Un entourage transformé par la compassion, la miséricorde et la justice

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Lecture biblique: Michée 6.6-8

Indice de Vitalité n°4

Ces versets sont sûrement parmi les plus connus du prophète Michée un prophète du 8e siècle avant Jésus-Christ, contemporain d’Esaïe. Michée dénonce, comme d’autres prophètes, la dégradation du peuple juif qui s’est détourné de Dieu et se conduit d’une manière intolérable. Michée leur dit par exemple, au ch.3 : « vous détestez le bien et vous aimez le mal, vous avez le droit en horreur et vous rendez la justice tortueuse ! » Cela se manifeste sur le plan spirituel, vis-à-vis de Dieu, mais aussi social, dans le peuple, sous la forme de corruption, vol, violences, mensonges etc. Dans notre chapitre 6, Dieu s’adresse au peuple comme dans un tribunal, pour les confronter à leur culpabilité, alors que lui, Dieu, n’a toujours fait que le meilleur pour son peuple. En réaction, le peuple se demande ce qu’il faut apporter à Dieu pour l’apaiser, pour lui plaire, pour combler le fossé qui s’est creusé, ce à quoi le prophète annonce de la part de Dieu : « Le SEIGNEUR te fait savoir ce qui est bien. Voici ce qu’il demande à tout être humain : faire ce qui est juste, aimer agir avec bonté et vivre avec son Dieu dans la simplicité. » Cette expression, Jésus la reprend à son époque face aux juifs pieux en disant, dans Mt 23.23 : « Quel malheur pour vous, maîtres de la loi et Pharisiens, car vous êtes des hommes faux ! Vous donnez à Dieu le dixième de certaines plantes, menthe, légumes et épices. Et vous abandonnez ce qu’il y a de plus important dans la Loi, c’est-à-dire la justice, la compassion et la foi. »

Ces versets, qui résument ce que Dieu attend de nous, évidemment nous interpellent aujourd’hui et nous ramènent à l’essentiel de notre vie avec Dieu : qu’est-ce ça veut dire d’aimer Dieu, de vivre avec lui, qu’est-ce que ça implique ?

1)   Comment plaire à Dieu ?        

J’aimerais revenir rapidement au début du texte que nous avons lu, pour voir ce que ça n’implique pas.

Le peuple se pose une vraie question : comment s’approcher du Dieu très-haut, tout-puissant, saint, parfait ? La distance qui sépare le Créateur tout-puissant de ses petites créatures limitées, une distance légitime, n’est jamais considérée comme un problème dans la Bible, qui dénonce la rupture causée par notre prétention à vivre sans Dieu, notre orgueil, comme si nous étions nous-mêmes notre Dieu, notre créateur.

Le peuple cherche du coup ce qui pourrait combler ce fossé : des sacrifices de qualité supérieure (comme des jeunes veaux brûlés entièrement pour Dieu), ou, si on se concentre sur la quantité, des milliers de béliers, des dizaines de milliers de torrents d’huile en offrande ? Ils envisagent même le sacrifice ultime, donner ce qui est le plus précieux pour un parent : son enfant, sa propre chair. L’ironie, c’est que cette proposition, en vogue à l’époque de Michée sous l’influence des religions étrangères, est à l’opposé de ce que Dieu veut, lui qui a formellement interdit à son peuple le sacrifice humain.

Face à cette surenchère d’offrandes possibles, la réponse est déconcertante : Dieu attend une vie simple, marquée par la foi, la justice et la compassion, ce que le peuple est censé savoir car ce sont les valeurs clefs de la Loi de Dieu. Cette réponse est plus simple, plus réalisable que les milliers de sacrifices ! Elle est aussi plus exigeante, car elle concerne toute notre vie : pour plaire à Dieu, un acte isolé, même grandiose, ne suffit pas – c’est l’attitude du cœur, manifesté dans les gestes et les paroles de chaque jour, qui a du poids pour Dieu. Il s’agit de passer du faire à l’être, des actes ponctuels à la vie entière.

Il est vrai que certains étaient hypocrites, faisant au culte de grands salamalecs pour se dédouaner d’une vie immorale où Dieu n’avait pas de place. Je crois pourtant que d’autres, même nous, peuvent tomber dans ce piège et réduire ce que Dieu veut à certains actes, oubliant la vue d’ensemble, la dynamique globale qui compte pour Dieu. Je pense par exemple à cette question qui revient souvent sur l’offrande : faut-il donner 10% de ses biens, la dîme, en offrande ? C’est une bonne intention, mais peu importe de donner 5% ou 20% si c’est sincère, avec joie, si c’est le fruit d’une conviction nourrie par une relation riche avec Dieu qui nous motive pour participer financièrement à ses projets, à son œuvre.

