Tout-Puissant! (A nul autre pareil 4/4)

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Si les histoires de super-héros nous apprennent quelque chose, c’est au moins que nous sommes nombreux à désirer être forts, puissants, à avoir des super-pouvoirs – ou tout simplement du pouvoir. De bien des manières : par le statut social, par une réputation reconnue, par un corps fort ou un esprit habile, ou encore, par un portefeuille bien garni qui ouvrira la majorité des portes…

Ce n’est pas forcément pour être le chef suprême de la galaxie, ou pour commander aux autres, mais juste parfois pour échapper aux soucis et à la frustration du quotidien : pouvoir œuvrer comme on l’entend sans avoir à supporter un chef autoritariste, pouvoir offrir à ses enfants ce dont ils ont besoin et envie, venir en aide à un proche… Parfois simplement pouvoir aller où on veut alors que notre corps ne suit plus…

Les histoires de super-héros nous font rêver d’un autre quotidien, mais elles soulignent les limites que nous rencontrons chaque jour. En contraste avec notre situation humaine, Dieu, lui, est tout-puissant. Après avoir exploré sa grandeur infinie, son statut de créateur et sa présence constante, c’est sur sa toute-puissance que je vous invite à conclure notre série de juillet.

Pour méditer sur cette qualité de Dieu, je vous propose de lire ensemble une prière du prophète Jérémie. Jérémie a été prophète en Israël entre les années 650 et 580 avant Jésus-Christ. Alors que le pays sombre dans l’absurde et la décadence, Jérémie appelle le peuple à revenir à Dieu – en vain. De la part de Dieu, Jérémie annonce que le pays va devoir affronter les conséquences de son comportement : un puissant adversaire, l’empire babylonien, va les vaincre et déporter les responsables du peuple, détruire la capitale Jérusalem, détruire le Temple. La pression babylonienne se fait sentir : Jérusalem est assiégée, quand Dieu demande à Jérémie d’acheter le champ de son oncle en province. Jérémie obéit mais ne comprend pas, et va porter à Dieu ses questions. C’est Jérémie qui parle.

 

Lecture biblique : Jérémie 32.16-25

16 Après avoir remis l’acte de vente à Baruc, j’ai adressé au Seigneur cette prière : 

17 « Ah, Seigneur Dieu, tu as montré ta force et ton savoir-faire en créant le ciel et la terre. Rien n’est trop difficile pour toi. 18 Tu montres ta bonté jusqu’à mille générations humaines ; mais si des parents ont commis une faute, tu en fais supporter les conséquences à leurs enfants. Tu es le Dieu grand et fort ; tu te nommes le Seigneur de l’univers. 19 Tu as de grands projets, tu es souverain pour les réaliser. Tu regardes attentivement ce que font les humains, pour traiter chacun d’eux selon sa conduite et ses actes.

20 « Tu as montré qui tu es par des prodiges marquants, lorsque nos ancêtres étaient en Égypte, et aujourd’hui encore, non seulement dans le peuple d’Israël mais aussi dans le reste de l’humanité, comme on le voit aujourd’hui. 21Tu as montré ta force et ton savoir-faire par des prodiges marquants et des plus impressionnants, pour faire sortir d’Égypte Israël, ton peuple. 22 Tu avais juré à nos ancêtres de leur donner le pays où nous sommes aujourd’hui, ce pays qui regorge de lait et de miel, et tu le leur as donné. 23 Ils sont venus en prendre possession. Seulement ils n’ont pas écouté ce que tu disais, ils n’ont pas suivi tes instructions, ils n’ont pas fait ce que tu commandais. Alors tu as envoyé tous ces malheurs qui arrivent aujourd’hui.

24 « Voilà en effet les Babyloniens qui avancent leurs travaux de siège de plus en plus près de la ville ; ils vont la prendre ; elle leur est déjà livrée, pour ainsi dire ; ils cherchent à la vaincre par les armes, la famine et la peste. Ce que tu avais prédit est arrivé, tu le vois bien.

25 Oui, la ville est presque aux mains des Babyloniens. Seigneur Dieu, pourquoi donc m’as-tu ordonné d’acheter ce champ et de le payer comptant devant témoins ? »

Ce que le texte nous apprend

Dans sa situation de désarroi intense, voire de détresse, Jérémie se tourne vers Dieu avec cette question : pourquoi investir sur l’avenir alors que le pays va tomber ?

