Le défi de la communion

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Cette prédication fait partie d’un mini-culte filmé pendant la période de confinement due au CoVid 19. La vidéo peut être visionnée ci-dessous.

On dit parfois que l’Eglise, ou les Églises, appartiennent au passé. Mais depuis 2000 ans que l’Eglise existe, elle a dû sans cesse se réinventer. Elle a plus ou moins réussi à le faire… et il faut avouer que les circonstances particulières que nous traversons nous y invitent de façon nouvelle.

Or, l’un des textes proposés pour ce dimanche nous ramène justement aux origines de l’Eglise. Plus précisément au lendemain de ce qu’on peut considérer comme l’événement fondateur de l’Eglise : la descente du Saint-Esprit sur les croyants réunis à Jérusalem, lors de la fête de la Pentecôte. Mais ce n’est pas ce récit qui nous est proposé, plutôt celui qui le suit immédiatement. On le trouve dans le livre des Actes des apôtres, au chapitre 2, les versets 42 à 47. Le passage que nous allons lire trace le portrait de la toute première Église.

Actes 2.42-47
42 Tous s’appliquaient fidèlement à écouter l’enseignement que donnaient les apôtres, à vivre dans la communion fraternelle, à partager ensemble le pain et à participer aux prières. 43 Chacun reconnaissait l’autorité de Dieu car il accomplissait beaucoup de prodiges et de signes extraordinaires par l’intermédiaire des apôtres. 44 Tous les croyants étaient unis et partageaient entre eux tout ce qu’ils possédaient. 45 Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et ils répartissaient l’argent ainsi obtenu entre tous, en tenant compte des besoins de chacun. 46 Chaque jour, d’un commun accord, ils se réunissaient dans le temple, ils partageaient ensemble le pain dans chaque maison et prenaient leur nourriture avec joie et sincérité de cœur. 47 Ils louaient Dieu et ils étaient estimés par tout le monde. Et le Seigneur ajoutait chaque jour à leur groupe les personnes qu’il amenait au salut.

 

Voilà un texte qui peut paraître incongru pour un temps de confinement ! Ce portrait de la première communauté chrétienne a sans doute valeur d’exemple… Mais comment l’entendre, alors que nous sommes contraints de rester chez nous et que nous ne pouvons pas nous réunir ?

Il y a forcément des choses évoquées dans ce texte qu’on ne peut pas faire : se réunir chaque jour, au temple ou ailleurs, partager le pain et manger ensemble, c’est impossible aujourd’hui. Même partager ses biens pour venir en aide à ceux qui sont dans le besoin n’est pas forcément évident aujourd’hui. Il y a, bien-sûr, des choses qu’on peut faire autrement. Une forme de partage et de solidarité peut s’organiser. On peut aussi profiter des moyens technologiques actuels pour se réunir par vidéoconférence et prier ensemble, on peut proposer des ressources sur Internet pour lire la Bible, etc.

Mais ce n’est pas la même chose… les téléphones et les vidéoconférence ne peuvent pas remplacer le contact humain et la proximité.

 

Le défi de la communion

En réalité, ce texte pose le défi de la communion, quelles que soient les circonstances. Evidemment, c’est un défi que ressentent particulièrement ceux qui sont contraints de vivre aujourd’hui dans l’isolement…

Peut-on dire pour autant que la communion n’est pas possible en confinement ? Qu’est-ce qui unissait les chrétiens de Jérusalem au lendemain de la Pentecôte et qui continue d’unir les chrétiens aujourd’hui, au milieu de la pandémie de coronavirus ?

En tout temps, l’unité de l’Eglise dépend de l’Esprit saint. C’est lui qui est descendu sur les croyants réunis le jour de la Pentecôte. C’est lui qui nous unit, qui garantit notre communion, hier comme aujourd’hui, et en toutes circonstances. Ce ne sont pas les moyens technologiques, aussi performants soient-ils. Et aucune restriction, aucune barrière, aucun virus ne pourra jamais empêcher le Saint-Esprit d’agir, et de nous unir à Dieu, et les uns aux autres. Mais il ne le fait pas sans nous, sans notre participation active. Et les circonstances que nous connaissons nous poussent à trouver des nouvelles façons d’être en communion.

Au temps du Nouveau Testament, il n’y avait pas de Zoom, de Skype ou de WhatsApp. Mais lorsque l’apôtre Paul a été emprisonné, il écrivait. Par ses nombreuses lettres, il entretenait la communion avec les Églises qu’il connaissait. Et nous en sommes aussi les bénéficiaires aujourd’hui encore, grâce aux épîtres parvenues jusqu’à nous à travers le Nouveau Testament. Alors qui sait ? Que restera-t-il de ce temps que nous vivons, pour notre communion demain ?

