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L’offrande de la pauvre veuve

 

https://soundcloud.com/eel-toulouse/loffrande-de-la-pauvre-veuve

La semaine dernière, je vous ai proposé un autre regard sur l’histoire de David et Goliath. Et comme ça a visiblement plu à plusieurs, je vous propose ce matin de lire un autre récit assez connu, dans le Nouveau Testament cette fois, et de le voir aussi d’un regard différent. Il s’agit de l’épisode de l’offrande de la pauvre veuve.

Ici, je suis redevable à un collègue pasteur qui, lors d’une pastorale il y a quelques années, m’a ouvert les yeux sur ce texte, si bien que je ne peux plus le lire aujourd’hui comme avant.

Marc 12.41-44
41 Dans le temple, il y a un endroit où les gens donnent de l’argent en offrande. Jésus s’assoit en face et il regarde ce qu’ils font. De nombreux riches mettent beaucoup d’argent. 42 Une veuve pauvre arrive, et elle met deux pièces qui ont très peu de valeur. 43 Alors Jésus appelle ses disciples et leur dit : « Je vous le dis, c’est la vérité : cette veuve pauvre a donné plus que tous les autres. 44 En effet, tous les autres ont mis de l’argent qu’ils avaient en trop. Mais elle, qui manque de tout, elle a donné tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »

Traditionnellement, on loue la générosité remarquable de cette pauvre femme qui, proportionnellement, donne beaucoup plus que les riches qui, eux, donnent de leur superflu. Elle, elle donne de son nécessaire, tout ce qu’elle a pour vivre.

Je ne veux pas complètement nier cette interprétation. Mais est-ce vraiment la leçon que nous devons retirer de cet épisode ? Nous faut-il prendre en exemple cette femme et faire de même ? Pour répondre à cette question, le contexte de ce récit est particulièrement intéressant.

Qu’avons-nous juste avant ? Un discours sévère de Jésus à l’égard des maîtres de la loi :

Marc 12
38 Jésus dit dans son enseignement : « Attention ! Ne faites pas comme les maîtres de la loi ! Ils aiment se promener avec de grands vêtements, ils aiment qu’on les salue sur les places de la ville. 39 Ils choisissent les premiers sièges dans les maisons de prière et les premières places dans les grands repas. 40 Ils prennent aux veuves tout ce qu’elles ont, et en même temps, ils font de longues prières, pour faire semblant d’être bons. À cause de cela, Dieu les punira encore plus que les autres. »

Avez-vous remarqué cette expression au verset 40 : « Ils prennent aux veuves tout ce qu’elles ont » ? Littéralement : « ils dévorent les maisons des veuves ». Ils privent les veuves, une population particulièrement pauvre et fragile à l’époque, de leurs biens, de leurs moyens de subsistance. Et comment le font-ils ? En leur imposant un fardeau légaliste qu’elles ne devraient pas porter !

Et juste après ce discours, nous avons l’épisode de l’offrande de la pauvre veuve, qui met dans le tronc tout ce qu’elle avait pour vivre… Ce n’est pas une coïncidence !

Et cela se confirme si on considère ce qui se trouve juste après notre épisode : l’annonce, par Jésus, de la destruction du temple :

Marc 13
« 1 Ensuite, Jésus sort du temple, et un de ses disciples lui dit : « Maître, regarde ! Quelles belles pierres ! Quels grands bâtiments ! » 2 Jésus lui dit : « Tu vois ces grands bâtiments. Eh bien, il ne restera pas ici une seule pierre sur une autre, tout sera détruit. »

Autrement dit, nous voyons une pauvre veuve qui donne de son nécessaire, tout ce qu’elle a pour vivre, pour un temple qui va bientôt être détruit…

Est-ce que tout cela ne doit pas nous mettre la puce à l’oreille ? Quand l’apôtre Paul organise la collecte en faveur des chrétiens de Jérusalem, il invite bien-sûr à la générosité mais il précise aussi qu’il ne s’agit pas pour ses lecteurs de se mettre sur la paille mais de donner en fonction de leurs moyens ! « Car il ne s’agit pas de vous exposer à la détresse pour le soulagement des autres, mais de suivre une règle d’égalité » (2 Corinthiens 8.13).

Est-il juste que cette veuve, déjà en situation de précarité, se mette sur la paille en apportant son offrande au temple ? Je ne pense pas !

D’ailleurs, pourquoi Jésus se met-il à regarder comment les gens déposait de l’argent dans la Trésor du Temple ? Vous pensez qu’il ne savait pas ce qui se passait ? C’est plutôt qu’il s’attendait à voir quelque chose de précis. Et quand la veuve y dépose ses deux petites pièces, Jésus le fait aussitôt remarquer à ses disciples, comme si c’était exactement ce qu’il attendait de voir. Comme s’il leur disait : « vous voyez, c’est bien ce que je vous disais à propos des maîtres de la loi qui mettent les veuves sur la paille ! »

Le récit de l’offrande de la pauvre veuve ne serait pas alors un exemple de générosité à suivre mais un dramatique exemple d’un système injuste entretenu pour les autorités religieuses. La preuve que ce que Jésus dit des maîtres de la loi est vrai : « ils dévorent les maisons des veuves » !

Jésus ne dit d’ailleurs pas à ses disciples : « Regardez cette veuve et faites comme elle ! » Evidemment, il ne reproche rien non plus à cette femme. Elle est, certes, très généreuse. Mais Jésus la désigne avant tout comme une victime des chefs religieux qui exigent d’elle ce qu’elle ne devrait pas devoir donner.

Quelles leçons tirer de ce récit ?

Leçon 1 : L’institution religieuse peut être source d’injustice et d’oppression.

Dans cette séquence qui inclut l’épisode de l’offrande de la veuve mais aussi les paroles qui précèdent et qui suivent, il y a de la part de Jésus une critique de l’institution religieuse. Jésus dénonce une forme d’injustice et d’oppression des plus fragiles. Le tout justifié par l’enseignement des chefs religieux. Leur légalisme obtus pousse des pauvres veuves à se mettre sur la paille !

