Jésus, envoyé pour la justice et la paix

Lecture biblique : Esaïe 42.1-9

Cet oracle du prophète Esaïe est bien ancien : il date de plusieurs siècles av. J.-C. A cette époque, Esaïe s’adresse, de la part de Dieu, au peuple d’Israël. Le peuple à qui Dieu s’est révélé de manière privilégiée n’a pas été à la hauteur : tout au long de son histoire, on trouve inconstance, incrédulité, idolâtrie… Tout au long de son histoire, Dieu inspire des prophètes, pour encourager le peuple à revenir à son bon sens et à marcher dans le droit chemin. Pour cela, les prophètes confrontent le peuple à la gravité de ses actes, informent sur la condamnation que ces actes méritent, et rappellent que Dieu est fidèle, malgré leur infidélité, et qu’il donnera une deuxième chance.

Esaïe a décrit avec force l’hypocrisie abominable du peuple – qui rend de beaux cultes à Dieu mais qui se comporte avec injustice au quotidien – et annoncé ce que cette hypocrisie mérite : la perte des privilèges d’Israël. Israël est donc confronté à la menace de l’exil s’il ne change pas d’orientation – mais il faudra attendre quelques siècles pour que Dieu mette finalement sa menace à exécution devant l’orgueil et l’obstination du peuple. Esaïe annonce donc la punition – mais tout de suite, et longuement, pendant plus d’un tiers du livre, il annonce la deuxième chance que Dieu va donner, grâce à un Serviteur appelé à une mission particulière.

Esaïe annonce à court terme un libérateur qui mettra fin à l’exil – c’est le roi perse Cyrus, qui effectivement a permis aux Juifs de revenir chez eux. Mais Esaïe décrit aussi, dans certains passages comme celui que nous avons lu, un Serviteur qui accomplit une libération plus profonde, plus durable, plus universelle : le Messie. Dans le N.T., Jésus et ses disciples font le lien entre ces prophéties et sa propre mission : c’est lui qui accomplit cette libération profonde, durable, universelle. Ces prophéties nous montrent Jésus sous un angle particulier, nous aident à mieux le comprendre et surtout à mieux le suivre.

1)   Choisi et soutenu par le Dieu créateur

Le Serviteur, le Libérateur de son peuple et des nations, du monde, Dieu le présente comme l’Élu, celui qu’il a choisi et qu’il soutient à 100 %.

Ce serviteur de Dieu ressemble aux autres hommes que Dieu a choisis pour conduire son peuple, des croyants qui trônent dans le panthéon juif, des figures emblématiques du peuple. Abraham, Moïse, David, Salomon, prophètes et rois, étaient considérés comme les serviteurs privilégiés de Dieu, soutenus de manière unique pour une mission unique, un peu comme des petits messies, qui transmettent la connaissance de Dieu, veillent au respect de la justice de Dieu, conduisent le peuple selon la volonté de Dieu. Eux aussi, Dieu les a choisis et soutenus. Le grand Messie continue dans cette lignée : il établit le droit et la justice, est l’intermédiaire entre le peuple & Dieu, et les peuples éloignés, jusqu’aux îles lointaines, attendent avec impatience que le Messie leur parle de Dieu ! Il fait comme Abraham, comme Moïse, comme David, mais en mieux, de manière durable et universelle.

Qu’est-ce qui permet de croire aux lendemains qui chantent ? Qu’est-ce qui permet de croire à cet oracle qui annonce la venue d’un Roi parfait et sage ? A l’époque comme aujourd’hui, le constat est plutôt du côté : « tous pourris »… Qu’est-ce qui donne du corps à cette promesse et permet d’attendre avec foi son accomplissement ? Esaïe, à plusieurs reprises, rappelle que Dieu est d’abord le Créateur. Dans notre texte, on retrouve même des évocations du récit de la création dans le livre de la Genèse : il a créé le ciel, étendu la terre, donné le souffle aux créatures (v.5). Dieu est le Créateur.

