Apporter nos pépites à Dieu

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Depuis quelques semaines, nous explorons le thème de la justice. Mais dans un monde qui ne tourne pas très rond, on a parfois l’impression que nos actes de justice apportent bien peu de résultats, et que quoi qu’on fasse, c’est l’injustice qui l’emporte. Quand un adversaire est trop puissant, que les dysfonctionnements s’enracinent dans un système international ou que tout simplement, nous retombons dans les mêmes travers…

L’apôtre Jean, disciple de Jésus, écrit vers la fin de sa vie (vers 90 ap. JC) aux églises d’Asie mineure (Turquie) dans le but de les encourager à tenir ferme, sans céder au découragement – et elles avaient de quoi être découragées : elles étaient persécutées, elles baignaient dans un système économique injuste, corrompu, dans une atmosphère spirituelle complètement détournée de Dieu. Jean leur écrit parce qu’il a reçu une série de révélations, de visions, sur le fait que Dieu règne aujourd’hui (malgré les apparences, il n’est pas dépassé) et surtout, qu’il est en train de réaliser son projet, pour instaurer son royaume de justice et de paix, pour toujours.

C’est cette espérance dans le royaume qui vient, que je vous propose de nous réapproprier ce matin, avec un extrait de la dernière vision de Jean, une vision glorieuse : des nouveaux cieux, une nouvelle terre, un monde transfiguré dans lequel descend une ville, la Nouvelle Jérusalem, symbole de la cité de Dieu, symbole du peuple de Dieu. Lisons donc un extrait de cette vision.

Lecture biblique : Apocalypse 21.1-2, 22-27

1 Ensuite, je vois un ciel nouveau et une terre nouvelle. En effet, le premier ciel et la première terre ont disparu […]. 

2Et je vois la ville sainte, la Jérusalem nouvelle. Elle descend du ciel, envoyée par Dieu. Elle s’est faite belle comme une jeune mariée qui attend son mari. 

22 [là] Je ne vois pas de Temple, car le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, est son Temple, ainsi que l’Agneau. 

23 La ville n’a besoin ni du soleil ni de la lune pour y briller, car la gloire de Dieu l’éclaire, et sa lampe, c’est l’agneau. 

24 Les nations marcheront à sa lumière, et les rois de la terre y apporteront leur gloire. 

25 Ses portes ne se fermeront jamais pendant le jour — or là il n’y aura pas de nuit. 

26 On y apportera la gloire et l’honneur des nations. 

27 Il n’y entrera jamais rien de souillé, ni faiseur d’abomination ou de mensonge, mais ceux-là seuls qui sont inscrits dans le livre de la vie de l’agneau.

Une remarque de méthode avant d’aller plus loin : Jean utilise un langage imagé, très imagé ! Il intègre aussi des références aux prophètes juifs (surtout Esaïe et Ezechiel) et il ajoute ce qu’il sait, depuis la venue de Jésus. Cela donne des images et des symboles qui se superposent, destinés aux églises du 1er siècle, avec leur culture, ce qui fait qu’il faut rester prudent dans l’interprétation des détails concrets : je crois fermement à l’instauration d’un monde nouveau, mais je ne mettrais pas ma main au feu que l’éternité ressemblera exactement à ça. Jean ici donne une vision pour encourager, pas forcément une description littérale, comme on mettrait des photos sur le bon coin pour une annonce. Il y a une part de symbole, d’autant que, de toute façon, dans notre état actuel, nous ne pouvons pas imaginer complètement l’éternité de la vie avec Dieu.

Essayons de voir quand même comment cette vision façonne notre espérance.

