Entre la grâce et la gloire

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Lecture biblique : Titre 2.11-14

L’épître à Tite est une lettre pastorale. L’apôtre Paul écrit à son collaborateur pour lui donner quelques conseils dans son travail : il est alors en Crête et aide la jeune communauté chrétienne de l’île à s’organiser. L’apôtre évoque les qualités requises pour un responsable, les dangers de certains enseignements pernicieux et il évoque aussi ce que Tite doit transmettre aux croyants. Ce ne sont pas d’ailleurs de grandes envolées théologiques mais des exhortations très pratiques qui concernent la vie de tous les jours.

Notre texte conclut une série d’exhortations adressées à différents types de population (les anciens et les jeunes dans l’Église, les esclaves envers leur maître). Le propos est plus général et théologique. Et il est centré sur la grâce : « elle s’est manifestée, la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes. »

Le passage évoque la condition actuelle des chrétiens. Si j’ai choisi de le lire dans la version TOB, c’est qu’elle souligne bien le fait que cette condition des chrétiens est située entre deux « manifestations » ou « épiphanies » pour se référer aux termes grecs utilisés.

Le chrétien, aujourd’hui, se situe entre deux épiphanies : celle de la grâce de Dieu (v.12) et celle de la gloire de Dieu (v.13). Alors, entre la grâce et la gloire, que sommes-nous donc appelés à vivre aujourd’hui ?
Entre la grâce et la gloire

La manifestation de la grâce de Dieu a déjà eu lieu, dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Celle de la gloire de Dieu est encore à venir, au jour de l’accomplissement de notre espérance. En d’autres termes, nous sommes sous la grâce mais pas encore dans la gloire. Nous avons la grâce pour fondement et la gloire pour horizon.

La grâce, c’est le don gratuit de Dieu en Jésus-Christ. Présentée dans notre texte comme étant source de salut pour tous les hommes, elle s’est manifestée dans le don de Jésus-Christ, qui s’est donné lui-même pour nous.

C’est un des fondamentaux de l’Évangile. Le salut est une grâce. Ce n’est pas un dû, ni une récompense, ni un privilège qui serait réservé à quelques-uns. C’est une grâce, un cadeau gratuit et immérité de la part de Dieu. Et il en est de même pour tous les hommes !

La gloire, c’est ce qui nous attend au jour du plein accomplissement du projet de Dieu. Parce que, c’est évident, nous n’y sommes pas encore… Pour chacun de nous, pour notre monde, pour l’humanité. Le mal, les injustices, la souffrance… tout cela est encore bien présent. Et l’espérance chrétienne est qu’un jour tout cela disparaîtra, la mort elle-même sera définitivement vaincue. Ça, c’est la gloire.

Entre la grâce et la gloire, nous vivons dans une tension. Entre ce que nous avons déjà reçu par grâce, et ce que nous recevrons dans la gloire. Entre ce que nous sommes déjà, par grâce, et ce que nous serons au dernier jour, dans la gloire.

On est sous la grâce mais pas encore dans la gloire. Grâce et gloire ne s’opposent pas. Elles se complètent. Nous avons besoin de l’une pour nous mettre en route et de l’autre pour continuer d’avancer.

Parce que la grâce est réelle, notre salut n’est pas qu’une affaire qui regarde notre avenir. Le salut commence aujourd’hui, dans une relation personnelle, dans la foi, avec le Christ vivant. Et cela change déjà notre vie aujourd’hui. Mais parce que la gloire est encore à venir, nous n’avons pas tout, tout de suite, ici et maintenant. Et toute théologie qui prétendrait que le chrétien devrait, s’il est fidèle, connaître la prospérité à tous égards est une théologie qui s’égare loin de l’Évangile de grâce.

