Jésus, serviteur de Dieu

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Lecture biblique: Esaïe 50.4-11

Ce matin je vous invite à lire un passage tiré du livre du prophète Esaïe. Quelques mots pour resituer le contexte du livre. Environ 800 ans avant JC, le prophète confronte le peuple au mal qui le ronge, et annonce les conséquences de ce qu’ils vivent depuis plusieurs siècles. Mais au-delà du jugement, Esaie apporte aussi une espérance. Lorsque le peuple aura tout perdu, notamment ses illusions et son orgueil, Dieu les rejoindra, et les conduira sur le chemin du salut. C’est effectivement ce qui arrive : au 6e siècle, le peuple est déporté, mais le siècle suivant, il retrouve son pays et un semblant d’autonomie. Sauf que le salut qu’avait décrit Esaie dépasse largement ce que vit Israël à son retour : en fait, le prophète annonce un salut global et profond, apporté par un homme, un personnage mystérieux, qu’il appelle « Serviteur de l’Eternel » – c’est une figure du Messie, du Sauveur. Le passage que je vais lire, dans Es 50, est un de ces « chants du Serviteur » qui annoncent le Christ.

4 Le Seigneur DIEU m’a donné le langage des disciples, pour que je sache soutenir par une parole celui qui est épuisé ; chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille, pour que j’écoute à la manière des disciples.
5 Le Seigneur DIEU m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas rebellé et je ne me suis pas dérobé.

6 J’ai livré mon dos à ceux qui me frappaient et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe ; je ne me suis pas détourné des insultes et des crachats.
7 Mais le Seigneur DIEU m’a secouru ; c’est pourquoi je n’ai pas été confus, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage semblable à du granit, sachant que je n’aurais pas honte.
8 Celui qui me justifie est proche : qui veut m’accuser ? Comparaissons ensemble ! Qui s’oppose à mon droit ? Qu’il s’avance vers moi !
9 Le Seigneur DIEU viendra à mon secours : qui me condamnera ? Ils tomberont tous en lambeaux comme un vêtement, les mites les dévoreront.
10 Qui parmi vous craint le SEIGNEUR, en écoutant son serviteur ? Quiconque marche dans les ténèbres et manque de clarté, qu’il mette sa confiance dans le nom du SEIGNEUR et qu’il s’appuie sur son Dieu !
11 Vous tous qui allumez un feu, vous qui vous armez de projectiles incendiaires, allez dans votre feu, dans la fournaise, avec les projectiles incendiaires que vous avez enflammés ! C’est par ma main que cela vous est arrivé ; c’est pour la souffrance que vous vous coucherez !

En ce dimanche des Rameaux, nous nous rappelons l’entrée de Jésus à Jérusalem, une semaine avant Pâques, une semaine à l’intensité maximale, car si la situation paraît favorable lorsque Jésus entre à Jérusalem sous les « vivat » de la foule, nous savons qu’elle va se retourner de façon dramatique, et que dans quelques jours, la foule criera à Pilate : « crucifie-le ! ». Jésus sera accusé, jugé, mis à mort. Nous le savons, car nous connaissons l’histoire, mais Jésus le savait aussi : en entrant à Jérusalem, il marche résolument vers la Croix.

Dans cette semaine qui nous mène jusqu’à Pâques, je vous invite à laisser le prophète Esaie conduire notre méditation, avec le regard particulier qu’il porte sur Jésus, des siècles à l’avance.

  • A l’écoute de Dieu 

« Le Seigneur m’a donné le langage des disciples, chaque matin il éveille mon oreille pour que j’écoute à la manière des disciples. » (v. 4) Le Sauveur est d’abord un élève, il est d’abord celui qui écoute Dieu. Chaque matin, chaque matin, le Messie est à l’écoute de son Dieu, il puise auprès de lui les paroles, les gestes, les attitudes qui vont le diriger. Dans ces moments-là, il se laisse former, façonner, pour devenir celui qu’il est appelé à être, pour apprendre de Dieu comment remplir sa mission. Quelle est sa mission ? Soutenir par la parole celui qui est épuisé.

