A l’écoute de Dieu

Se mettre à l’écoute de Dieu est un vrai défi ! Toute notre vie, cela demande de la finesse de chercher la bonne longueur d’onde pour capter pleinement ce que Dieu dit – comme avec les vieux autoradios, où il fallait jouer avec le bouton pour trouver la station radio sans grésillement ni coupure / le pire c’était quand le son de deux radios se superposait, quand on avait l’annonce info d’une radio sur la musique de l’autre…

Quel est l’enjeu de bien entendre ce que Dieu dit ? Lapalissade : éviter les mal-entendus. Lorsqu’on va à Dieu pour recevoir une réponse, notre mauvaise compréhension peut entraîner des culpabilités, de l’anxiété, ou au contraire de l’obstination, de la rébellion – terrible si ça découle d’un malentendu ! Lorsqu’on veut servir, trouver notre rôle dans ce monde, et qu’on reçoit de Dieu un appel ou une mission, le malentendu peut nous entraîner dans des impasses, dont Dieu nous sortira sûrement, mais cela nous aura coûté. Et la plupart du temps, nos malentendus débouchent sur des décisions, des interactions, des actions qui influencent notre vie ou celle des autres.



Je vous propose de voir ensemble un exemple, dans la vie de Moïse, grand prophète de Dieu, pour nous aider à repérer certains mécanismes qui nous empêchent de bien capter ce que Dieu veut nous transmettre. Nous sommes dans un contexte où Moïse, avec son frère Aaron, a conduit le peuple d’Israël hors d’Egypte, il y a presque 40 ans, pour aller vers la terre promise, de l’autre côté du désert. Assez vite après la sortie d’Egypte, le peuple remet en cause ce que Dieu fait, il se plaint, il se rebelle… à répétition ! Alors Dieu décide que le peuple errera 40 ans dans le désert avant d’entrer en terre promise – le temps que passe cette génération qui a vu tant de miracles mais qui s’est tant obstinée. Ce sont leurs héritiers qui entreront dans le pays promis. Le texte d’aujourd’hui nous emmène au début de la quarantième année d’errance, après bien des péripéties qui ont confirmé que le peuple a du mal à faire confiance à Dieu et à le suivre.

Lecture biblique : Nombres 20.1-13

1 Les Israélites, toute la communauté, arrivèrent dans le désert de Tsîn le premier mois, et le peuple s’installa à Qadesh.

C’est là que Miriam mourut et fut ensevelie.

Miriam, c’est la sœur de Moïse et Aaron, les deux responsables du peuple. Cela fait presque 40 ans qu’ils sont sortis d’Egypte, et ils n’étaient déjà pas jeunes à l’époque. Donc son décès n’est pas une surprise, d’autant que Dieu avait prévenu que l’ancienne génération ne rentrerait pas dans le pays promis.

2 Il n’y avait pas d’eau pour la communauté ; ils se rassemblèrent contre Moïse et Aaron. 3 Le peuple chercha querelle à Moïse. Ils dirent :

« Si seulement nous avions péri quand nos frères ont péri devant le SEIGNEUR ! 4 Pourquoi avez-vous amené l’assemblée du SEIGNEUR dans ce désert, si nous devons y mourir, nous et notre bétail ? 5 Pourquoi nous avez-vous fait monter d’Egypte, si c’était pour nous amener dans ce lieu hostile ? Ce n’est pas un lieu où l’on puisse semer ; il n’y a ni figuier, ni vigne, ni grenadier, il n’y a même pas d’eau à boire. »

Evidemment, manquer d’eau dans le désert, c’est une situation désespérante. C’est normal d’avoir peur ! On peut concevoir aussi la déception face à ce désert stérile, aux antipodes des promesses d’une terre prospère.

Cela étant, cette situation n’est pas nouvelle… Dès la sortie d’Egypte, le peuple dans le désert rencontre des problèmes d’eau, et se plaint : à chaque fois, Dieu répond et fait un miracle (il assainit une eau non potable Exode 15, ou, à Massa Exode 17, il demande à Moïse de frapper un rocher pour en faire jaillir de l’eau – qui abreuve toute la communauté). Cela fait 40 ans que Dieu pourvoit en eau, en viande (cailles), en nourriture de base (manne). Jamais il ne les a laissés tomber ! Et le peuple panique encore ? Et le peuple se plaint ?  

6 Moïse et Aaron s’éloignèrent de l’assemblée pour aller à l’entrée de la tente de la Rencontre. Ils tombèrent face contre terre, et la gloire du SEIGNEUR leur apparut.

7 Le SEIGNEUR dit à Moïse : 

« 8 Prends le bâton et rassemble la communauté, toi et Aaron, ton frère. Vous parlerez au rocher, sous leurs yeux, et il donnera son eau ; tu feras sortir pour eux de l’eau du rocher et tu feras boire la communauté et son bétail. » 

Bon réflexe de Moïse et Aaron : ils ne rentrent pas dans le débat, mais ils se tournent vers Dieu, le seul à pouvoir changer cette situation.

Et Dieu répond. Mais avant cela, il montre sa gloire à Moïse et Aaron. Avant de parler stratégie, il entre en face-à-face avec ces responsables qui sont à nouveau chahutés, pris à parti, comme s’il prenait le temps de les fortifier avant de leur donner une mission.

Comme les fois précédentes, Dieu va montrer sa puissance et subvenir aux besoins.

Le bâton que Moïse doit prendre, c’est le bâton d’Aaron par lequel Dieu a déjà réalisé bien des miracles – c’est comme un rappel concret de la fidélité de Dieu, la preuve visible que Dieu a agi et continue d’agir.

9 Moïse prit le bâton qui était devant le SEIGNEUR, comme celui-ci le lui avait ordonné. 10 Moïse et Aaron réunirent l’assemblée en face du rocher. Moïse leur dit : « Ecoutez, je vous prie, rebelles ! Est-ce de ce rocher que nous ferons sortir de l’eau pour vous ? »

11 Puis Moïse leva la main et frappa deux fois le rocher avec son bâton. Il en sortit de l’eau en abondance. La communauté but, et son bétail aussi.

Voilà, miracle accompli !

Mais le texte attire notre attention sur la façon dont Moïse accomplit sa mission : il prend le bâton, comme Dieu a demandé – parfait ! Puis, il ajoute deux étapes : il exprime son agacement au peuple, et il frappe le rocher avec le bâton avant que l’eau n’en sorte.

12 Alors le SEIGNEUR dit à Moïse et à Aaron : « Parce que vous n’avez pas eu assez de foi en moi pour montrer ma sainteté sous les yeux des Israélites, vous ne ferez pas entrer cette assemblée dans le pays que je lui donne. »

13 Ce sont là les eaux de Meriba (« Querelle ») où les Israélites cherchèrent querelle au SEIGNEUR, qui montra sa sainteté parmi eux.

Ce lieu prend le surnom de Meriba, lieu de querelle, comme quarante ans plus tôt, à Rephidim (Exode 17), où Moïse a aussi répondu aux querelles du peuple en faisant sortir l’eau du rocher, accomplissant le miracle de Dieu. Deux villes différentes, quarante ans d’écart, mais la même difficulté du peuple à confiance à Dieu.

Ce qui attire évidemment notre attention, c’est le jugement que Dieu porte sur Moïse et Aaron au v.12 : vous avez manqué de foi, vous n’avez pas montré ma sainteté, vous n’entrerez pas dans le pays promis.

Ce jugement paraît dur ! Moïse a commis une erreur, c’est tout ! En plus il vient de perdre sa sœur, il est âgé : on peut comprendre, quand même, non ? Où est le Dieu plein de compassion et de grâce ?

