Un exemple d’humilité

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Chacun des quatre Évangiles a sa spécificité. Là où Matthieu et Luc commencent par les récits de la Nativité, avec des accents différents, là où Jean commence par un prologue majestueux remontant jusqu’au commencement de l’univers, Marc joue la carte de la sobriété. Son Évangile commence avec le début du ministère public de Jésus, annoncé par Jean-Baptiste. Rien sur sa naissance ou son enfance.

Marc est très sobre dans son évocation de la séquence inaugurale du ministère de Jésus baptême / tentation au désert, plus développée chez Matthieu et Luc. Il va à l’essentiel.

Marc 1.4-13
4 Jean parut alors dans le désert ; il baptisait et proclamait : « Changez de vie, faites-vous baptiser et Dieu pardonnera vos péchés. » 5 Tous les habitants de la région de la Judée et de Jérusalem venaient à sa rencontre ; ils reconnaissaient publiquement leurs péchés et Jean les baptisait dans le Jourdain.
6 Jean portait un vêtement en poils de chameau et une ceinture de cuir autour de la taille ; il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. 7 Il proclamait : « Quelqu’un qui est plus fort que moi vient après moi ; je ne suis pas digne de me baisser pour délier la lanière de ses sandales. 8 Moi, je vous ai baptisés dans l’eau, mais lui, il vous baptisera dans l’Esprit saint. »
9 En ces jours-là, Jésus vint de Nazareth, une localité de Galilée, et Jean le baptisa dans le Jourdain. 10 Au moment où Jésus remontait de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit saint descendre sur lui comme une colombe. 11 Et une voix se fit entendre des cieux : « Tu es mon fils bien-aimé ; en toi je trouve toute ma joie. »
12 Aussitôt après, l’Esprit le pousse dans le désert. 13 Jésus y resta pendant quarante jours et il fut mis à l’épreuve par Satan. Il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient.

L’épisode du baptême de Jésus est un moment pas comme les autres puisqu’on assiste à une théophanie (une manifestation de Dieu). Au moment du baptême de Jésus apparaissent, simultanément, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Un moment exceptionnel, vécu en toute simplicité.

Je suis frappé par la sobriété de l’Evangile de Marc. L’entrée de Jésus dans son ministère public n’est pas tonitruante mais humble et simple. On est vraiment dans le même esprit que les récits de la Nativité, en toute simplicité.

D’ailleurs, chez Marc, c’est Jésus qui voit le ciel s’ouvrir et qui voit le Saint-Esprit descendre sur lui comme une colombe. Rien ne dit que d’autres l’ont vu. On ne sait même pas qui a entendu la voix venant du ciel. De même, lorsqu’il est conduit au désert par le Saint-Esprit pour y être mis à l’épreuve par Satan pendant 40 jours, on ne nous en dit presque rien (contrairement à Matthieu et Luc qui donnent plus de détails).

Finalement, le plus étonnant ici, c’est la sobriété. Ce n’est pas la théophanie elle-même, c’est le fait que Jésus se fasse baptiser. Au premier abord, ça semble presque en contradiction avec le message de Jean.
Jean appelait à un baptême de repentance…. Mais Jésus en avait-il vraiment besoin ?
Jean annonçait la venue du Messie, qui est plus grand que lui, et qui baptisera dans le Saint-Esprit… et Jésus, qui est le Messie promis, se fait baptiser par Jean !

Jésus marque son entrée dans son ministère public par un acte d’une profonde humilité. Marc le souligne peut-être plus que les autres évangélistes. Demandons-nous comment l’exemple d’humilité de Jésus peut nous inspirer.

 

L’humilité n’exclut pas la grandeur

Une des merveilles de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, c’est l’annonce d’un Dieu humble. Dieu décide, par amour, de devenir un être humain, le Fils de Dieu choisit de se faire serviteur. Mais un Dieu humble, ça ne veut pas dire un Dieu faible ou petit ! En réalité, Dieu est d’autant plus grand qu’il sait, par amour, se faire petit. Le comble de l’amour de Dieu se manifestera d’ailleurs à la croix, lieu d’humiliation suprême.

L’humilité n’exclut pas la grandeur, au contraire. Mais ce n’est pas une grandeur tape-à-l’oeil. C’est la grandeur de l’amour, du service, du don de soi.

