La Croix: une folie!

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Regarder la prédication en vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=JuaASAonr1Q

Il n’est pas toujours facile d’assumer sa foi devant les autres. Même dans un cadre privé et relativement bienveillant, avec des amis par exemple, notre foi paraît tellement décalée que nous pouvons être dans l’embarras pour décrire, expliquer, notre foi. On est gênés !

Il y a du surnaturel dans ce que nous croyons, qui s’entrechoque avec un discours ambiant censé être logique. Je dis « censé » parce que nombre de nos contemporains, sous un vernis rationnel, ont en réalité des convictions non rationnelles – le nombre de personnes qui consultent des voyants, qui croient dans les lois de l’attraction ou dans le karma, qui croient aux esprits… est impressionnant !

Cela dit, quand j’étais jeune , étudiante, le nombre de fois qu’on m’a dit : « je ne crois pas en Dieu, je suis trop cartésien ! » ce qui sous-entendait quoi ? Qu’il fallait être stupide pour croire ? Accessoirement, on fait difficilement plus cartésien que Descartes lui-même – et Descartes était profondément croyant !

D’autres me disaient : « ah non, moi je n’ai pas besoin de cette béquille, je m’en sors tout seul » là encore, c’est agréable à entendre : celui qui croit est un faible ? un nul, quoi !

Alors devant ces réactions, et toute leur déclinaison, on peut être tenté de simplement taire notre foi, pour éviter les problèmes, ou de rendre notre foi acceptable, de relativiser ce qui choque et d’interpréter autrement.

Cet embarras, et les tentations qui vont avec, nous ne sommes pas les premiers à le ressentir. Déjà les premières générations de chrétiens, très vite après la mort de Jésus (au 1er s.), se sentent en décalage avec le discours ambiant. C’est le cas dans l’église de Corinthe, ville grecque et cosmopolite, où l’Evangile s’écarte à la fois du discours juif, et de la mentalité grecque, très marquée par la philosophie et la recherche du rationnel.

L’apôtre Paul, au début de sa première lettre aux Corinthiens, prend le temps d’aborder le côté embarrassant de l’Evangile.

Lecture biblique : 1 Corinthiens 1.18-25 (TOB)

18 La parole de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d’être sauvés, pour nous, elle est puissance de Dieu.

19 Car il est écrit (chez le prophète Esaïe) :

Je détruirai la sagesse des sages et j’anéantirai l’intelligence des intelligents.

20 Où est le sage ? Où est le docteur de la loi ? Où est le raisonneur de ce siècle ? Dieu n’a-t-il pas rendue folle la sagesse du monde ?

21 En effet, puisque le monde, par le moyen de la sagesse, n’a pas connu Dieu dans la sagesse de Dieu, c’est par la folie de la prédication [de la croix] que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient.

22 Les Juifs demandent des signes, et les Grecs recherchent la sagesse ; 23 mais nous, nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens, 24 mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu.

25 Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes.

 

Un non-sens      

Dans l’église de Corinthe, on apprend par la lettre que beaucoup sont en prise avec l’orgueil, et cherchent toujours à faire mieux, à avoir plus d’influence, à aller plus loin ! Ca pose un certain nombre de problèmes dans l’église, que Paul va aborder, mais le principe de toutes ses réponses est ici : il faut revenir à la base, à la Croix, toujours à la Croix.

La Croix est non négociable, pour le chrétien, même si elle est embarrassante. Paul insiste, presque avec délectation : la Croix est une folie.

[v.18-20] Il commence par affirmer que la Croix va à contre-courant de la sagesse humaine. La Croix, ici, c’est bien sûr l’événement de la mort du Christ mis en croix par les Romains, mais c’est aussi toute la démarche de l’abaissement du Fils de Dieu qui se fait homme, plus bas que les hommes, pour relever l’humanité. Dès Noël, Dieu s’abaisse pour nous rejoindre.

En gros, le moyen pour accepter la Croix, c’est la foi. Si on en reste seulement à la spéculation intellectuelle, cette « théorie » est trop choquante pour être acceptée.

[v.22-23] La Croix est choquante parce qu’elle va à contre-courant de ce que nous attendons. Paul mentionne alors les deux grandes catégories de gens qu’il connaît bien : les Juifs, et les non-Juifs qui sont de mentalité grecque. Ces deux mentalités correspondent assez bien à deux systèmes de valeur courants.