Cela nous encourage à espérer pour deux raisons : 1) Dieu est puissant ! il peut faire tout ce qu’il veut ! C’est un argument qui m’a toujours touchée : si je crois que Dieu existe et qu’il a créé le monde, alors je crois qu’il peut tout faire, même parfois des entorses aux règles qu’il a lui-même imaginées – les miracles. Si je crois que Dieu a créé le monde et tout ce qui s’y trouve, alors je crois aussi qu’il peut changer les choses de manière profonde, comme une re-création, s’il le décide. C’est le sens du dernier verset : Les 1ers événements sont déjà arrivés – maintenant, à l’avance, Dieu en annonce de nouveaux, et on peut lui faire confiance.

2) Dieu veut notre bien. Dieu a voulu peupler sa vie d’hommes et de femmes à aimer, à bénir, à inspirer. Il nous a désirés et imaginés et tissés bien plus qu’une mère attend un enfant ! Sa promesse de justice, de paix, de liberté, est fiable, puisqu’elle est faite par le Dieu qui nous a créés et qui nous aime !

2)   Pour faire œuvre de justice

Soutenu, inspiré, mandaté par le Dieu créateur, le Messie reçoit pour mission de faire œuvre de justice. Par trois fois, Esaïe insiste : le Serviteur de Dieu vient pour faire connaître le droit à tous les peuples (v.1), le faire connaître réellement (v.3) et surtout l’établir sur toute la terre (v.4). Le droit, c’est la juste manière de vivre avec Dieu et dans le monde, en participant aux projets de Dieu, en contribuant au développement sain de la création. Cela concerne notre relation avec Dieu, avec le monde, avec les autres, avec nous-mêmes : c’est simplement le fait d’honorer le Créateur et de respecter la dignité de ce qu’il a créé.

A ceux qui ne vivent pas cette relation harmonieuse et juste avec le Créateur et ses créatures – càd nous tous – le Messie doit faire connaître la vérité de Dieu, souffle de liberté qui vient réorienter les regards, les valeurs, et les comportements. Faire voir les aveugles, amener à la lumière du jour les prisonniers accroupis dans le noir, c’est, de manière imagée, amener la vérité dans un monde de mensonge, d’illusion, de tromperie. Là est l’œuvre première du Messie : faire connaître les pensées de Dieu et ses projets, souffler la vérité pour dissiper le mensonge… Et le but de découvrir la vérité, c’est de la vivre ensuite ! Il ne s’agit pas de garder ces informations dans un coin de notre tête, mais de mettre en pratique ce que nous savons être juste.

Le Messie a pour mission d’annoncer cette vérité au-delà du peuple élu, au monde entier, à tous les peuples et toutes les nations. Jésus, le Messie, comprend cette vocation universelle : je suis la lumière du monde, dit-il. Bien sûr, il n’y a pas différentes vérités pour éclairer les hommes ! Différentes manières de la présenter, oui, mais une seule et même vérité, venue de Dieu – je suis le chemin, la vérité, la vie, dit Jésus.

Lorsque Jésus enseignait, il disait : le Royaume de Dieu s’est approché. Le royaume de Dieu, où dominent justice et vérité, s’est approché, il a commencé à se révéler lorsque Jésus proclamait les projets d’amour de Dieu – il le proclamait en paroles par ses enseignements, mais aussi en actes par ses miracles. A combien d’aveugles a-t-il rendu la vue ? Combien de possédés a-t-il délivrés ? Combien d’hommes et de femmes obtus, obstinés, perdus, a-t-il éclairés de sa lumière ?

3)  Avec puissance mais dans la paix 

Le droit, la vérité, la justice, voilà ce que répand le Messie dans le monde, voilà ce que Jésus proclame et partage. Sa mission ne peut que réussir : Dieu le créateur l’inspire, le soutient, le fortifie. Ainsi, il ne se décourage pas, il n’abandonne pas, avant d’atteindre le but que Dieu lui a fixé. Il est fort de la force de Dieu lui-même ! Ce n’est pas par ses propres moyens qu’il tient, ce n’est pas de son propre fait qu’il avance, mais c’est Dieu, créateur tout-puissant, qui l’envoie et le rend fort.

Pourtant, la puissance de cet envoyé de Dieu ne ressemble pas aux puissances humaines, ni aux démonstrations de force brute, ni aux manipulations éloquentes, à la différence de bien des dirigeants qui prétendent établir la justice à coups de déportation… Le Messie établit la justice avec puissance et force, mais dans la paix. Pas question pour lui de se montrer injuste pour établir la justice ! Sans cris ni tapages, il annonce la liberté. Avec respect et douceur, il relève ceux qui sont courbés, apaise ceux qui sont usés, rallume la flamme de ceux qui vacillent.

