Jésus, envoyé pour la justice et la paix

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Lecture biblique : Esaïe 42.1-9

Cet oracle du prophète Esaïe est bien ancien : il date de plusieurs siècles av. J.-C. A cette époque, Esaïe s’adresse, de la part de Dieu, au peuple d’Israël. Le peuple à qui Dieu s’est révélé de manière privilégiée n’a pas été à la hauteur : tout au long de son histoire, on trouve inconstance, incrédulité, idolâtrie… Tout au long de son histoire, Dieu inspire des prophètes, pour encourager le peuple à revenir à son bon sens et à marcher dans le droit chemin. Pour cela, les prophètes confrontent le peuple à la gravité de ses actes, informent sur la condamnation que ces actes méritent, et rappellent que Dieu est fidèle, malgré leur infidélité, et qu’il donnera une deuxième chance.

Esaïe a décrit avec force l’hypocrisie abominable du peuple – qui rend de beaux cultes à Dieu mais qui se comporte avec injustice au quotidien – et annoncé ce que cette hypocrisie mérite : la perte des privilèges d’Israël. Israël est donc confronté à la menace de l’exil s’il ne change pas d’orientation – mais il faudra attendre quelques siècles pour que Dieu mette finalement sa menace à exécution devant l’orgueil et l’obstination du peuple. Esaïe annonce donc la punition – mais tout de suite, et longuement, pendant plus d’un tiers du livre, il annonce la deuxième chance que Dieu va donner, grâce à un Serviteur appelé à une mission particulière.

Esaïe annonce à court terme un libérateur qui mettra fin à l’exil – c’est le roi perse Cyrus, qui effectivement a permis aux Juifs de revenir chez eux. Mais Esaïe décrit aussi, dans certains passages comme celui que nous avons lu, un Serviteur qui accomplit une libération plus profonde, plus durable, plus universelle : le Messie. Dans le N.T., Jésus et ses disciples font le lien entre ces prophéties et sa propre mission : c’est lui qui accomplit cette libération profonde, durable, universelle. Ces prophéties nous montrent Jésus sous un angle particulier, nous aident à mieux le comprendre et surtout à mieux le suivre.

1)   Choisi et soutenu par le Dieu créateur

Le Serviteur, le Libérateur de son peuple et des nations, du monde, Dieu le présente comme l’Élu, celui qu’il a choisi et qu’il soutient à 100 %.

Ce serviteur de Dieu ressemble aux autres hommes que Dieu a choisis pour conduire son peuple, des croyants qui trônent dans le panthéon juif, des figures emblématiques du peuple. Abraham, Moïse, David, Salomon, prophètes et rois, étaient considérés comme les serviteurs privilégiés de Dieu, soutenus de manière unique pour une mission unique, un peu comme des petits messies, qui transmettent la connaissance de Dieu, veillent au respect de la justice de Dieu, conduisent le peuple selon la volonté de Dieu. Eux aussi, Dieu les a choisis et soutenus. Le grand Messie continue dans cette lignée : il établit le droit et la justice, est l’intermédiaire entre le peuple & Dieu, et les peuples éloignés, jusqu’aux îles lointaines, attendent avec impatience que le Messie leur parle de Dieu ! Il fait comme Abraham, comme Moïse, comme David, mais en mieux, de manière durable et universelle.

Qu’est-ce qui permet de croire aux lendemains qui chantent ? Qu’est-ce qui permet de croire à cet oracle qui annonce la venue d’un Roi parfait et sage ? A l’époque comme aujourd’hui, le constat est plutôt du côté : « tous pourris »… Qu’est-ce qui donne du corps à cette promesse et permet d’attendre avec foi son accomplissement ? Esaïe, à plusieurs reprises, rappelle que Dieu est d’abord le Créateur. Dans notre texte, on retrouve même des évocations du récit de la création dans le livre de la Genèse : il a créé le ciel, étendu la terre, donné le souffle aux créatures (v.5). Dieu est le Créateur.

Cela nous encourage à espérer pour deux raisons : 1) Dieu est puissant ! il peut faire tout ce qu’il veut ! C’est un argument qui m’a toujours touchée : si je crois que Dieu existe et qu’il a créé le monde, alors je crois qu’il peut tout faire, même parfois des entorses aux règles qu’il a lui-même imaginées – les miracles. Si je crois que Dieu a créé le monde et tout ce qui s’y trouve, alors je crois aussi qu’il peut changer les choses de manière profonde, comme une re-création, s’il le décide. C’est le sens du dernier verset : Les 1ers événements sont déjà arrivés – maintenant, à l’avance, Dieu en annonce de nouveaux, et on peut lui faire confiance.

2) Dieu veut notre bien. Dieu a voulu peupler sa vie d’hommes et de femmes à aimer, à bénir, à inspirer. Il nous a désirés et imaginés et tissés bien plus qu’une mère attend un enfant ! Sa promesse de justice, de paix, de liberté, est fiable, puisqu’elle est faite par le Dieu qui nous a créés et qui nous aime !