Dans un autre domaine, un aumônier d’étudiants rapporte un nombre incalculable de conversations sur la sexualité, pour savoir jusqu’où on peut aller pour rester dans les clous et ne pas consommer avant le mariage. Là aussi, on part d’une bonne intention, mais se focaliser sur une limite presque géographique, risque de faire perdre de vue l’ensemble, le sens, de déconnecter la pratique des convictions sur le couple, l’intimité, la place et le sens de la sexualité, la gestion de nos désirs, etc.

Dieu se préoccupe moins de quotas, de faits concrets et limités, de quantité, que de la dynamique dans laquelle nous sommes engagés avec lui.

2)   La foi qui conduit à la justice & à la miséricorde

Pour plaire à Dieu, il faut vivre avec lui, c’est l’image de la marche ; vivre avec simplicité, dit la version Parole de Vie, ce qu’on traduit traditionnellement par humilité, mais qu’on pourrait traduire par sagesse et modestie, en opposition à l’orgueil de l’insensé. C’est la vie de celui qui s’applique à suivre le chemin de Dieu, à se laisser enseigner, conduire, interpeler, pour garder le cap vers Dieu.

Cette marche avec Dieu fait la part belle à la justice et à la miséricorde, deux éléments que Jésus a repris et qui donnent de la consistance à l’expression : aimer son prochain comme soi-même.

La justice, c’est, dans l’esprit de Michée, la justice sociale, la justice au sein du peuple, qui vient prendre le contrepied des exactions commises par les élites juives du temps de Michée. C’est s’opposer à l’injustice sous toutes ses formes : a) considérer le mensonge, la malhonnêteté, la corruption comme des pratiques incompatibles avec la foi ; b) rejeter la violence, sous forme d’égoïsme méprisant, de discriminations ou, physiquement, de violence domestique, vis-à-vis du conjoint ou des enfants, parce que cette violence est intolérable aux yeux de Dieu. C’est aussi s’engager pour la justice, en cherchant comment favoriser le respect de la dignité de chacun – je pense par exemple à un fléau de notre société, notre consommation (loisirs, transports, vêtements, technologie, consommation quotidienne) qui se fait sur le dos d’esclaves à l’autre bout du monde et aux initiatives qui visent à réduire les injustices entre les gens mais aussi entre les peuples.

Le mot bonté, dans ce texte, se traduit aussi compassion, miséricorde, amour… C’est la recherche active du bien de l’autre, avec deux nuances. La première, c’est l’amour, c’est-à-dire une démarche qui ne nous est pas extérieure mais qui commence dans notre cœur, dans notre regard sur l’autre, dans le lien qui nous unit à l’autre. Deuxième nuance, cette compassion vise tout le monde, mais en particulier les plus petits, les plus faibles, ceux qui n’ont pas d’autre ressource que de faire appel à notre compassion, à notre générosité, sans rien promettre en retour.

La compassion, cet amour généreux et actif, tout comme la justice, sont d’abord des qualités divines dans la Bible, des qualités que nous sommes appelés à découvrir dans notre marche avec Dieu, et à nous approprier, à vivre de l’intérieur : Michée nous exhorte à aimer vivre avec bonté, à vivre avec justice. Encore une fois, on est moins sur le plan d’œuvres qu’on peut quantifier que sur le plan de l’être, visible à Dieu seul, une disposition intérieure qui débouche sur un comportement global.

3)   L’impact sur notre entourage

La vie avec Dieu transforme nos motivations, nos valeurs, et du coup, change nos actes et notre comportement. Vous avez peut-être remarqué, cela étant, que la justice et la compassion sont deux valeurs qui concernent les autres. La foi n’est pas une affaire entre Dieu et nous : lorsque nous nous ouvrons à Dieu, à sa volonté, à ses valeurs, à ses projets, il nous ouvre sur les autres, il nous invite à inclure notre prochain dans notre relation avec lui. L’amour du prochain est indissociable de l’amour de Dieu – il ne s’y substitue pas, mais il en est inséparable. Notre relation avec Dieu a un impact sur notre relation avec les autres, et d’abord nos proches, évidemment, notre famille, notre église, nos collègues, nos voisins etc.