Quel paradoxe que cette victoire sans violence ! Quel mystère que cette présence du Tout-Puissant auprès des faibles et des petits ! Le Messie fait patiemment triompher le bien et la justice, sans commettre aucun mal, sans tolérer aucune injustice. Comment cela est-il possible ? Un autre poème d’Esaïe, la semaine prochaine, nous aidera à comprendre cette victoire non violente.

Conclusion

Esaïe annonce le Libérateur, celui qui délivrera non de telle ou telle injustice, mais de toutes. Ce serviteur proche de Dieu, soutenu par Dieu, c’est Jésus, qui puise dans les trésors de son intimité avec Dieu pour les partager avec nous. Ce Messie qui annonce à tous les peuples la bonne nouvelle que le règne de Dieu, règne de justice et de paix, ce Messie, nous sommes appelés à le reconnaître et à le suivre. Jésus nous ouvre la porte du royaume de Dieu : si nous répondons à son appel, si nous saisissons la main qu’il nous tend, si nous marchons à sa suite, alors la vérité de Dieu devient notre bien le plus précieux. Un bien qui gagne à être partagé, non par force, violence, ou contraintes, mais dans la paix et la douceur, en suivant le modèle du Christ.




Sur la montagne, le Royaume

https://soundcloud.com/eel-toulouse/sur-la-montagne-le-royaume

Lecture biblique : Luc 9.28-36

Voilà un épisode surprenant à bien des égards : le changement d’aspect de Jésus, l’apparition de Moïse et Elie, leur discussion avec Jésus, l’attitude de Pierre…

C’est vraiment mystérieux… surtout si on le considère de manière isolée. Or, au début de notre passage il y a une indication qui doit nous mettre la puce à l’oreille : « Environ huit jours après avoir dit ces paroles, Jésus emmène avec lui Pierre, Jean et Jacques et il monte sur la montagne pour prier. »

Ça m’étonnerait qu’il ne se soit rien passé en 8 jours… Luc choisit de sauter directement à notre épisode, en signalant un lien explicite avec les paroles précédentes de Jésus ! Que dit-il avant ? Il y a le dialogue entre Jésus et ses disciples à propos de ce que les gens disent de lui. La confession de foi de Pierre. L’annonce, par Jésus, de sa mort et sa résurrection. Son appel à « prendre sa croix et le suivre ». Et, enfin, une dernière parole, juste avant notre épisode : « Oui, je vous le dis, c’est la vérité, quelques-uns ici ne mourront pas avant de voir le Royaume de Dieu. »

Jésus parle ici d’un privilège accordé à quelques-uns, celui de voir le Royaume de Dieu avant leur mort. Tout porte donc à croire que, pour Luc, l’épisode de la Transfiguration est l’accomplissement, pour quelques-uns (Pierre, Jacques et Jean), de cette parole de Jésus…

Ces trois disciples ont le privilège, dans cet épisode, de voir quelque chose du Royaume de Dieu dans toute sa splendeur. Une vision glorieuse du Royaume. C’est un peu la différence entre un film qu’on regarderait sur son écran d’ordinateur et le même film au cinéma, en IMAX et en 3D !

La question est donc : en quoi l’épisode de la Transfiguration nous fait-il voir le Royaume de Dieu ?

Une gloire cachée

« ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile, pour que cette incomparable puissance soit de Dieu et non de nous. » (2 Corinthiens 4.7)

Le Roi glorieux

Conclusion

Cet épisode de la transfiguration nous parle du Royaume de Dieu en nous présentant le Roi, glorieux. Pierre, Jacques et Jean, les veinards, ont eu un avant-goût de la gloire éclatante à venir. Celle que le Christ manifestera au dernier jour. Celle qui nous est promise, si nous lui appartenons.

Une organisation qui porte du fruit

Critère de Vitalité n°10

Lecture biblique: Exode 18.13-26

Qui d’entre vous s’est déjà trouvé dans cette situation ? On arrive dans la salle d’attente, les guichets occupés, toutes les chaises sont prises, et une petite angoisse monte. Pris dans une file qui n’en finit pas, l’œil gauche rivé sur la grosse horloge et l’œil droit sur les numéros de tickets, le pied tremblant, on ronge son frein, on use sa patience, on appelle pour annuler des rdv ou se faire remplacer, ou alors on finit par partir, excédés d’avoir perdu du temps et de devoir tout recommencer à zéro un autre jour.