Et dans les évangiles, la destruction du temple que Jésus annonce est perçue aussi comme une forme de jugement de Dieu.
En réalité, le christianisme devrait être une religion sans temple, sans lieu sacré. Voyez les paroles de Jésus à la femme Samaritaine :

Jean 4
21 Jésus lui dit : « Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. (…) 23 Mais l’heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; tels sont, en effet, les adorateurs que cherche le Père.

Ca ne veut pas dire qu’il ne faut pas de temple ou d’église, qu’il ne faut pas prêter attention aux lieux de culte. Mais bien que les personnes comptent plus que les bâtiments, ce sont les pierres vivantes des croyants qui sont l’Eglise.

Le christianisme devrait être aussi une religion méfiante de l’institution religieuse, surtout quand celle-ci prend la place qui revient à Dieu. Relisez l’épître aux Hébreux, où Jésus apparaît comme l’unique grand prêtre, le seul intermédiaire entre Dieu et les hommes ! Tous les croyants sont prêtres, c’est ce qu’on appelle le sacerdoce universel.

Ca ne veut pas dire qu’il ne doit pas y avoir de structure d’Eglise, avec des responsables et des ministères particuliers. Mais il faut rester vigilant quant à l’institution. Le problème de l’institution religieuse, c’est quand elle devient une fin en soi : les clercs assoient leur autorité, les structures sont plus importantes que les personnes, le dogme prend le pas sur la vie.

Dans ce cas, l’institution religieuse peut devenir source d’injustice, d’oppression… et d’une certaine façon prendre la place de Dieu !

Leçon 2 : On peut être généreux de bien des façons… et nul besoin de se mettre sur la paille pour cela.

C’est peut-être ici plus un prolongement qu’une application directe de notre texte mais on peut sans doute dire quelque chose de la générosité à partir de ce récit. Certes, la pauvre veuve fait preuve d’une grande générosité… mais elle semble bien manipulée par les exigences folles des chefs religieux. Sous leur pression, elle se met en danger.

Il faut donc commencer par dire qu’on peut être généreux de bien des façons, sans forcément se mettre sur la paille. D’abord parce que la générosité n’est pas qu’une affaire d’argent. Elle est aussi affaire d’attention, d’écoute, de temps consacré à l’autre… On ne peut être généreux que de ce que l’on a. Du temps, on en a tous ! Et on n’est pas toujours prêt à le donner…

La générosité est une affaire personnelle, un appel que chacun doit entendre. A chacun de voir comment il peut y répondre, en fonction de ses moyens. La générosité est finalement relative. Dans notre récit, les riches qui donnent beaucoup ne sont pas forcément généreux… Il n’y a pas grand mérite à donner ce dont on est riche !

Nous sommes tous appelés à entendre l’appel à la générosité mais pour soi-même, pas pour les autres. Nous n’avons pas à dire comment les autres doivent être généreux. C’est trop facile d’exiger la générosité des autres… surtout quand on est soi-même riche ! Et c’est encore pire quand on le fait avec des motifs religieux comme dans notre récit !

La question de la générosité est personnelle, individuelle. Comment, moi, je pourrais être plus généreux ? Plus généreux avec mon argent, avec mon temps, avec mes dons et capacités, avec mes prières…

Conclusion

L’épisode de l’offrande de la pauvre veuve s’avère donc être d’abord une flagrante injustice, qui met en danger une femme en situation précaire. Et cela par la faute des chefs religieux ! C’est un scandale !

Je vous le dis (avec humour) : méfiez-vous des prêtres ! Et méfiez-vous des pasteurs ! Mais examinez toutes choses et retenez ce qui est bon… Et voyez comment, vous-mêmes, vous pouvez vous montrer demain plus généreux qu’aujourd’hui, avec les moyens qui sont les vôtres !

Paul : The Revenant

 

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Lecture biblique : Philippiens 3.8-14

Avez-vous vu The Revenant ? Inspiré d’un fait réel, le film raconte l’histoire d’un homme, laissé pour mort par ses compagnons suite à une grave blessure dans un combat contre un ours, qui se relève et affronte tous les dangers pour retrouver celui qui l’a trahi. Dans le film, c’est le souvenir de sa femme et son fils décédés, sa soif de vengeance, mais aussi et surtout l’amour pour eux, qui lui permettent de lutter. Il semblerait que dans la réalité, c’était surtout son fusil préféré qu’il voulait reprendre à celui qui le lui avait volé en l’abandonnant…

Dans le traitement cinématographique, l’itinéraire de Hugh Glass / Leonardo DiCaprio est celui d’une résurrection. Laissé pour mort et enterré, trahi par ses frères, il sort vivant de sa tombe !

L’apôtre Paul est un peu comme Hugh Glass. Certes, avec des motivations différentes, sans esprit de vengeance. Il a un seul but : connaître le Christ. Rien ne le détournera de ce but. Un seul mouvement le caractérise : « j’oublie la route qui est derrière moi, je suis tendu en avant, et je fais la seule chose importante : courir vers le but pour gagner le prix. »

Il n’a pas croisé sur sa route des trappeurs et des indiens mais de nombreux opposants à son ministère. Il est d’ailleurs en prison au moment où il écrit cette épître ! Et s’il compare ici la vie chrétienne à une course, il la comparera ailleurs à un combat.

Paul est un homme déterminé. Il a un objectif clair et précis. Il ne s’en laisse jamais détourner et il est prêt à avancer jusqu’au bout. Sa détermination nous interpelle…

Déterminé pour quoi ? Connaître le Christ !

Son objectif est très clair et le dit explicitement deux fois dans ce texte :
« Connaître le Christ Jésus mon Seigneur, voilà le plus important » (v.8)
« La seule chose que je veux, c’est connaître le Christ » (v.10).

Connaître le Christ… Ah bon ? Il ne le connaît pas déjà ? On connaît sa conversion sur le chemin de Damas, avec la vision du Christ qu’il a reçue. On connaît son ministère et ses écrits, déjà nombreux avant cette lettre aux Philippiens, et dans lesquelles le Christ a la place centrale, au cœur de sa théologie. Paul connaît le Christ… mais il veut en connaître plus !