Cela est vrai à la fois sur un plan individuel que communautaire : notre vie d’église, notre façon de vivre la foi ensemble implique forcément les relations que nous avons les uns avec les autres et avec ceux qui nous entourent : visiteurs, voisins… Comment la justice et la miséricorde s’inscrivent-elles concrètement dans notre vie d’église ? Il y a déjà des initiatives de solidarité concrète, mais est-ce qu’on peut aller plus loin ? Comment intégrer, peut-être de manière plus systématique, cet amour de la justice et de la compassion dans nos projets d’église, dans notre vision ? Je pense que c’est essentiel de s’y pencher sérieusement et régulièrement, vu l’importance de la justice et de la compassion aux yeux de Dieu.

J’aimerais faire deux remarques à ce sujet.

Premièrement, la justice et la compassion effraient parce que c’est trop général, et il ne faudrait pas se laisser impressionner au point de vouloir tout faire ou de craindre de faire quoi que ce soit sous peine de ne pas en faire assez. Dieu est patient, et il se réjouit de notre dynamique, de premiers pas suivis de deuxièmes, troisièmes, dixièmes, centièmes pas. Il y a mille manières de commencer, tant seul qu’en communauté, en donnant de son temps, de ses prières, de son argent, en soutenant des projets à échelle mondiale, les parrainages du SEL par exemple, ou sur un plan local, dans notre communauté, dans notre quartier. Commencer, s’engager sur ce chemin concret de justice et de compassion.

Deuxièmement, l’écoute et l’humilité sont essentielles. D’abord avec Dieu, dans la prière pour discerner comment s’engager, avec le désir de se laisser conduire par Dieu sur son chemin. Ensuite avec les autres : il ne s’agit pas d’agir pour nous sentir mieux, mais pour que l’autre aille mieux – et cela emmène parfois vers des choses qu’on n’aurait pas envisagé soi-même. Être attentif aux besoins réels. Quelques exemples, qu’il ne faut pas reproduire mais qui peuvent nous faire réfléchir. Devant le nombre de parents isolés, certaines églises ont mis en place des garderies, des aides aux devoirs. Pour faciliter l’intégration de personnes étrangères, certains proposent des cours de français. Dans certains quartiers un peu sinistrés, des journées de nettoyage sont mises en place.

Bien sûr, il ne faut pas tomber dans l’activisme, ou dans l’hypocrisie, mais il ne faudrait pas se dédouaner non plus en prenant à la légère la justice et la compassion, qualités de Dieu, qualités qu’il nous appelle à vivre concrètement, avec lui.

Conclusion 

J’aimerais revenir à ce qu’on apporte à Dieu. L’écart demeure entre Dieu et nous, même si on essaie de vivre avec justice et compassion, aucun de nos actes ne nous rend digne de Dieu.  C’est pourquoi Dieu n’a pas demandé nos œuvres, nos mérites, nos offrandes, pour nous accueillir chez lui, mais il a fait lui-même le sacrifice ultime : son fils, son propre fils, innocent et parfait, s’est donné à notre place, pour combler ce fossé de culpabilité. Jésus-Christ, en mourant pour nous, manifeste la justice de Dieu : le mal ne reste pas impuni mais il a été expié à la croix. Par ce sacrifice, Jésus-Christ manifeste aussi la compassion, l’amour généreux et débordant, de Dieu pour nous, qui ne méritions rien : il a tout enduré pour notre intérêt.

En Christ, nous sommes pardonnés, aimés, accueillis, justifiés, délivrés, et nous découvrons la vie véritable, la vie avec Dieu. Le Christ est à la fois notre libérateur et notre modèle, le portail d’entrée et le chemin, pour une vie de justice et de compassion à l’image de Dieu.

Prière: O Dieu, tu nous as créés à ton image et tu nous as rachetés par ton fils jésus. Porte ton regard plein d’amour sur l’humanité entière : arrache l’arrogance et la haine qui infectent notre cœur, détruis les murs qui nous divisent, unis-nous par des liens d’amour. Donne-nous des yeux pour voir ceux qui souffrent, un cœur qui bat pour ceux qui sont dans la peine, des pieds et des mains pour agir en ton nom. aide ton église à ne pas s’installer dans la passivité, à ne pas juger : permets-nous de devenir une part de la solution et non pas du problème.

Montre-nous des premiers pas concrets pour bénir notre entourage en montrant ta compassion, ta miséricorde, ta justice. Apprends-nous à aimer comme Jésus.

Dans nos luttes et notre confusion, remplis-nous de ton Esprit pour que nous entrions pleinement sur ton chemin, peut-être là où nous avons peur d’aller. et que ton œuvre se réalise en nous et à travers nous pour accomplir tes projets sur la terre, afin qu’au temps que tu as fixé, toutes les nations et tous les peuples te servent en  harmonie, autour de ton trône glorieux, pour ta gloire, par Jésus-Christ notre libérateur et notre modèle. amen

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