C’est vrai que le jugement paraît dur, mais en fait, Dieu n’a rien ajouté à ce qu’il avait déjà décidé : je vous l’ai dit en introduction, ça fait des décennies que Dieu a dit que cette génération ne rentrerait pas dans le pays promis (Nombres 13-14). Il ne fait que confirmer sa sanction, face à un manque de foi qui s’est confirmé. Si son jugement est plus marqué envers Moïse et Aaron, responsables de conduire le peuple, c’est justement parce qu’ils sont responsables : l’exigence de Dieu est plus forte !

En quoi Moïse et Aaron n’ont-ils pas montré la sainteté de Dieu ? Dieu n’apporte pas de précision : est-ce la colère de Moïse lorsqu’il répond au peuple ? l’usage du bâton pour frapper le rocher, en démonstration de colère ou alors de puissance, comme si bâton était magique ? Est-ce le fait d’avoir reproduit le miracle de Rephidim (Ex 17) en pilotage automatique (rocher + bâton = frapper le rocher) ? Ou un peu de tout ?

Ce qui m’interpelle en tout cas, c’est que Moïse, malgré sa proximité avec Dieu, sa sagesse, son désir de mettre Dieu au premier plan, et puis toute son expérience de vie avec le Seigneur – tous ces défis relevés ensemble, tous ces miracles, toutes les promesses réalisées par Dieu – même Moïse peut entendre de travers.

Peu importe comment on analyse sa réaction, Moïse a confondu ce que Dieu demandait et ce que lui-même pensait (colère, frustration, mémoire de ce qui s’était passé à Rephidim). Son exemple nous invite ainsi à la vigilance lorsque nous cherchons à écouter Dieu. Sans même parler du péché, nos émotions, notre expérience, notre éducation, nos habitudes culturelles/ cultuelles, ce que nous avons appris (toutes ces choses qui sont neutres en soi), peuvent venir déformer notre perception de ce que Dieu dit, et du coup orienter de travers nos choix, nos paroles, nos actions.

Alors tout ce bagage que nous portons est difficile à repérer, parce qu’il fait partie de nous, il forme un lot d’évidences que nous calquons sur ce que nous percevons, comme des lunettes de soleil qui modifient légèrement la couleur de ce que nous regardons.

Cette prise de conscience doit nous inviter au minimum à l’humilité et à la prudence : si même Moïse, après avoir vu la gloire de Dieu, peut se tromper, alors nous… humilité & prudence lorsque nous interprétons un passage biblique, lorsque nous répondons à quelqu’un, lorsque nous donnons un conseil. C’est dangereux quand on croit qu’on « sait » : parce qu’on maîtrise ce qu’on vient d’apprendre, on s’imagine parfois avoir tout compris ! parce que nous avons expérimenté telle réponse de Dieu, nous pensons avoir trouvé LA solution à tout !

Au-delà de cette attitude d’humilité et de prudence (qui n’empêche pas la conviction !), Dieu invite à méditer régulièrement les Ecritures, à y revenir sans cesse pour déboulonner peu à peu nos préjugés. Dieu ne nous parle pas que par les Ecritures, parfois par une conviction intérieure, par une image, par une parole percutante, prophétique, venue d’un autre, mais les Ecritures bibliques sont la base et le cadre de ce qu’il nous révèle. Revenir à l’étude de la Bible, peu importe le contexte, en cherchant à écouter aujourd’hui ce que le texte dit, c’est une discipline qui aiguise notre audition spirituelle pour entendre Dieu avec plus de finesse. Je remarque ces dernières années combien les textes que j’étudie me surprennent, même ceux que j’ai déjà lus 10, 20, 30 fois – à condition de prendre le temps de me laisser surprendre (ce qui est un défi). C’est vrai quand on étudie la Bible pour apprendre, c’est encore plus vrai lorsqu’on étudie pour transmettre à son tour : aux enfants, dans les groupes de partage, pour une méditation, en présidence, en prédications… dans ces cas-là, on creuse davantage, et on apprend autant ou plus qu’on ne transmet !

L’exemple de Moïse nous invite donc à la prudence, à la vigilance, et à faire l’effort d’écouter ce que Dieu dit aujourd’hui.

En même temps, cette prudence ne doit pas nous paralyser : Dieu a accompli son miracle malgré les maladresses et les débordements de Moïse, montrant ainsi sa grâce malgré notre péché. Bien plus tard, le Christ montre cette grâce en promettant la vie de Dieu malgré nos péchés, nos incrédulités, nos erreurs et nos fautes, si nous plaçons notre confiance en lui. Mais justement, que cette grâce ne soit pas un laissez-passer pour recevoir le message de Dieu avec désinvolture, mais plutôt l’invitation à entendre plus finement la voix de ce Dieu qui nous aime et qui nous invite à la vie.




La louange: une vocation éternelle

Une question que les chrétiens se posent souvent, c’est : qu’est-ce qu’on fera « après » ? au ciel ? avec Dieu ?

La Bible nous parle assez peu de ce qui nous attend, sûrement pour éviter qu’on se perde dans des rêveries qui de toute façon seront bien inférieures ce que Dieu a prévu. Mais, parfois elle nous donne des indices sur ce que Dieu nous réserve pour l’éternité avec lui – un peu comme une bande annonce où on voit les lieux, les personnages, quelques activités, mais il nous manque la clef pour tout saisir : pour cela il faut voir le film !



Celui qui a reçu le plus d’indices, c’est l’apôtre Jean, qui a intitulé son livre « Révélation » (apocalypse d’après le grec). Je vais lire quelques versets qui plantent le décor :

Lecture biblique : Apocalypse 21.1-4

1 Alors je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre. Le premier ciel et la première terre ont disparu, et il n’y a plus de mer. 

2 Et je vis la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, qui descendait des cieux, envoyée par Dieu, prête comme une épouse qui s’est faite belle pour son mari. 

3 J’entendis une voix forte qui venait du trône et disait : « Voici, la demeure de Dieu est parmi les êtres humains ! Il demeurera avec eux et ils seront ses peuples. Dieu lui-même sera avec eux, il sera leur Dieu. 

4 Il essuiera toute larme de leurs yeux. Il n’y aura plus de mort, il n’y aura plus ni deuil, ni lamentations, ni douleur. En effet, les choses anciennes ont disparu. »

Donc, le cadre : on repart à zéro ! Nouveau monde, nouveaux cieux, nouvelle terre ! rassurez-vous, la disparition de la mer est sûrement symbolique : a priori, c’est le côté chaotique, abyssal, dangereux, de la mer, qui serait mis de côté.

Dans ce monde nouveau, ce qu’on sait, c’est que Dieu effacera tout ce qui déforme, abîme, pèse ou écrase dans ce monde, et même toutes les traces de nos souffrances – c’est un endroit difficile à imaginer, où règne cependant la paix.

Et puis, les acteurs principaux : Dieu et la nouvelle Jérusalem. Cette ville, capitale des Juifs, représente le peuple que Dieu s’est façonné au fil de l’Histoire, ceux qui se sont tournés vers lui avec foi et qui sont devenus ses enfants pour toujours, grâce au Christ.

On sent une qualité de présence, une proximité, une relation inédite par rapport à ce qu’on ressent aujourd’hui : Dieu sera pleinement présent chez nous, et nous chez lui.

Donc, plus de mal, plus de mort, et Dieu source de vie et d’amour au centre, prêt à laisser déborder abondamment toute sa grâce !

Et ??… qu’est-ce qu’on fera ?…

Un peu plus loin dans le texte, d’autres indices nous sont donnés.