Paul veut plus qu’une connaissance théologique, intellectuelle. Il veut une connaissance personnelle, intime : « Le Christ, mon Seigneur ». Il ne dit parle pas de connaître le Christ « le Seigneur », ou « le Fils de Dieu », même si tout cela serait parfaitement exact. Il veut connaître le Christ « son » Seigneur. Et on n’en a jamais fini avec une telle connaissance…

Est-ce qu’on a aussi toujours envie de connaître plus le Christ ? Ou est-ce qu’on se contente de ce qu’on a acquis, par le catéchisme, notre lecture passée de la Bible ou l’écoute des prédications le dimanche ?

Paul va plus loin encore : « La seule chose que je veux, c’est connaître le Christ, et connaître la puissance qui l’a fait se lever de la mort. » (v.10a)

On comprend qu’on est bien au-delà d’une connaissance dogmatique du Christ. Il veut connaître le Christ dans sa vie, il veut expérimenter sa vie, la puissance de sa résurrection. Il sait bien que cela implique aussi des souffrances et des épreuves. C’est ce qu’il faut comprendre quand il dit : « Ce que je veux, c’est souffrir avec lui et lui ressembler dans sa mort. » (v.10b)

Alors demandons-nous à la suite de l’apôtre : Comment connaissons-nous le Christ ? Comment expérimentons-nous la puissance de sa résurrection ? Sommes-nous déterminés, comme Paul, à progresser sans cesse dans cette connaissance intime et personnelle du Christ ? Sommes-nous déterminés à ne pas nous contenter d’une vie chrétienne médiocre, d’une vie église monotone ?

Sommes-nous déterminés à voir la puissance de résurrection du Christ agir dans nos vies et celles de ceux qui nous entourent ? Une puissance qui libère, qui transforme, qui restaure ?

Le Christ est vivant ou il ne l’est pas. Et s’il est vivant, alors comment cela se manifeste dans votre vie ?

Déterminé comment ? En allant toujours de l’avant !

L’apôtre Paul évoque sa détermination en des termes très forts : « Pour lui, j’ai tout abandonné. Pour gagner le Christ et pour être uni à lui, je considère toutes ces choses-là comme des ordures. » (v.9)

Le langage, imagé, est dur, radical. Et encore, nos traductions arrondissent un peu les angles. Le terme grec traduit par ordures n’apparaît qu’ici dans le Nouveau Testament. Mais on le trouve dans d’autres textes de l’Antiquité pour désigner les excréments, avec souvent une connotation de révulsion. L’affirmation de Paul a un caractère choquant, il veut secouer ses lecteurs. Et il serait presque légitime de le traduire ainsi : « je considère toutes ces choses-là comme de la merde ! »

Les choses dont il parle ici, ce sont sans doute d’abord les connaissances qu’il a acquise avant de connaître le Christ, en tant que enseignant de la Loi, disciple du célèbre Gamaliel. Bien-sûr, toute cette connaissance acquise ne lui a pas été inutile. Il s’en est même servi dans son argumentation théologique. Mais pour Paul, sans la connaissance du Christ, toutes ces connaissances ne servent à rien.

Ici se manifeste sa détermination. Une seule chose compte : connaître le Christ. Tout le reste, tout ce qui pourrait le détourner de cet unique objectif, tout ce qui pourrait l’égarer, le distraire, il le rejette. Il en a presque du dégoût. Bien-sûr, il force le trait. Il provoque. Et nous interpelle… Quelle place la recherche du Christ, sa connaissance personnelle et intime, occupe-t-elle dans notre vie, nos préoccupations, nos projets ?

Du coup, on pourrait dire à Paul : « OK, tu as tout compris ! » Et penser qu’il est limite suffisant, voire orgueilleux et qu’il nous nargue un peu.

En fait, pas du tout. Et il rectifie lui-même cette impression possible : « Je ne veux pas dire que j’ai déjà atteint le but, ou que je suis déjà parfait ! Mais je continue à courir pour saisir le prix, parce que le Christ Jésus m’a déjà saisi. » (v.12)

Et là, on a deux éléments intéressant dans cette phrase. On pourrait les reformuler ainsi :

1° Je sais très bien que j’ai encore du chemin à faire… et c’est pour ça d’ailleurs que je continue !

2° Je sais très bien que ma détermination seule ne suffit pas. En fait, ce qui me fait avancer, c’est le Christ qui m’a déjà saisi. C’est lui qui me fait avancer. Je n’ai aucun mérite.

Paul ne se fait aucune illusion sur lui-même, il reste humble. Sa force, son moteur, c’est la grâce du Christ. C’est lui qui l’a saisi ! Et la profonde compréhension de cela ne fait que renforcer sa détermination.

« Mais j’oublie la route qui est derrière moi, je suis tendu en avant, et je fais la seule chose importante : courir vers le but pour gagner le prix. »

Je trouve qu’il y a dans cette phrase un optimisme extraordinaire. C’est comme si Paul nous disait que ce qui est devant nous est plus important que ce qui est derrière nous. Parce que devant nous, il y a le Christ vivant qui nous appelle.

Et c’est tellement important dans notre vie chrétienne. Notre espérance nous pousse en avant. Nous n’avons pas à être prisonniers de notre passé, de nos erreurs, de nos blessures. C’est aussi tellement important en Église. Nous pouvons laisser nos différends, nos désaccords, pour avancer ensemble vers le but. Pour saisir le prix. « Dieu nous appelle d’en haut à le recevoir par le Christ Jésus. »

Conclusion

Paul : The Revenant ! Un homme qui avait mille raisons de tout laisser tomber et de se décourager mais qui est toujours debout, animé d’une détermination sans faille. Son moteur à lui, ce n’est pas la vengeance (alors même qu’il ne manquait pas d’ennemis…). Son moteur, c’est l’amour du Christ. Parce que finalement, c’est bien cela qu’il faut comprendre quand Paul parle de connaître le Christ. C’est l’aimer. Mieux le connaître pour mieux l’aimer et le servir. Si sa détermination est sans faille, c’est parce qu’il a été saisi par l’amour du Christ. Et qu’il vit, au quotidien de cet amour.