(v.17-19) Jérémie s’adresse d’abord à Dieu de manière générale, comme au Dieu fort, puissant, créateur. Puisqu’il a créé le monde, il peut tout faire. Qu’est-ce qui serait trop difficile pour lui ? Il est au-dessus de tout. Mais sa puissance n’est pas que de la force brute : Dieu est fondamentalement bon et le bien qu’il veut faire aux hommes résonne presque sans fin. En effet, la bonté sur mille générations… Ca dépend comment on calcule la durée des générations, mais la version minimale, avec une génération de 25 ans, ça fait déjà 25 000 ans… Jérémie a écrit il y a 2500 ans, selon ce calcul on n’en est qu’à la 100e génération ! Quand la bonté de Dieu jaillit, rien ne l’arrête… Sa bonté et sa puissance ne font qu’un : elles sont impossibles à stopper.

Dieu est puissant, bon – et juste. Il nous tient responsables de nos actes, et nous avons à affronter les conséquences de ce que nous faisons (v.18b si des parents ont commis une faute, tu en fais supporter les conséquences à leurs enfants ; v.19). Toutefois, dans sa bonté, Dieu ne nous place pas sous un jugement de 1000 générations, ni même de 100, ni même de 10, mais d’une seule, ici. Les fautes des parents retombent sur leurs enfants. Vous allez dire, ce n’est pas juste ! Pourquoi l’enfant paierait-il les erreurs des parents ? Il n’y est pour rien !

2 remarques à ce sujet. a) D’une part, les enfants sont de fait influencés et marqués par les actes de leurs parents, sans parfois que Dieu s’en mêle : dettes à payer dans l’héritage, éducation ou manque d’éducation, blessures d’enfance qui poursuivent parfois toute la vie. Il y a une solidarité familiale que nos sociétés individualistes oublient, mais qui est bien réelle. b) D’autre part, ce texte fait référence à la manière dont Dieu s’est révélé à Moïse (Exode 20.5) : à l’époque, il avait parlé d’un châtiment sur 4 générations (comparé à 1000 générations de bénédiction). Ici, on passe à 1 génération, et Ézéchiel, un prophète contemporain de Jérémie, annonce le temps où chacun sera jugé seulement d’après sa conduite (Ézéchiel 18).

Donc Dieu : tout-puissant, bon, et juste (attentif au droit, attentif à la justice). Avec un penchant net pour la grâce.

(v.20-23) Jérémie ajoute à sa description de Dieu ce que son peuple connaît de lui depuis que l’aventure a commencé avec Abraham, près de 1500 ans plus tôt. Dieu n’est pas tout-puissant qu’en général, visible dans sa création : il se révèle personnellement dans l’histoire, dans nos expériences.

(v.24-25) Dans un moment d’impuissance profonde, emprisonné dans une ville assiégée, sans trop comprendre ce que Dieu a en réserve, Jérémie choisit de contempler la puissance de Dieu, tout en demandant pourquoi : pourquoi a-t-il dû acheter un champ ?

Dieu répondra en évoquant l’avenir (Jérémie 32.26-44): le jugement qui tombe sur ce pays dépravé n’est pas le dernier mot. Dieu a prévu de relever son peuple, de le guérir et le restaurer, de faire revenir les déportés – ils seront à nouveau chez eux sur cette terre. Le champ acheté en pleine défaite est un geste d’espérance pour l’avenir. C’est bien la puissance de Dieu qui va se manifester à nouveau, à travers l’histoire : c’est Dieu qui permet aux Babyloniens de blesser le peuple d’Israël, afin de mettre un terme à leurs exactions, c’est Dieu qui permettra que cette nation existe à nouveau, que le peuple revienne, que la ville et le temple soient reconstruits (livres d’Esdras & Néhémie).

La toute-puissance de Dieu

Dieu, être infiniment grand, est infiniment puissant. Dans sa puissance et sa liberté, il fait ce qu’il veut. Il fait tout ce qu’il veut ! Et il ne fait que ce qu’il veut… Tout ce que Dieu veut faire, il le fait, et rien n’empêche qu’il arrive à ses fins. La seule limite qui existe à ce que Dieu peut faire, c’est ce que Dieu se refuse à faire : il se refuse à mentir, à être injuste, à faire le mal.

