Dieu, notre potier (Une espérance qui nous transforme 2/4)

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Regarder la vidéo du culte ici.

Nous poursuivons aujourd’hui le parcours de méditations proposé par notre Union d’églises, qui nous plonge, pendant 4 semaines, dans l’espérance que la foi nous donne, une espérance qui nous transforme. La semaine dernière, nous avons évoqué le fait de regarder vers l’horizon de ce que Dieu prévoit, un monde juste et bon, un point d’espérance, qui, logiquement, produit des changements dans notre vision des choses, et dans nos priorités. Bien plus, Dieu lui-même met la main à la pâte (comme le boulanger) ou les mains dans la terre, comme le potier, pour imprimer en nous, déjà, cet ADN d’éternité, comme un avant-goût de ce qu’il a hâte de nous faire vivre.

Cette semaine, nous allons explorer comment Dieu nous prépare à vivre avec lui pour toujours, avec l’image du potier qui façonne une matière brute pour en faire une œuvre belle – l’implication étant bien sûr, que, peu importe qui nous sommes, Dieu veut faire de nous un chef-d’œuvre qui rend hommage à sa justice et son amour. En introduction, nous sommes invités à réfléchir à notre attitude envers l’artiste, notre posture, nos attentes, et du coup, la relation que nous avons avec lui.

L’apôtre Paul touche à cette question dans sa lettre à l’église de Rome, dans un contexte un peu différent, que je vous résume rapidement (on fait un détour mais promis, on revient au potier !) : Paul écrit à des chrétiens de différentes origines, dont des chrétiens d’origine juive qui ont tellement assimilé l’idée d’être le peuple élu qu’ils ont du mal à accepter que d’autres puissent rejoindre le groupe. Paul transmet que oui, ils étaient le peuple élu pour un temps, pour une phase du projet de salut de Dieu, mais que depuis Jésus, on est entré dans une autre phase : tous, par la foi en Jésus, peuvent devenir enfants de Dieu. Le peuple juif a toujours une place dans le projet, mais ce n’est plus la même, Jésus a rebattu les cartes.

Dans son argumentation, Paul s’appuie notamment sur le fait que Dieu a toujours eu une préférence pour les petits derniers – un peu comme si le peuple juif était le frère aîné dans la famille spirituelle de Dieu : or Dieu a toujours aimé mettre en avant les petits frères (p. ex. le livre de la Genèse, sur les premiers croyants, ce n’est que ça), pour montrer que notre statut dans la société n’est pas un critère pour recevoir la faveur de Dieu. Paul anticipe alors la réponse de ceux qui le lisent : Non mais c’est n’importe quoi ! C’est injuste ! Si les grands frères perdent leurs privilèges (à l’époque, ils avaient une double part d’héritage p.ex.), qu’est-ce que ça veut dire ?

Je vais lire en commentant rapidement les références de Paul (en particulier à l’histoire juive) pour que le raisonnement soit plus clair.

Texte biblique : Lettre de Paul aux Romains 9.14-23 (Traduction Parole de vie)

14 Que faut-il en conclure ? Dieu serait-il injuste ? Certainement pas ! 

15 En effet, il dit à Moïse : « J’aurai pitié de qui je veux avoir pitié et j’aurai compassion de qui je veux avoir compassion. » (cf. Exode 33.19 : c’est le moment où il se montre à Moïse, et dans cette phrase il résume son identité)

16 Cela ne dépend donc pas de la volonté de l’être humain ni de ses efforts, mais uniquement de Dieu qui a compassion. (C’est la grâce ! La grâce, par définition, est un cadeau que l’autre nous fait librement, généreusement, sans mérite de notre part)

17 Dans l’Écriture, Dieu déclare au Pharaon : « Je t’ai établi roi précisément pour montrer en toi ma puissance et pour que ma renommée se répande sur toute la terre. » (cf. Exode 9.16. C’est le moment où Moïse doit négocier avec le pharaon la libération du peuple juif, tenu en esclavage – Moïse transmet au pharaon que même son obstination est dans le plan de Dieu, parce que c’est comme un point d’appui pour bien montrer que Dieu est prêt à tout pour sauver son peuple : comme un bras de fer, avec de la résistance, qui souligne la puissance et l’implication de Dieu)

18 Ainsi, Dieu a compassion de qui il veut et il incite qui il veut à s’obstiner.

19 Tu me diras peut-être : « Alors pourquoi Dieu nous ferait-il encore des reproches ? Qui en effet résisterait à sa volonté ? » (oui, si c’est Dieu le maître du jeu, et qu’il choisit les directions, alors l’être humain peut-il encore être tenu responsable, si c’est Dieu qui dirige l’ensemble ?)