Qu’en est-il pour nous ? Qu’en est-il de notre détermination à connaître le Christ et à l’aimer ? Qu’en est-il de la puissance de sa résurrection dans notre vie ?

Un culte édifiant et enthousiaste

 

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Lecture biblique : Jean 4.19-24

Une des préoccupations de la femme Samaritaine, une fois avoir reconnu en Jésus un prophète (pas encore comme le Messie…), est la question du culte, de l’adoration. C’était un vrai désaccord entre les Juifs et les Samaritains : où fallait-il adorer Dieu ? Les Samaritains sont issus d’un mélange au VIIIe siècle avant Jésus-Christ entre des Israélites qui n’avaient pas été exilés au moment de l’invasion assyrienne et d’autres peuples ayant colonisé cette région. Ils ont gardé leur propre culte, qui perdure d’ailleurs jusqu’à aujourd’hui, et leur montagne sacré est le mont Garizim. Qui avait donc raison ? Fallait-il adorer Dieu sur le mont Garizim ou à Jérusalem ?

Bien que soulignant la prééminence de la tradition juive – « le salut vient des Juifs » – Jésus ouvre de nouvelles perspectives. Le moment est venue de se recentrer sur l’essentiel. Or l’essentiel, ce n’est pas le lieu mais la façon d’adorer Dieu. Peu importe que ce soit à Garizim ou à Jérusalem, en Samarie ou en Judée, dans un temple, une église, une maison ou ailleurs. Ce qui compte, c’est que ce soit une adoration « en esprit et en vérité. »
1. En esprit et en vérité

Quel est le sens de cette expression ?

Pour le mot « esprit », selon les versions françaises on peut trouver « Esprit » ou « esprit ». Il n’y a pas de majuscule ou de minuscule dans le texte grec original. Si on traduit « Esprit » alors c’est le Saint-Esprit. Si on traduit « esprit » alors c’est l’esprit du croyant.

Si on comprend « en Esprit » alors on souligne la nécessité de l’action du Saint-Esprit pour une vraie adoration. Si on comprend « en esprit », on souligne la préoccupation intérieure plus qu’extérieure. Le culte authentique est une affaire de cœur et non de lieu. Ou plus précisément, le lieu de l’adoration n’est pas le temple ou l’église mais l’esprit du croyant. Là, justement, où le Saint-Esprit agit. Et du coup, les deux options se rejoignent…

Quant à la « vérité », dans cette expression, que désigne-t-elle ? Une adoration en vérité pourrait être une adoration authentique et sincère. Une adoration qui n’est pas feinte ou superficielle mais qui prend racine dans le cœur, qui traduit dans les prières, les chants et les paroles dites, la réalité du cœur.

La version Parole de Vie traduit par une périphrase : « Comme le Fils l’a montré. », c’est-à-dire conformément à la vérité du Christ, à son exemple et selon ses enseignements. Du coup, d’une certaine façon, on rejoint aussi l’idée d’authenticité, dans la mesure où Jésus invite les croyants à purifier leur cœur pour porter du bon fruit, à la gloire de Dieu.

Le critère de Vitalité parle d’un culte édifiant et enthousiaste. A l’origine, en anglais, il est question de « Heartfelt worship » : une adoration sincère, qui vient du cœur. Ce qui compte dans un culte, c’est ce qui se passe à l’intérieur, ce qui vient de l’intérieur. L’extérieur n’a aucun intérêt s’il ne traduit pas une réalité intérieure. C’est bien une adoration en esprit et en vérité…

Du coup, osons nous poser la question : nos cultes du dimanche matin sont-ils vécus « en esprit et en vérité » ?
2. Les acteurs du culte

Tous les acteurs d’un culte sont concernés par cette question. Un culte sera vraiment édifiant et enthousiaste si tous ses acteurs le vivent en esprit et en vérité ! Or, il y a trois acteurs incontournables d’un culte.

a. Le SEIGNEUR

Le premier acteur d’un culte, c’est le Seigneur lui-même ! Ce n’est ni le lieu ni le moment qui compte mais la présence et l’action du Saint-Esprit.

Dans ce cas, on pourrait comprendre l’expression avec deux majuscules : « en Esprit et en Vérité ». L’Esprit fait référence au Saint-Esprit, et la Vérité au Christ ! L’adoration est toujours de l’ordre de la réponse à l’oeuvre de Dieu. Le but ultime de nos cultes ne doit pas être de passer un bon moment, d’être touchés ou transportés, ni même peut-être d’être édifié ou encouragé mais bel et bien de glorifier Dieu.

De plus, Dieu n’est pas que spectateur de notre adoration ! Il s’y implique, il la suscite et l’anime par son Esprit, il y répond par sa présence et sa bénédiction. Rien d’automatique ou de magique dans tout cela. Simplement, l’expression de la relation que le Seigneur entretient avec son Église, le Père avec ses enfants.

Sans la présence active du Seigneur, un culte n’est qu’une réunion comme une autre, où on chante et on parle ! C’est tout…

b. Les officiants

Ensuite, il y a ceux qui ont une responsabilité particulière dans le déroulement d’un culte. On pourrait les appeler les officiants. Et il ne faut pas penser ici seulement au président de culte et au prédicateur ! Il y a les musiciens, les techniciens, l’équipe d’accueil, de préparation de la Cène, etc. On pourrait même y ajouter ceux qui font le ménage et permettent ainsi au culte de se dérouler dans un temple propre. Bref, on parle de tous ceux qui se mettent au service de la communauté pour le bon déroulement d’un culte.

Pour ces acteurs aussi, il est important qu’ils agissent « en esprit et en vérité », autrement dit, avec un esprit de service authentique et un souci spirituel.

En effet, chacune de ces tâches, même les plus discrètes et les plus matérielles, sont des tâches spirituelles. Parce qu’elles permettent à l’Église de rendre un culte à Dieu. Parce qu’elles sont au service de la communauté. Le mot liturgie vient d’un terme grec qui signifie, étymologiquement, service public. Le mot étant utilisé dans la version grecque ancienne de l’Ancien Testament pour désigner le service au Temple, dans tous ses aspects.