Lecture biblique : Apocalypse 22.3b-5

Le trône de Dieu et de l’Agneau sera dans la ville, et les serviteurs de Dieu lui rendront un culte. 

4 Ils verront sa face, et son nom sera inscrit sur leurs fronts. 

5 Il n’y aura plus de nuit, et ils n’auront besoin ni de la lumière d’une lampe, ni de celle du soleil, parce que le Seigneur Dieu répandra sur eux sa lumière. Et ils régneront pour toujours.

          Quelques confirmations de ce qui a déjà été dit : plus de ténèbres, mais tout en pleine lumière, en pleine clarté, en pleine sécurité et en pleine vérité.

Dieu est bien présent en plein milieu, proche, accompagné de l’Agneau, symbole du Christ mort en sacrifice et ressuscité – lui la source de notre salut et de notre vie !

          Que font donc les enfants de Dieu ?

Ils rendent un culte, ils louent, ils adorent ! Dieu et l’Agneau, les deux ensemble, de façon entremêlée, car Dieu le Père et le Dieu le Fils devenu homme en Jésus sont tellement unis qu’on ne peut pas se tourner vers l’un sans voir l’autre.

Les enfants de Dieu sont décrits comme des adorateurs, des gens qui louent Dieu, avec une référence au grand-prêtre de l’Ancien Testament qui portait pendant le culte une inscription sur son front : consacré au Seigneur. Propriété de Dieu ! cette référence suggère deux points :

  • Dans le culte juif, il y avait une tribu (Lévi) dont certains clans étaient serviteurs, d’autres prêtres (ils pouvaient faire les sacrifices) et un seul homme, grand-prêtre. Un seul ! Un seul qui pouvait rentrer dans le lieu caché au cœur du Temple, tout près des objets par lesquels Dieu avait fait des miracles.

Dans l’éternité, ce n’est pas un seul qui peut s’approcher de Dieu, être au cœur de sa présence, c’est tous ! Tous ses enfants ! Nous serons tous au premier rang ! (J’imagine que Dieu a prévu une gestion de l’espace adaptée 😊)

D’ailleurs l’apôtre Jean dit au début de son livre (Apoc 1.5-6), que nous sommes déjà tous prêtres dans la foi, c’est-à-dire, tous avec un accès personnel à Dieu, sans avoir besoin d’un autre intermédiaire que Jésus. Personne n’est au second rang : nous sommes déjà tous au premier rang. Le pasteur n’est pas prêtre, il a un rôle d’accompagnement de la conduite, ou plutôt il est prêtre comme les autres – tous au premier rang ! 

  • L’autre point, c’est que ce nom marqué sur le front souligne, surligne, encadre une vérité fondamentale qui commence dès que nous recevons l’amour de Dieu en Christ : nous sommes sa propriété ! Nous sommes à lui ! Nous portons son nom de famille ! Nous sommes adoptés, choisis, chéris – pour vivre avec lui toujours. C’est notre identité, dès aujourd’hui et pour toujours !

Jean insiste sur le fait que nous verrons Dieu face à face – jusque là, ce n’est jamais arrivé, Dieu est trop grand, il est trop pur, aujourd’hui, on ne peut pas recevoir l’intensité de sa présence (comme un produit trop pur qu’il faut diluer pour l’ingurgiter sans se faire mal). On n’en est pas capables, il y aurait des effets secondaires trop forts !

Mais dans l’éternité, débarrassés de ce qui nous affaiblit et nous abîme, Dieu nous promet que nous pourrons nous abreuver de sa pure présence, nous régaler d’être avec lui.

Lorsque nous louons Dieu aujourd’hui, lorsque nous lui rendons un culte – c’est quoi rendre un culte ? C’est dire notre admiration ! notre adoration ! concentrer toute notre énergie vers l’autre, chercher à lui faire plaisir ! Quand on parle d’un fan en disant « ah oui, cet artiste ou ce sportif, c’est vraiment son idole ! », c’est que le fan est tourné constamment vers son idole, pense à lui, cherche à l’honorer de toutes les façons possibles. C’est un peu un culte : être tourné vers Dieu, l’honorer de toutes les façons possibles !

Donc, lorsqu’aujourd’hui, même imparfaitement, nous nous tournons vers Dieu, lorsque nous cherchons à l’honorer et à lui faire plaisir, lorsque nous lui disons notre amour et notre admiration, nous vivons un avant-goût de cette exultation éternelle où nous aurons devant les yeux, sous les mains, et plein les oreilles, toutes les merveilles de Dieu déployées – je m’arrête là, parce que ça dépasse mes mots !

          Le contenu de l’éternité

          Quand j’étais plus jeune, je m’inquiétais quand même un peu de cette promesse : chanter Dieu c’est très bien, mais est-ce que ce n’est pas un peu long, quand même, de chanter toute l’éternité ? Parce que l’éternité, c’est long !… surtout vers la fin, comme dirait l’autre.

D’abord, après ce beau culte préparé par les jeunes, vous répondriez à la jeune Florence : « mais enfin, Florence, louer Dieu, c’est beaucoup plus que chanter ! C’est l’honorer de tout ton être, avec tes pensées, tes actes, tes paroles, tes relations. »

Et vous auriez raison !

Et le texte de Jean appuie sur cette notion, avec une pépite que j’ai redécouverte cette semaine et qui m’a franchement époustouflée !

          v.3b : le trône de Dieu sera en plein milieu de la ville. Autrement dit, nous serons en plein dans le royaume de Dieu, ce règne que nous attendons (Notre Père qui es aux cieux, que ton règne vienne…). Ce sera le triomphe de la paix, de la justice et de l’amour de Dieu. Dieu pleinement visible comme roi, un roi d’amour, qui n’a pas hésité à se sacrifier comme un agneau… un roi comme nous n’en connaissons pas sur terre, un roi inédit !

et à la fin du v.5, dernière parole qui décrit notre vie avec Dieu dans l’éternité : (les serviteurs de Dieu) règneront pour toujours.

ils règneront. En Jésus, Dieu le Roi s’est fait serviteur, pour que nous, ses serviteurs, nous devenions rois avec lui, pour toujours. C’est pas époustouflant ? On ne pourrait pas l’inventer, un Dieu pareil !

A quoi vous associez le fait de régner ? C’est impossible qu’il s’agisse d’une domination autoritaire ou de prendre la place de Dieu – nos dérives actuelles – ce ne sera pas possible, puisque Dieu sera là, en plein milieu, dans toute sa majesté.

Ca me fait plutôt penser à une certaine liberté de mouvement, un privilège, personne au-dessus de nous pour nous écraser, nous exploiter ou nous contraindre. Un espace de liberté, une aisance, une victoire – et un certain pouvoir.

Dieu est Dieu, et heureusement il sera toujours Dieu, toujours le Roi ! Et pourtant, même s’il est le seul à avoir la légitimité de décider et d’agir, depuis le début, depuis le récit de la création, Dieu n’a qu’un désir : être avec nous et que nous soyons ses partenaires dans ses projets.

La vocation de l’être humain, c’est quoi à la base ? Cultiver et garder la création (Gn 2.15). Dieu pouvait le faire tout seul ! mais il se réjouissait d’avance de nous voir participer, avec tous nos neurones, notre créativité, notre énergie, nos mains nos pieds, nous voir participer à ses projets.

Aujourd’hui, encore, Dieu transmet la bonne nouvelle de son amour à travers nous – il pourrait le faire tout seul ! mais il se réjouit de nous voir grandir et nous développer en étant acteurs dans ses projets.