Entre la grâce et la gloire, nous sommes appelés à vivre dans une tension féconde. Parce que nous sommes sous la grâce, nous pouvons connaître une vraie communion avec Dieu aujourd’hui. Parce que la gloire est encore à venir, nous avons une espérance qui nous permet de surmonter les épreuves dans l’attente des promesses merveilleuses que Dieu garde en réserve pour nous.
Avec modération

La question qui nous concerne donc, est de savoir comment nous sommes appelés à vivre dans cette tension entre la grâce et la gloire. L’apôtre Paul l’évoque dans notre texte en parlant de notre vie « dans le temps présent » (v.12). Voici ce qu’il nous en dit :

« (La grâce de Dieu) nous enseigne à renoncer à l’impiété et aux désirs de ce monde, pour que nous vivions dans le temps présent avec réserve, justice et piété »

On est quand même loin de la gloire ! Paul ne parle pas ici d’une vie glorieuse et puissante, fait d’exploits et de miracles. Il parle d’une vie de renoncement. Il fait l’éloge de la simplicité, de la modération.

Ça ne veut pas dire pour autant que c’est facile ! Il y a bien l’idée de renoncement… et Paul parle ici de renoncer à l’impiété et aux « désirs de ce monde ». Les mots mérites qu’on les expliquent. L’impiété, c’est le contraire de la piété. C’est-à-dire ce qui nous coupe de Dieu. Le « monde » dont il est question ici est péjoratif. C’est ce qui est terrestre, en opposition au céleste, la sphère de Dieu. « L’impiété et les désirs de ce monde », c’est tout ce qui nous éloigne de Dieu.

Nous avons tous, dans notre vie, des comportements, des pensées, des pratiques qui nous éloignent de Dieu. Des préoccupations qui viennent brouiller notre relation avec lui. Des pensées qui parasitent notre communion avec lui. Des pratiques qui nous mettent en contradiction avec ce que nous savons être conforme à la volonté de Dieu. Entre la grâce et la gloire, nous sommes appelés à y renoncer.

Mais il ne s’agit pas seulement de renoncer à certaines choses, il convient aussi d’en développer d’autres. Cette « vie dans le temps présent » est décrite par trois adverbes en grec, que la TOB traduit par « avec réserve, justice et piété. ».

La justice, c’est ce qu’il est juste et bon de dire et de faire. Ça touche à notre comportement dans le quotidien, notre relation à notre prochain. La piété, c’est ce qui concerne notre relation à Dieu. Aimer Dieu et aimer son prochain comme soi-même. Évidemment. C’est classique.

Le premier adverbe est plus étonnant. La TOB traduit « avec réserve », la Parole de Vie « raisonnable », la NBS « d’une manière pondérée ». Le mot évoque donc la modération. Pourquoi est-ce important ? Sans doute pour aller loin ! Si vous démarrez un marathon comme si vous couriez un 100 mètres, vous n’irez pas bien loin ! Or, la vie chrétienne « dans le temps présent » est une course d’obstacles de longue haleine, dans laquelle il convient de gérer son effort pour arriver jusqu’au bout.

Je trouve vraiment intéressant cet éloge de la modération. Elle entre en écho avec de nombreuse valeurs de l’Évangile : la maîtrise de soi, le contentement, la reconnaissance, la paix…

Et elle n’implique pas du tout la tiédeur ou la mollesse. Le verset 14 évoque en effet l’Église comme un peuple « plein d’ardeur pour les belles œuvres. » Il s’agit donc d’être ardemment modérés !

Bien-sûr, nous sommes appelés à être des hommes et des femmes de conviction, bouillants pour le Seigneur, zélés pour l’Évangile. Ça ne doit pas pour autant faire de nous des agités ou des illuminés ! La sagesse est dans la modération, dans l’équilibre. Car il s’agit d’être persévérant et pas seulement bling-bling !
Conclusion

Certes, la condition des chrétiens n’est pas toujours confortable, située dans un entre-deux qui peut être source de frustrations voire de souffrance. Pour autant, entre la grâce et la gloire, le chrétien est déjà au bénéfice du salut de Dieu et ce qui l’attend est plus grand encore.

Car la grâce a été manifestée dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Et cette grâce, elle nous est donnée dès aujourd’hui et par elle, nous sommes en communion avec Dieu. La gloire n’est pas encore venue. C’est notre horizon, notre espérance. Mais les promesses qui lui sont liées sont extraordinaires… et elles sont pour l’éternité !

Alors, entre la grâce et la gloire, vivons pleinement dans le temps présent. Soyons ardemment modérés, à la fois bouillants pour le Seigneur, zélés pour l’Évangile, et sage et équilibré. Car il s’agit de tenir ferme, jusqu’au bout, dans le beau combat de la foi.

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