Il y a aussi un danger, pour toutes ces tâches, de les exercer sans cet état d’esprit. Y compris les tâches les plus spirituelles en apparence : jouer d’un instrument ou chanter comme on le ferait dans sa salle de bain, bâcler la préparation d’une présidence de culte, préparer mécaniquement une prédication et la délivrer en ne comptant que sur ses talents oratoires. On n’est plus alors « en esprit et en vérité » !

c. L’assemblée

Enfin, dernier acteur incontournable d’un culte : l’assemblée. On pourrait aussi parler de l’Église. J’utilise le mot assemblée, qui a exactement la même signification mais qui souligne la dimension humaine. On ne parle pas de l’institution mais des gens, des croyants rassemblés. Et c’est bien une assemblée, pas seulement une audience, encore moins un public !

Un culte ne sera un culte « en esprit et en vérité » que si l’assemblée n’est pas seulement consommatrice mais actrice. Il faut une assemblée active et non passive. Active dans l’écoute, active dans la prière et le chant, active dans la communion. Quand on dirige un culte ou qu’on apporte une prédication, on sent si l’assemblée est active ou passive…

Or l’enjeu, ce n’est pas de faire plaisir au prédicateur pour qu’il se sente écouté mais bien d’être réceptif à l’action de Dieu par son Esprit !
3. Le test de l’envie

Avant de conclure, encore une question. Parler d’une adoration qui vient du cœur comme un signe de vitalité d’une Église peut paraître suspect à certains. N’est-ce pas donner trop d’importance à l’émotion, à la perception subjective ?

Ce n’est certes pas le seul critère mais pourquoi le laisser de côté ? Lorsque Jésus dit à la femme Samaritaine que le culte désormais doit se vivre « en esprit et en vérité », que l’essentiel se joue à l’intérieur, dans le cœur, il parle aussi de cette perception subjective.

Peut-être alors pouvons-nous, chacun, nous soumettre au test de l’envie…

– A la fin d’un culte, est-ce que vous avez envie de revenir la semaine suivante ?
– Est-ce que vous avez envie d’inviter vos amis intéressés ou en recherche à venir au culte ?
– Et le test peut-être le plus redoutable : le dimanche matin, quand le réveil sonne, est-ce que vous avez envie de vous lever pour aller au culte ?

Bien-sûr, cette envie, elle peut varier selon les circonstances de notre vie. Il y a des hauts et des bas. Inutile de se culpabiliser à l’excès. Mais si l’envie vous manque, au lieu de baisser les bras ou d’essayer d’aller voir ailleurs, pourquoi ne pas voir comment vous pourriez mieux vous impliquer, trouver un lieu de service, renouveler votre motivation ? Pourquoi ne pas prier pour tous ceux qui prennent part d’une manière ou d’une autre au déroulement du culte ?
Conclusion

Si nous fréquentons une Église, c’est que nous avons envie de vivre un culte édifiant et enthousiaste. Sinon, nous resterions au lit le dimanche matin !

Mais, avouons-le, nous n’avons pas forcément ce sentiment tous les dimanches… Mais à qui la faute ? En tout cas, un des acteurs du culte n’est jamais responsable, et c’est le premier d’entre eux : le Seigneur. Lui, il est toujours prêt à s’impliquer à fond, par son Esprit.

Ce sont les autres acteurs qui peuvent faire obstacle : les acteurs visibles ou les acteurs discrets, ceux qui sont debout sur l’estrade ou ceux qui sont assis sur les chaises. Car nous tous, nous sommes acteurs de nos cultes. Nous tous, nous sommes appelés par Jésus-Christ à adorer Dieu « en esprit et en vérité ».

Alors comment, chacun, accomplissons-nous notre part ?

Débusquer la bête

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Lecture biblique : Apocalypse 13

On a beau dire que l’Apocalypse n’est pas un livre écrit pour nous faire peur, cette vision n’est quand même pas très rassurante…

On y rencontre deux bêtes. La première, très impressionnante, sort de la mer. Son apparence rappelle les bêtes de la prophétie de Daniel, au chapitre 7, qui symbolisaient la succession de plusieurs royaumes humains. Elle sort de la mer, élément naturel inquiétant (beaucoup de marins périssaient dans les tempêtes). Mais du coup, elle vient aussi de l’occident, là où se trouve Rome. C’est bien l’empire romain qui est dans le viseur : l’empire qui en ce temps-là s’élevait contre Dieu en persécutant les chrétiens.

L’autre bête est moins inquiétante : elle n’a que deux cornes comme celles d’un agneau. De plus, elle vient de la terre, beaucoup moins inquiétante que la mer. Mais son pouvoir est dans sa parole : elle parle comme un dragon. C’est le prophète de la première bête, séduisant et menaçant les hommes pour les conduire à adorer la bête.

Il est frappant de constater combien cette double image est parlante, non seulement dans le contexte de l’empire romain au Ier siècle mais tout au long des siècles, jusqu’à aujourd’hui ! Dans toute l’histoire, des empires, des puissances humaines se sont élevés et sont devenus monstrueux. La bête a pris de nombreux visages, ceux de la puissance de pouvoirs politiques totalitaires et de la propagande de leur idéologie. Avec plus ou moins de collusion avec telle ou telle religion, y compris chrétienne, d’ailleurs !

Les bêtes ont changé de visage dans l’histoire, maniant tour à tour la terreur et la séduction. Avec une même motivation : prendre la place de Dieu. C’est le sens du fameux 666 dont l’interprétation la plus plausible est celle d’une trinité humaine singeant Dieu : 3 x 6, le chiffre de l’homme. Comme le Dragon et les deux bêtes singent la Trinité divine. Le Dragon prend la place du Père, la bête qui sort de la mer prend celle du Fils (envoyée par le Dragon, l’une de ses têtes est blessée à mort mais ressuscite) et la bête qui sort de la terre prend celle du Saint-Esprit, qui convainc la terre d’adorer la première bête.

Que faire d’une telle vision aujourd’hui ? Je vous propose trois pistes, résumées en trois verbes.

Décrypter

Cette vision nous invite à décrypter notre monde. Sans pour autant vouloir jouer au « Nostradamus évangélique », cherchant à deviner l’avenir ! C’est là une mauvaise compréhension de l’Apocalypse qui veut d’abord nous donner des clés pour comprendre l’histoire mais pas des énigmes pour nous faire deviner l’avenir !