Et dans l’éternité, nous serons encore partenaires de ses projets, partenaires de son règne. Nous ne serons pas PDG, mais nous serons associés, les associés du Roi !

Parce que c’est le plaisir de Dieu de nous voir nous développer, nous déployer, nous épanouir avec lui et pour lui. Cette image du règne est très forte : quand Dieu est au centre, nous ne sommes pas sur le banc de touche : nous sommes au top ! Quand Dieu est au centre, nous sommes au top ! Dieu est comme un père, une mère, qui se régale d’entendre son enfant rire, qui s’émerveille de le voir fabriquer un objet, qui guette ce qu’il va devenir en se frottant à la vie. Dieu mérite d’être au centre, au centre du monde, au centre de notre vie dès aujourd’hui, c’est son dû – mais son cadeau, sa grâce, sa générosité incroyable, c’est de nous y vouloir avec lui.

          Rendre un culte à Dieu aujourd’hui, dans ce que nous sommes, ce que nous faisons, en communauté et en individuel, par nos chants, nos pensées, nos choix, nos actions, c’est goûter aujourd’hui à cette relation, à ce partenariat que Dieu désire depuis toujours et pour toujours.




La croix : lieu de reconquête sur le mal (les sens de la Croix 4/4)

Nous venons de chanter la victoire du Christ, victoire qui lui vaut la gloire, l’admiration et l’adoration pour toujours ! Le Christ, ressuscité, ouvre une espérance. C’est justement sur ce thème de la victoire que nous terminons notre série de prédications sur l’œuvre du Christ à la croix, avec les différents réseaux d’image que le Nouveau Testament pour parler de cet événement inédit.  



Nous avons vu ensemble que sur la Croix, Jésus se sacrifie pour que nous n’ayons pas à porter le poids de notre culpabilité devant Dieu. En prenant à notre place ce poids, cette honte, il détruit ce qui bloquait notre relation avec Dieu : nous sommes donc réconciliés, en paix, dans la plénitude de la joie de Dieu.

Avec une autre image : Jésus paye nos dettes. Ainsi, nous ne sommes plus débiteurs, nous ne sommes plus liés, sous l’emprise du mal commis – en rachetant nos dettes, Jésus nous libère et nous ouvre la possibilité d’une vie nouvelle. Le thème du Christ vainqueur (la reconquête) se rattache à cet angle, et je vous propose de le voir avec un passage de la lettre de Paul aux Colossiens.

Ne vous étonnez pas si vous ne voyez pas de suite le thème dans le texte : j’ai choisi de lire les versets clefs dans leur contexte, qui est très marqué par le contexte des Colossiens.

Cette église d’Asie mineure, en Turquie actuelle, est perturbée par des enseignants qui s’éloignent de l’Evangile et égarent l’assemblée. L’apôtre Paul écrit à l’église pour remettre les idées en place.

Lecture biblique : Colossiens 2.6-19

6 Ainsi, puisque vous avez reçu Jésus Christ le Seigneur, vivez unis à lui.

7 Soyez enracinés en lui et construisez toute votre vie sur lui. Soyez toujours plus fermes dans la foi, conformément à l’enseignement que vous avez reçu, et soyez pleins de reconnaissance.

8 Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie, par une philosophie aux arguments vides de sens ; elle se fonde sur des traditions humaines et sur les forces qui gouvernent ce monde, et non sur le Christ. 

9 Car tout ce qui est en Dieu a pris corps dans le Christ, et habite pleinement en lui ; 10 et c’est par lui que vous avez tout reçu pleinement. Il est le chef de toute autorité et de tout pouvoir.

11 Dans l’union avec lui, vous avez été circoncis, non pas de la circoncision faite par des mains humaines, mais de la circoncision qui vient du Christ et qui nous délivre de notre être pécheur. 12 En effet, quand vous avez été baptisés, vous avez été mis au tombeau avec le Christ, et vous êtes aussi ressuscités avec lui parce que vous avez cru en la puissance de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts. 

13 Autrefois, vous étiez comme morts à cause de vos fautes ; vous étiez des incirconcis, des païens. Mais maintenant, Dieu vous a fait revivre avec le Christ. Il nous a pardonné toutes nos fautes. 14 Il a annulé le document qui nous accusait et qui nous était contraire par ses dispositions légales. Il a supprimé ce document, il l’a cloué sur la croix. 15 C’est ainsi que Dieu a désarmé les autorités et les pouvoirs spirituels ; il les a donnés publiquement en spectacle, en les emmenant comme prisonniers dans le cortège triomphal de son Fils.

16 Ainsi, ne laissez personne vous juger à propos de ce que vous mangez ou de ce que vous buvez, ou pour une question de fête, de nouvelle lune ou de jours de sabbat. 17 Tout cela n’est que l’ombre des biens à venir ; mais la réalité, c’est le Christ. 

18 Ne vous laissez pas condamner par des gens qui prennent plaisir à des pratiques extérieures soi-disant humbles et au culte des anges, et qui attachent beaucoup d’importance à leurs visions. De tels êtres sont enflés d’un vain orgueil par leur façon toute humaine de penser ; 19 ils ne restent pas attachés au Christ, qui est la tête. C’est pourtant grâce au Christ que le corps entier est nourri et qu’il est bien uni par ses jointures et ses articulations ; ainsi il grandit comme Dieu le veut.

Je le disais tout à l’heure, Paul veut corriger les hérésies propagées par certains enseignants. Comment ces enseignants égarent-ils l’assemblée ? Nous n’avons pas la description exacte de ce qui se passait, aucun de leur discours n’est resté (heureusement peut-être ?), mais on peut trouver quelques indices :

  • (v.8) La place des spéculations, des systèmes philosophiques humains (derrière « philosophie », Paul évoque aussi la théologie, tout ce qui est réflexion sur ce qu’on vit) : Dieu n’interdit pas de réfléchir !! La philo, c’est bien ! mais quand on fait face à des questions profondes sur lesquelles Dieu ne nous donne pas de réponse, attention avec nos petits arguments, nos petites connaissances, notre logique assez limitée. La logique de Dieu surpasse nos raisonnements.
  • (v.18) La place des visions, avec des prophètes, des apôtres, qui viennent imposer des façons de faire parce que Dieu leur a dit que – en complet décalage avec Jésus : c’est ainsi que naissent les meilleures sectes ! Là, Paul parle d’un culte des anges (dont on ne trouve aucune trace dans la spiritualité biblique), mais ça pourrait être autre chose.
  • (v.16) l’imposition de règles sur ce qu’on mange, ce qu’on boit, ce qu’on fait et quand, et avec qui, et comment… on revient sur des règles formelles, stéréotypées, religieuses, en ratant le fond : la vie avec Dieu, la relation avec lui. C’est très pharisien, de se concentrer sur l’observance en oubliant à quoi elles sont censées servir.

Pourquoi Paul prend-il le temps de corriger ? Est-ce qu’on ne peut pas penser ce qu’on veut ? Parce que ces « traditions humaines », ces spéculations mettent la pression sur les croyants et les font en quelque sorte retomber sous emprise. Le Christ a tout fait pour nous libérer, il a tout préparé pour qu’on puisse entrer dans une relation avec Dieu qui est simple, directe, joyeuse, libre avec de la place, de l’espace – une relation vivante et authentique, où chacun, humain et Dieu, est respecté et aimé. Mais non, ces faux enseignants veulent compliquer les choses, re-donner des règles très objectives, très visibles, sûrement rassurantes pour mesurer notre sainteté – mais ils remettent (sur eux-mêmes et surtout les autres) un poids que Dieu ne demande pas.