20 Mais qui es-tu donc, toi, un être humain, pour contredire Dieu ? Le vase d’argile demande-t-il à celui qui l’a façonné : « Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? » 

21 Le potier fait ce qu’il veut avec l’argile : à partir de la même pâte il fabrique un vase précieux ou un vase ordinaire.

22 Eh bien, Dieu, en bon potier, voulait montrer sa colère envers certains vases et faire ainsi connaître sa puissance. Pourtant il a supporté avec une grande patience les personnes qui méritaient sa colère et qui s’en allaient à leur perte. 

23 Mais son but était surtout de manifester combien sa gloire est riche pour les autres vases, ceux dont il a compassion, ceux qu’il a préparés d’avance à participer à sa gloire.

Je vous avais dit qu’on reviendrait au potier !

L’argument est sec, les mots sont durs et provoquants ! Pour résumer, Dieu est dieu, il est complètement libre et il est tout-puissant : donc, il fait ce qu’il veut – basta ! S’il a envie d’aider certains et pas d’autres, c’est comme ça, il est libre – et on ne peut pas dire que c’est injuste, puisque c’est Dieu qui a créé le monde, et ses règles du jeu : tant qu’il est fidèle à lui-même, et à ses règles, il est juste.

Bien sûr que Dieu, en tant que créateur et roi, a autorité, mais ce genre d’argument nous donne l’impression que Dieu est un tyran, capricieux, péremptoire – et l’être humain a tellement souffert depuis toujours sous la main des tyrans que cela nous révolte.

En réalité, ce qui est dit de façon provocante nous aveugle sur les autres points importants dans le texte. Comment se caractérise ce Dieu plein d’autorité ? Revenons aux exemples cités.

À Moïse : “j’aime qui j’aime !” C’est un Dieu d’amour. Un Dieu qui fait tout pour sauver son peuple, qui prend sur lui, dès le départ, avec patience, pour conduire ce peuple vers la liberté et la joie. Ce même Dieu se révèle à travers Jésus-Christ : lui qui était capable de marcher sur l’eau et faire taire la tempête, qui était rempli d’une autorité que tous reconnaissaient, celui-là même s’est donné, par amour, jusqu’à la mort, la mort humiliante sur la croix, pour que nous soyons délivrés de ce qui nous détruit, pour que nous puissions entrer dans sa joie. Ce Dieu libre, puissant, plein d’autorité, affirme d’abord son droit à aimer !

Que dit-il au pharaon ? « J’accepte que tu fasses n’importe quoi parce que ça va me permettre de montrer (là, à son peuple) combien je les aime et qu’aucun obstacle ne peut m’empêcher de les bénir. » C’est dur pour le pharaon, mais Dieu ne veut pas lui faire du mal, il veut faire du bien à son peuple – comme un prof qui vous laisse faire des erreurs, aller au bout d’un raisonnement bancal pour que vous appreniez : son but, ce n’est pas votre erreur, mais ce qu’il y a derrière. Ici, la leçon, c’est que Dieu est grand, et que personne ne peut s’opposer à lui, et en particulier à son amour. En fait, c’est plutôt réconfortant !

Dans la Bible, et dans la pensée de Paul, l’idée c’est que l’être humain court à sa perte depuis qu’il s’est déconnecté de Dieu. A partir de là, toutes les fois où Dieu vient repêcher quelqu’un, c’est un cadeau, puisque normalement, selon les règles du jeu énoncées dès le départ (Genèse 2.15-17), l’être humain déconnecté du Dieu vivant n’est pas censé vivre. Donc 1/ Dieu est patient, puisqu’il nous permet de vivre alors que pour la plupart dans l’humanité, nous faisons comme si Dieu n’existait pas et n’était pas constamment en train de nous donner son souffle et sa force. Et 2/ si Dieu vient en sauver un certain nombre, c’est complètement immérité car rien ne l’obligeait à venir aimer ne serait-ce qu’un seul de ceux qui lui ont tourné le dos. Dans les deux cas, la « tyrannie » de Dieu c’est quand même de montrer son amour et de libérer.

