L’amour fou de Dieu (III): Justice et compassion de Dieu

image_pdfimage_print

Lecture biblique : Osée 11

Continuons notre série sur le livre du prophète Osée, en sautant quelques chapitres, pour lire le ch.11. Nous sommes au 8e s. av. J-C, et Dieu décide de confronter son peuple, et en particulier le royaume du Nord d’Israël, qu’il désigne par le nom d’une tribu, Éphraïm. Dans les ch. précédents, il y a un véritable procès contre l’infidélité du peuple vis-à-vis de Dieu. Dieu va même jusqu’à utiliser l’image de l’époux bafoué, trompé, par une femme adultère et volage, ce que nous avons vu les dernières fois. Il crie son amour pour son peuple, mais aussi sa colère devant la trahison subie. Le ch. 11 nous introduit dans les pensées de Dieu alors qu’il va rendre son jugement.

Est-ce que Dieu peut nous abandonner ? Est-ce que Dieu peut venir à bout de son amour pour nous ? Est-ce qu’on peut atteindre les limites de ce que Dieu peut supporter ? Quand on l’a oublié, et qu’on a glissé loin de lui, depuis des années… Quand on s’est mis dans une situation si éloignée de ce que Dieu veut, que notre culpabilité semble être un obstacle infranchissable. Le livre d’Osée nous parle de l’amour fou de Dieu pour son peuple, le peuple d’Israël à l’époque, le peuple des croyants aujourd’hui, le peuple de ceux que Dieu a un jour appelés ses enfants. Un amour fou, décrit au début du livre sous l’image d’un époux qui fait tout pour reconquérir sa femme infidèle, décrit ici sous les traits d’un Père rempli d’amour et de justice.

1)   L’amour trahi

L’amour de Dieu, ce n’est pas vraiment ordinaire dans la pensée ancienne. Les dieux antiques sont plutôt des puissances, souvent dotées d’un sale caractère, avec qui on fait affaire pour avoir le moins de problèmes possibles. Pour apaiser ces puissances, on les nourrit à l’aide de viandes sacrifiées, on les amadoue avec de l’encens, on évite de les vexer en reconnaissant publiquement leur pouvoir. La conception païenne des dieux ne contient pas de dimension d’amour : c’est du donnant-donnant.

En contrepoint, le portrait que dresse Osée du Dieu d’Israël se caractérise par la grâce, un amour que rien ne mérite. Exemple : alors qu’Israël est encore esclave en Égypte, Dieu nourrit de l’amour pour lui. Et de cet amour découle une main tendue : Dieu prend l’initiative d’appeler Israël, d’en faire son fils, de le mettre à part. C’est l’exode, la sortie d’Égypte, avec Moïse. Toutefois, malgré une libération miraculeuse et impressionnante, malgré cette vocation extraordinaire à être fils du Dieu vivant, Israël, dès les premiers jours, s’éloigne de Dieu. Vous connaissez cet épisode du veau d’or : alors que Moïse est encore sur la montagne du Sinaï en train de copier les tables de la Loi, Israël fraîchement délivré par Dieu se rue dans l’idolâtrie et se fabrique une statue à adorer. C’est le premier faux pas d’Israël, et malheureusement il sera suivi par des centaines d’autres : Israël ne cessera pas de se détourner de Dieu, de lorgner vers le champ voisin où l’herbe leur paraît plus verte…

Face à cette infidélité et à cette ingratitude, que fait Dieu ? Il persévère. Il envoie ses prophètes, il multiplie ses interventions miraculeuses, mais Israël reste sourd et persiste dans son idolâtrie. Les responsables du peuple, et le peuple avec, au lieu de chercher en Dieu leur assurance et une direction pour leur vie, cherchent d’autres solutions. Lorsque vient le printemps, Israël se tourne vers Baal, cette idole phénicienne qui était censée garantir la fertilité des champs, au lieu de faire confiance à Dieu. Lorsque la politique internationale place le pays dans une situation délicate, au lieu de consulter Dieu pour savoir comment agir, Israël se tourne vers… l’Égypte ! Non seulement ils se tournent vers une puissance humaine, faible, illusoire, mais en plus ils retournent vers leur ancien bourreau, comme s’ils n’avaient pas été délivrés de l’esclavage ! non seulement ils agissent comme si Dieu ne pouvait pas les aider aujourd’hui, mais en plus ils bafouent le miracle de l’exode en faisant marche arrière.

