La langue, un organe petit mais costaud !

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Lecture biblique : Jacques 3.1-12

En Français, il y a pas mal d’expressions avec le mot langue. Mais peu ont un sens vraiment positif : ne pas tenir sa langue, être mauvaise langue, avoir une langue de vipère, avoir la langue bien pendue, ne pas avoir la langue dans sa poche, avoir la langue qui fourche, tourner sept fois sa langue dans la bouche avant de parler…

Et Jacques, dans notre texte, ne va pas vraiment redorer le blason de ce petit organe ! Son argumentation repose sur un langage très imagé. C’est peut-être la plus grande concentration de métaphores dans la Bible ! Ainsi, la langue est comme un mors dans la bouche des chevaux, comme un gouvernail sur un bateau, comme une petite flamme qui met le feu à toute une forêt, comme un animal indomptable, comme une source qui donnerait de l’eau douce et de l’eau salée, comme un figuier qui donnerait des olives ou une vigne qui donnerait des figues.

Toutes ces métaphores, qui soutiennent le raisonnement de Jacques, peuvent être classée en trois catégories :

  • Les trois premières soulignent la puissance de ce petit organe : la langue, c’est petit mais costaud !
  • La quatrième souligne son caractère incontrôlable : la langue est un animal indomptable.
  • Avec les trois dernières, on passe du constat à l’exhortation : il faut que ça change !

 

Petit mais costaud !

La première étape de l’argumentation de Jacques est de souligner la force qui réside dans ce petit organe de la parole qu’est la langue. La langue, c’est petit… mais c’est costaud !

Les deux premières images sont plutôt positives : le mors dans la bouche du cheval ou le gouvernail, c’est très bien. Ça permet de voyager, de diriger un cheval ou un bateau. La troisième image par contre est beaucoup plus négative… et c’est celle que Jacques développe le plus. Une petite flamme peut à elle seule mettre le feu à toute une forêt. On sait qu’un simple mégot de cigarette peut être à l’origine de terribles incendies. De même, une seule parole peut avoir un effet dévastateur…

Ces métaphores soulignent la force des paroles, leur véritable puissance de vie ou de mort. Qu’est-ce qu’une parole ? Une combinaison de quelques sons, quelques ondes émises par notre bouche. Ce n’est rien… et pourtant quelle puissance potentielle !

On ne doit pas négliger la force d’une parole d’encouragement pour retrouver de l’assurance, d’une parole de réconfort pour être consolé, d’une parole sage pour conseiller dans une prise de décision. Ces paroles-là peuvent marquer une vie.

Mais on doit aussi être conscient de la puissance destructrice d’autres paroles. Une insulte ou une moquerie qui ridiculise en public peut blesser profondément. Une parole humiliante peut laisser des traces toute une vie : « tu n’arriveras jamais à rien ! ». Une rumeur qu’on propage peut salir une réputation pour longtemps. Voilà autant de petites flammes qui peuvent embraser toute la forêt d’une vie…

C’est pourquoi Jacques se concentre sur les dangers des paroles destructrices. Est-ce parce qu’il est plus facile de faire du mal que de faire du bien avec nos paroles ? En tout cas, la puissance destructrice des paroles est soulignée de façon saisissante dans le verset 6. Cela ressort bien dans la version de la TOB : « La langue aussi est un feu, le monde du mal ; la langue est installée parmi nos membres, elle qui souille le corps entier, qui embrase le cycle de la nature, qui est elle-même embrasée par la géhenne. »

C’est terrible ! Mais Jésus n’a-t-il pas dit dans le Sermon sur la Montagne que le commandement « tu ne tueras point » concerne jusqu’à nos paroles de haine et de colère ? Oui, une parole peut blesser, voire même tuer !

 

Un animal indomptable

La quatrième métaphore est indirecte : les êtres humains sont capables de dompter tous les animaux mais la langue, elle, personne ne peut la dompter. L’image prolonge celle du feu destructeur. Mais l’insistance ici n’est pas sur la puissance inversement proportionnelle à la taille de la langue mais sur le caractère incontrôlable de la parole, ou peut-être plus précisément de ses conséquences.

La langue est un animal indomptable, et c’est bien regrettable parce que, en plus, c’est un animal venimeux ! Jacques parle d’un poison mortel qu’elle distille.

En quoi la langue est-elle indomptable ? D’abord, sans doute, parce qu’il nous arrive à tous de nous laisser piéger par notre langue. Qui n’a jamais dit une parole qu’il regrette aussitôt qu’il l’a prononcée ? D’ailleurs, Jacques dit que si quelqu’un arrive à toujours contrôler sa langue, il est parfait !