Des « Nostradamus évangéliques », il y en a eu et il y en aura encore… D’ailleurs récemment, j’ai lu un article parlant d’un « prophète » évangélique qui a écrit un livre et qui donne des conférences, annonçant que l’enlèvement de l’Église aura lieu en septembre prochain et que l’Antichrist était le prince William !

Le décryptage auquel notre texte nous invite est tout autre. Il nous invite à la lucidité sur tout pouvoir humain. Bref, à ne pas être dupe, ne pas s’illusionner. Nous sommes heureux de vivre en démocratie mais comme disait Winston Churchill, « la démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres déjà essayés dans le passé. » Le cœur de l’homme étant ce qu’il est, ce n’est pas un type de régime politique en lui-même qui préserve de toute dérive. Hitler est arrivé démocratiquement au pouvoir en Allemagne… N’oublions pas que c’est la seconde bête, d’apparence inoffensive, qui conduit à la première bête terrifiante.

Décrypter, c’est être vigilant sur notre monde, notre société, ses dirigeants et ses puissants. C’est chercher à comprendre les enjeux spirituels, parfois évidents et parfois cachés.

Résister

La deuxième piste découle de la première. Après avoir décrypté, il s’agit de résister. Veiller à ne jamais plier le genou devant la bête, quelle que soit la forme qu’elle prend.

Il y a eu dans l’histoire des manifestations évidentes de cette bête, d’autres plus insidieuses. Aujourd’hui, il y a une bête évidente à identifier. C’est la bête islamiste. Pas de doute possible. Daesh a la marque des bêtes de l’Apocalypse, avec sa logique de terreur, sa volonté d’expansion et d’extermination, en particulier envers les chrétiens. Avec sa puissance totalitaire et sa force de propagande. Il faut la combattre, prier pour que la communauté internationale mette tout en œuvre pour la vaincre.

Mais est-elle la seule contre laquelle se prémunir aujourd’hui ? L’apparence inoffensive de la seconde bête doit nous mettre en garde. Sa voix de dragon n’est-elle pas aussi dans les discours haineux et xénophobes, antisémites ou islamophobe, qui ont tendance à se banaliser ? La poussée des partis politiques extrêmes en Europe, et en particulier en France, est inquiétante. Surtout quand elle se confirme dans les urnes…

Saviez-vous que l’ONU, à travers son comité pour l’élimination de la discrimination raciale (Cerd) a dénoncé cette semaine la banalisation du discours haineux en France à l’égard des minorités ?

Il nous faut résister aux deux bêtes : la première, terrifiante et inquiétante, autant que la seconde, insidieuse et séductrice.

Prier

La troisième piste découle des deux premières. Prier. L’exhortation n’est pas présente explicitement dans notre texte mais elle en est la conséquence inévitable pour le croyant.

Prier pour avoir la sagesse de comprendre le « chiffre de la bête », débusquer la bête et ne pas nous laisser séduire ou terroriser. Prier pour décrypter notre monde avec discernement et ne pas s’engager dans des théories fumeuses ou farfelues.

Prier pour avoir la force et le courage de résister quand cela est nécessaire. Le courage de s’élever contre le pouvoir quand il se transforme en bête, le courage de dénoncer les idéologies haineuses et moribondes.

Prier aussi pour les autorités, comme l’apôtre Paul nous y invite. C’est une façon de leur être soumis, de les respecter. Car si tout pouvoir humain a le risque de basculer dans le côté obscur, Dieu peut aussi utiliser des hommes et des femmes pour le bien de tous. Résister au mal, c’est aussi promouvoir le bien.

Prier enfin pour garder l’espérance, en toute circonstance. Car l’Apocalypse nous apprend que ce ne sont ni le Dragon ni les bêtes qui auront le dernier mot mais le Christ ressuscité. Au chapitre 19 de l’Apocalypse, la bête et le faux prophète sont vaincus par le cavalier montant un cheval blanc, une image du Christ. Ils sont jetés dans l’étang de feu, là où le diable les rejoindra.

Conclusion

Faut-il avoir peur de l’Apocalypse ? Non ! Certes, la vision assez terrifiante de ce chapitre ne nous encourage guère à l’optimisme. Mais elle est là avant tout pour nous mettre en garde et nous appeler à la vigilance, pour que nous sachions être attentifs aux véritables enjeux spirituels.

Les pouvoirs politiques ne sont pas toujours bienveillants à l’égard des chrétiens, ils ne sont pas toujours en accord avec les valeurs de l’Évangile. Loin de là… C’est pourquoi nous sommes appelés à la vigilance, pour décrypter, résister et prier. Tout en sachant que le dernier mot ne sera pas à un quelconque pouvoir humain, aussi terrifiant et monstrueux soit-il, mais à Celui qui est mort et ressuscité et qui viendra un jour établir son règne d’amour, de justice et de paix.

La mise à l’épreuve de Jésus

Lecture Biblique : Matthieu 4.1-11

Jésus vient de se faire baptiser, et si vous avez bonne mémoire (puisque nous avons médité le baptême de Jésus il y a quelques semaines), le baptême de Jésus est un moment fort, où se révèlent à la fois la pleine humanité du christ, qui suit le même chemin que les autres hommes, et sa pleine divinité, puisque le baptême du christ est une des rares occasions où la trinité se manifeste aux yeux de tous : le fils, dans l’eau, le Saint Esprit venant sur lui sous la forme d’une colombe, et la voix du Père retentissant depuis le ciel en disant : « celui-ci est mon fils bien-aimé. C’est lui que j’ai choisi avec joie ». Le baptême marque ainsi l’entrée de Jésus dans son ministère public, dans sa mission de Messie.

Ce baptême à peine terminé, Jésus se retire au désert pour une période de 40 jours. Cette retraite a plusieurs sens : Jésus jeûne, ce qui est la manière juive de marquer sa dépendance à Dieu, il médite aussi les Ecritures saintes, il vit un temps particulier d’intimité avec Dieu avant de se lancer dans sa mission. Alors, u moment où Jésus est le plus vulnérable, affaibli par plus d’un mois de jeûne, l’esprit du mal, c’est-à-dire le diable, vient le provoquer.