C’était déjà le cas pour le peuple d’Israël à ses débuts. Le peuple vient d’être libéré d’Egypte, où il était esclave, sous la direction de Moïse, chef appelé par Dieu pour conduire le peuple, géographiquement, socialement, et spirituellement – ce qui se traduit notamment par l’exercice de la justice. Avant même la révélation de la Loi au mont Sinaï, qui aura lieu peu de temps après, Moïse doit gérer et conduire ce peuple, à l’aide des directives que Dieu lui donne. En soi c’est très bien, mais il y a trop de gens – des centaines de milliers ! Du coup, l’attente s’éternise, les gens s’épuisent, Moïse lui-même se perd dans cette tâche et ne peut plus remplir ses autres missions.

Voici qu’arrive le beau-père de Moïse, Jethro, venu de Madian, une région voisine. Il écoute Moïse lui raconter les exploits de Dieu, la fuite d’Egypte, la mer rouge, les miracles… Et il se convertit. Le lendemain, témoin des difficultés de Moïse, en habitué des responsabilités, il lui donne des conseils pour faciliter le travail et alléger l’organisation, conseils que Moïse applique de suite.

Par rapport aux autres critères de Vitalité, la question de l’organisation de l’église paraît plus secondaire. D’un côté, nous avons tendance à considérer les choses pratiques comme non spirituelles, donc moins importantes. De l’autre, il n’y a pas d’exhortation biblique claire pour s’organiser de telle ou telle manière, ce qui donne l’impression qu’on peut s’organiser comme on veut. En réalité, si la Bible ne donne pas un modèle à reproduire mais invite à trouver le bon fonctionnement selon la culture, les personnes, et les circonstances, elle n’en donne pas moins des principes que nous retrouvons dans différents exemples et qu’il nous appartient de mettre en œuvre à notre manière. Ces principes, nous allons les voir en suivant les personnes qui apparaissent dans le récit.

1)   Comme Jethro : dire la vérité avec amour

Commençons par Jethro qui amorce le changement de situation. Devant une organisation manifestement lourde, inefficace et épuisante, il décide d’intervenir, en faisant ses critiques à Moïse.

Bien souvent, en église, on croit que la critique est mauvaise, destructrice, incompatible avec la foi. Pourtant, l’apôtre Paul, des siècles plus tard, considère même qu’une des vocations de l’église, c’est d’apprendre à dire la vérité dans l’amour. Sans amour nous nous blessons. Mais si nous supportons la réalité sans jamais dire ce qui ne va pas, nous nous exposons soit à l’épuisement, soit à la médisance dans l’ombre. Dire la vérité dans l’amour : voilà ce que fait Jethro pour améliorer la situation existante, et nous allons décortiquer un peu son intervention pour en prendre de la graine.

D’abord, Jethro va voir Moïse directement. Combien d’entre nous, dans sa position, seraient plutôt allés voir l’épouse de Moïse, notre fille, dans l’espoir qu’elle retransmette le message ? Jethro ne prend pas le risque des intermédiaires, et il parle à Moïse directement. Premier principe : s’adresser directement aux gens.

Ensuite, c’est intéressant de voir qu’il commence par demander pourquoi Moïse fonctionne ainsi. Souvent, même les dysfonctionnements ont une raison : une bonne solution devenue obsolète, un moindre mal, ou encore des bénéfices cachés à la situation – c’est vrai pour les individus comme pour les communautés. Comprendre les raisons de la situation permet, comme va le faire Jethro, de faire des suggestions adaptées. Deuxième principe : écouter avant de conseiller.

Enfin, Jethro propose des pistes concrètes d’amélioration en gardant ce qui est valable – ici, le rôle unique de Moïse, responsable et porte-parole – et en aménageant ce qui est secondaire. Loin des récriminations à la française, une critique constructive s’appesantira toujours sur les actions possibles, sur les opportunités, sur les défis, plutôt que sur les manques ou les erreurs. Même si ces idées ne sont pas retenues, elles ont au moins le mérite de stimuler la réflexion. Troisième principe : faire des propositions positives.

