La foi inclut l’incertitude

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Que ce soit par les difficultés, les doutes, la peur, la lassitude… notre foi est bien souvent bousculée. Et la confusion et l’incertitude générale que nous vivons ces jours-ci n’aident pas vraiment ! Sans parler de la solitude et de la fatigue…

Nous nous sentons souvent coupables de voir notre foi chanceler, quelle qu’en soit la raison, mais la Bible nous rassure : dans ses pages, on trouve des croyants impétueux, mais aussi des peureux, des découragés, des sceptiques… et j’aimerais avec vous me tourner vers un sceptique bien connu : Thomas, l’un des douze disciples de Jésus, l’un de ses plus proches. Thomas est explicitement cité dans quelques passages de l’évangile de Jean.

Jean a sûrement écrit son évangile, sa biographie de Jésus, bien après les trois autres, ce qui explique le ton un peu différent de son texte, un ton plus méditatif, plus réfléchi. Il ne cherche pas simplement à raconter la vie de Jésus, aussi extraordinaire soit-elle, mais il se préoccupe de la réaction de ceux qui entendront parler de Jésus. Pas étonnant alors qu’il cite Thomas, le sceptique, à plusieurs reprises. D’après ce qu’on lit, Thomas est d’abord un homme extrêmement dévoué à Jésus – par exemple, une fois, il était convaincu que Jésus allait droit dans la gueule du lion, mais il l’a suivi sans regret. Cela dit, il ne comprend pas toujours ce qui se passe avec Jésus – et il le dit ! Même s’il suit Jésus de tout cœur, il est souvent dépassé.

Sa confusion atteint un nouveau palier quand, après la mort de Jésus, ses amis disciples commencent à raconter qu’ils ont vu Jésus, vivant, revenu de la mort. Alors là, c’est vraiment trop dur, trop loin du bon sens. Voici comment ça s’est passé :

Lecture biblique : Jean 20.24-31

24 Or, Thomas, l’un des douze disciples, surnommé « le jumeau », n’était pas avec eux quand Jésus vint. 25 Les autres disciples lui racontèrent : « Nous avons vu le Seigneur. » Mais Thomas répliqua : « Si je ne vois pas la marque des clous dans ses mains, et si je ne mets pas mon doigt à la place des clous et ma main dans son côté, non, je ne croirai pas. »

26 Une semaine plus tard, les disciples de Jésus étaient de nouveau réunis dans la maison, et Thomas était avec eux. Alors que les portes étaient fermées à clé, Jésus vient, et debout au milieu d’eux, il dit : « La paix soit avec vous ! » 

27 Puis il s’adresse à Thomas : « Mets ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté. Ne refuse plus de croire, deviens un homme de foi ! » 28 Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » 29 Jésus reprit : « C’est parce que tu m’as vu que tu as cru ? Heureuses sont les personnes qui n’ont pas vu et qui croient ! »

30 Jésus a accompli encore, devant ses disciples, beaucoup d’autres signes extraordinaires qui ne sont pas racontés dans ce livre. 31 Mais ce qui s’y trouve a été écrit pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu. Et en croyant, vous aurez la vie par lui.

La foi inclut l’incertitude

« Je ne crois que ce que je vois ! » : face à l’annonce de la résurrection, le doute de Thomas est légitime, et nous aurions bien tort de le mépriser – d’ailleurs Jésus ne le méprise pas. Il répond à son doute. Bon, il le fait un peu attendre, une semaine,  puis il appuie sur le doute de Thomas en reprenant les mêmes expressions : « Tu voulais mettre ton doigt dans la cicatrice, vas-y mets ton doigt dans la cicatrice ! cesse de douter, et crois ! »

Evidemment, Thomas n’a plus besoin de ces preuves tangibles : il croit ce qu’il voit, et ce qu’il voit, c’est un homme qui rayonne de la puissance et de la majesté de Dieu. Alors Thomas s’incline.