 

Le risque d’un “retour à la normale”

Attention au risque d’un simple “retour à la normale”. Je parle d’un risque, parce ce que ce serait une erreur de simplement recommencer comme avant, sans tirer les leçons de l’épreuve traversée. Et là, ce ne sont pas que les chrétiens qui sont concernés… Comment sera notre monde demain ? Comment seront nos relations sociales au quotidien alors qu’aujourd’hui l’autre est devenu pour nous un danger de contamination avec lequel il faut garder ses distances ? Comment sera notre économie alors qu’on se rend compte aujourd’hui des dangers de ne rechercher que la production au moindre coût ? Comment sera le monde du travail alors que nous voyons que les métiers les plus utiles, et même nécessaires à la société, ne sont pas les plus valorisés et reconnus ?

Apprendrons-nous de cette épreuve ou recommencerons-nous tout comme avant ?

Et pour l’Eglise aussi, la question se pose. Est-ce que, demain, nous continuerons de vivre l’Église à distance, de façon presque virtuelle ? C’est la façon de vivre l’Eglise habituellement pour certains… sans forcément participer aux rassemblements de l’Église, ou seulement occasionnellement. Et comment se prolongeront, concrètement, les nouvelles façons de communiquer, de prendre des nouvelles les uns des autres, de prier ensemble ? Notre communion demain sera-t-elle enrichie des leçons apprises à travers cette épreuve ?

 

Réinventer l’Église

Le temps particulier que nous traversons nous oblige à prendre du recul sur notre vie, et si nous sommes croyants, sur notre foi, notre façons de vivre l’Église.

Si, par la force ces choses, nous devons réinventer l’Eglise aujourd’hui, il faudra la réinventer demain encore. Le portrait de la première Église témoigne de la façon dont les premiers chrétiens ont vécu la mission qui leur était confiée. Il ne s’agit pas de bêtement copier ce qu’ils faisaient. Le contexte a changé. Et il changera encore ! La vraie question est de se demander comment vivre la mission de l’Eglise aujourd’hui, et comment la vivre demain.

Or, il me semble que le récit du livre des Actes des apôtres souligne trois aspects de la mission de l’Eglise auxquels nous devons toujours rester attentifs :

  • Ecouter Dieu et le voir agir.
  • Vivre le partage et la solidarité.
  • Rayonner de l’amour de Dieu.

Ecouter Dieu et le voir agir. C’est la première priorité, en toutes circonstances. L’Église se nourrit de la Parole de Dieu et de son action. Notre texte souligne d’une part l’assiduité de l’Eglise réunie pour écouter l’enseignement des apôtres et d’autre part une action visible de Dieu dans l’Eglise. Et les deux sont liés ! C’est en se mettant à l’écoute de Dieu que nous le verrons agir. Ce moment où, pour la plupart, nous sommes obligés de nous arrêter est un temps propice pour la prière et l’écoute de Dieu. Profitons-en ! Mais nous devrons apprendre demain à ne pas compter sur les circonstances pour consacrer du temps à Dieu.

Vivre le partage et la solidarité. Les premiers chrétiens ont vécu cet impératif de façon très concrète. En réalité, c’est la seule façon de voir si la foi que nous professons n’est pas qu’un discours creux et superficiel. Voilà la question à se poser : comment notre foi se traduit-elle en actes ? La réponse est : par le partage et la solidarité. Et nous en aurons particulièrement besoin demain. On ne mesure pas encore les conséquences, les difficultés, la précarité accentuée dans laquelle se trouveront beaucoup. Serons-nous au rendez-vous ?

Rayonner de l’amour de Dieu. Ce troisième impératif, je le retire des deux verbes associés au verset 47 : “Ils louaient Dieu et ils étaient estimés par tout le monde.” La louange du croyant exprime son amour pour Dieu, et sa vie entière est appelé à le manifester, si bien qu’elle suscite un regard favorable de la part des autres.

Alors comment est-ce que nous rayonnons, aujourd’hui, en ce temps de confinement ? Je m’interroge notamment sur ce que nous postons ou relayons sur les réseaux sociaux… je ne suis pas sûr qu’ils expriment toujours la foi, l’espérance et l’amour que nous sommes censés montrer ! Et comment allons-nous rayonner demain, pour que notre vie entière soit une louange à Dieu et suscite un regard favorable de nos contemporains ?

Encore une fois, si nous réinventons l’Eglise aujourd’hui, contraints par les circonstances, il nous faudra encore le faire demain. Car si la mission ne change pas, la façon de l’accomplir évolue, parce que notre monde évolue. Voilà notre triple défi, aujourd’hui comme demain : écouter Dieu et le voir agir en nous et à travers nous, vivre vraiment le partage et la solidarité et rayonner de façon pertinente de l’amour de Dieu.

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