  • La vie dans la plénitude de la présence de Dieu

Jean marque le contraste entre l’ancien, et le nouveau. Ainsi, dans cette ville sainte :

Plus de Temple – le Temple juif, déjà détruit quand Jean écrit, c’était le lieu de la rencontre avec Dieu : un lieu glorieux, mais limité, à l’accès codifié et discriminant… Il n’est pas remplacé par un nouveau Temple, mais par la présence de Dieu partout, tout le temps, visible de tous. Sa gloire remplit la ville. Le Seigneur, Dieu, le Tout-Puissant – le trois fois saint – se déploie dans toute sa densité, et tous y ont accès. Lui qui est aujourd’hui caché, distant – parce que nous sommes trop indignes pour l’accueillir – à ce moment-là, dans un monde apaisé, guéri, renouvelé, il se rendra pleinement présent.

Notez la présence de l’Agneau, c’est-à-dire Jésus, le Crucifié, sacrifié pour rembourser nos injustices, l’Agneau ressuscité est présent à côté de Dieu, et il partage sa gloire.

Plus de soleil ni de lune : c’est Dieu qui illumine, avec l’Agneau. Plus besoin de sources de lumière ici et là, imparfaites et partielles, accompagnées de leur ombre : la lumière de Dieu resplendira complètement.

Jean nous indique, incidemment, que le monde créé, la Nature qui nous entoure, sont des signes de ce que Dieu est : le plus beau des couchers de soleil, le plus majestueux des ciels étoilés, ne sont que des fragments de l’immense splendeur de Dieu, que nous pourrons contempler à loisir. Autrement dit, prenez ce qui vous émeut, ce que vous trouvez beau : ce n’est qu’un fragment de la beauté de Dieu, que nous verrons face-à-face.

La lumière est aussi symbole de sécurité, de vérité, de sûreté – opposée aux ténèbres et au mensonge. Dans la même veine, on voit que les portes de la ville ne se ferment pas : les portes, dans les murailles, se fermaient la nuit pour protéger la ville du danger. Là, il n’y a plus de danger, c’est fini : paix, sécurité, liberté.

Et on le voit, ça circule, il y a du mouvement : les peuples entrent et sortent, tous sont libres et respectés, il n’y a plus d’exploitation, de guerre, de famine…

Le mal, l’abomination, le mensonge n’ont plus droit de cité : il n’y a plus personne pour abîmer ce que Dieu a instauré. Tout est cohérent, harmonieux, marqué par l’abondance et la paix, et la vie peut s’épanouir pleinement, à la lumière de Dieu.

  • La gloire des peuples, ajoutée à la gloire divine

Une image frappante, ce sont les nations qui apportent leurs trésors à Dieu, comme un cortège d’hommages pour honorer Dieu. Elles prennent ce qu’elles ont de plus beau et elles l’offrent à Dieu. C’est inspirant, de se dire que ce dont nous sommes fiers, notre patrimoine collectif, peut honorer Dieu : en art, en savoir-faire, en gastronomie, en architecture, en couture, en génie civil, en philosophie, en initiatives sociales… comme des dessins d’enfant qui honorent notre Père, notre Dieu créateur et sauveur.

Mais je me demande si ça ne va pas un peu plus loin, car Jean utilise un mot étonnant pour parler de nos trésors : il dit que les nations apportent leur gloire (et il le dit 2 fois, donc ce n’était pas une erreur !). Leur gloire. Nos trésors peuvent paraître dérisoires devant la gloire de Dieu – après tout, même le soleil et la lune disparaîtront ! Mais Dieu les regarde comme une gloire et un honneur, des gloires ajoutées à sa gloire, des gloires intégrées à sa gloire.

Imaginez… Imaginez un père, artiste peintre, qui prépare une grande fresque sur les murs de la ville : ses enfants lui apportent leurs dessins maladroits, et il les accroche dans sa fresque, en plein milieu de son œuvre. Imaginez un compositeur qui écrit une œuvre triomphale pour un orchestre de talent, et qui choisit d’intégrer la nouvelle clarinettiste dans un solo. Imaginez encore une mère qui prépare de délicieux cookies et qui laisse ses enfants y ajouter des pépites de chocolat, en fin de préparation. Eh bien, dans sa gloire éclatante, Dieu choisit d’intégrer nos pépites.