Est-ce qu’il n’y a pas là une leçon pour nous ? Disciples du Christ, nous sommes appelés à chercher notre grandeur dans l’humilité. Nous sommes appelés à vivre l’idéal du service, à l’exemple du Christ. C’est le renversement radical du Royaume de Dieu : celui qui veut être le plus grand, qu’il soit le dernier, le serviteur.

L’Eglise est appelée à être une communauté de serviteurs et non pas un prestataire de services pour des consommateurs de la foi. Et ça dépend de chacun de nous ! Car l’Eglise c’est nous, c’est vous, c’est moi…

 

L’humilité est le seul chemin vers la solidarité

Par son baptême et sa tentation au désert, Jésus nous rejoint dans notre humanité, simplement. Il nous rejoint dans ce qui fait notre quotidien : nos luttes et nos combats intimes face à l’épreuve et la tentation. C’est aussi une des merveilles de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ : Dieu s’est rendu solidaire de nous !

Sans humilité, il n’y a pas de vraie solidarité possible. On peut “faire la charité”, avec un certain paternalisme ou de la condescendance, mais on ne peut pas être véritablement solidaire. On ne peut pas regarder de haut celui avec qui on veut être solidaire. On ne peut que se mettre à sa hauteur, à ses côtés…

La solidarité, ça coûte. Et Jésus a payé le prix fort, jusqu’à la mort. Il ne s’agit pas, pour nous, d’aller jusque là. Mais sans doute pouvons-nous réfléchir à la façon dont nous sommes solidaires ou non de ceux que nous côtoyons, de ceux qui ont aujourd’hui besoin de nous.

Est-ce qu’on les regarde de haut, avec distance, voire une certaine condescendance ? Ou est-ce qu’on sait s’arrêter, s’asseoir, écouter, comprendre, prier… pour être vraiment solidaire ?

 

L’humilité rend sensible à la présence de Dieu

Une troisième leçon que l’on peut tirer du baptême de Jésus chez Marc, c’est que Dieu est pleinement présent dans notre simplicité et notre humilité.

Je repense ici à la théophanie discrète dont parle Marc. Jésus a vu le ciel s’ouvrir, il a vu l’Esprit saint descendre sur lui comme une colombe, il a entendu la voix de son Père dire « Tu es mon fils bien-aimé ; en toi je trouve toute ma joie. » Et peut-être était-il le seul à voir et entendre cela…

L’important, c’est que nous, nous voyons le ciel s’ouvrir et l’Esprit de Dieu descendre sur nous. L’important est que nous soyons conscients de la présence de Dieu à nos côtés et de son regard favorable et plein d’amour sur nous. Notre récompense, elle est là. Dans le “lieu secret” comme dit Jésus dans le Sermon sur la Montagne. Pas dans les synagogues et sur les places… Aujourd’hui, on dirait peut-être : pas sur Instagram ou sur YouTube…

Je pense qu’on peut même dire que l’humilité nous rend plus sensible à la présence de Dieu… Jésus ne dit-il pas qu’il faut être comme des petits enfants pour entrer dans le Royaume de Dieu ? Ne dit-il pas que Dieu a caché ses merveilles aux sages et aux intelligents mais qu’il les a révélées aux enfants ?

En se décentrant de soi-même, on s’ouvre à la présence de l’autre… et à la présence de Dieu. Oui, l’humilité nous rend plus sensible à la présence de Dieu.

 

Conclusion

L’humilité n’est pas une valeur qui est tellement mise en avant dans notre monde aujourd’hui. Ceux qu’on montre en exemple de réussite sont rarement des exemples d’humilité… C’est pourtant bien une des valeurs fondamentales du Royaume de Dieu, une de celles que Jésus a incarnées à la perfection.

C’est aussi, peut-être, l’une des plus difficiles à évoquer. Ce n’est pas évident de dire : “soyez humble comme moi” ! Ca ne fait, justement, pas très humble ! Alors disons plutôt, et disons-le en premier à nous-mêmes : “soyons humble, comme Jésus !”

Et peut-être alors, d’une manière ou d’une autre, verrons-nous le ciel s’ouvrir, peut-être entendrons-nous la voix de Dieu nous dire, dans notre lieu secret : “en toi je trouve toute ma joie.” Ce sera notre récompense…

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