Un quatrième principe ressort du comportement de Jethro : pourquoi fait-il ces remarques ? Par souci pour Moïse, par souci pour le peuple. Il souligne le risque d’épuisement de Moïse, et le risque de lassitude du peuple, avec toutes les tensions que cela engendrerait. Jethro cherche pas à obtenir quelque chose ou se mettre en avant, mais il se soucie de Moïse et du peuple. Ca aussi, c’est intéressant pour nous : apprendre à faire les critiques non par énervement, non parce qu’on a d’autres habitudes, mais pour le bénéfice des autres. Finalement, la motivation de Jethro, qui doit être la nôtre, c’est l’amour, le souci des autres.

Qui oserait croire que nous sommes parfaits ? Pas moi ! De ce simple constat devrait naître un encouragement à la critique constructive, pour voir régulièrement où nous pouvons progresser. Il ne s’agit pas d’accuser ou de râler, mais de contribuer, activement, qui que nous soyons, à l’amélioration. Parfois ce sera parce qu’on a des compétences particulières, parfois simplement parce qu’on a un autre point de vue. Pour donner un exemple, si certains voulaient m’aider à améliorer ma prédication, l’avis de prédicateurs avertis serait pertinent, mais aussi celui de ceux qui ont la patience de m’écouter dimanche après dimanche, même s’ils n’ont jamais prêché et ne le feront jamais. Et c’est pareil dans tous les domaines.

Donner des conseils, ce n’est pas donner des leçons, se prendre pour…, mais s’impliquer activement pour que les autres progressent et que la situation s’améliore, parce que notre but, c’est de devenir meilleurs, pour le Seigneur.

2)   Comme Moïse : viser mieux et plus loin  

Justement, Moise nous montre la voie pour recevoir des critiques. Lui qui est le grand chef que Dieu a appelé, aurait pu se vexer ! Jethro est étranger, d’une autre culture, d’une autre génération, c’est un nouveau converti (de la veille) : là où certains auraient rejeté celui qui « ne peut pas savoir », Moïse accueille de bonne grâce le point de vue neuf qu’apporte Jethro, et l’opportunité de faire mieux, dans la durée.

La vérité n’est pas toujours agréable à dire – et à entendre ! Lorsque que quelqu’un donne son opinion, il ne révèle pas toute la vérité, c’est vrai, mais il donne comme un éclat de vérité qui nous aide à réajuster notre compréhension de la situation. Dans ce genre de situation, on est facilement tenté de refuser la remise en question – en fuyant, en contre-attaquant, en se justifiant… mais Moïse écoute, pèse ce qui est pertinent dans la remarque de son beau-père, et le fait. Il ne discute, ne se défend pas, n’invoque aucun statut, aucune excuse… Cette humilité est vraiment la marque d’un grand homme !

Lorsqu’on se vexe et qu’on refuse de se remettre en question, c’est souvent parce qu’on le prend personnellement, comme si tout notre être, toute notre valeur, était en jeu dans le problème relevé. La Bible répond à cette peur, à la honte que nous ressentons au premier abord : Dieu nous aime, Dieu nous sauve, en Jésus-Christ, il nous donne une nouvelle identité – nous sommes ses enfants pour l’éternité. S’enraciner dans l’amour de Dieu, qui lui nous connaît parfaitement dans toutes nos limites et nos médiocrités, se savoir aimé du Créateur, plein de valeur et précieux à ses yeux : voilà qui relativise la critique ponctuelle, difficile à entendre certes, mais qui ne menace pas notre identité en Christ.

En plus, le chemin que Dieu nous invite à emprunter avec lui est un chemin de croissance, d’amélioration, de progrès, en vue d’une plus grande justice, d’une plus grande sainteté, d’un plus grand amour. Si nous voulons progresser, nous devons nous remettre en question – c’est un des rôles de la Bible, Parole de Dieu qui dévoile la vérité de notre cœur pour nous montrer comment avancer ; c’est aussi l’un des buts de la vie communautaire : bénéficier du point de vue des autres pour progresser.