Face à ces déviances, Paul revient au Christ et à son enseignement, et c’est là qu’il développe le thème du Christ victorieux pour balayer ces abus doctrinaux et autres que les faux enseignants développent. J’arrive au thème de la victoire, mais je souligne cette insistance de Paul sur l’enseignement et sur le discernement à avoir : les écrits du NT ont été rédigés par des gens qui ont connu personnellement Jésus (même Paul, qui a connu Jésus après coup) et c’est pour ça que nous leur faisons confiance. C’est cette connexion à Jésus qui fait la force du texte biblique et il est essentiel d’y revenir sans cesse, pour ne pas croire tout et n’importe quoi – dans la bouche du pasteur, ou d’un frère de l’église, ou encore sur internet (où on trouve de tout) : il faut revenir sans cesse au texte biblique, chercher, et retenir ce qui est bon. C’est la qualité de notre relation avec Dieu qui est en jeu !

          Alors, cette victoire du Christ !

Une victoire en forme de croix

Spontanément, on associe la victoire à la résurrection, au moment où Jésus revient à la vie et met la mort KO ! Et pourtant, dans ce texte, Paul n’évoque quasiment pas la résurrection du Christ : c’est sur la croix que Jésus est vainqueur. Ce qui était lieu d’humiliation, de souffrance, de défaite, devient pour Jésus le lieu où il renverse la défaite en victoire. Sur la croix où on le cloue, c’est lui qui cloue les papiers qui nous accusent, la liste de nos dettes et de nos transgressions (v.13b-14). En mourant, il emporte avec lui, il fait donc mourir, tout ce qui nous accable devant Dieu.

Et sa résurrection, c’est la preuve qu’il a effectivement vaincu le mal qui abîme le projet vivifiant de Dieu. C’est parce que Jésus a remporté la victoire sur la croix qu’il remporte la victoire sur les conséquences du mal – à savoir la mort, qui nous séparait définitivement de Dieu.

Ainsi la victoire que nous acclamons avec joie, c’est une victoire en forme de croix, la victoire dans l’humilité d’un Sauveur qui avait la puissance de s’imposer mais qui choisit d’encaisser de plein fouet le choc du mal.

Le thème du Christ vainqueur

          Cette victoire du Christ, Paul la décrit avec une image culturelle de son époque : lorsqu’un général de la puissante armée romaine remportait une victoire décisive, il défilait dans Rome avec ses ennemis humiliés devant et sa troupe derrière son char, en cortège. Jésus a remporté la victoire, pas seulement face à nos échecs et nos fautes, mais sur tout ce qui nous contraint à l’échec, sur les forces extérieures et intérieures qui nous poussent vers la destruction (v.15) : il leur a mis la honte ! il les a dépouillés, ils ne peuvent plus rien faire.

          Il paraît qu’hier le Stade Toulousain a remporté la victoire contre les Sharks 54 à 20. C’est un beau score ! Une belle victoire, bien nette !

Imaginez un résultat Jésus – le Mal à 777 000 – 666. C’est encore plus net ! Jésus a marqué tous ces points d’un coup, en jetant non pas des ballons, mais lui-même, sa vie entière.

Le hic, c’est que nous sommes encore sur le terrain, il reste 5 minutes avant la fin (des minutes de Dieu 😉) : mais même en 5 minutes, le score ne va pas changer. Le camp adverse a beau être déchaîné, essayer encore de marquer quelques points ou de blesser quelques joueurs, notre capitaine d’équipe a déjà assuré la victoire ! Même si le match n’est pas terminé en ressenti, objectivement, tout est joué !

La victoire du Christ n’est pas encore visible de tous au grand jour : nous attendons son retour ! Nous attendons la fin du match, pour vivre cette troisième mi-temps éternelle et faire la fête avec le vainqueur ! Même si l’équipe adverse nous attaque, nous insulte, nous blesse, en regardant sur le tableau des scores, nous relevons la tête. La joie de Pâques nous relève la tête, en dépit des circonstances, en dépit des apparences, parce que nous savons que tout est joué : le Christ a remporté la victoire !

Se saisir non de la victoire mais du Christ

          Comme dans toutes ses lettres, Paul insiste sur la centralité du Christ : c’est en lui que Dieu réside pleinement. C’est en lui que nous trouvons Dieu pleinement, que nous sommes connectés à Dieu. Pas besoin d’en rajouter… Le Christ est le chemin qui nous conduit à Dieu. Il est la tête de son corps, le chef de son peuple, le capitaine de son équipe – parce que nous sommes connectés à lui, nous avons accès à tout ce qu’il vit (v.6-7)

C’est lui et lui seul la clef. Ce n’est pas de la victoire que nous nous saisissons, ni de la plénitude, ni de la vérité, ni de la joie ou de la liberté (ce que nous recherchons ! et que les mouvements de développement personnel essaient de proposer avec des méthodes) – comme si c’était des choses qu’on pouvait contenir, posséder. Non, Dieu nous invite à nous unir, nous entremêler au Christ lui-même, qui nous fait entrer dans une relation d’amour avec Dieu qui déborde, qui déborde ce que nous pouvons imaginer ou tenir dans nos mains : c’est tellement plus grand ! Nous voulons allumer des bougies alors que Dieu nous invite à vivre en plein soleil !

          Alors saisissons-nous, dès aujourd’hui par la foi, de la vie en Christ – que le Christ vivant, victorieux par sa mort et sa résurrection, nous remplisse de son Esprit et nous fasse déjà goûter à la joie de la vie avec Dieu.




La Croix comme lieu de rachat et de délivrance (Les sens de la Croix 3/4)

Il faut qu’on parle d’argent. Non je ne vais pas vous demander de sortir vos chéquiers ou vos CB ! Il faut qu’on parle d’argent, parce que l’argent c’est concret. Ca parle, et tout de suite ! Vous ne vous souvenez peut-être pas de l’époque où vous avez appris à compter, mais peut-être que vous avez en tête le moment où votre petit frère, vos enfants, vos neveux et nièces ont appris à compter. Les chiffres en eux-mêmes sont immatériels, abstraits… mais dès qu’on parle d’argent, ou de ce qu’on possède, ça devient concret ! 3 bonbons + 1 ou – 1, on fait très bien la différence !

Dans notre chemin vers Pâques, nous nous attardons ces dernières semaines sur les sens de la mort de Jésus sur la Croix, pour mieux saisir la profondeur et la richesse de l’amour de Dieu pour nous en Jésus.



En mars, nous avons vu la Croix comme Rituel (sacrifice, avec la notion que Jésus meurt à notre place, notion associée dans la Bible à une approche juridique : nous sommes coupables devant Dieu, mais Jésus purge notre peine à notre place pour nous offrir un nouveau départ) et comme lieu de Réconciliation (parce que Jésus assume notre culpabilité, tout obstacle entre Dieu et nous est surmonté et nous pouvons entrer dans une relation avec lui marquée par la paix, la joie, la plénitude de son amour).

Une autre image fréquente, c’est celle du rachat. C’est une image commerciale [faire geste argent]. Sur la Croix, Jésus paye pour nos péchés, c’est la rédemption (mot technique dans le vocabulaire religieux qui vient de la même racine en latin que le mot « rachat » – le rédempteur c’est celui qui rachète), et la rémission des péchés, c’est la remise ! tout simplement ! Jésus solde le compte de nos péchés ! Il règle notre ardoise.