Je précise quand même que dans l’histoire du pharaon, le pharaon est d’une arrogance incroyable : il manipule le peuple, il essaie de les arnaquer, il revient sur sa parole… Pour le coup, lui c’est un vrai tyran qui fait souffrir les autres. Dans l’histoire, on ne peut pas dire qui est le premier à décréter cette obstination : est-ce que c’est Dieu et le pharaon suit la pente ? ou Dieu, dans la phrase citée, prend-il seulement en compte l’opposition de cœur du pharaon ? Dans l’histoire d’origine on ne sait pas. Mais si Dieu est la source de tout, le moteur du monde, c’est un peu dur d’imaginer qu’il soit à la traîne de nos décisions pour simplement appuyer nos idées, comme si notre liberté était plus importante que la sienne. Du coup si la liberté de Dieu est plus forte que la nôtre, est-ce que nous sommes encore responsables de nos choix ou est-ce que nous sommes des jouets entre les mains de Dieu ?

Paul répond, mais en partie seulement: Dieu est libre. Oui, Dieu, lui, il fait ce qu’il veut – il n’a de comptes à rendre à personne. Et nous, quand bien même nous aimerions être totalement libres, en réalité nous n’avons qu’une liberté relative, dérivée, contenue dans un cadre et des limites – physiques, spatiales, temporelles, mentales, financières, psychologiques, etc. Il est hors de question de nous mettre sur le même plan que Dieu : il est le Créateur, et nous sommes les créatures.

Cela étant, nous ne sommes pas des pions pour autant, nous avons une certaine liberté – mais Paul n’en parle pas, parce qu’ici, il veut insister sur l’autorité et la liberté absolues de Dieu. Ailleurs oui, Paul reconnaît notre liberté puisque toute sa vie, il va annoncer à toutes sortes de personnes que Jésus les aime et il va les inviter à choisir cet amour.

Plus largement, dans la Bible, on trouve ces deux affirmations fortes : Dieu est souverain, tout-puissant et totalement libre, et il intervient dans notre vie, et en même temps, nous sommes responsables de nos choix devant lui, parce que nous avons une certaine liberté.

On trouve les deux, dans la Bible – pas dans ce texte, mais dans la Bible – d’où la nécessité, en particulier sur des sujets sensibles, d’être prudent en ayant conscience que la Bible a un discours riche, nuancé, parfois paradoxal, sur notre monde qui est complexe, riche, nuancé, souvent paradoxal. Il ne s’agit de lancer un verset en disant « La Bible dit que » !

Nous ne vivons pas en noir et blanc ou en système binaire, mais dans un écosystème complexe. Et dans cet écosystème, Paul insiste ici, comme avec un laser, sur un point qu’on oublie régulièrement : l’autorité de Dieu – depuis Adam et Eve, l’autorité de Dieu nous est difficile à accepter. Pourtant, Dieu est le créateur, le roi, tout puissant et totalement libre. Paul nous invite ici à nous rappeler notre place dans l’écosystème : nous ne sommes pas les chefs – nous ne sommes pas des pions, mais nous ne sommes pas le roi.

 

La souveraineté de Dieu, sa puissance et sa liberté, doivent nous conduire à une certaine humilité dans notre foi : Dieu n’a pas de comptes à nous rendre. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut jamais lui poser de questions ! Mais dans nos questions, nos demandes, nos plaintes, rappelons-nous que Dieu n’est pas notre grigri, il n’est pas à notre service, il n’a pas à se plier à notre façon de penser. Rappelons-nous sa grandeur, et soyons humbles devant lui.

Dans cette humilité de croyant, il y a aussi de la confiance, car Dieu se définit d’abord comme un Dieu aimant, et tout ce qu’il imagine, prépare, et accomplit, c’est pour répandre au maximum sa justice et sa bonté.

Humilité et confiance : c’est une position qui n’est pas facile à tenir, parce que nous aimerions savoir, comprendre, et même, pouvoir approuver tous les choix de Dieu. Mais ce n’est pas notre place. Il y a toutefois des vérités essentielles comme sa puissance et son amour prouvés en Christ, des vérités sur lesquelles nous pouvons nous appuyer – en particulier dans les moments où nous ne comprenons pas. Cela étant, c’est le principe de la foi, de la confiance, que d’accepter une part d’inconnu, une part qui nous échappe. Dieu nous échappe, mais nous en savons suffisamment sur lui pour pouvoir lui faire confiance dans les moments difficiles.

Alors quelles que soient nos questions, rappelons-nous que Dieu est pleinement puissant et pleinement bon, et qu’il fait tout pour mettre en œuvre sa justice et son amour. Que notre foi en lui puisse grandir, en humilité, en confiance, pour le suivre dans les clairs moments comme dans les heures sombres.

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