Vraie et fausse sagesse

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Lecture biblique: Jacques 3.13-18

On retrouve Jacques et ses défis. Tu dis que tu as la foi ? prouve-le ! tu dis que tu es intelligent ? prouve-le ! Plus tôt, Jacques a montré que la foi, c’est plus qu’une simple conviction sur Dieu : c’est une relation avec Dieu, marquée par la confiance, qui influence la vie entière. Maintenant Jacques s’attaque à la sagesse, à l’intelligence, à la façon dont nous définissons la maturité chrétienne. De même que la relation spirituelle que nous avons avec Dieu influence et transforme notre caractère et notre comportement, de même, notre maturité de chrétiens se mesure sur le plan des connaissances tout autant que sur le plan du caractère et du comportement.

En effet, Jacques met les choses au clair : la vraie sagesse, qui vient de la relation de foi que nous avons avec Dieu, touche tous les domaines de notre vie. Il disqualifie ainsi une certaine conception de la sagesse, qui se définirait par le savoir (intellectuel) ou éventuellement le savoir-faire (compétences pratiques, expertise, expérience) mais qui négligerait le savoir-être. La sagesse, dans la Bible, c’est d’abord un savoir-être, qui touche toute notre vie.

1)      Non à une demi-sagesse

C’est sur cette base que Jacques interpelle ses interlocuteurs et particulièrement ceux qui se considèrent sages : peut-être exercent-ils des responsabilités dans l’église, peut-être ont-ils de l’expérience dans la foi, peut-être connaissent-ils les Écritures saintes sur le bout des doigts, ou sont-ils capables de former de plus jeunes chrétiens… Toujours est-il que cela ne suffit pas pour définir la maturité chrétienne. C’est comme un arbre qui grandit : il doit développer son tronc et ses branches, pour pouvoir porter du fruit, mais aussi ses racines – on dit d’ailleurs qu’il y autant de racines souterraines que de branches visibles. Ici, Jacques dénonce une sagesse à plusieurs vitesses, incohérente, qui fait les choses à moitié et se trompe en fait complètement de chemin. Suivre Dieu, c’est le suivre de tout notre cœur – en tout cas, vouloir le suivre de tout notre cœur. Jacques ne parle pas de ceux qui échouent – on est malheureusement tous dans ce cas – mais de ceux qui renoncent à essayer, de ceux qui se contentent de l’apparence de la sagesse sans la chercher de tout leur cœur : une sagesse hypocrite, qui repose sur un masque, la réputation, l’ancienneté, les connaissances, mais qui ne touche pas le cœur. Car la vraie sagesse n’est pas seulement dans la tête : comme l’arbre développe racines, branches et tronc, le sage est celui qui grandit en sagesse dans ses connaissances, dans son caractère et son comportement.

Jacques évoque un élément en particulier : le problème de l’ambition personnelle et des rivalités avec les autres. En effet, les communautés auxquelles il écrit sont traversées par des conflits de personnes qui sabotent la vie communautaire. Jacques touche donc à la racine de ces conflits : l’ambition personnelle, la jalousie, la comparaison, la rivalité. Cependant, Jacques n’est pas le seul à évoquer les problèmes de l’ego : Paul adresse les mêmes reproches aux Philippiens par exemple, en les exhortant à l’humilité, et on voit déjà les disciples demander à Jésus : qui est le plus grand ? qui sera à ta droite, Seigneur ?

Pourquoi cette question de l’ambition personnelle ? des rivalités ? de la comparaison ? du désir de pouvoir, de grandeur, de supériorité ? Peut-être parce qu’au début de la vie chrétienne, on s’attache à éviter les péchés évidents : l’addiction, une vie sexuelle déréglée, le vol, le mensonge, l’infidélité… mais ensuite il reste, et ce n’est pas le moindre, le péché caché, tapi au fond de nous, invisible aux autres mais visible à Dieu : l’orgueil qui est en nous, et qui nous pousse à chercher la première place, à nous comparer, à juger avec rancune, amertume, mépris. Ce vieil orgueil qui voulait nous faire prendre la place de Dieu, au jardin d’Eden, et qui a opposé Adam à Eve, dans l’accusation et le reproche. Cet orgueil est incompatible avec la vraie sagesse, car il influence notre comportement et le pollue : il n’y a donc pas de quoi se vanter ! Plus encore, et là je crois que Jacques nous titille dans notre mauvaise foi, le demi-sage ne doit pas justifier son manque de sagesse !

Bien sûr, nous sommes tous pleins de bonne volonté, et personne ne veut être hypocrite ou orgeuilleux ! Et pourtant, parfois, nous cédons à la tentation de la facilité, du compromis avec notre péché. Parfois nous arrêtons de lutter contre nous-mêmes, contre notre arrogance, contre nos motivations douteuses, contre ce mépris de l’autre. Et le danger, quand nous arrêtons de lutter, c’est de le justifier : « ah mais je suis comme ça ! Je me suis mis en colère contre lui, mais enfin, je ne pouvais pas le laisser parler de Dieu/de l’église/ de moi comme ça ! » Jacques répond : « tu te crois sage parce que tu as rétabli la vérité ? mais la vraie sagesse ne fait pas l’impasse du respect de l’autre. » Avec ce texte, Jacques nous empêche de réarranger la sagesse à notre sauce, selon nos points forts ou nos progrès : la sagesse au rabais ne vaut pas mieux que celle d’un incroyant ou même d’un démon !

2)      La sagesse des humbles

Quelle est alors la vraie sagesse, celle qui transforme toute la personne, esprit, cœur, et corps ?