D’un côté, les Juifs, qui réclament des signes miraculeux – on le voit à plusieurs reprises dans les Evangiles. Ils veulent de la puissance ! Du pouvoir ! Des gestes forts, quelqu’un qui impressionne ! Un leader ! Leur Dieu, créateur, tout-puissant, saint, est un Dieu majestueux ! Pour croire en Jésus, il leur faut cette puissance. Même aujourd’hui, on retrouve cette attente de l’homme fort, celui qui impressionne, celui qui fascine et fait vibrer, qui nous fait vivre des expériences… parfois jusqu’au gourou !

De l’autre côté, les Grecs réclament logique, sagesse, rigueur et esprit mathématique. On veut du rationnel ! Là aussi, c’est aujourd’hui très prégnant !

Or l’événement de la Croix évite toutes ces attentes.

Même si Jésus a fait des miracles, il meurt comme le dernier des perdants. Pour nous, la croix c’est un bijou ou un signe plus ou moins esthétique, mais il y a 2000 ans, la croix c’est une guillotine, c’est la honte totale. Pour un Juif de l’époque, mourir sur le bois, c’est le signe de la condamnation divine – comment un Sauveur pourrait-il être maudit ?

Pour les Grecs aussi, la croix, c’est le châtiment qu’on n’infligerait jamais aux citoyens, le plus humiliant, comme si on avait jeté Jésus dans une déchèterie. Comment un Dieu qui se respecte pourrait-il, non seulement devenir créature, mais en plus accepter cette humiliation ? Ca n’a aucun sens !! C’est fou ! La source de vie qui endure la mort ! Non, c’est inacceptable !

Entre parenthèses, les difficultés à adhérer à la folie de la Croix chez les Juifs et les Grecs, attestent que l’Evangile n’est pas un message plaisant pour l’être humain. Si c’était une invention humaine, pourquoi aller inventer quelque chose qui choque autant ? Et on n’a pas parlé de la résurrection, du rejet du racisme ou de la fraternité entre maîtres & esclaves… L’Evangile n’a pas les ingrédients pour être populaire à son époque.

La folie de Dieu

[24-25] Et Paul n’essaie pas de justifier. Il accepte. Oui, c’est fou ! C’est incompréhensible ! La Croix va à l’encontre de tous nos réflexes, de toutes nos théories, de tous nos systèmes. Nous éprouvons, durement, notre nullité personnelle, nos hontes, et tout ce qui nous déforme : la réponse de Dieu n’est pas de donner des clefs pour nous optimiser ou nous améliorer, dans le but que nous devenions une bonne personne – il devient un homme comme nous, en Jésus, pour les porter, et il en meurt, de nos hontes et de nos nullités.

Alors ça n’a pas de sens, ou plutôt ça dépasse nos sens, mais c’est la seule chose qui marche. Que Dieu fait homme, vienne prendre nos travers sur ses épaules, pour nous en délivrer.

D’ailleurs, quand est-ce que la loi de plus fort nous a libérés du mal ? de la mort ? quand est-ce que l’intensité d’une expérience nous a fait devenir meilleurs ? Malgré nos bonnes résolutions, nous retombons dans nos travers… Quand est-ce que les théories et les philosophies ont changé le réel – pas notre point de vue ! le réel ? Paul souligne même que nos théories ne nous ont pas permis de comprendre Dieu, de le rejoindre (au v.21), ce qui est un signe de sagesse divine, car on se serait encore enorgueilli d’avoir trouvé Dieu – comme si c’était possible d’atteindre le Tout-Puissant, avec nos petits bras et nos petites idées, si celui-ci ne se révélait pas à nous !

Dieu vient à nous dans la folie de la Croix parce que nous sommes dans une situation insensée : les enfants que Dieu a créés ont fugué ! Ils vivent sans penser à lui, dilapidant des biens sans se demander d’où ils viennent, étourdis par un tourbillon d’activités, par l’illusion d’une vie réussie sans connexion à celui qui les fait vivre, enclins à blesser ceux qui les entourent, par égoïsme ou par ignorance. Il faut un acte fou pour renverser la folie de nos situations, pour rétablir la connexion avec Dieu.