3)   Comme les nouveaux responsables : se disposer au service

Du coup, Moïse entreprend de choisir et former des responsables pour déléguer son activité. Qui sont-ils ? Des hommes valables, croyants, justes, droits. Ces hommes, même s’ils n’avaient jusque là aucune responsabilité particulière, sont prêts – pas en terme de compétences (ce qui s’apprend : la preuve, Moïse va les former) mais en terme de maturité (diapo). Le critère sur lequel Moïse les choisit, c’est leur maturité spirituelle et morale.

Qu’est-ce que ça veut dire pour nous ? Ce texte insiste sur le fait d’avoir un travail d’équipe pour mieux répondre aux besoins de la communauté. La première condition pour ce travail d’équipe, c’est que chaque membre de la communauté se prépare au service : non pas à tel service particulier, mais à servir en général. Pour cela, chacun doit veiller à progresser dans sa foi et dans son caractère, pour un jour pouvoir prendre sa place dans le grand corps qu’est l’église (rappelez-vous la prédication sur la vie chrétienne, vie généreuse caractérisée par le don de soi et le service). Progresser dans la foi et le caractère chrétien, c’est la caractéristique de notre cheminement chrétien. Si nous prenons au sérieux notre cheminement chrétien, alors nous nous préparons en même temps à servir les autres, comme ils nous servent. Développer son caractère pour devenir apte à être formé et à prendre des responsabilités. Les GBU ont un petit slogan pour résumer les qualités d’un responsable  EDF, Enseignable, Disponible, Fiable. On n’est pas loin du texte d’Exode ! Enseignable (rappelez-vous l’importance de la remise en question), Disponible, Fiable.

J’aimerais encore souligner l’attitude de Moïse, son audace pour tenter un nouveau système, mais surtout la confiance qu’il manifeste aux nouveaux responsables. Ce rapport de confiance est essentiel pour pouvoir fonctionner ensemble. Ca veut dire que les nouveaux font confiance à leur formateur, que le formateur fait confiance aux nouveaux – et même s’il les forme, il les laisse faire leurs découvertes et trouver les ajustements nécessaires. Cela veut dire aussi que les uns et les autres se montrent fiables : Moïse est disponible pour les cas graves, les nouveaux remplissent leur mission de leur mieux, avec sérieux, sans hésiter à prendre conseil auprès de leurs responsables. Faire confiance et être fiable soi-même : voilà une des clefs d’une organisation qui fonctionne et qui porte du fruit.

Conclusion

Pourquoi réfléchir à améliorer notre manière de fonctionner ? Pourquoi se remettre en question et tenter de nouvelles formes ? Pour être plus efficaces, tout simplement. Pour honorer Dieu et les autres. Pour honorer les autres, les aimer et les servir au mieux, sans charger la vie communautaire d’obstacles et de lourdeurs inutiles, pour faciliter l’implication de chacun dans notre œuvre commune. Pour honorer Dieu, en évitant de s’épuiser soi-même, de se dégoûter du service ou de la vie communautaire même, parce qu’on en a fait trop, trop longtemps, trop seul. Partager nos charges est essentiel pour tenir dans la durée et continuer de remplir le rôle que Dieu nous offre. Qu’est-ce qui honore Dieu le plus ? Quelqu’un impliqué dans 5-6 services qui finit par craquer au bout de 10 ans, dégoûté, amer, usé ? Ou quelqu’un qui s’implique dans une ou deux activités, variables, toute sa vie, explorant ses dons, se mettant fidèlement et joyeusement au service de l’Eglise ? Pour cela, il faut que le plus grand nombre prenne sa part.

Une organisation qui porte du fruit, c’est une organisation où chacun prend sa place, au service des autres, à sa mesure. C’est aussi un lieu où le dialogue, l’échange et la critique ont bonne place, pour réévaluer nos habitudes, adapter ce qui est bon, modifier ce qui ne convient pas. C’est un lieu où l’individu ne défend pas sa vision des choses, ne cherche pas à imposer son point de vue ou à avoir raison, mais où ensemble, tous, nous cherchons à mieux honorer Dieu, en veillant sur nous-mêmes et sur les autres.

Prière Vitalité

O notre Père,

Merci pour le cadeau qu’est l’église. Tu l’as créée pour t’honorer, pour faire du bien à ton peuple, et pour rejoindre ceux qui te cherchent. Parfois nous oublions combien l’église est précieuse à tes yeux, et importante : renouvelle notre regard sur ton peuple, sur sa mission, sur sa valeur.