Mais Jésus n’en a pas fini avec lui : « heureux ceux qui ne voient pas et qui croient ! » Ca c’est pour nous ! Nous qui n’avons pas vu Jésus ressuscité, dont la foi s’appuie sur les témoignages relayés dans les évangiles.

Tout voir n’est pas nécessaire pour croire. Et Jean en profite pour faire un commentaire sur son projet de livre : il n’a pas tout dit, dans son évangile. Nous ne saurons pas tout (et c’est frustrant, à une époque où l’hyper-information nous donne l’impression qu’on peut tout savoir). Comme les autres évangélistes, Jean a sélectionné quelques événements, quelques discours, quelques rencontres, suffisamment représentatifs de celui qu’était Jésus pour que nous nous fassions une idée et que nous choisissions de croire (ou pas).

Tout voir, et tout savoir, ne sont pas nécessaires pour croire. Nous avons juste besoin de comprendre qui est Jésus : Fils de Dieu devenu homme, venu parmi nous pour nous offrir le salut et la vie, dans la présence de Dieu. Les évangiles vont pousser plus loin bien sûr, et nous apprendrons, mais l’essentiel est là, en Christ.

Le salut vient par la foi, par la confiance en l’œuvre de Dieu par Jésus et l’Esprit saint, et pas par les œuvres. Ni par le savoir… Ni par le fait de tout comprendre… Quand nous ne savons pas répondre à certaines questions, quand des situations nous perturbent, quand des silences bibliques nous interrogent – je mets tout ce qui nous échappe dans le même sac, même si on peut le vivre très différemment – c’est normal ! Ca ne veut pas dire que nous n’avons plus la foi ! Simplement, nous sommes là sur des terrains où Dieu ne nous a pas donné de réponse, parce que son projet n’est pas que nous sachions tout de tout partout en tout temps. Son projet n’est pas de nous rendre omniscients, mais que nous vivions dans l’amour et la justice, à sa lumière.

          #1 Faire confiance à Dieu d’abord

L’incertitude n’est pas incompatible avec la foi. Au contraire ! C’est peut-être ce qui nous pousse à faire confiance à Dieu, à Dieu d’abord, à Dieu seul.

Admettons qu’un ami proche vous invite à monter dans sa voiture pour vous emmener « quelque part ». Selon les tempéraments, vous poserez plus ou moins de questions : peut-être la destination, le temps prévu pour le trajet, l’itinéraire choisi ( ?), l’estimation de consommation d’essence pour faire l’aller-retour, la présence d’une station essence ou éventuellement un garage sur la route pour dépanner, et puis, son état personnel l’état du trafic, l’état des autres conducteurs… Vérifierez-vous la pression des pneus et le niveau d’huile ? la réactivité des freins, l’état des airbags ? Ce sont des questions légitimes, mais même le plus méfiant d’entre nous ne posera pas toutes ces questions. Pourquoi ? Parce que c’est votre ami, et vous lui faites confiance.

Dieu nous demande de placer notre certitude en lui, et pas dans notre compréhension de ce qui se passe. C’est lui, l’objet de notre confiance. Et l’évangile de Jean, la Bible même toute entière, nous donne suffisamment d’éléments pour établir que Dieu est digne de confiance. Lui, il sait tout, il comprend tout, il peut tout, il maîtrise tout. A un niveau qui nous dépasse – mais ce n’est pas grave que nous soyons dépassés, parce que lui ne l’est pas.

Ca ne veut pas dire qu’il faille arrêter de se poser des questions ! Bien au contraire ! Dieu nous a créés avec de l’intelligence et de la curiosité : profitons-en ! Nous l’honorons, lorsque nous réfléchissons, que nous débattons, que nous creusons tel sujet. Même lorsque nous lui posons, à lui, nos questions, nous l’honorons, parce que nous utilisons les ressources qu’il nous a données et que nous lui faisons assez confiance pour lui en parler. D’ailleurs, il peut faire la grâce de nous répondre, comme Jésus avec Thomas. Mais, mais, sachons différencier l’essentiel du secondaire, l’essentiel sur lequel nous appuyons notre vie, et le reste, qui est important mais pas forcément nécessaire pour vivre avec Dieu, et qui peut rester sans réponse. Dans les psaumes, par exemple, on trouve beaucoup de questions, et des questions existentielles, mais le psalmiste tient toujours cette certitude que Dieu est qui il est : un Dieu puissant, juste, fidèle.