Pour déchirer la mort et la vaincre, il fallait que le Vivant lutte avec elle. Pour anéantir le mal sans anéantir ceux qui le commettent (c’est nous !), pour pardonner tout en restant juste, seul le Sage qui déborde nos petits cadres logiques pouvait trouver une solution efficace. Pour payer les dommages & intérêts aux victimes sans faire payer le coupable, le Juge a préféré endurer lui-même la peine de mort, même si c’est la pire des humiliations et la pire des souffrances.

Oui, la Croix paraît faible et folle, mais c’est un acte de victoire – le Christ a triomphé du mal – et la meilleure solution à nos problèmes humains : Dieu plonge dans la boue pour nous rejoindre et nous en sortir. Par la foi, peu importe l’arrière-plan spirituel ou philosophique (juifs et grecs), par la foi nous pouvons saisir cette réalité.

 Un amour fou

Derrière la folie de la Croix, ce qui émerge, c’est la folie de l’amour de Dieu pour nous. Oui, Dieu éprouve pour nous un amour fou.

Le Dieu qui s’abaisse pour nous rejoindre est un Dieu qui nous choque parce qu’il agit avec passion. On est prêts à entendre que Dieu est amour, même dans la société, oui, mais on imagine plutôt un Dieu qui aime poliment, un Dieu convenable, bien élevé, un Dieu serein qui nous regarde avec bienveillance depuis son trône, avec un petit sourire qui n’engage à rien. Un Dieu raisonnable ! Mais ce Dieu-là ne nous donne pas d’espoir… Il nous sourit mais ne nous tend pas la main.

Or nous avons besoin d’un Dieu « fou », peut-être pas souriant ou paisible, mais qui descend de son trône pour nous rejoindre dans la boue. Imaginez un père dont l’enfant n’est pas rentré cette nuit : il n’est pas beau, ni souriant, ni paisible. Il a des cernes, les traits tirés, mal au ventre, il fait le tour du quartier, il harcèle les amis de son enfant pour en savoir plus. La croix nous dit que Dieu ressemble à ce père-là, qui nous aime à la folie.

Assumer le scandale de la Croix

Pour les Corinthiens ou pour nos contemporains, tentés par des systèmes de sagesse sophistiquée ou par la recherche de démonstrations impressionnantes, la démarche de Dieu en Christ, sur la croix, est difficile à assumer. Mais notre embarras, il faut le supporter ! Nous n’avons pas d’autre solution – si nous arrangeons la Croix pour la rendre plus acceptable, pour faire de Jésus un simple témoin persécuté de la justice par exemple, ce n’est plus Dieu qui nous sauve, c’est un prophète admirable, mais en rien la preuve de l’amour de Dieu pour nous.

Ne nous laissons pas impressionner par les réactions parfois méprisantes et qui se veulent plus « logiques »… Ce qui serait fou, c’est de croire que l’être humain a tout compris  et que Dieu devrait se conformer à nos critères, rentrer dans nos systèmes… Mais Dieu est tellement plus grand ! sa logique dépasse, déborde, parfois dérange la nôtre : Il n’est pas « comme nous mais en plus grand », il est autre. Heureusement, sinon d’où viendrait l’aide pour sauver notre monde ?

Alors, oui, il faut faire des efforts pour expliquer le plus clairement possible notre foi, faire des efforts pour viser la cohérence et la crédibilité – et Paul l’a fait ! – mais le cœur de la Croix restera toujours une folie qu’on ne peut pas complètement justifier, expliquer, rationaliser, et qui oblige chacun à se positionner : est-ce une folie / un non-sens ? Ou est-ce une folie qui sauve ? Est-ce une folie qu’on rejette, ou une folie qu’on accueille comme on accueille une déclaration d’amour passionnée ?

Une réflexion sur « La Croix: une folie! »

  1. Merci Florence pour cet enseignement mettant bien en exergue la folie de La Croix et de l’amour de Dieu. En particulier aller à l’encontre de ce que nous avons tous tendance à faire naturellement pour rendre le message “acceptable” de nos contemporains est fondamental. Il nous faut rester vrai à l’image de Paul face à la folie de La Croix, c’est cette folie qui peut bousculer nos vies et notre monde.

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