Membres de ton église par la foi, aide-nous Seigneur à progresser dans notre foi et dans notre caractère, afin de devenir capables de mettre en œuvre les talents que tu nous donnes pour t’honorer et servir les autres. Donne-nous de progresser ensemble dans notre fonctionnement, pour que nous nous aimions de mieux en mieux, et que nous témoignions de mieux en mieux, pour ta gloire et la salut des autres.

Oui Seigneur renouvelle notre regard sur l’église, sur sa mission, sur sa valeur. Et que sur les sujets de tension – inévitables dans cette organisation humaine – nous puissions regarder à toi, chercher ta volonté et non la nôtre, nous soumettre à toi et les uns aux autres avec humilité et foi. Que ces conflits nous permettent d’apprendre, d’avancer, de nous rapprocher, afin que ton église devienne de plus en plus belle, de plus en plus saine, de plus en plus rayonnante.

Au nom de Jésus, le Ressuscité qui triomphe de tout mal, et par l’Esprit, qui œuvre en nous et peut bien plus que ce nous imaginons, pour ta gloire, ô Dieu merveilleux. amen




La pratique de l’autorité selon Dieu

 

https://soundcloud.com/eel-toulouse/la-pratique-de-lautorit-selon

Hébreux 13.7
Souvenez-vous de vos responsables qui vous ont annoncé la parole de Dieu. Regardez comment ils ont fini leur vie et imitez leur foi.

Une fois n’est pas coutume, je vous propose donc ce matin de ne lire qu’un seul verset biblique ! C’est celui qui est proposé pour le 9e critère de Vitalité : la pratique de l’autorité selon Dieu. Un critère qui parle en fait du rôle des responsables dans l’Église.

Notre verset s’insère dans une série d’exhortations sur la vie dans l’Église, où on trouve des appels à l’hospitalité, à la solidarité, au respect du mariage, au contentement, à la vigilance. Et parmi toutes ces exhortations, il y a notre verset, qui se suffit à lui-même : imitez la foi de vos responsables.

La même idée se retrouve à plusieurs reprises sous la plume de l’apôtre Paul, qui le dit à propos de lui-même : « Soyez mes imitateurs », dit-il aux Corinthiens et aux Philippiens (1 Co 4.16, Ph 3.17). Et il précise en 1 Co 11.1 : « Imitez-moi, comme moi j’imite le Christ. ». Bien-sûr, le modèle, c’est le Christ. Mais il n’en demeure pas moins que l’exhortation à l’imitation des responsables demeure…

Comment la comprendre aujourd’hui ?

 

Imiter

C’est incontournable, qu’on le veuille ou non. Dans notre cheminement spirituel, on est tous influencé par des personnes qui nous ont marqué ou impressionné. Des parents, des grand-parents, des anciens dans l’église, des pasteurs, des missionnaires… Des gens qu’on prend comme modèle, des exemples en raison de leur foi, leur vie spirituelle, leur engagement, leur amour pour le prochain…

Et on a tous voulu, consciemment ou non, les imiter. Prier comme eux. Prêcher comme eux. Témoigner comme eux. S’engager comme eux. Et ça nous permet d’avancer. Ensuite, on se l’approprie, on le vit à notre façon, avec notre personnalité et nos dons. Et ça devient quelque chose d’autre. Pas forcément mieux ou moins bien. Différent. Mais inspiré par les exemples suivis.

Le risque, bien-sûr, c’est d’idéaliser les modèles. Et si on le fait, un jour ou l’autre on tombe de haut. Parce que le seul modèle parfait est le Christ. Tous les autres ont leurs limites et leurs failles. Mais le processus d’imitation est normal et légitime. Il est même encouragé dans notre verset, et ailleurs par l’apôtre Paul.

Pourquoi ? Parce que l’Église n’est pas un club auquel on adhère sur la base d’une confession de foi. C’est une communauté vivante, dans laquelle on s’efforce de vivre l’Évangile. Et l’Évangile est une bonne nouvelle à incarner. D’où la logique d’imitation…

 

Être un disciple

En fait, il me semble que cela se rapproche assez de la notion de discipulat. Que fait un disciple sinon de suivre l’exemple de son maître ?