Jésus d’ailleurs utilise lui-même cette image, par exemple dans le fameux « Notre Père » :

12 Remets-nous nos dettes, comme nous aussi nous le faisons pour nos débiteurs… (Matthieu 6.12)

4 pardonne-nous nos péchés, et nous aussi, nous remettons sa dette à quiconque nous doit quelque chose (Luc 11.4)

Dans une réponse au disciple Pierre qui pose des questions sur le pardon, Jésus revient à cette notion de dette en comparant l’incommensurable dette que Dieu efface à notre égard, et la dette relative que les autres ont envers nous – nous invitant ainsi à entrer dans la même logique de grâce que Dieu avec nous (Matthieu 18, la parabole du serviteur impitoyable).

Derrière ce réseau d’images qui nous parlent très directement (à l’époque de Jésus comme à notre époque, l’argent est partout !), il y a des sous-entendus que je vous invite à explorer avec un texte de l’apôtre Paul.

Lecture biblique : Lettre de Paul aux Colossiens 1.12-14

Avec joie, 12 rendez grâce au Père qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière.

13 Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et nous a transférés dans le royaume du Fils de son amour ; 

14 en lui nous sommes rachetés, nos péchés sont pardonnés (remis).

L’image du rachat et de la rançon

L’argent est évoqué, pour évoquer la remise de nos dettes par la mort de Jésus. Jésus rachète le crédit que nous ne pouvons pas payer, pour que nous retrouvions crédit aux yeux de Dieu. L’idée, c’est que lorsque nous commettons une faute (quelle qu’elle soit), cela a un coût – nous devrions réparer, mais nous ne pouvons pas payer. Nous avons ainsi une dette vis-à-vis de Dieu. Seul Jésus, muni de sa justice immense, est capable de payer pour les réparations.

Mais Paul ne dit pas : en lui nos dettes sont rachetées ! Non, en lui, nous sommes rachetés. Pourquoi « nous » ? Un mot de contexte. Aujourd’hui en France, si vous êtes trop endetté, vous perdez le droit de gérer vos finances, et c’est quelqu’un d’autre qui gère à votre place. Dans l’Antiquité, il n’y a pas d’organisme qui gère cela : si vous deviez à quelqu’un quelque chose que vous ne pouviez pas payer, vous pouviez vous vendre à son service, devenir son esclave. C’est la version costaud de « ah vous ne payez pas l’addition, faites donc la vaisselle ! » Pour rembourser une dette trop grande, on mettait donc sa vie en gage, et on devenait serviteur à temps plein d’un autre – 24/24, 7/7 : esclave.

Nos dettes nous rendent esclaves. L’image est très juste, au niveau spirituel et psychologique : nos fautes, nos transgressions, nous prennent tout entier. On ne peut pas se mettre à distance : si j’ai commis une faute, je suis fautif, dans mon être, dans mon identité !

Puisqu’on parle d’esclavage, de qui/ de quoi sommes-nous esclaves ? d’abord de nous-mêmes ! Lorsqu’on goûte au péché, c’est comme avec certaines drogues, l’addiction se met en place, nous rentrons dans un engrenage qui nous pousse à recommencer. Parfois parce que nous y avons pris du plaisir, parfois parce qu’on ne se sent pas en danger (« je maîtrise la situation, j’arrête quand je veux ! » – sauf qu’on n’arrête pas), parfois parce que l’effet est immédiat et on ne peut plus se décoller de ce comportement, comme si on tombait dans un tourbillon, une spirale qui nous entraîne vers le bas.

Nous sommes aussi esclaves de l’adversaire de Dieu, le prince des ténèbres, Satan et toute sa clique. Comment ça marche ? changeons d’image : en péchant, en sortant de la lumière de la vie avec Dieu pour mettre un orteil dans les ténèbres, nous tombons dans le panneau. Comme un filet, un piège, dans lequel on marche et qui se referme sur nous tout entiers. Tout notre être se retrouve pris, prisonnier, incapable de revenir en arrière – otage. Otage des ténèbres, qui nous tiennent. Lorsque nous péchons contre Dieu, nous laissons entrer un cheval de Troie dans notre vie, et nous sommes incapables de nous en libérer. Nous sommes dépassés par notre culpabilité.

La notion d’otage ou d’esclave dit bien que le mal, on ne le maîtrise jamais : si on lui cède un doigt, il nous dépasse, nous coince et nous tient. Nous sommes ainsi coupables et victimes de notre propre culpabilité.

          Jésus revient à cette notion d’otage en évoquant sa mort ainsi :

(Matthieu 20.28) le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude.

L’image de la rançon, du rachat des personnes, revient souvent dans les écrits des apôtres, avec une insistance sur le coût de ce rachat, le prix payé : Jésus donne sa vie, son innocence, sa perfection, pour nous arracher à l’esclavage du mal.

Nous arracher ! Pas nous détacher délicatement – nous arracher : cela dit bien le danger de tomber dans l’engrenage du mal, sous la coupe de celui qui ne fait que détruire et pervertir.

          Ainsi Jésus donne sa vie pour payer notre rançon d’otages, payer la dette qui nous rend esclaves – l’image s’arrête là dans le texte biblique, elle a rempli son rôle, n’allons pas spéculer sur une rançon payée à Satan : là on étirerait l’image au-delà de ce que la Bible veut transmettre.

Qui dit fin d’esclavage, dit retour à la liberté. Comment être libérés ? Par la foi en Christ qui paye pour nous ! La foi, qui passe par une phase de lucidité : nous reconnaissons que nous sommes incapables de nous libérer nous-mêmes, incapables de payer nos dettes. Incapables même de stopper notre addiction au mal et de rester dans le vert. Cette lucidité mêlée de tristesse, la Bible l’appelle repentance : je veux changer ! Je ne peux pas me sortir de ma situation, mais je crois que Jésus peut me libérer – alors je saisis sa main.

Avant de voir les conséquences de cette libération, je vous propose de nous approprier cette vérité du Christ qui nous rachète pour la liberté, en chantant En toi je sais qui je suis

Une libération        

  Dans la réflexion de Paul, on passe d’un royaume à un autre. On sort de pour entrer dans. Pour le formuler autrement : on est sauvés de (du péché, du mal, de la mort) pour (vivre dans la justice, la liberté, l’amour…. La vie avec Dieu !). Sauvés de… sauvés pour.

Voyons un peu plus ce « pour » : pour quoi sommes-nous sauvés ? Pour l’héritage : ne pensez pas à un compte en banque, mais à un endroit qu’on hérite, comme on hériterait d’une maison – on entre dans l’héritage, dans ce que Dieu promet à ceux qui lui appartiennent, à sa famille (Dieu ne meurt pas, mais il nous fait jouir de ses biens comme d’un héritage, comme si c’était à nous). Cet héritage, ce lieu de vie dont nous héritons, c’est notre place dans le royaume de Dieu. Notre place dans son équipe, dans sa famille.

Remarque : nous chantons souvent la mort du Christ (et je valide !). Et souvent, nous laissons de côté la résurrection de Jésus. Que nous dit le fait qu’il soit revenu à la vie ? Il est entré dans la pire des captivités, la plus extrême des prisons – la mort. Et il en est sorti. Cela signifie qu’il a tout payé, que la peine a été entièrement purgée : nous avons ainsi l’assurance qu’il a rempli sa mission, car il revient pour nous le proclamer. S’il n’était pas revenu à la vie, nous serions dans le doute : est-ce qu’il manque quelque chose ? Non, c’est bon, le compte est bon, c’est dans le vert, parce que Jésus a tout assumé. Plus encore : ressuscité, Jésus ouvre le chemin vers la maison du Père, la maison de Dieu. En le suivant, nous avons accès à la vie avec Dieu, notre nom sur la liste des invités au banquet, notre place dans son cercle bien-aimé, aux côtés de Jésus, le Fils de son amour.

