Voir le Messie

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Avez-vous vu le Messie ? Moi oui ! En réalité, je parle d’une série, sortie récemment sur Netflix et intitulée Messiah (Le Messie, en anglais). Elle imagine le retour, de nos jours, du Messie, ou du moins de quelqu’un qui se prétend être le Messie, et qui est accueilli comme tel par beaucoup, quelqu’un à qui on attribue des miracles, qui parle au nom de Dieu et qui semble tout connaître des personnes qu’il rencontre. Bien sûr c’est une fiction… mais c’est très intéressant de voir comment on peut imaginer la venue de Jésus, dans le contexte géopolitique actuel, dans la peau d’un migrant anonyme venant de Syrie, à l’heure des chaînes d’info continue et des réseaux sociaux !

On peut évidemment discuter la vision de Jésus qui ressort de cette série… une vision qui, personnellement, ne me convient pas vraiment sur plusieurs points ! Mais il y a un élément que je trouve intéressant : c’est seulement lorsqu’ils rencontrent personnellement ce “Jésus” que les personnages de la série sont vraiment interpellés, voire transformés. Et c’est là que se manifeste ou non leur foi…

Pour nous, c’est sans doute de cette façon que nous devons envisager notre lien à Jésus (et là je ne parle plus de la série !). C’est dans une rencontre personnelle avec lui, par la foi, que nous serons transformés. Et la façon dont les évangiles nous présentent la personne de Jésus nous invite à chercher cette rencontre et pas simplement se faire un avis sur le personnage Jésus.

Lisons le texte de l’Evangile de ce dimanche dans cette perspective :

Matthieu 3.13-17
13 À ce moment-là Jésus vient de la Galilée au Jourdain ; il arrive auprès de Jean pour être baptisé par lui. 14 Jean s’y opposait et lui disait : « C’est moi qui devrais être baptisé par toi et c’est toi qui viens à moi ! » 15 Mais Jésus lui répondit : « Accepte qu’il en soit ainsi pour le moment. Car il convient que nous accomplissions ainsi ce que Dieu demande. » Et Jean accepta. 16 Dès que Jésus fut baptisé, il remonta de l’eau. Au même moment les cieux s’ouvrirent pour lui : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. 17 Et une voix venant des cieux dit : « Celui-ci est mon fils bien-aimé ; en lui je trouve toute ma joie. »

“À ce moment-là Jésus vient de la Galilée au Jourdain” Cette simple indication géographique en dit plus qu’on le croit au premier abord. La Galilée, c’était loin. Et c’était un territoire un peu méprisé. On entendra, dans les évangiles, cette formule : “Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ?” (Jean 1.46) Forcément, en Galilée, Jésus ne pouvait être qu’un incognito… Mais tout le monde venait de Jérusalem, la capitale, et de toute la région de Judée pour voir et entendre Jean le prophète, au bord du Jourdain. Pour Jésus, venir de Galilée au Jourdain, c’était entrer dans la vie publique. Avant, personne ne le connaissait, sauf ses proches. A partir de ce jour, il va commencer son ministère publique et sa réputation va rapidement grandir.

Mais on peut se dire que Jésus a une drôle de façon d’entrer dans son ministère publique. S’il avait eu des conseillers en communication, je doute qu’ils lui auraient conseillé de faire ça ! Ca aurait été plus prestigieux, plus porteur, d’aller à Jérusalem, la capitale, peut-être même au temple. Là aussi il y a du monde !

Mais Jésus choisit d’aller au bord du Jourdain, et demander le baptême à Jean. Or, le baptême de Jean, c’est un baptême de repentance, pour changer de vie et se préparer à la venue du Messie. Jésus a-t-il besoin de repentance ? Non ! Doit-il se préparer à la venue du Messie ? Non, il est lui-même le Messie !

Il se soumet donc à quelque chose dont il n’avait pas besoin. Pourquoi ? Jean lui-même ne le comprends pas. « C’est moi qui devrais être baptisé par toi et c’est toi qui viens à moi ! » Des paroles qui rappellent étrangement celles de Pierre, dans l’évangile selon Jean, lorsque Jésus lui lave les pieds. Il réagit de façon plus radicale encore : « Non, tu ne me laveras jamais les pieds ! »
(Jn 13.8)

Pierre ne comprend pas plus que Jean ce que Jésus veut faire. Et dans les deux cas, Jésus ne leur demande pas de comprendre mais d’accepter de s’y soumettre :
A Jean il dit : « Accepte qu’il en soit ainsi pour le moment. Car il convient que nous accomplissions ainsi ce que Dieu demande. »
A Pierre il dit : « Tu ne saisis pas maintenant ce que je fais, mais tu comprendras plus tard. » (Jean 13.7)

Jean va finalement accepter de baptiser Jésus, et Pierre va finalement accepter de se laisser laver les pieds par Jésus… Mais je doute fort que l’un et l’autre aient compris pourquoi !

Avec le recul, et la mise en perspective dans les évangiles, nous comprenons mieux. Et la mise en regard de notre épisode avec celui du lavement des pieds nous permet de mieux comprendre la portée du baptême de Jésus.

C’est le serviteur, l’esclave, qui lavait les pieds des invités lorsqu’ils arrivaient dans la maison, les sandales pleines de terre et de poussière. Or ici, le maître se fait serviteur. Il n’a pas à le faire… mais il choisit de le faire malgré tout. Il y a une sorte d’humiliation, un abaissement volontaire : pour laver les pieds de quelqu’un, il faut se mettre à genou devant lui. On comprend alors la réaction de Pierre !