Le modèle est laissé par Jésus. Il a lui-même choisi un groupe de disciples. Et avant de les quitter il les a appelé à leur tour à aller dans le monde et « faire de toutes les nations des disciples ». Pas des disciples des apôtres, pas des disciples d’une religion ou d’une Église. Des disciples du Christ : « Enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. »

On ne peut pas faire des disciples en ne transmettant qu’un message. Il faut aussi s’investir dans la relation et montrer l’exemple. Devenir disciple du Christ, c’est s’engager dans un long apprentissage. Il ne suffit pas de signer un déclaration de foi et de se faire baptiser pour grandir spirituellement. Nous avons besoin de l’aide des autres, que le Seigneur utilise pour notre croissance spirituelle. Des exemples, des modèles, qui nous aide à nous rapprocher du modèle suprême du Christ.

Voilà le type de relation que nous devrions développer dans l’Église. Des relations d’apprentissage mutuel. Où chacun peut profiter de l’expérience et de la sagesses des plus anciens. Où on parle, on prie, on discute, on apprend ensemble. Dans une relation de un à un. Dans des structures plus intimes comme les groupes de partage.

Bref, être vraiment une communauté de disciples !

 

Être un modèle

Du coup, il faut aussi considérer la question par l’autre bout de la lorgnette. Du côté des modèles. Nous sommes aussi appelés à devenir des modèles à imiter.

La question est forcément plus sensible pour ceux qui sont en poste de responsabilité dans l’Église. Les pasteurs, les responsables d’Eglise. Mais c’est vrai aussi pour les plus anciens, les plus expérimentés. Et d’une certaine façon, nous sommes tous concernés un jour ou l’autre.

Il est important d’être conscient de cela. Nos actes, nos paroles, notre façon de vivre notre foi et de se mettre au service des autres, tout cela a de l’importance. Car on a autour de nous des gens qui peuvent nous prendre pour modèle.

Redisons-le, le modèle n’est pas Paul ou n’importe quel leader spirituel. Le modèle demeure le Christ et le Christ seul. D’ailleurs immédiatement après notre verset l’auteur de l’épître aux Hébreux affirme : « Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui et pour toujours. » (Hébreux 13.8)

Être un modèle, c’est refléter le Christ ! Dans l’Église, on est un bon modèle quand on sert le Christ pas quand on se sert soi-même, pour asseoir son autorité, défendre sa place ou ses privilèges, accentuer son pouvoir…

 

Dans la confiance et le respect

Evoquer la tâche des responsables de l’Église sous l’angle du discipulat ou de l’imitation permet de souligner la dimension éminemment relationnelle de la tâche.

Être en poste de responsabilité dans l’Église, ce n’est pas occuper une place à préserver, un pouvoir à entretenir, un privilège à garder jalousement. Et respecter l’autorité des responsables, ce n’est pas se soumettre aveuglément ou au contraire se méfier systématiquement.

Ce qui compte finalement, c’est la qualité des relations, dans la confiance et le respect, où on reconnaît à chacun sa place et son ministère. Avouons-le : nous autres français, on a souvent du mal avec ça. On se méfie des autorités en place, on est plus doué pour la suspicion que pour la confiance…

Alors réentendons cette exhortation : « Souvenez-vous de vos responsables qui vous ont annoncé la parole de Dieu. Regardez comment ils ont fini leur vie et imitez leur foi. »

 

Conclusion

L’enjeu de ce critère de vitalité est lié aux responsables de l’Église. Mais pas pour dire que tout dépend d’eux. Pour souligner que beaucoup dépend de la relation entre les responsables et les membres : basée sur une confiance réciproque. Et plus largement, de la qualité des relations dans l’Église, de notre capacité à apprendre et recevoir les uns des autres.

Jésus lui-même a montré l’exemple en choisissant et en formant un groupe de disciples, en les envoyant faire à leur tour des disciples. C’est ainsi que l’Église est née ! Disciples à la suite des disciples, nous sommes appelés à vivre dans cette relation, tantôt modèle, tantôt imitateur, dans la confiance et le respect mutuel.

C’est ainsi que nous grandirons ensemble, spirituellement. Et que nous pourrons nous rapprocher de notre modèle suprême : Jésus-Christ.