Que tous soient un

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Lecture biblique: Jean 17.20-26

A quoi pense Jésus alors qu’il avance vers la mort ? Avant d’être arrêté par les soldats pour être condamné, Jésus se prépare à l’épreuve qu’il va vivre en allant prier au jardin de Gethsémané. Jésus, après avoir exprimé à Dieu son angoisse devant la mort à venir, se remet à la volonté de son Père céleste dans la prière. Dans cette prière apaisée, Jésus prie pour lui, afin que sa mort serve à honorer Dieu, il prie pour ses disciples, pour qu’ils soient gardés dans les temps troublés qui les guettent, et il finit par prier pour les croyants futurs, la partie que nous allons méditer. Là, il se projette au-delà de sa mort, de sa résurrection 3 jours après, mais aussi au-delà de son retour auprès de Dieu (l’ascension) et de l’envoi de l’Esprit (la Pentecôte, quelques jours plus tard).

Cette prière nous révèle ce qui occupe les pensées du Christ au moment de marcher vers la croix : l’église. La foule d’hommes et de femmes à qui il offre le salut, d’avance. Cette prière a la force des dernières volontés, d’un testament, de ces derniers mots qui n’expriment pas tout mais qui concentrent l’essentiel.

Jésus porte un regard sur son œuvre accomplie auprès des disciples, l’enseignement qu’il a donné, et que les disciples sont appelés à transmettre, et il confie à Dieu l’aboutissement de son œuvre : ce que l’Eglise est appelée à vivre pour profiter pleinement de ce que Jésus a accompli. Et j’aimerais m’arrêter sur deux aspects de ces dernières volontés, de cette prière de Jésus pour l’Eglise.

1)   Se centrer sur Jésus

Premièrement, ce qui ressort de cette prière, c’est que la vocation de l’Eglise est de se centrer sur Jésus. Jésus est au centre, de cette prière comme de notre foi, et l’église n’a d’autre fondement que le Christ, le Christ seul. Jésus est le chemin unique qui nous conduit à Dieu, pour la simple raison qu’il est Dieu devenu homme. C’est la spécificité de l’Evangile, de la foi chrétienne : notre conviction que ce n’est pas l’homme qui trouve Dieu, mais que c’est Dieu qui rejoint l’homme, en se faisant homme lui-même en Jésus-Christ. Jésus nous permet d’aller à Dieu car il est Dieu qui vient à nous.

Jésus nous montre Dieu : il nous dévoile ses pensées dans ses enseignements, il manifeste sa puissance dans ses miracles, il témoigne de l’amour et de la justice sans failles de Dieu lors de ses rencontres. Il ne se contente pas de rendre visible le Dieu invisible de loin, mais il nous met en relation avec Dieu. Il nous met en contact avec Dieu. C’est la différence entre voir un film biographique sur un génie de la musique et rencontrer ce génie, passer du temps avec lui, devenir son ami. En lui, nous rencontrons Dieu.

Par lui et par lui seul, nous avons accès à l’amour mystérieux de Dieu, cet amour que nous décrivons par la Trinité : Dieu en trois personnes, Dieu père, fils, Saint Esprit, un seul Dieu mais relationnel, éternellement rempli d’amour. Jésus se rend solidaire de nous dans son humanité, pour nous rendre accessible cet amour qui caractérise la vie de Dieu, pour nous associer à cet amour riche & débordant. Quand nous nous attachons à Jésus, Dieu nous aime comme il l’aime! Lorsque nous nous attachons à ce que Dieu a de plus précieux, Jésus, nous devenons ce que Dieu a de plus précieux.

Tout ce que nous vivons, notamment en église, passe au crible de ce critère-là : est-ce que Jésus est au centre ? Dans nos cultes, dans nos prières, dans nos activités, mais aussi dans notre foi : l’apôtre Paul dit aux Corinthiens qu’il ne prêche que le Christ – or Paul évoque énormément de sujets. Toutefois, dans cette diversité, il se réfère constamment au Christ, pas à d’autres penseurs, pas à d’autres sagesses : si le Christ révèle Dieu, parce qu’il est Dieu devenu homme, alors il n’y a aucun autre chemin pour comprendre ce que Dieu désire pour notre vie. C’est par le Christ que Dieu nous aime, nous sauve et nous conduit.