2)   Pour faire œuvre de justice

Soutenu, inspiré, mandaté par le Dieu créateur, le Messie reçoit pour mission de faire œuvre de justice. Par trois fois, Esaïe insiste : le Serviteur de Dieu vient pour faire connaître le droit à tous les peuples (v.1), le faire connaître réellement (v.3) et surtout l’établir sur toute la terre (v.4). Le droit, c’est la juste manière de vivre avec Dieu et dans le monde, en participant aux projets de Dieu, en contribuant au développement sain de la création. Cela concerne notre relation avec Dieu, avec le monde, avec les autres, avec nous-mêmes : c’est simplement le fait d’honorer le Créateur et de respecter la dignité de ce qu’il a créé.

A ceux qui ne vivent pas cette relation harmonieuse et juste avec le Créateur et ses créatures – càd nous tous – le Messie doit faire connaître la vérité de Dieu, souffle de liberté qui vient réorienter les regards, les valeurs, et les comportements. Faire voir les aveugles, amener à la lumière du jour les prisonniers accroupis dans le noir, c’est, de manière imagée, amener la vérité dans un monde de mensonge, d’illusion, de tromperie. Là est l’œuvre première du Messie : faire connaître les pensées de Dieu et ses projets, souffler la vérité pour dissiper le mensonge… Et le but de découvrir la vérité, c’est de la vivre ensuite ! Il ne s’agit pas de garder ces informations dans un coin de notre tête, mais de mettre en pratique ce que nous savons être juste.

Le Messie a pour mission d’annoncer cette vérité au-delà du peuple élu, au monde entier, à tous les peuples et toutes les nations. Jésus, le Messie, comprend cette vocation universelle : je suis la lumière du monde, dit-il. Bien sûr, il n’y a pas différentes vérités pour éclairer les hommes ! Différentes manières de la présenter, oui, mais une seule et même vérité, venue de Dieu – je suis le chemin, la vérité, la vie, dit Jésus.

Lorsque Jésus enseignait, il disait : le Royaume de Dieu s’est approché. Le royaume de Dieu, où dominent justice et vérité, s’est approché, il a commencé à se révéler lorsque Jésus proclamait les projets d’amour de Dieu – il le proclamait en paroles par ses enseignements, mais aussi en actes par ses miracles. A combien d’aveugles a-t-il rendu la vue ? Combien de possédés a-t-il délivrés ? Combien d’hommes et de femmes obtus, obstinés, perdus, a-t-il éclairés de sa lumière ?

3)  Avec puissance mais dans la paix 

Le droit, la vérité, la justice, voilà ce que répand le Messie dans le monde, voilà ce que Jésus proclame et partage. Sa mission ne peut que réussir : Dieu le créateur l’inspire, le soutient, le fortifie. Ainsi, il ne se décourage pas, il n’abandonne pas, avant d’atteindre le but que Dieu lui a fixé. Il est fort de la force de Dieu lui-même ! Ce n’est pas par ses propres moyens qu’il tient, ce n’est pas de son propre fait qu’il avance, mais c’est Dieu, créateur tout-puissant, qui l’envoie et le rend fort.

Pourtant, la puissance de cet envoyé de Dieu ne ressemble pas aux puissances humaines, ni aux démonstrations de force brute, ni aux manipulations éloquentes, à la différence de bien des dirigeants qui prétendent établir la justice à coups de déportation… Le Messie établit la justice avec puissance et force, mais dans la paix. Pas question pour lui de se montrer injuste pour établir la justice ! Sans cris ni tapages, il annonce la liberté. Avec respect et douceur, il relève ceux qui sont courbés, apaise ceux qui sont usés, rallume la flamme de ceux qui vacillent.

Quel paradoxe que cette victoire sans violence ! Quel mystère que cette présence du Tout-Puissant auprès des faibles et des petits ! Le Messie fait patiemment triompher le bien et la justice, sans commettre aucun mal, sans tolérer aucune injustice. Comment cela est-il possible ? Un autre poème d’Esaïe, la semaine prochaine, nous aidera à comprendre cette victoire non violente.

Conclusion

Esaïe annonce le Libérateur, celui qui délivrera non de telle ou telle injustice, mais de toutes. Ce serviteur proche de Dieu, soutenu par Dieu, c’est Jésus, qui puise dans les trésors de son intimité avec Dieu pour les partager avec nous. Ce Messie qui annonce à tous les peuples la bonne nouvelle que le règne de Dieu, règne de justice et de paix, ce Messie, nous sommes appelés à le reconnaître et à le suivre. Jésus nous ouvre la porte du royaume de Dieu : si nous répondons à son appel, si nous saisissons la main qu’il nous tend, si nous marchons à sa suite, alors la vérité de Dieu devient notre bien le plus précieux. Un bien qui gagne à être partagé, non par force, violence, ou contraintes, mais dans la paix et la douceur, en suivant le modèle du Christ.

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