          Il y a donc transfert. Des ténèbres à la lumière. De l’esclavage à la vie avec Dieu, dans la bonté, la liberté, la joie. Ce transfert est effectif, valable immédiatement, nous en signons le contrat en croyant. Pour autant, le transfert est progressif : c’est notre chemin de sanctification, où nous apprenons à être saints, c’est-à-dire membres de la famille de Dieu. Si on prend l’image du foot : imaginez un très bon joueur qui joue pour le FC Barcelone – il est racheté par le Real Madrid. Il intègre donc cette équipe. Ne faudra-t-il pas un moment pour qu’il apprenne à s’adapter ? qu’il découvre le style de la nouvelle équipe ? le slogan, la mascotte, les habitudes, les stratégies, les réflexes de l’un ou l’autre joueur ?…

Par contre, il ne peut pas jouer pour Madrid avec le maillot de Barcelone ! Même s’il a besoin d’un temps d’adaptation pendant les premiers matchs, il faut que le transfert soit clair. Que sa nouvelle allégeance soit évidente. Il faut que ce joueur transféré soit bien au clair sur son camp, et sur le but qu’il veut atteindre !

          Ainsi Paul, sans connaître encore le football, est très binaire : il y a le royaume des ténèbres et le royaume de Dieu, dans la lumière. Il n’y a pas d’entre-deux sur le terrain. Même si le changement est progressif, nous devons être au clair sur l’identité de notre chef d’équipe ! sur le but que nous voulons atteindre ! Même si notre adaptation est progressive, elle se fait à sens unique, on ne revient pas en arrière… elle est déterminée : nous avons pris position, nous avons pris notre place, par la foi, dans l’équipe de Jésus. Est-ce que, se faire baptiser, finalement, ce n’est pas mettre le maillot de l’équipe ? assumer notre appartenance à l’équipe de Jésus ? Notre désir de suivre sa stratégie, de marquer des points dans le but qu’il vise ?

Ce côté binaire, tranché, nous impressionne peut-être, mais il renferme une bonne nouvelle : même si en devenant chrétiens, nous mettons du temps à acquérir les réflexes du royaume de Dieu, la bonne nouvelle / c’est que nous ne sommes plus sous l’autorité des ténèbres. Notre chef a changé, même si nous mettons du temps à lui obéir complètement : nous ne sommes plus sous l’autorité des ténèbres. L’Autre peut nous tacler (et il ne se gêne pas) mais il n’a plus d’emprise sur nous. Nous sommes dans l’équipe du Dieu d’amour, avec Jésus !

          J’aimerais terminer avec le début du texte : « Avec joie, rendez grâce au Père… » Face à ce don extraordinaire, à ce cadeau de la grâce qui vient combler nos dettes, bien plus, qui vient nous libérer pour la vie avec Dieu, dès aujourd’hui et pour toujours, nous ne pouvons que nous réjouir et dire notre reconnaissance. La louange, c’est la réaction normale ! Et cette louange, cette gratitude, n’est pas qu’une réponse à Dieu : c’est aussi un lieu où Dieu nous oriente, nous réoriente, nous façonne. Lorsque nous prenons conscience du transfert, du chemin parcouru, de l’héritage dans lequel nous sommes entrés, alors… alors il est peut-être plus facile de suivre notre chef d’équipe ! en nous rappelant qu’il est du genre à tout donner pour nous, à se sacrifier pour nous, nous pouvons nous confier à lui avec confiance, le suivre les yeux fermés… parce que même si nous ne comprenons pas toute sa stratégie, nous savons que son projet, c’est notre liberté.




La croix comme lieu de réconciliation (Les sens de la Croix 2/4)

Jésus vient annoncer la venue du royaume de Dieu – il est lui-même le Roi qui s’approche de nous dans notre humanité. Dans notre foi chrétienne, nous croyons que son chemin pour nous rejoindre passe par sa mort sur la croix, comme en un point nécessaire. Comment sa mort sur la croix permet-elle que nous soyons connectés, re-connectés, à Dieu ?

La semaine dernière, nous avons commencé une série sur les sens principaux de la mort de Jésus sur la croix, en commençant par la notion de sacrifice : Jésus se charge de notre culpabilité, à notre place, afin que nous soyons déchargés, déclarés innocents, justifiés – et le NT entremêle l’image du sacrifice et l’image du procès où Jésus se laisse condamner à notre place pour que notre casier judiciaire devant Dieu redevienne vierge. Aujourd’hui, nous nous penchons plutôt sur l’aspect de Réconciliation qu’accomplit Jésus sur la croix.



Lecture biblique : lettre aux Romains 5.1-11

1 Ainsi, nous avons été reconnus justes par la foi et nous sommes maintenant en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ. 

2 Par Jésus nous avons, par la foi, eu accès à la grâce de Dieu en laquelle nous demeurons fermement. Et nous mettons notre fierté dans l’espoir d’avoir part à la gloire de Dieu. 

3 Bien plus, nous mettons notre fierté même dans nos détresses, car nous savons que la détresse produit la persévérance, 4 que la persévérance produit le courage dans l’épreuve et que le courage produit l’espérance. 5 Cette espérance ne nous déçoit pas, car Dieu a répandu son amour dans nos cœurs par l’Esprit saint qu’il nous a donné.

6 En effet, quand nous étions encore sans force, le Christ est mort pour les pécheurs au moment favorable. 7 Déjà qu’on accepterait difficilement de mourir pour quelqu’un de droit ! Quelqu’un aurait peut-être le courage de mourir pour une personne de bien. 8 Mais Dieu nous a prouvé à quel point il nous aime : le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. 

9 Par le don de sa vie, nous sommes maintenant reconnus justes ; à plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère de Dieu. 10 Nous étions les ennemis de Dieu, mais il nous a réconciliés avec lui par la mort de son Fils. À plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés avec lui, serons-nous sauvés par la vie de son Fils. 

11 Il y a plus encore : nous mettons notre fierté en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, grâce auquel nous sommes maintenant réconciliés avec Dieu.

La paix avec Dieu

[v.1,11] Qu’est-ce que vous mettez derrière la notion de « paix » ? Peut-être un repos intérieur, l’absence de sollicitations/sur-sollicitations, le moment où enfin on souffle, l’absence d’inquiétude, le fait d’être certain (j’ai pris cette décision et je suis en paix), l’absence de conflits ou la résolution d’un conflit… Nous sommes en paix avec Dieu. Comment le comprendre ? dans l’Antiquité, la paix, c’est d’abord l’absence de conflits, de tensions.

Grâce au Christ, et à sa mort sur la Croix, nous sommes maintenant en paix avec Dieu, réconciliés (v.11). Sous-entendu, nous étions en conflit avec lui ! Le conflit peut prendre différentes formes, mais d’après la Bible, il vient de ce que nous avons tourné le dos à Dieu. Être « ennemis » de Dieu, c’est un grand mot ! Cela semble agressif, comme si on essayait de l’attaquer. Vous ne vous reconnaissez peut-être pas dans cette image !

Mais pensez à votre vie courante : un collègue qui vous ignore au quotidien, qui ne répond pas à votre « bonjour », qui signe à votre place les courriers recommandés pour vous, qui repasse derrière vous pour réécrire vos rapports – vous vous sentez insultés, non ? Même s’il ne vous dit rien ! Même s’il ne vous touche pas !

Sans même parler d’aller à l’encontre de ce que Dieu désire (et on l’a tous fait !), la simple indifférence au Dieu créateur (il est plus qu’un collègue !…) est une insulte. Donc oui, par action et par omission, l’humanité est de fait ennemie de Dieu. Et elle suscite sa colère, comme ce collègue qui nous met en rogne.