2)   Grandir dans l’unité

Être unis à Jésus, vivre en lui, par la foi, c’est être unis à Dieu, c’est recevoir de la richesse d’amour de Dieu qui déborde jusqu’à nous, par Jésus. Mais cette union à Dieu dépasse notre foi privée et intérieure : elle nous relie aux autres croyants attachés à Jésus. C’est la dominante de cette prière : que tous soient un, comme Dieu et Jésus sont un, parce que tous sont un avec Jésus. Que tous soient un. L’unité est au cœur des dernières volontés de Jésus, l’unité entre les croyants qui atteste que c’est bien à Dieu qu’ils sont reliés par Jésus, que c’est bien cette harmonie divine qu’ils reçoivent en Jésus, que c’est bien à cette source d’eau vive qu’ils étanchent leur soif.

Jésus donne deux commandements : aimez-vous comme je vous ai aimés, et allez dans le monde annoncer le salut de Dieu que je viens vous offrir. L’amour entre nous, l’unité qui nous rassemble, est au cœur de la mission et de la prière de Jésus. Ce n’est pas facultatif : être proche de Dieu, c’est être proche de ses proches. Etre chrétien, c’est être membre du peuple de Dieu, membre de l’église, ce que montre concrètement le baptême.

Cela dit, l’unité que Jésus appelle de sa prière n’est pas une unité de façade, un accord superficiel basé sur le plus petit dénominateur commun. L’amour n’est pas notre Dieu : Dieu est notre Dieu. Dieu est aimant, mais il est aussi la vérité, et notre unité entre croyants ne peut avoir du sens que si elle a un fondement et un but communs. Être unis entre nous, c’est d’abord être unis au Christ qui nous unit : il ne s’agit pas de tout relativiser, tout accepter, tout considérer comme équivalent, en disant que l’essentiel c’est l’amour. Non ! L’essentiel c’est Dieu ! un Dieu d’amour et de vérité !

Cette unité nous est donnée dans la foi commune à Jésus, mais elle se travaille, elle doit se parfaire – et c’est ce que Jésus demande à Dieu pour l’Eglise : parfaire l’unité qui rassemble les croyants. Et cette unité grandit lorsque nous nous centrons sur l’essentiel ensemble. Lorsque nous lisons la Bible ensemble et que nous cherchons ce qui prime pour Dieu. Lorsque nous prions ensemble et que nous demandons ce que Dieu désire pour nous. Lorsque nous nous approprions ensemble les priorités de Dieu et que nous cherchons ensemble comment réaliser la mission qu’il nous donne. L’église n’est pas seulement un lieu de ressourcement personnel – même si j’espère qu’elle l’est aussi. C’est l’endroit où nous expérimentons l’unité avec Dieu, à notre niveau, au culte qui nous rassemble, mais aussi hors du culte, dans des rencontres spécifiques qui nourrissent nos convictions communes et donnent un fondement ferme à notre amour fraternel. Plus nous nous centrons ensemble sur Jésus, plus nous serons proches les uns des autres. Plus nous sommes convaincus que Jésus prime, son œuvre, son salut, la mission qu’il nous confie, plus nous sommes prêts à mettre de côté les inévitables divergences qui pourraient nous séparer. Avant de conclure, j’aimerais juste rappeler la devise reprise par notre union d’églises évangéliques libres : « Dans les choses essentielles, fidélité. Dans les choses secondaires, liberté (droit à ne pas être d’accord, à faire les choses différemment). En toutes choses, charité. »

Conclusion            

Je crois que le monde a soif de sens, soif d’un amour que nul être humain ne peut donner, soif d’une espérance que nul projet ne peut offrir. Jésus nous ouvre les portes de la vie avec Dieu, une vie nourrie par la vérité et la justice de Dieu, abreuvée par son amour, illuminée par sa présence. Lorsque nous nous centrons sur Jésus, quitte à renoncer à ce qui est périphérique, lorsque nous nous centrons sur l’essentiel et que nous cherchons à le vivre pleinement, nous donnons un témoignage de ce sens, de cet amour, de cette espérance que l’on trouve en Dieu grâce à Jésus-Christ. Nous devenons, comme c’est la vocation de chaque communauté, un lieu de vie et de rencontre avec Dieu, la preuve qu’il est possible de rencontrer Dieu et de vivre avec lui. Que Dieu nous aide à devenir parfaitement unis au Christ et les uns aux autres, afin que son amour et sa justice soient visibles et accessibles à tous les assoiffés de notre temps.

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