Le mal. Pourquoi le mal si Dieu existe ? Pourquoi tant d’horreurs si Dieu est tout-puissant ? Cela veut-il dire qu’il accepte et cautionne les catastrophes naturelles, les maladies, les guerres, les méfaits des uns et des autres ?

La Bible évite d’expliquer les causes du mal – comme si c’était un trou noir, un tourbillon qu’on ne peut approcher sans s’y noyer. Il y a pourtant quelques indices : Dieu n’a pas créé le mal. On ne sait pas pourquoi le mal est apparu, mais certains anges se sont révoltés contre Dieu. L’humanité s’est engouffrée à leur suite : on en trouve le récit stylisé au début de la Bible, en Genèse 3. Dieu les a avertis, mais pas empêchés : il a tenu les hommes responsables de leur choix. Nous ne sommes ni marionnettes ni esclaves de Dieu : Dieu nous a créés pour être à son image, pour que nous soyons ses fils et ses filles, pas pour nous écraser de sa puissance. Les dérèglements, dans la nature et l’humanité, sont malheureusement les conséquences de ce choix de se déconnecter du Dieu juste et bon. Même si notre monde est mal en point, il va toutefois mieux qu’il ne devrait : dans sa bonté, Dieu fait grâce jusqu’à 1000 générations mais ne condamne qu’à 4 ou 1 générations. Dans sa bonté, Dieu ne nous laisse pas voguer dans le noir, mais il limite les conséquences de notre chute : comme si au lieu d’être morts, nous étions « simplement » paralysés en partie.

Ce que la Bible décrit, en revanche, c’est toute la réponse que Dieu apporte au mal qui nous étouffe : dans sa puissance, sa justice et sa bonté, il est devenu un homme, solidaire de sa création, le Christ, pour porter et absorber le choc de ces horreurs qui nous déforment, nous & le monde. Par sa mort, il a subi les conséquences de notre révolte. Par sa résurrection, par sa puissance de vie qui transperce la mort, par sa justice qui efface le mal, il annonce l’avenir & pose un geste d’espérance, comme Jérémie avec son champ : si nous nous tournons vers le Christ, Dieu nous restaurera.

Des êtres responsables mais limités

Quel impact la foi en un Dieu tout-puissant a-t-elle sur nous ? Il y a la confiance, bien sûr, la confiance en Dieu quelles que soient les circonstances. Mais cela nous renvoie aussi à une réflexion sur notre pouvoir. En effet, même en tant que créatures minuscules devant Dieu, nous ne sommes pas sans pouvoir. Même si nous sommes loin de pouvoir subsister par nous-mêmes, nous avons quand même du potentiel, des capacités.

Comment exercer notre autorité de parents, de chefs d’équipe, de « premier dans la file », d’enseignants, de médecins, de chefs de famille, de responsables dans l’église,… ? A chaque fois que nous avons voix au chapitre, nous sommes tentés d’affirmer notre position, notre autorité, d’avoir raison. Parfois nous refusons de nous remettre en question, imaginant que notre sagesse est sans défaut, comme celle de Dieu. Parfois, convaincus que notre avis est le meilleur, nous sommes prêts à écarter l’autre avec indifférence ou mépris.

Dieu est l’être le plus puissant qui existe, dont nous n’imaginons même pas le début de la puissance : il a créé le monde. Pourtant, il n’agit que pour le bien et la justice. Il n’écrase pas ses créatures, quitte à se mettre un moment en retrait. Même dans le désaccord, il reste généreux, plein de bonté et de patience, cherchant mille solutions pour préserver ceux qu’il a créés. Être image de Dieu c’est aussi exercer notre pouvoir comme Dieu le fait.  Loin d’être un tyran, Dieu montre sa puissance pour faire du bien, pour relever, pour élever l’autre, quitte à se donner lui-même.

Nous avons plus ou moins de responsabilités, de charge et d’autorité, mais il y a toujours des moments où nous sommes en situation de décision ou de pouvoir : tournons-nous vers Dieu pour apprendre. Apprenons à résister à nos élans tyranniques, et puisons à l’exemple parfait de la puissance de Dieu : le Christ, patient, généreux, porteur d’espérance.

 

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