La semaine passée, avec l’image du sacrifice ou du procès, on parlait plutôt de notre culpabilité, de nos taches à effacer – quand on évoque la réconciliation, on prend en compte la réaction de Dieu à notre culpabilité, sa colère devant l’injustice. L’injustice sous toutes ses formes, pas seulement mépriser Dieu, mais aussi nos dysfonctionnements dans notre rapport à l’autre, dans notre société, dans notre rapport à d’autres peuples, dans notre rapport à la nature. Comme Dieu est le Créateur, le Souverain sur tout ce qui existe, ce que nous faisons à l’un ou à l’autre, voire à nous-mêmes, cela touche Dieu – et tous nos dysfonctionnements, toutes nos injustices le choquent !

Mais Dieu ne reste pas dans sa colère : il choisit de faire la paix avec nous, littéralement. C’est lui qui vient, en tant qu’homme, en la personne de Jésus et il meurt, alors que c’est nous qui méritions de disparaître. Ainsi, puisque les injustices sont payées (même si la réparation est en cours), la colère de Dieu s’apaise, le conflit s’éteint. Et c’est à partir de là que la connexion avec Dieu peut se rétablir, que nous pouvons entrer dans une paix positive, une relation paisible.

Dans les spiritualités contemporaines, spiritualités New Age plus ou moins diluées, on mise sur cette connexion à un Être transcendant, à une « énergie » qui nous dépasse. C’est une préoccupation tout à fait valable : le désir d’être connecté aux autres et à l’Autre. D’après ce que je comprends, dans les représentations courantes de ces spiritualités (je ne suis pas une spécialiste), certains se connectent par la méditation, la gratitude, les gestes etc. Mais il manque une étape ! Cette « énergie » n’est-elle pas perturbée par nos dysfonctionnements internes et externes ? Comment notre connexion peut-elle ne pas être brouillée ? Imaginer que dans notre état et dans l’état de notre monde, il suffit d’appuyer sur un bouton pour être connecté à cette énergie positive, c’est au mieux illusoire, au pire hypocrite. Alors dans certains courants, il faut s’astreindre, se purifier : mais si je fais partie du problème, du brouillage, comment pourrais-je arriver moi-même à une solution ? C’est illusoire ! Vu nos déconnexions, pour se reconnecter, il faut bien une intervention spéciale, qui ne vient pas de nous ! La Bible affirme que c’est l’Autre, Dieu, qui prend en charge cette intervention en allant sur la Croix en la personne de Jésus, pour payer le coût des injustices et de leurs réparations – par lui, la paix peut être rétablie.

Une relation riche

Et quelle paix ! Paul détaille les privilèges de notre relation restaurée avec Dieu : nous avons accès à lui (nous avons nos entrées ! nous sommes VIP !), nous sommes fermement établis dans sa grâce (nous y sommes campés, installés, nous y avons fait notre résidence principale, la grâce de Dieu c’est notre adresse !), nous avons reçu son amour dans notre cœur (« répandu » : ce n’est pas un goutte-à-goutte, c’est un torrent qui se répand, c’est l’Esprit de Dieu lui-même qui assure la connexion très haut débit avec Dieu). Nous sommes « à l’aise » avec Dieu, nous sommes ses proches, ses intimes, ses amis.

En hébreu, le mot « paix » se dit « shalom » et derrière ce mot shalom, il y a l’absence de conflit, mais aussi la prospérité, l’épanouissement, la croissance, la joie… Quand Paul, d’arrière-plan juif, dit « nous sommes en paix avec Dieu », il pense à la fois à la réconciliation nécessaire, et à toute la richesse de la relation que Dieu veut vivre avec nous, nous qu’il appelle son peuple, ses enfants, ses héritiers.

Une relation à toute épreuve

Alors si nous sommes les enfants que Dieu aime, que penser de nos difficultés de vie ? [v.3-4] Paul n’est pas naïf : il sait que, une fois réconciliés avec Dieu, nos difficultés ne disparaissent pas pour autant. Mais c’est un problème spirituellement : pourquoi ceux que Dieu aime souffrent-ils ? Quand ce sont des difficultés parce que d’autres rejettent notre foi, on peut éventuellement comprendre : le Christ a été rejeté alors qu’il n’était qu’amour, justice et vérité, donc en le suivant, on court le même risque. Mais que faire des difficultés inutiles, insensées : une maladie, un accident, un cataclysme ? N’allons-nous pas interpréter ces épreuves comme un signe que nous ne sommes pas si proches de Dieu que ça ? Que nous ne sommes pas vraiment dans sa grâce ? qu’il nous aime moins que d’autres ?

Même si nous sommes chrétiens, même si nous avons pleinement accès à Dieu aujourd’hui, nous ne goûtons aujourd’hui qu’une partie de cette plénitude, qu’une partie de sa bénédiction, en attendant que les travaux de réparation de notre monde, payés d’avance par le Christ sur la croix, soient terminés. Ainsi, puisque nous sommes encore dans un monde qui souffre, comme d’autres les chrétiens rencontrent des souffrances injustes – et Paul invite à changer de regard : les épreuves ne sont pas un désaveu de la part de Dieu, mais un signe de notre monde encore en souffrance, et dans ces difficultés, nous pouvons approfondir notre relation avec Dieu. Comme les vrais amis qui se révèlent dans la difficulté (sans qu’on recherche la difficulté !), l’amitié avec Dieu se révèle et s’approfondit lorsqu’on est sous tension, dans l’espérance.

          Cette espérance nous permet de tenir. Mais, Paul pose la question, certains pourraient pâlir devant l’espérance, devant la perspective de se retrouver face-à-face avec Dieu. Au jugement dernier : est-ce que notre foi en Christ suffira ? est-ce que la croix couvrira tout ? Alors je pense qu’on a tous vu des tableaux assez effrayants de ce jugement dernier. Sans aller dans le baroque, je pense qu’au minimum on peut imaginer que le jour où nous serons dans la pleine lumière de Dieu, comme un énorme projecteur braqué sur nous, même si nous sommes convaincus de l’amour de Dieu, nous serons aussi impressionnés par sa majesté, sa beauté, sa pureté, sa justice – comment alors ne pas se sentir indignes de Dieu ? ce que nous tolérons aujourd’hui, ce que nous nous empressons d’oublier ou ce que nous ne voyons même pas, tout cela apparaîtra – et on ne peut qu’en être gênés, en avoir honte !

Pourtant, Paul l’affirme : si la mort du Christ a couvert nos injustices quand nous étions les ennemis de Dieu, à combien plus forte raison maintenant que nous sommes ses amis, l’amour du Christ couvrira notre honte ! qui peut le plus, peut le moins ! Nous pouvons être sûrs de son pardon et de son amour, aujourd’hui et jusque dans l’éternité en passant par ce moment impressionnant où nous serons face à la justice de Dieu.

          Vivre la réconciliation aujourd’hui

          Si nous croyons que Jésus nous a réconciliés avec Dieu, alors nous avons la plus ferme des assurances – c’est de là que Paul tire sa paix, sa joie, son espérance infaillibles. Le Christ nous a acquis l’amour de Dieu, et personne ne peut porter atteinte à la paix qu’il a établie – il la tient dans ses mains de ressuscité.

Donc soyons sûrs, pas de nous, de lui ! soyons sûrs, pas arrogants, mais fiers, marchons la tête haute, fermement établis dans la grâce de Dieu en Christ ! Emparons-nous, jour après jour, de ce privilège : nous avons accès à Dieu, nous sommes ses enfants bien-aimés, ses proches, ses amis.