Par trois fois il le teste : 1° tu as faim : si tu es le messie, mange ! transforme ces pierres en pains grâce à la puissance que tu reçois de Dieu. 2° tu t’appuies sur les promesses de Dieu : demande-lui une preuve qu’il est fiable ! saute du haut du temple : puisque Dieu t’a promis de te protéger en toute circonstance, tu ne risques rien ! 3° regarde toute la terre et ses richesses : j’ai un moyen facile et rapide pour que tu en deviennes le roi : tu n’as qu’à t’agenouiller devant moi et c’est fait. Le monde entier, toute autorité, toute puissance, sont à ta portée : tu n’as qu’à dire que je suis ton Seigneur. 3 tests : vérifier sa puissance, prouver la fiabilité des promesses de Dieu, et l’appel d’un pouvoir universel.

Aux trois tentations, Jésus répond trois fois de la même manière : voici la parole de Dieu, à laquelle je veux obéir.

Voilà pour résumer un peu cet épisode de la mise à l’épreuve de Jésus.

La confirmation de l’identité du Messie

La première question qu’on peut se poser, c’est : pourquoi Jésus commence-t-il son ministère par la tentation ? par l’épreuve ? d’autant plus qu’un détail assez perturbant vient nous alerter : l’auteur précise bien que c’est l’Esprit de Dieu qui conduit Jésus au désert, expressément dans le but qu’il rencontre le diable pour être tenté. Est-ce que Dieu ne serait pas un peu sadique ? est-ce qu’il joue à ce qu’on appelle l’ascenseur émotionnel : après le baptême où il révèle la gloire et la divinité de Jésus, où il donne des signes tangibles qu’il est le Messie tant attendu, paf, juste après les hauteurs de ce moment glorieux, il le jette dans la gueule du loup. Avec ce traitement, on préfère éviter de s’attirer les faveurs de Dieu !

C’est toute la question du sens de l’épreuve-tentation qui se pose ici (le même mot dans la Bible): Dieu suscite cette mise à l’épreuve, non pas pour écraser ou blesser, mais pour tester et pousser à grandir. L’épreuve se dessine comme un carrefour : le croyant a la possibilité de tomber ou de progresser. Quand Dieu suscite l’épreuve, ce n’est pas pour faire chuter : il met à l’épreuve son Fils, comme tout croyant, dans le but de lui faire passer une nouvelle étape, de le rendre plus fort en surmontant un obstacle. Ça c’est l’optique de Dieu qui suscite la mise à l’épreuve : seulement, dans l’épreuve intervient un opposant, le diable, pour qui le but c’est clairement de faire chuter !

Dans le cas de Jésus, qui subira bien des épreuves au cours de sa vie, notamment la dernière nuit avant sa mort, cette rencontre au désert teste sa foi et sa détermination à remplir la mission voulue. Aux moments-clefs de sa vie, Jésus aura à faire face à des situations-carrefours, où il aura deux possibilités : abandonner ou continuer. Là c’est le premier moment-clef : juste après le baptême qui marque l’entrée officielle de Jésus dans sa mission de Messie, le test arrive, comme pour vérifier que Jésus est bien à sa place et qu’il est prêt pour continuer dans cette aventure.

Le lien avec le baptême est bien visible dans les paroles du tentateur : puisque, lors de son baptême, Dieu le Père a publiquement présenté Jésus comme son Fils bien-aimé, le tentateur joue sur cette corde. « si tu es bien le fils de Dieu, change les pierres ! si c’est vrai que tu es le fils de Dieu, saute ! » Cette mise à l’épreuve joue sur la confiance que Jésus a dans les paroles de Dieu lors de son baptême, paroles qui ne sont pas seulement des promesses mais qui concernent son identité propre : fils de Dieu.

Dans cette tentation, le diable rejoue la scène du péché originel avec Adam et Eve : il cherche à mettre en doute le bien-fondé de la parole de Dieu. Alors que les premiers hommes étaient tombés dans le piège, acceptant les suggestions du diable, Jésus reste sur ses gardes et décrypte les véritables intentions de son adversaire. Au lieu de se laisser manipuler, il reste ferme, solidement enraciné dans la parole de Dieu, ne laissant aucun sous-entendu mettre en doute sa confiance en Dieu. Là où Adam et Eve ont échoué, là où le peuple d’Israël, lui aussi éprouvé au désert avant d’entrer au pays promis, a échoué, Jésus réussit à progresser au lieu de tomber.

Par sa victoire sur la tentation, il démontre à la fois qu’il est vraiment humain, susceptible de chuter, mais qu’il demeure innocent. Il prouve que l’on peut être homme, fragile (il est exténué ! mort de faim !) sans pour autant être voué au péché : l’homme peut choisir le bien à chaque fois, et Jésus en est le suprême – et unique –exemple.

L’enjeu de la tentation de Jésus : la gloire avec ou sans souffrance ?

Revenons un peu sur le sens de la tentation de Jésus : en quoi les propositions du diable sont-elles un piège ? quel est l’enjeu du dialogue ?

On l’a vu, cet épisode se comprend en lien avec le baptême et cette pique de la part de l’adversaire : si tu es (vraiment) fils de Dieu… Le diable essaie de conduire Jésus à vérifier son privilège divin : a-t-il vraiment reçu la puissance de transformer les pierres en pains ? a-t-il l’assurance d’être secouru par les anges ? est-il prêt à recevoir toute autorité sur le monde ? Jésus est-il bien celui que Dieu prétend, fils de Dieu, Dieu le Fils, créateur du monde et tout-puissant ?

Devant cette provocation à utiliser les pouvoirs divins, Jésus ne rentre pas dans le panneau, il ne cède pas à l’envie de prouver sa puissance. Au contraire, il reste homme, démuni devant la faim, devant le risque de la mort, passager sur la terre plutôt que maître du monde. Il ne cède pas à ce délire de toute-puissance que le diable agite devant lui au milieu de son épuisement, à ce mirage de gloire et de pouvoir dans le désert aride qui le dessèche depuis 40 jours.