Je n’en reviens pas de voir à quel point Dieu est généreux : lui qui est tout, qui a tout, qui peut tout, qui surpasse tout, quand il remplira le monde de toute sa plénitude, il n’écrasera personne, mais au contraire, quand il aura toute la place, il nous fera une place, il intègrera tout que nous avons fait de beau, de bon, de juste et de vrai, à sa gloire, comme des pépites dans ses délices éternels.

Cela ne devrait pas nous étonner, parce que Dieu est comme ça depuis le début : à la création, dans la Genèse, il fait de l’être humain son ambassadeur dans le monde, appelé à cultiver et développer ce qu’il a semé. Lorsque Jésus vient annoncer la Bonne Nouvelle du salut, Dieu fait des croyants ses ambassadeurs à nouveau, ses partenaires dans le partage de l’amour de Dieu – il pouvait agir seul ! Mais non, il fait de nous ses partenaires. Et c’est vrai jusque dans l’éternité : il nous associe à son œuvre, il nous associe à sa gloire.

Entendons-nous bien : ce que nous faisons de bien n’est pas vraiment de notre fait – c’est l’Esprit de Dieu qui nous inspire, nous pousse, nous tire, nous coache, pour nous donner la joie de participer à l’œuvre vivante et vivifiante que Dieu réalise, dans ce qui est visible et invisible. Imaginez une célèbre pianiste, qui invite une jeune élève à jouer à quatre mains dans une grande salle de concert : évidemment, elle la prépare en amont ! elle lui montre comment faire, elle lui apprend, dans le but d’expérimenter cette joie complice de jouer ensemble. Sa joie déborde. Dieu ne nous laisse pas spectateurs de sa virtuosité, mais il nous invite par son Esprit à expérimenter cette complicité dans son œuvre : il est tellement fier (glorifié) quand nous sommes heureux avec lui et en lui. Quelle grâce !

  • L’impact de notre espérance sur le quotidien

Après quelques dimanches sur le thème de la justice, dans un contexte marqué par les inquiétudes, les questions, les élections, cette vision de Jean nous rappelle quelques fondamentaux.

D’abord, le royaume de justice et de paix n’est pas encore établi (au cas où vous en doutiez !), et nous sommes invités à attendre avec espérance : sa justice et sa paix vont s’établir – parole de Créateur ! Il nous appelle à relever la tête pour tourner nos yeux vers l’horizon, en nous accrochant à sa promesse. L’Agneau ressuscité est le garant que cette promesse est vivante, solide, en route.

Puisque la perfection est pour « demain », il est logique (atrocement douloureux et frustrant, mais logique) que le monde d’aujourd’hui soit encore dans l’injustice. Notre espérance s’accompagne de réalisme pour aujourd’hui : même si Dieu est présent, il agit pour l’instant en coulisses, par petites touches, avant de se révéler au grand jour.

A la lumière de cette espérance, nos actes d’aujourd’hui sont des avant-goûts du Royaume, mais pas seulement : ce sont aussi des pépites dont Dieu se délectera pour l’éternité. Ce que nous vivons aujourd’hui, avec maladresse et imperfection, certes, mais marqué par l’amour, la fraternité, l’hospitalité, la patience, l’endurance, la vérité, la justice, la paix, la beauté, la minutie, la créativité, la joie, la sagesse, le courage,… ce que nous vivons, et faisons, aujourd’hui, aussi simple et temporaire que cela paraisse, tout a de la valeur, parce que Dieu, dans son incroyable générosité, donne le poids de l’éternité, le poids de la gloire, à tout ce qui est bon et beau, juste et vrai.

Alors que Dieu nous inspire, aujourd’hui, demain, dans les moments simples du quotidien, pour créer avec lui, dans la complicité de son Esprit, des pépites à la saveur éternelle. Que gloire lui soit rendue !

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