          #2 Dans nos relations, l’humilité et l’écoute

Accepter de ne pas tout savoir nous pousse donc à centrer notre foi sur Dieu plus que sur notre maîtrise de la situation, même si c’est inconfortable et parfois douloureux. Cette attitude de confiance et d’humilité a un impact sur notre façon d’être en relation avec les autres, et j’aimerais mettre l’accent sur deux types de relations.

1. Dans l’église.

C’est naturel, nous avons tendance à entendre et à retenir ce que nous pensons déjà, à moins que ce soit vraiment très choquant. Mais sinon, on retient ce qui va dans notre sens. Or, puisque nous ne comprenons pas tout, et que nos idées ne sont pas le cadre de référence de la vérité pure et universelle, ça peut valoir le coup d’essayer d’écouter vraiment l’autre, ce qu’il nous dit, ce qu’il comprend – même si c’est différent. C’est vrai au niveau de la communication basique, mais aussi en théologie par exemple. Lire la Bible en communauté, prier, s’encourager, c’est aussi nous mettre à l’écoute les uns des autres et apprendre de ce que l’autre vit avec Dieu.

Et là, une des limites du ministère pastoral, c’est de faire croire que le pasteur sait, parce qu’il a « fait des études » de théologie. Il sait un certain nombre de choses, mais comme tout un chacun, le pasteur en ignore aussi – même à deux, nous ne savons pas tout ! Sans parler des erreurs – nous sommes faillibles ! Et je me le prêche à moi-même, parce que c’est difficile de se retrouver coincé, dans l’erreur, quand c’est notre responsabilité ou notre passion. Mais personne ne sait tout – et personne ne sait rien… On peut toujours débattre et discuter, mais chacun dans l’église peut peser dans le débat, à partir de ce qu’il vit avec Dieu, de ce qu’il comprend dans la Parole : l’église n’est pas faite d’experts, mais de croyants qui apprennent ensemble de Dieu.

2. Dans le témoignage.

Cette humilité concerne aussi notre témoignage : nous ne sommes pas des experts, mais des croyants. Lorsque nos proches nous questionnent, il n’y a pas de honte à admettre que sur certains points nous ne savons pas ou que nous nous posons nous aussi la question ! C’est l’occasion de souligner notre confiance en Dieu, et pas une supériorité spirituelle de notre part. Et puis nos proches n’ont pas forcément envie d’un « je-sais-tout » qui a la recette miracle pour chaque heure et chaque instant. En général, ça sonne faux… car c’est faux !

Lorsque nous témoignons de notre foi, nous pouvons affirmer nos certitudes, avec humilité. Disons ce que nous savons, ce que nous expérimentons, ce que nous espérons – et laissons Dieu agir. Il sait faire naître la foi sur le terrain de l’incertitude…

Conclusion

Nous sommes dans une période qui révèle nos incertitudes. On peut chercher réponse à tout – mais nous n’y arriverons pas. On peut douter alors d’avoir la foi, mais la foi n’est pas l’absolue certitude sur tout. La foi, c’est la confiance en un Dieu fiable, un Dieu qui s’est révélé historiquement au peuple juif puis en Christ, un Dieu qui nous a touchés, personnellement, par son Esprit. Alors n’ayons pas peur de ne pas tout comprendre, de nous poser des questions, d’être déstabilisés : confions-les à Dieu, et surtout, appuyons-nous sur ce que nous savons fermement de lui : Dieu est puissant, il est juste, et il nous aime.

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