L’intérêt de passer du temps à lire l’AT, c’est qu’Israël est une miniature de l’humanité, et les défauts du peuple d’Israël sont aussi nos défauts. L’obstination à chercher des solutions tout seul, le refus de suivre Dieu selon ses termes à lui, la volonté de choisir soi-même le chemin quitte à s’égarer dans des marécages boueux… C’est la rébellion du non-croyant, mais aussi l’hypocrisie du croyant, son ambiguïté, son incrédulité.

Évidemment, une telle situation conduit à la condamnation du peuple. Devant une telle obstination, malgré la patience de Dieu, le verdict finit par tomber : Israël n’est pas mieux que les nations païennes, et il mérite le même jugement. Le texte cite Adma et Tseboïm, deux petites villes détruites en même temps que Sodome et Gomorrhe, pour montrer qu’Israël mérite le même sort, à force de rejeter Dieu sans cesse. Ce jugement, c’est la colère de Dieu qui s’abat sur un peuple ingrat et rebelle, qui n’a cessé de faire la sourde oreille et de se moquer de Dieu.

2)  Rebondissement : la compassion de Dieu 

Le livre, voire même la Bible, aurait pu s’arrêter ch.11 v.7 : le peuple d’Israël, comme l’humanité dans son ensemble, après avoir ignoré Dieu maintes fois, est voué à la destruction, point. Mais l’extraordinaire originalité du message biblique, c’est que les preuves de notre péché ne sont pas les seules à peser dans la délibération. Au verset 8, un autre argument fait irruption : Dieu ne peut pas se résoudre à abandonner son peuple. Un dilemme se pose à lui : comment juger ce peuple ingrat comme il le mérite, alors que Dieu l’aime si intensément ? Le prophète nous fait ressentir la profondeur de la compassion de Dieu qui lutte en quelque sorte avec sa colère : « comment pourrais-je t’abandonner, Éphraïm, comment pourrais-je te livrer à l’ennemi, Israël ? te détruire comme Sodome, ou t’anéantir comme Gomorrhe ? » (v.8)

Depuis le début de l’histoire d’Israël, Dieu a fait preuve d’amour et de compassion, comme un jeune père qui dès le début déborde d’amour pour son enfant, qui l’aide à faire ses premiers pas, en le tenant par les mains (geste). C’est fou d’imaginer Dieu avec ces gestes-là, cette intimité, cette douceur ! Comme quand il prend le bébé pour le tenir contre ses joues…

Parfois on a l’impression que l’AT présente le Dieu juge et que le NT montre l’amour de Dieu : mais le père qu’Osée décrit n’a rien à envier au père du fils prodigue ! C’est le père qui s’implique tout entier pour conduire et protéger son enfant, avec douceur, sans le blesser. Et cet amour viscéral n’est pas épuisé par les rebuffades d’Israël. Bouleversé à la perspective d’abandonner son enfant – Dieu en a littéralement le cœur retourné – le Seigneur refuse de laisser Israël au jugement qu’il mérite et il livre sa décision v.9 : je n’agirai pas selon ma colère.

Dans ce texte, Dieu assume à la fois son amour et sa colère. Il n’est pas froid, impassible, ou détaché de sa création. Aussi fou que cela puisse paraître, l’Eternel sur son trône céleste ressent un amour paternel, tendre, proche, intime, qui dépasse infiniment tout amour humain, un amour qui fait place aussi à la colère quand il y a injustice et péché.

Cela dit, Dieu est Dieu, et pas un homme. Dieu n’est pas esclave de ce qu’il ressent, comme s’il suivait malgré lui ses pulsions. On voit que Dieu maîtrise parfaitement sa colère, qu’il ne se laisse pas aveugler. Il passe en revue les jugements que mérite le peuple, mais il ne laisse pas emporter ou déborder : il n’est pas comme le taureau qui voit rouge, mais, tout en assumant son indignation légitime, il sait la maîtriser.

