y a-t-il des organes vitaux et d’autres dont on peut se passer ? »

Pour répondre à ces questions qui s’inspirent de l’image de l’Église comme un corps, je vous propose de lire un texte qui n’utilise pas cette image du corps mais qui aborde bien la question des dons et des ministères.

Lecture biblique : 1 Pierre 4.7-11

Le sentiment de fin du monde, au début de notre texte, est présent dans plusieurs épîtres du Nouveau Testament. La plupart des premiers croyants pensaient que le Seigneur allait revenir rapidement… et cela donnait un certain caractère d’urgence à la vie chrétienne et à la nécessité du témoignage de l’Évangile. Dans ce contexte, c’est ici l’occasion pour Pierre de souligner l’essentiel pour l’Église : la prière, l’amour les uns pour les autres et le service des autres selon les dons de chacun.

C’est ce dernier point qui nous permet de répondre à nos questions sur les dons et les ministères dans l’Église, que nous pouvons reformuler de façon plus personnelle : « quelle est ma place dans l’Église ? »

Être de bons économes de la grâce

Dans les exhortations de Pierre, on perçoit en filigrane que la vie communautaire n’était pas forcément si évidente que ça. Deux indices dans le texte. D’abord, en appelant ses lecteurs à l’amour les uns pour les autres, Paul précise que l’amour efface beaucoup de péchés… Ensuite, il ajoute à son encouragement à exercer l’hospitalité les uns envers les autres que ça devait se faire « sans se plaindre ».

Il ne faut donc pas s’imaginer que dans les premiers temps de l’Église, tout était formidable, paisible et fraternel ! On peut imaginer que dans ces conditions, il n’était pas forcément facile de trouver sa place dans l’Église.

En tout cas, Pierre souligne l’importance de la communauté et établit le principe suivant : « Mettez-vous au service des autres, selon le don que chacun a reçu. » En agissant de la sorte, les croyants seront de bons serviteurs, administrant au mieux les dons variés de Dieu.

Le mot traduit par « serviteurs » au verset 10 est oikonomoi. Ce mot grec a donné économe en français et désignait le serviteur qui avait pour tâche d’administrer les biens de la maison. Derrière cette exhortation, il y a l’idée que l’Église est une peu comme un trésor, riche des dons et des ministères accordés par Dieu. Et il convient à tous d’administrer ensemble ce trésor, d’être de bons économes de la grâce.

Pierre privilégie la vision et la gestion globale. La perspective n’est pas individuelle mais communautaire. C’est la vision d’ensemble qui compte, plutôt que les aspirations individuelles.

Et cela nous permet de répondre à la question de savoir s’il y a dans l’Église des membres vitaux et d’autres dont on pourrait se passer… Autrement dit, est-ce qu’il y a des personnes, des ministères absolument indispensables, sans lesquels il ne peut y avoir d’Eglise ?

Dans l’image du corps développée par Paul dans plusieurs de ses épîtres, il n’y a qu’un seul membre qui est indispensable, c’est la tête. Et la tête, c’est le Christ. Tous les autres membres ont leur place, même si certains reçoivent plus d’honneur que d’autres, même si certains sont plus visibles que d’autres. Pour Paul aussi, l’importance c’est la cohésion du corps dans son ensemble.

De même, pour Pierre, c’est la communauté qui prime. D’où ses exhortations à l’amour fraternel, à l’hospitalité mutuelle et au service les uns des autres. Si nous formons ensemble un trésor commun, c’est bien Dieu qui en est le propriétaire… et nous n’en sommes que les administrateurs.

Dans les deux cas, nous sommes invités à aller au-delà d’une vision utilitariste de l’Église pour privilégier une vision de service. Dans une vision utilitariste de l’Église, on va regarder, et honorer, les gens en fonction de ce qu’ils pourront apporter : de l’argent dans les collectes, de la respectabilité par leur réputation ou leur réseau d’influence, des compétences reconnues. Plus ils seront utiles, mieux ils seront accueillis et intégrés.