On peut être étonné de voir que Jacques définit surtout la sagesse par la douceur et le pacifisme, dans les motivations comme dans les actions : le sage est doux, humble, pacifique, cherche la justice avant ses propres intérêts, sert les autres. C’est le modèle que propose aussi Pierre, qui décrit la vie chrétienne comme une vie marquée par l’honnêteté, la maîtrise de soi, la patience, la fidélité, l’amitié et l’amour envers les autres (2 Pierre 1.5-7). C’est ce que dit Paul : le fruit de l’Esprit de Dieu qui travaille en vous, c’est : amour, joie, paix, patience, bonté, service, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi (Galates 5.22-23). Et tous ces apôtres ne font que reformuler ce que disait Jésus : heureux ceux qui se savent pauvres en eux-mêmes, les doux, les assoiffés de justice, ceux qui œuvrent à la paix, ceux qui ont le cœur pur, ceux qui sont compatissants (Matthieu 5.3-8). Voilà le portrait de l’homme sage, et qui est-il sinon le Christ lui-même, lui qui a dit : « venez à moi, car je suis doux et humble de cœur » (Matthieu 11.28-29) ? Ce portrait c’est celui de Jésus, lui-même, lui qui a renoncé à tous ses privilèges pour se faire le plus petit des hommes, pour servir, lui qui a donné sa vie pour réconcilier les hommes avec Dieu et entre eux !

Notre modèle de sagesse n’est rien moins que le Christ lui-même : c’est lui, notre vocation ! lui qui ne sépare pas la vérité de l’amour, la justice du pacifisme. En Jésus-Christ, Dieu nous a accordé le pardon et le salut – mais dans quel but ? que nous recevions cette grâce et que nous la vivions pour être de plus en plus à l’image de Dieu, pleins de grâce et de vérité, fidèles et justes, riches en bonté et lents à la colère – à l’exemple du Christ qui révélait Dieu avec perfection. En Christ, nous apprenons que la fin ne justifie jamais les moyens, que la victoire ne passe pas par le sacrifice de l’autre, mais par le sacrifice de soi, par la générosité, le service, l’abaissement, l’amour.

En regardant le Christ, qui peut se targuer d’être sage ? qui peut se vanter d’avoir compris ? qui peut se croire supérieur au plus petit d’entre nous ? Jacques nous force à redescendre de notre piédestal illusoire : en réalité nous sommes encore loin de ressembler au Christ, même les pasteurs, même les responsables, les plus anciens, ou les plus pieux, nous sommes encore loin de ressembler au Christ. Avec ce constat, Jacques nous pousse à l’honnêteté et à l’humilité, à la repentance, à scruter notre cœur pour débusquer ce qui déforme encore l’image de Dieu que nous sommes appelés à refléter.

Jacques ne veut pas que nous nous arrêtions au triste constat de ce que nous sommes, mais que nous regardions au Christ pour tendre vers lui, pour grandir vers lui, pour nous rapprocher de lui. Au début de sa lettre, il nous rappelle cette promesse : « Si quelqu’un parmi vous manque de sagesse ( !), qu’il la demande à Dieu, et Dieu lui donnera cette sagesse. En effet, Dieu donne à tous, généreusement, sans faire de reproches. » (Jacques 1.5) Dieu veut que nous lui ressemblions, et il nous donne un modèle : le Christ, il nous donne aussi l’Esprit qui nous transforme intérieurement, qui fait l’essentiel d’ailleurs du travail ! Notre part, c’est de le lui demander, de chercher de tout cœur à ressembler au Christ ! à faire de la douceur et de la paix, de la justice et de la bienveillance notre objectif de développement personnel !

Que la douceur et la paix soient notre objectif de développement personnel, mais aussi communautaire ! Qu’elles président à nos projets, à nos ambitions, à nos relations… Qu’elles nous impressionnent, plus que les discours brillants, les diplômes élaborés ou les années d’expérience. Que la douceur et la paix deviennent notre priorité, même dans les désaccords ou les tensions : que nous ne cherchions pas à faire ou à savoir avant d’être, être à l’image du Christ, qui s’est donné pour nous.

Conclusion

Jacques nous encourage à être exigeants, à chercher de toutes nos forces à grandir en Dieu – dans les mots de Paul : « Je ne veux pas dire que j’ai déjà atteint le but, ou que je suis parfait ! mais je continue à courir pour saisir le prix, parce que le Christ Jésus m’a déjà saisi. […] J’oublie la route qui est derrière moi, je suis tendu en avant et je fais la seule chose importante : courir vers le but. » (Philippiens 3.12-14)

Pourquoi ? parce que le Christ nous a fait renaître, par son Esprit, à une vie nouvelle. Il s’est donné lui-même pour nous arracher aux tentacules du mal, du péché, du mépris, de la jalousie, de la rivalité, pour faire de nous les enfants de Dieu, pour faire de nous des frères et des sœurs, témoins de l’amour de Dieu dans le monde. Alors demandons, demandons sans cesse, que Dieu nous fasse croître, petits et grands, dans sa sagesse, la sagesse du Christ.

Une réflexion sur « Vraie et fausse sagesse »

  1. Jacques nous appelle à la vigilance pour ne pas succomber à nos “tentations égoïstes”.

    C’est difficile, je le sais, pour l’avoir vécu dans différentes circonstances.

    Garder nos regards et notre coeur sur l’oeuvre de Jésus, pour nous, à la Croix sont le début de l’apprentissage de la VRAIE sagesse et conduisent à une foi réelle.

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