Donc le Sauveur est d’abord un élève à l’écoute de Dieu : celui qui va relever les autres commence par s’agenouiller devant Dieu dans la prière et la méditation de la Parole de Dieu. Sans orgueil, sans prétention, il n’avance pas en roulant des mécaniques pour montrer sa force, mais il avance humblement, comme un simple croyant, sans se mettre en avant : tout ce qu’il donne, il l’a puisé auprès de Dieu, tout ce qu’il dit, il l’a entendu, tout ce qu’il fait, il l’a appris. Jésus priait, chaque nuit, Jésus se ressourçait auprès de Dieu, pour être sûr de tout vivre droitement, de dire les paroles divines, les paroles qui donnent la vie, qui donnent du sens, à ceux qui l’entouraient. Jésus, le meilleur des hommes, parfait, saint, juste : Jésus est d’abord un disciple, le disciple de Dieu. Lui le plus grand, le plus puissant, était petit devant son Père, humble, attentif, désireux d’apprendre. C’est ce qui fait de lui un serviteur fiable : il ne transmet que les pensées de Dieu ! C’est ce qui fait qu’on peut croire ce qu’il dit, et le suivre avec confiance. Mais il nous donne aussi un modèle : chaque matin (ou soir, ou midi), régulièrement, comme on mange et comme on boit, régulièrement, ouvrir nos oreilles à Dieu, nous mettre à son écoute, pour puiser auprès de lui ce dont nous avons besoin chaque jour. Comme on a besoin de nourriture physique, on a besoin de ce temps avec Dieu, de ce pain spirituel, quels que soient notre âge ou notre expérience, parce que même Jésus, le plus saint des hommes, en avait besoin.

  • Face à l’opposition

Alors, notre Serviteur écoute Dieu, et il lui obéit (« je ne me suis pas rebellé » v. 5). Et son obéissance le mène sur un chemin terrible, fait d’injures, d’attaques et d’accusations. C’est d’autant plus terrible que le Serviteur est innocent. D’ailleurs, il interroge ses adversaires : pourquoi l’accuser ? en quoi a-t-il mérité cette haine, cet acharnement, lui qui obéit simplement à Dieu ? Dans cette espèce de procès, le Serviteur est condamné alors qu’il est innocent – Esaïe ne dit pas encore pourquoi le Serviteur doit passer par ce chemin, on le saura quelques chapitres plus tard : « Ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est chargé. Nous le pensions frappé par Dieu (coupable), mais il était transpercé à cause de nos transgressions, écrasé à cause de nos fautes » (Es 53.4-5). Il a accepté de porter la condamnation que nous méritons, pour que nous soyons déclarés justes par la foi, et que nous puissions vivre avec Dieu.

Mais tout en sachant quel destin l’attend, le Serviteur avance, avec détermination. Le Serviteur affronte son épreuve, déterminé à aller au bout, parce qu’il veut suivre Dieu plus que tout. « Je ne me suis pas rebellé, je ne me suis pas dérobé, j’ai livré mon dos, j’ai livré mes joues, je ne me suis pas détourné, j’ai rendu mon visage semblable à du granit » : il n’est pas passif, il n’avance pas sur ce chemin à reculons, mais il y va sans réserves, il se donne tout entier.

Luc dit que quand Jésus a décidé d’aller à Jérusalem, sachant ce qu’il allait y trouver, il a durci son visage (Lc 9.51), il a pris une ferme résolution : combien de fois Jésus aurait-il pu échapper à son destin ? Pourtant il avance. Quand les soldats le giflent, il tend la joue gauche. Quand ils l’insultent, il pardonne. Jésus, sur son âne le dimanche des Rameaux, n’avait peut-être pas l’air très détendu… Peut-être avait-il ce visage dur, ferme, résolu, déterminé à aller au bout de ce chemin de souffrance, d’injustice et de mort.

Comment peut-il avancer ainsi ? Comment peut-il aller au-devant de l’injustice et de la souffrance ? Parce que Dieu est son secours. Dieu est près de lui, proche, prêt à le défendre, à proclamer sa justice. Et si Dieu est pour lui, qui sera contre lui ? Si Dieu, le Juge, le Créateur, le Roi, déclare que son serviteur est juste, quelle accusation pourra tenir ? Jésus, le jour des Rameaux, discerne la Croix qui l’attend au bout du chemin. Mais au-delà, il discerne la résurrection, la preuve que Dieu apportera de son innocence et de sa justice.

  • Dans l’épreuve, faire confiance

Le texte se termine en interpellant deux catégories de gens : ceux qui l’accusent, et contre qui va se retourner leur propre violence, et ceux qui cherchent à écouter Dieu et qui ont compris que le Serviteur les conduira au salut. « Qui, parmi vous, respecte Dieu en écoutant son Envoyé ? Quiconque marche dans les ténèbres et manque de clarté, qu’il mette sa confiance dans le nom du Seigneur et s’appuie sur son Dieu ! » Cette phrase est surprenante. Elle ne dit pas : « Celui qui est dans les ténèbres, qu’il respecte Dieu, et la lumière brillera pour lui ! ». On associe pourtant plus naturellement la vie avec Dieu à la lumière, sans ténèbres, mais le texte biblique nous invite à la nuance et au réalisme : celui qui croit, qui est fidèle, qui fait tout pour suivre Dieu, peut se retrouver dans les ténèbres.