En venant dans le Jourdain demander à Jean de le baptiser, Jésus a la même démarche d’humiliation. Lui, le Fils de Dieu, le Messie, il se soumet au même baptême de repentance que tous ceux qui venaient à Jean. Il prend la posture du pécheur qui a besoin de repentance.

L’un et l’autre de ces épisodes étonnants illustrent la démarche humiliante de l’incarnation. Le Fils de Dieu devient un homme, et non pas un homme hors-sol, protégé, à l’écart des épreuves des humains. Il devient comme les humains, dans leur condition de pécheur, et tout ce que cela implique d’épreuves, de tentations, de souffrances… Une démarche d’humiliation qui conduira, nécessairement, à la mort, la mort sur la croix. C’est ce que Paul dira dans le fameux hymne christologique de Philippiens 2 :

Philippiens 2.6-8
Il possédait depuis toujours la condition divine,
mais il n’a pas voulu demeurer à l’égal de Dieu.
Au contraire, il a de lui-même renoncé à tout ce qu’il avait
et il a pris la condition de serviteur.
Il est devenu un être humain parmi les êtres humains,
il a été reconnu comme un homme ;
il a accepté d’être humilié et il s’est montré obéissant
jusqu’à la mort, la mort sur une croix.

Loin d’être un épisode anodin, le baptême de Jésus est donc un signe fort de la mission et de l’oeuvre de Jésus-Christ, le Fils de Dieu devenu homme, pour sauver les humains. Il est le Messie serviteur, pleinement solidaire de ses frères humains, jusqu’à la mort.

C’est pourquoi l’épisode est couronné par une théophanie, une manifestation du Dieu trinitaire où au Fils vient se joindre le Saint-Esprit, sous la forme d’une colombe descendant sur lui, ainsi que le Père, à travers la voix qui se fait entendre du ciel : « Celui-ci est mon fils bien-aimé ; en lui je trouve toute ma joie. »

Trois leçons pour notre relation avec Jésus

Que peut-on retirer pour nous, aujourd’hui, de cet épisode ? Il nous révèle la personne et l’oeuvre de Jésus, nous pouvons en tirer des leçons pour notre relation à lui, par la foi, aujourd’hui. Résumons-les en trois mots :

Proximité

D’abord, cet épisode du baptême de Jésus et ce qu’il signifie doit nous conduire à un émerveillement sans cesse renouvelé pour le miracle de l’incarnation. Le Fils de Dieu devient un être humain. Et ça signifie une proximité incroyable du Créateur avec ses créatures.

L’amour de Dieu pour nous est si grand qu’il a accepté, en son Fils, de devenir comme nous. Impossible de nous être plus proche. Impossible de mieux nous connaître. Il s’abaisse à devenir notre égal pour nouer une relation d’intimité avec nous.

Le Dieu tout-puissant, Créateur de l’univers, est devenu notre frère. Ce Dieu infini, éternel, devient notre ami le plus proche. Il est celui qui nous connaît mieux que nous-mêmes, celui à qui on peut tout dire, celui dont la fidélité ne se démentira jamais. C’est à lui que nous parlons lorsque nous prions !

Surprise

Ensuite, Jean, et plus tard Pierre, et d’autres encore, ont eu du mal à comprendre Jésus au premier abord. Ils ont été surpris, parce qu’il n’agissait pas comme ils pensaient que le Messie devrait agir.

Si on enferme Dieu, ou Jésus-Christ, dans notre doctrine, il n’y aura plus de surprise. Mais il n’y aura peut-être plus de rencontre ou de relation authentique non plus… Laissons toujours une place à la surprise dans notre relation à Dieu. Soyons disposés à être surpris par lui.

Parfois il viendra nous rencontrer à travers des personnes que nous n’imaginions même pas, parfois il nous parlera au travers de circonstances que nous ne pouvions absolument pas prévoir. Et si nous n’y sommes pas prêts, nous risquons de manquer les rendez-vous que le Seigneur nous fixe.

Confiance

Le troisième mot est confiance. Il est intéressant de voir que même si Jean, et Pierre, ne comprennent pas vraiment ce que Jésus leur demande, ils acceptent. Ils lui font confiance.

Nous non plus, nous n’avons pas besoin de tout comprendre pour obéir à ce que Dieu nous demande de faire. On se retrouve parfois dans des circonstances qui nous paraissent incompréhensibles, qui nous échappent… on ne comprend pas mais on fait confiance à Dieu. Il sait, lui, ce qu’il fait.

On comprendra, peut-être, plus tard. En attendant, la foi, ce n’est pas tout comprendre et avoir réponse à tout, c’est d’abord faire confiance à Dieu. Y compris, et surtout, quand on ne comprend pas tout…

Conclusion

Avez-vous vu le Messie ? Et là je ne parle pas de la série. Avez-vous vous le Messie, Jésus-Christ, agir dans votre vie ? L’avez-vous vu venir à votre rencontre à travers telle personne qu’il a mise sur votre route ? L’avez-vous vu vous parler à travers telle parole lue ou entendue ?

Est-il votre ami, votre confident, autant que votre Seigneur et votre Sauveur ?

Quand on en reste à une foi surtout intellectuelle, on peut voir en Jésus-Christ le Fils de Dieu devenu homme, on peut même affirmer le reconnaître comme notre Sauveur. On aura bien compris le message de l’Evangile… Mais quand notre foi développe aussi sa dimension relationnelle, à travers la prière, la méditation… alors Jésus devient aussi notre ami, notre confident, celui qui nous est le plus proche.

Ainsi il nous est possible de dire que, par la foi, dans notre vie, nous avons vu le Messie !

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