Dans une perspective de service, on est moins centré sur ce que les autres peuvent nous apporter que sur ce que nous pouvons leur apporter, moins sur nos besoins que sur leurs besoins.

Pour revenir à l’image du corps, il y a des parties d’un corps humain qui n’apparaissent pas forcément utiles… mais qui font bien partie de la personne, et parfois ajoutent à leur charme et peuvent être des petits détails qui font toute la différence. L’identité d’une Église est constituée de l’ensemble de ses membres. Le bien commun que nous partageons et que nous devons administrer est la somme de toutes nos individualités.

Être de bons économes de la grâce, c’est permettre à chacun d’être qui il est et d’apporter aux autres ce qu’il peut leur donner.

Se mettre au service des autres

Revenons à l’exhortation de Pierre : « Mettez-vous au service des autres, selon le don que chacun a reçu. »

Se mettre au service, c’est le verbe grec diakoneo. Le don que chacun a reçu, c’est le charisme, charisma en grec. Or diakoneo signifie bien servir mais il est utilisé dans le Nouveau Testament pour désigner l’exercice d’un ministère. Le diakonos, qu’on a parfois transcris par « diacre », c’est en fait le ministre, le serviteur. Et les charismes sont les dons que Dieu accorde dans sa grâce à son Église et dont on trouve plusieurs listes, non-exhaustives, dans les épîtres de Paul.

Que dit Pierre des charismes et des ministères ? Dans une perspective de service plutôt qu’utilitariste, il nous invite à ne pas nous autocentrer mais à nous centrer sur les autres. Evidemment, c’est toujours intéressant et même légitime dans une certaine mesure, de se demander : quel sont mes dons, quel est mon appel ? Mais on peut aussi réfléchir différemment et se demander : quels sont les besoins autour de moi ? Comment je pourrais me mettre au service des autres ? Au lieu de se centrer sur soi-même et chercher à s’épanouir dans ses dons, se centrer sur les autres et chercher à se mettre à leur service.

Jésus-Christ lui-même ne s’est-il pas fait serviteur ? N’a-t-il pas renoncé à sa gloire, à ses droits et privilèges de Fils de Dieu en devenant homme, semblable à nous, et en prenant la forme d’un serviteur, jusqu’à la mort sur la croix ? Ne sommes-nous appelés à vivre à sa suite, comme serviteurs les uns des autres ? C’est là que se trouve la clé de la vie dans l’Église, la voie pour que chacun trouve sa place : l’esprit de service.

Bien-sûr, la bonne volonté ne suffit pas toujours. Il y a certains services qui nécessitent des dons ou des compétences. Vous n’allez pas rejoindre le groupe de louange si vous chantez comme une casserole ni le groupe des présidents de culte si la seule idée de monter sur l’estrade vous fait tomber dans les pommes ! Mais il y a quantité de services, notamment pratiques, qui ne nécessitent pas de compétence particulière… Et il y a beaucoup de domaines où on peut apprendre et se former.

Il s’agit donc, au minimum, d’intégrer les besoins autour de nous dans notre réflexion. Notre place dans l’Église ne dépend pas que de nos dons et de nos aspirations, elle dépend aussi des autres et des besoins de la communauté !

Conclusion

Souvent l’Église est perçue comme un prestataire de services. On s’attend à ce qu’elle nous nourrisse, qu’elle nous apporte réconfort, bien-être, épanouissement… On l’évalue sur sa capacité à répondre à nos besoins et nos attentes.

Or, nous devrions voir l’Église non comme un prestataire de services mais comme une communauté de serviteurs. Nous sommes invités à ne pas nous autocentrer mais à nous centrer sur les autres. Et tout le monde y trouvera son compte si le service est vécu dans la réciprocité !

Quelle est ma place dans l’Église ? Celle du serviteur, au même titre que tous les autres ! Nul n’est indispensable sinon le Christ. Chacun, pour sa part, contribue à l’identité et au charme du corps qu’est l’Église. Et c’est ensemble que nous pourrons être de bons économes de la grâce, en mettant en valeur toutes les pièces du trésor que nous formons par la grâce de Dieu.