Même si le chemin que Jésus a emprunté est unique – c’est un chemin de rédemption –, en suivant Jésus pour mieux connaître Dieu, nous pouvons nous retrouver sur un chemin semblable. « Que celui qui veut venir après moi se charge de sa croix » (Mc 8.34). Que ce soit la persécution, l’épreuve, la tentation, le croyant passe par des ténèbres, extérieures ou intérieures – et Dieu ne les dissipe pas forcément tout de suite. Le Serviteur ne donne pas d’explications, seulement un témoignage : tenez bon, appuyez-vous sur Dieu – sous-entendu : Dieu vous portera secours comme il le fait avec moi. La seule « recette » dans les ténèbres, c’est de lever les yeux vers Dieu, sans se décourager. Dans la difficulté, on s’imagine parfois que Dieu nous a laissé tomber, qu’il est indifférent ou impuissant, alors on est tenté d’abandonner, de s’asseoir sur le bord du chemin ou de choisir carrément un autre chemin. Mais le texte nous invite à voir nos ténèbres autrement : Dieu est proche, il est tout près, il marche avec nous dans nos ténèbres, et il nous donne la vie, si nous persévérons sur son chemin. Dieu ne dissipe pas toutes les ténèbres, mais il vient les traverser avec nous pour nous conduire à la vie. Voici un témoignage de Steven C. Chapman, chanteur de louange américain, qui décrit comment il a réagi au décès de sa fille adoptive, de 5 ans :

« Comment ta femme et toi avez réagi à la mort de votre fille, Maria ? »

– Mon épouse et moi avons eu beaucoup de moments difficiles. On en pouvait s’empêcher de penser : « Est-ce qu’on a raté quelque chose ? Est-ce qu’on a eu tort de l’adopter ? Si on ne l’avait pas fait, est-ce qu’elle vivrait encore ? On a vraiment essayé de faire les choses bien, et maintenant voilà ce qui nous arrive. Est-ce qu’on ne devrait pas avoir un meilleur sort ? »

Mais quand je me penche sur la situation du monde, je vois que la souffrance fait vraiment partie de l’expérience humaine. Grâce à mon travail, j’ai pu beaucoup voyager et découvrir différente cultures. Nous vivons dans une culture qui peut être très isolée de la large souffrance qu’expérimente autrui, et avec ça vient le sentiment que tout nous est dû. Nous disons : « Hé, Dieu, j’ai fait toutes ces bonnes choses. Est-ce que je ne pourrais pas avoir un meilleur sort ? »

Mais Jésus nous dit : « dans ce monde, vous allez avoir des problèmes. » mais ensuite il dit : « mais prenez courage. J’ai vaincu le monde. » Il dit qu’il y a une autre histoire en train de s’écrire en parallèle, et si je ne croyais pas ça, je serais un homme en colère et extrêmement amer. La mort de Maria a souligné et cristallisé ce que je savais et ce que je croyais, et cela l’a rendu plus réel. Quand il n’y avait plus rien d’autre à quoi m’accrocher, je me suis entendu dire : « Dieu, je vais te faire confiance et te louer, et ce n’est pas parce qu’il y a une audience qui m’écoute. Je vais bénir ton nom, que tu donnes ou que tu reprennes. »

Auparavant, j’étais déjà descendu à 20 mètres sous le niveau de la mer, et j’avais pensé qu’il faisait noir là-dessous, mais que Dieu était avec moi. Une fois que j’ai été poussé à 20 000 mètres sous le niveau de l’eau, là où il faisait plus noir que je ne pouvais l’imaginer, j’ai découvert que c’était encore vrai. (publié dans Christianity Today, mars 2017, p. 60).

Si nous tenons malgré les difficultés, si nous nous appuyons sur Dieu en suivant Jésus malgré tout, alors cette assurance qu’avait le Serviteur devient la nôtre :

31 Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?

32 Même à son Fils, Dieu n’a pas évité la souffrance, mais il l’a livré pour nous tous. Alors, avec son Fils, il va tout nous donner gratuitement.

33 Qui peut accuser ceux que Dieu a choisis ? Personne ! En effet, Dieu les rend justes.

34 Qui peut les condamner ? Personne ! En effet, le Christ Jésus est mort, de plus, il s’est réveillé de la mort : il est à la droite de Dieu et il prie pour nous.

35 Qui peut nous séparer de l’amour du Christ ? Est-ce que c’est le malheur ? ou l’inquiétude ? la souffrance venant des autres ? ou bien la faim, la pauvreté ? les dangers ou la mort ?

37 Mais dans tout ce qui nous arrive, nous sommes les grands vainqueurs par celui qui nous a aimés. 38 Oui, j’en suis sûr, rien ne pourra nous séparer de l’amour que Dieu nous a montré dans le Christ Jésus, notre Seigneur.                     (Romains 8.31-39).


 

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