Il y a peut-être une autre raison pour laquelle la langue est indomptable. Lorsqu’une parole est dite, elle est donnée, elle nous échappe complètement. Une parole dite est indomptable, les conséquences de cette parole sont incontrôlables. Et on ne soupçonne pas les effets que peuvent produire telle ou telle parole !

Vous avez sans doute comme moi des exemples à l’esprit. Je pense à des personnes qui m’ont dit : « un jour tu as dit cela, dans un entretien, dans une prédication, et ça a été un déclic pour ma vie ». Ou, à l’inverse, « un jour, dans cette circonstance, tu as dit cela et je ne l’ai toujours pas avalé, ça m’a blessé ». Et dans un cas ou l’autre, je ne me souviens pas forcément de l’avoir dit…

Ce sont des expériences que l’on vit, dans notre famille, avec nos amis, dans l’Église… Prenons conscience qu’aucune parole n’est anodine. Et que les conséquences nous échappent… pour le meilleur ou pour le pire.

 

Il faut que ça change !

Les trois dernières métaphores sont l’occasion pour Jacques de passer du constat et de la mise en garde à l’exhortation : « Bénédiction et malédiction sortent de la même bouche ! Mes frères et mes sœurs, cela ne va pas ! » (v.10) On pourrait dire : il faut que ça change !

Les métaphores sont issues de la nature. Une source est soit d’eau douce soit d’eau salée. Un figuier donne des figues, pas des olives. Un vigne donne des raisins, pas des figues. Ce sont des évidences… alors comment peut-on accepter qu’une même bouche chante les louanges de Dieu d’une part, et maudisse des être humains créés à l’image de Dieu d’autre part ? Il faut que ça change.

Mais il y a un problème : si on ne peut pas dompter sa langue, que faire ? La métaphore de la source pointe vers l’intériorité, vers le cœur. La langue ne peut pas être domptée, mais la source peut être purifiée. Et on peut penser ici à l’enseignement de Jésus sur ce qui souille l’être humain, non pas ce qui y entre mais ce qui en sort :

“Mais ce qui sort de la bouche vient du cœur. Voilà ce qui rend une personne impure. En effet, les mauvaises pensées sortent du cœur. Alors les gens tuent les autres, ils commettent l’adultère, ils ont une vie immorale, ils volent. Ils mentent devant le tribunal et ils disent du mal des autres.” (Matthieu 15.18-19)

La source, c’est notre cœur. C’est là qu’il faut travailler, pas sur la langue. Il faut purifier le cœur plutôt que brider la langue ! Ou plutôt laisser Dieu purifier notre cœur, en laissant sa Parole prendre racine dans notre cœur, en laissant agir son Esprit en profondeur, en cultivant l’intimité avec Dieu.

Une promesse de Jésus, en lien avec le Saint-Esprit, me paraît essentielle ici :

“Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive ! Celui qui met sa foi en moi, — comme dit l’Ecriture — des fleuves d’eau vive couleront de son sein.” (Jean 7.37b-38)

La voilà, la source dont nous avons besoin ! Elle transforme notre cœur en source d’eau vive, celle du Saint-Esprit. C’est une promesse de Jésus. Par l’œuvre en nous de l’Esprit de Dieu, il peut sortir de notre cœur, et donc de notre bouche, non plus un feu destructeur mais une eau vive rafraîchissante. Cette langue indomptable peut devenir un instrument de bénédiction dans les mains de Dieu. Ce n’est pas nous qui bridons notre langue, c’est Dieu qui l’utilise, en faisant couler des fleuves d’eau vive de notre cœur habité par son Esprit.

 

Conclusion

Le problème, c’est la langue. La solution, c’est le cœur. Et justement, c’est là que Dieu veut faire sa demeure en nous, par son Esprit. Laissons-le s’installer, laissons-le purifier notre source, laissons-le y faire jaillir des fleuves d’eau vive.

Le jour de la Pentecôte, où le Saint-Esprit a été donné aux croyants rassemblées à Jérusalem, des langues de feu sont apparues sur les disciples et ces langues-là les ont poussé à proclamer les merveilles de Dieu.

Alors, par ce même Esprit, nous pouvons répondre aux paroles de haine, aux mauvaises langues et aux langues de vipères, par des paroles d’amour, de grâce et de pardon, qui peuvent éteindre bien des incendies.

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