Le diable n’est pas créateur, et il n’invente rien : cette provocation, il l’avait déjà faite : à Eve puis adam : si tu es enfant de Dieu, et que Dieu veut vraiment ton bonheur, ne peux-tu pas manger de ce fruit, censé être interdit ? Adam et Eve cèdent : ils ne savent pas rester humains et se lancent dans ce délire d’être des petits dieux – ils perdront tout. Jésus, le Dieu devenu homme pour sauver tous les hommes, reste à la place qu’il a choisie. Il ne retourne pas dans ses palais glorieux à la première difficulté, mais il demeure pleinement homme, affaibli, inquiet, ayant pour seul secours les promesses de Dieu.

L’ironie, c’est que Jésus possède cette puissance : il nourrira les foules en multipliant les pains, il marchera sur l’eau, ressuscitera les morts, et en définitive il règnera sur l’univers. Cette mise à l’épreuve conduit à Jésus à réfléchir sur le chemin qui le mène à la gloire, à la victoire, au règne promis. Le chemin que lui présente le diable, c’est un chemin large, agréable, facile, pavé de petits pains et d’anges, alors que le chemin qu’a voulu Dieu est un chemin étroit, un chemin de renoncement, un chemin qui mène à la croix, à la mort, au sacrifice. Le diable fait miroiter un raccourci vers la gloire qui laisse de côté le salut des hommes par la mort du Messie innocent. Jésus ne se laisse pas tenter mais il choisit, il re-choisit, la voie étroite, la voie de l’homme, difficile et ardue, où il prendra la place des coupables, des pécheurs, des infâmes, afin de les recouvrir de justice et d’innocence, d’offrir aux égarés une place dans ce palais qu’il a abandonné.

Voilà le choix qui se dessine devant Jésus : un retour à la case départ, celle du trône glorieux de Dieu le fils, sans souffrance, sans humiliation, sans la croix, ou un chemin enténébré aux côtés des hommes souffrants, chemin que Dieu a choisi pour déboucher sur une plus grande lumière, répandue sur l’humanité.

L’enjeu de toute tentation : la relation avec Dieu

Au désert, Jésus est mis à l’épreuve : son choix de devenir homme, son choix d’endurer la peine des hommes pour leur offrir sa joie, son pardon, sa proximité avec Dieu le Père, c’est ce choix qui est testé, et Jésus persévère dans son choix, résistant ainsi à la tentation. Dans cet épisode du désert, on voit quelque chose d’unique se jouer en Jésus, le Messie, qui re-choisit d’assumer sa mission jusqu’au bout. Au travers de cette tentation si particulière se dessine le mécanisme général de la tentation, valable pour tout croyant.

On peut résumer ainsi la tentation de Jésus : Satan essaie de le conduire à sortir du chemin voulu par Dieu, à utiliser ses possibilités hors des cadres voulus par Dieu. Je crois qu’on peut en retirer quelques indices pour comprendre la tentation.

Le premier élément, c’est que le diable ne nous tente pas forcément avec des choses mauvaises en soi. Alors évidemment, si une petite voix vous dit d’aller assassiner votre voisin de palier, on est d’accord que la proposition est mauvaise, point. Mais regardez avec quoi Satan tente Jésus : des miracles, la confiance en Dieu, la vocation de Jésus à régner sur le monde. En soi ces choses ne sont pas mauvaises. Ce qui constitue un piège, c’est que le diable propose des choses en les sortant du projet global de Dieu. De très bonnes choses, détournées de leur vocation, utilisées de manière inappropriée, peuvent constituer une tentation : p. ex. le travail est une bonne chose, mais on entend parfois des gens qui deviennent accro et en viennent à négliger leur santé et leur famille. Ce peut être aussi bien l’argent, l’amour, la réussite : de belles choses, mais qui peuvent être détournées de leur usage et nous détourner ainsi du chemin de Dieu.

Le diable est si sournois qu’il va même jusqu’à citer la parole de Dieu : mais si, tu vois, c’est Dieu qui l’a dit, si tu sautes il te rattrape. La tentation n’est pas dans la parole biblique, mais dans l’intention avec laquelle elle est citée : pousser Jésus à utiliser ses privilèges comme il au lieu de faire confiance à Dieu.

Petite parenthèse : face à la tentation, nous ne pouvons pas avoir des réflexes bien huilés. En réalité, le diable peut tout utiliser, même les meilleures choses, même la parole-même de Dieu, pour nous détourner de la volonté de Dieu. On ne peut pas juste croire aux pattes blanches qu’il nous montre, mais nous sommes appelés au discernement, à peser les situations pour chercher quelle est la volonté de Dieu pour nous maintenant. Quel est le chemin que Dieu veut que je suive ? Une des façons de résister à la tentation (ce n’est pas une recette miracle) c’est de chercher à comprendre le but de telle situation, de telle capacité, de tel objet, de telle relation, comprendre le projet de Dieu qui entoure et oriente telle ou telle chose.

Pour le discernement nous sont données deux aides : le saint Esprit qui nous guide et nous éclaire, et la Parole de Dieu, méditée, fréquentée, comprise – dans sa cohérence. On a vu que le diable ne se gêne pas pour citer un verset biblique, et que sortie de son contexte, une parole peut dire tout et son contraire. C’est dans la compréhension du projet global de Dieu, de la relation entre Dieu et les hommes, que le discernement pourra s’effectuer.

Pour finir, l’épisode de la tentation au désert nous laisse voir aussi l’action discrète de Dieu, sa présence qui nous encourage : à la fin, les anges viennent et servent Jésus en lui donnant à manger. A lui qui a su respecter les temps de Dieu, à lui qui a su compter sur les promesses et la sagesse du Père, qui a su demeurer sur le chemin de la volonté de Dieu, Dieu répond fidèlement. Il n’est pas exempté du chemin choisi, mais Dieu prend soin de lui, il le garde et l’entoure de sa présence. A celui qui garde confiance en Dieu contre toute tentation, Dieu répond avec fidélité, et ce passage si particulier de la vie de Jésus nous invite à vivre, nous aussi, cette confiance sans compromis en Dieu.