3)   La grâce au nom de la sainteté 

Que change l’amour de Dieu dans le procès ? Le peuple d’Israël subira quand même une peine, et pas la moindre : l’exil. Le peuple sera déporté en Assyrie, vers le nord, et perdra ses terres. Le mal ne peut pas rester sans réponse de la part de Dieu : ce serait scandaleux de seulement regarder ailleurs, même par amour. Le mal, le péché, et tous les dégâts qu’il entraîne, doit être éradiqué, ôté, retranché, parce qu’il est intolérable.

La grâce de Dieu intervient dans le fait qu’il limite la portée du jugement et qu’il ne permet pas que le jugement soit le dernier mot de l’histoire. Ce qui est étonnant, c’est que la raison pour laquelle Dieu restreint son jugement, c’est sa sainteté. En général, on associe la sainteté à la pureté, à la justice, à la défense sans compromis de la vérité. La sainteté de Dieu est généralement perçue comme la raison de sa colère, de son refus du péché. C’est vrai, et pourtant Dieu utilise l’argument de la sainteté non pas pour juger, mais pour restaurer. C’est parce qu’il est saint qu’il refuse de laisser sa colère le dominer, parce qu’il est saint qu’il agit avec amour. La sainteté de Dieu, c’est un combiné de justice et d’amour, de droiture et de grâce.

Dieu révèle dans ce texte sa façon d’agir : le mal doit être condamné, à cause de la justice de Dieu, mais cette condamnation ne peut pas être le dernier mot, à cause de la profondeur de l’amour de Dieu. La démonstration ultime du caractère de Dieu, c’est la Croix où meurt Jésus-Christ. La croix où triomphe la justice de Dieu sur le mal, sur toutes les corruptions, sur tous les mensonges, sur toutes les trahisons. Mais la croix où triomphe aussi l’amour de Dieu pour l’humanité, puisque le jugement est reporté sur le Christ et que nous recevons cette possibilité d’une deuxième chance, la possibilité d’un nouveau départ.

Dieu réaffirme sa fidélité à son peuple, et il promet de les faire revenir à lui. Légers comme des oiseaux, rapides comme des colombes, le peuple reviendra à Dieu. Ceux qui s’étaient égarés, ceux dont le cœur était endurci, ceux qui s’entêtaient dans les impasses de l’idolâtrie seront transformés en profondeur, et reviendront avec un esprit de crainte et d’adoration, ils marcheront avec Dieu sans se laisser détourner par les illusions des faux dieux. Voilà la promesse de Dieu : une restauration pour son peuple, de nouvelles bases pour une nouvelle relation d’amour.

A la Croix retentit la même promesse : ceux qui reconnaissent que Jésus-Christ a été condamné à leur place pourront être appelés fils de Dieu, ils pourront venir à lui avec légèreté, avec assurance, dans l’adoration tremblante de celui qui se sait amnistié, acquitté par grâce.

Conclusion

Cette prophétie d’Osée nous plonge donc dans les profondeurs de l’amour de Dieu : elle nous montre l’intensité de la compassion de Dieu, l’immensité de sa patience, et la vraie dimension de sa sainteté qui ne laisse pas la colère avoir le dernier mot. Dieu se révèle à nous comme un Père tendre et proche de nous, jusque dans les jugements qu’il rend.

Cette parole biblique nous conduit dans l’adoration devant un Dieu qui prend tant d’initiatives d’amour envers nous. Elle nous conduit dans la repentance parce que nous prenons conscience de l’orgueil de notre cœur et de notre obstination à pécher. Elle nous conduit aussi dans la reconnaissance et la louange, parce que nous y voyons le portrait d’un Dieu plein de grâce, qui refuse de nous abandonner et qui nous offre une deuxième chance en Jésus-Christ. Elle nous conduit enfin à nous engager à suivre Dieu sur le chemin de la compassion et de la justice, de la vérité et de la grâce.

Laisser un commentaire